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de la matière par son organisation même, je veux dire par la nature, c’est notre perception qui morcelle la matière inerte en corps distincts, guidée par les intérêts de l’action, guidée par les réactions naissantes que notre corps dessine, c’est-à-dire, comme on l’a montré ailleurs<ref>''Matière et mémoire, ''chap. III et IV</ref>, par les genres virtuels qui aspirent à se constituer : genres et individus se déterminent donc ici l’un l’autre par une opération semi-artificielle, toute relative à notre action future sur les choses. Néanmoins, les anciens n’hésitèrent pas à mettre tous les genres sur le même rang, à leur attribuer la même existence absolue. La réalité devenant ainsi un système de genres, c’est à la généralité des genres (c’est-à-dire, en somme, à la généralité expressive de l’ordre vital) que devait se ramener la généralité des lois. Il serait intéressant, à cet égard, de comparer la théorie aristotélicienne de la chute des corps à l’explication fournie par Galilée. Aristote est uniquement préoccupé des concepts de « haut » et de « bas », de « lieu propre » et de lieu emprunté, de « mouvement naturel » et de « mouvement forcé » <ref>Voir en particulier — ''Phys., '' IV, 215 a 2 ; V, 230 b 12 ; VIII, 255 a 2 ; et ''De Cœlo, ''IV, 1-5 ; II 296 b 27 ; IV, 308 a 34.</ref> : la loi physique, en vertu de laquelle la pierre tombe, exprime pour lui que la pierre regagne le « lieu naturel » de toutes les pierres, à savoir la terre. La pierre, à ses yeux, n’est pas tout à fait pierre tant qu’elle n’est pas à sa place normale ; en retombant à cette place elle vise à se compléter, comme un être vivant qui grandit, et à réaliser ainsi pleinement l’essence du genre pierre<ref>''De Cœlo, ''IV, 310 a 34 : ''to d’eis ton hautou topon pheresthai hekaston to eis to hautou eidos esti pheresthai''.</ref>. Si cette conception de la loi physique était exacte, la loi ne serait plus une simple relation établie par l’
2 1\ 8 DE LA SIGNIFICATION DE LA VIE

semble de la matière par son organisation môme, je veux
dire par la nature, c'est notre perception qui morcelle la
matière inerte en corps distincts, guidée par les intérêts
de l'action, guidée par les réactions naissantes que notre
corps dessine, c'est-à-dire, comme on l'a montré ailleurs 1 ,
par les genres virtuels qui aspirent à se constituer : gen-
res et individus se déterminent donc ici l'un l'autre par
une opération semi-artificielle, toute relative à notre action
future sur les choses. Néanmoins, les anciens n'hésitèrent
pas à mettre tous les genres sur le même rang, à leur at-
tribuer la même existence absolue. La réalité devenant
ainsi un système de genres, c'est à la généralité dos gvn-
res (c'est-à-dire, en somme, à la généralité expressive de
l'ordre vital) que devait se ramener la généralité des lois.
Il serait intéressant, à cet égard, de comparer la théorie
aristotélicienne de la chute des corps à l'explication four-
nie par Galilée. Aristote est uniquement préoccupé des
concepts de «haut» et de « bas», de « lieu propre» et
de lieu emprunté, de « mouvement naturel » et de « mou-
vement forcé» 2 : la loi physique, en vertu de laquelle là
pierre tombe, exprime pour lui que la pierre regagne
le «lieu naturel» de toutes les pierres, à savoir la terre.
La pierre, à ses yeux, n'est pas tout à fait pierre tant
qu'elle n'est pas à sa place normale ; en retombant à cette
place elle Aise à se compléter, comme un être vivant
qui grandit, et à réaliser ainsi pleinement l'essence du
genre pierre 3 . Si cette conception delà loi physique était
exacte, la loi ne serait plus une simple relation établie par

��i. Malièrc et mémoire, cliap. m et iv.

2. Voir en particulier : Phys., IV, 2i5 a i ; Y, 23o b 12 ; VIII, 255 a 2
et De Cœlo, IV, i-5 ; II, 29G 6 27 ; IV, 3o8 a 34.

3. De Cœlo, IV, 3ioa 34 : tô S'eJ; tov ajToO' to'-ov oizi^'ix: Éy.a^Tov V
î\i -6 auTOv ci5d; Èatt Oï'pâaOa'..

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