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les mathématiques elles-mêmes, la théorie sérielle devait avoir ses illuminés et ses sophistes, dont les uns l’entrevirent à peine, et les autres, sans l’avoir comprise, entreprirent aussitôt d’en abuser.

220. Comment s’étonner, au surplus, de cette destinée commune à la théorie sérielle et aux sciences, quand on songe que les lois et les rapports sont la dernière chose que découvre, que dis-je ? la dernière que cherche l’intelligence de l’homme ? Le pâtre, dans la misérable hutte où il rassemble pêle-mêle porcs, chevaux, moutons, ânes, bœufs et chèvres, oies et dindons, poules et canards, son chien, son chat, ses enfants et ses lapins ; le pâtre grossier, mais déjà superbe et cupide, voit-il autre chose dans ces animaux qu’une source de profit pour lui, ou une occasion de dépense ? s’est-il jamais demandé ce que signifient ces diversités de genres et d’espèces ? À peine les aperçoit-il. Comment cet homme, à qui les séries animales crèvent les yeux sans qu’il les voie ; comment ce laboureur, ce fruitier, ce vigneron, pour qui pommiers, poiriers, cerisiers, noyers, vigne, houblon, blé, orge, seigle et avoine, maïs, haricot, pomme de terre et chanvre, ne diffèrent que par la valeur qu’il leur a spécialement reconnue sur le marché, distinguerait-il entre les idées qui l’assaillent ? comment entreprendrait-il de les grouper par genres et espèces, d’échelonner et varier leurs séries, en les prenant tour à tour par leurs différents points de vue ?

L’homme boit, mange, jouit de la création, use et abuse de la terre, des animaux, des plantes, de lui-même ; il joue avec ses idées comme un enfant avec les pièces d’une montre ; il ruse et ment comme la bête fauve qui fuit devant le chasseur : ce n’est qu’à la longue qu’il apprend à classer les choses, à mettre l’ordre dans ses pensées ; encore le redressement de ses erreurs ne s’opère t-il pas sans les plus pénibles efforts et les plus douloureux sacrifices. La vérité a toujours fait plus de martyrs, que la beauté d’idolâtres.

221. D’après les propriétés que nous avons reconnues à la série, et la revue que nous avons faite des principaux essais de sériation enfantés par la philosophie, nous sommes avertis que la théorie sérielle n’est point un système du monde, ni un arbre généalogique de nos connaissances, ni un casier d’idées : la théorie sérielle est l’art de composer et décomposer toute espèce d’idées (nombres, grandeurs, mouvements, formes, rapports, sentiments, actions, droits et devoirs), de telle sorte que l’esprit soit constamment assuré dans sa marche, et que la solution, lorsqu’elle pourra être obtenue, soit frappée d’infaillibilité et d’une absolue certitude.

Cette double condition est remplie par les sciences que nous