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suppression de l’une et de l’autre implique la pré­sence des deux. Enfin si l’on passe outre, si, de parti pris, on ferme les yeux sur ce mouvement de l’esprit et sur tout ce qu’il suppose, on n’a plus affaire à une idée, et du désordre il ne reste qu’un mot. Ainsi le problème de la connais­sance est compliqué, et peut-être rendu insoluble, par l’idée que l’ordre comble un vide, et que sa présence effective est superposée à son absence virtuelle. Nous allons de l’absence à la présence, du vide au plein, en vertu de l’illusion fondamentale de notre entendement. Voilà l’erreur dont nous signalons une conséquence dans notre dernier chapitre. Comme nous le faisions pressentir, nous n’aurons définitivement raison de cette erreur que si nous la prenons corps à corps. Il faut que nous la regardions bien en face, en elle-même, dans la conception radicalement fausse qu’elle implique de la négation, du vide, et du néant<ref>L’analyse que nous donnons Ici de l’idée de néant (pp. 275 à 298) a déjà paru dans ''la Revue philosophique ''(novembre 1906).</ref>.
2 08 MÉCANISME ET CONCEPTUAL1SME


Les philosophes ne se sont guère occupés de l’idée de néant. Et pourtant elle est souvent le ressort caché, l’in. visible moteur de la pensée philoso­phique. Dès le premier éveil de la réflexion, c’est elle qui pousse en avant, droit sous le regard de la conscience, les problèmes angoissants, les questions qu’on ne peut fixer sans être pris de vertige. Je n’ai pas plutôt commencé à philosopher que je me demande pourquoi j’existe ; et quand je me suis rendu compte de la solidarité qui me lie au reste de l’univers, la difficulté n’est que reculée, je veux savoir pourquoi l’univers existe ; et si je rattache l’univers à un Principe immanent ou transcendant qui le supporte ou qui le crée, ma pen­sée ne se repose dans ce principe que pour quelques
suppression de l'une et de l'autre implique la présence
des deux. Eniii; si l'on passe outre, si, de parti pris, on
ferme les yeux sur ce mouvement de l'esprit et sur tout
ce qu'il suppose, on n'a plus affaire à une idée, et du
désordre il ne reste qu'un mot Ainsi le problème de la
connaissance est compliqué, et peut-être rendu insoluble,
par l'idée que l'ordre comble un vide, et que sa présence
effective est superposée à son absence virtuelle. Nous
allons de l'absence à la présence, du vide au plein, en
vertu de l'illusion fondamentale de notre entendement.
Voilà l'erreur dont nous signalions une conséquence dans
notre dernier chapitre. Comme nous le faisions pressentir,
nous n'aurons définitivement raison de cette erreur que
si nous la prenons corps à corps. Il faut que nous la regar-
dions bien en face, en elle-même, dans la conception ra-
dicalement fausse qu'elle implique de la négation, du
vide, et du néant *.

Les philosophes ne se sont guère occupés de l'idée de
néant. Et pourtant elle est souvent le ressort caché, l'in-
visible moteur de la pensée philosophique. Dès le premier
éveil de la réflexion, c'est elle qui pousse en avant, droit
sous le regard de la conscience, les problèmes angoissants,
les questions qu'on ne peut fixer sans être pris de vertige.
Je n'ai pas plutôt commencé à philosopher que je me
demande pourquoi j'existe ; et quand je me suis rendu
compte de la solidarité qui me lie au reste de l'univers, la
difficulté n'est que reculée, je veux savoir pourquoi l'uni-
vers existe ; et si je rattache l'univers à un Principe imma-
nent ou transcendant qui le supporte ou qui le crée, ma
pensée ne se repose dans ce principe que pour quelques

��I. L'analyse que nous donnons ici de l'idée de néant (p. 298 à3aa) a déjà
paru dans la Revue philosophique (novembre 1906).

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