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comme celui de Monte-Cristo au milieu des mers. La séparation de l’église et de l’état, dont aucun pays n’aurait osé prendre l’initiative, Pie IX ou, si l’on veut, le parti ultramontain, l’a réalisée. C’est lui qui, avec une imprudence sans pareille, a coupé les ponts derrière lui, s’est refusé toute voie de retraite. Jamais on ne vit pareille audace. Une foi ardente explique seule une telle renonciation au sens humain.

Ce qui rend en effet la conduite de la papauté inexplicable depuis dix ans aux yeux de la politique mondaine, trop portée à diminuer le rôle des grandes convictions théologiques, c’est que les circonstances extérieures semblaient devoir conseiller une direction toute contraire. Les événemens de 1866 furent un coup de foudre; il fallait avoir les oreilles fermées à toute sagesse pour n’en pas être ébranlé. L’Autriche ultramontaine, le parti catholique de la cour de Vienne, appui si solide pour les espérances jésuitiques, n’existait plus. Ce concordat de 1855, la plus grande concession que la cour de Rome eût obtenue d’un gouvernement affolé par la révolution, était blessé à mort. Cela eût suffi pour éclairer une politique exempte d’illuminisme ; mais toutes les leçons sont inutiles pour l’esprit infatué de surnaturel, qui s’imagine agir d’autant plus conformément aux inspirations du ciel qu’il se montre plus sourd aux avertissemens de la raison.

L’année 1870 amena bien d’autres complications. Depuis 1849, la France s’était faite en Italie la gardienne des intérêts catholiques; nous pensons que ce fut là une très grande faute. La politique qui aurait pu convenir à la vieille France, monarchique et gallicane, était devenue un non-sens, une choquante contradiction en plein XIXe siècle. La France n’est plus ce qu’elle était avant 1789; la papauté est bien moins encore ce qu’elle était du temps de Benoît XIV et de Clément XIV. Éternelle aberration d’un parti auquel on ne dénie ni la bonne foi ni le patriotisme! Ne pouvant réaliser son utopie d’une France revenant à l’ancien régime, au catholicisme, à la royauté légitime, la droite de l’opinion française s’imagine que la politique d’un pays peut être dans la pratique et le détail le contraire de ce que comporte le titre officiel. Une république moins libérale que la royauté, voilà son rêve. Quoi de plus superficiel? Pouvez-vous refaire une France légitimiste, gallicane, avec son roi de droit divin, son église nationale? Si vous le pouvez, faites-le; cela présenterait de tels avantages, cela écarterait de tels périls, que nous n’essaierions pas de l’empêcher, sauf à revendiquer, dans un pareil état de choses, ce que nous regardons comme des droits imprescriptibles; mais si vous ne le pouvez pas, abandonnez la chimère d’une politique monarchique sans roi, d’une politique catholique sans un peuple