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même lorsqu’il n’est pas tout à fait d’accord avec un intérêt ministériel? Peut-être serait-il opportun maintenant de prêter quelque attention à ce qui se passe au dehors, de maintenir, non pas seulement dans le secret des chancelleries, mais ouvertement, et contre toutes les attaques, une politique extérieure ferme, digne, sensée, également éloignée des bravades et de l’obséquiosité, la seule qui puisse nous relever dans l’estime des peuples, de se souvenir enfin que la France a dans le monde des ennemis plus dangereux que M. Thiers!

Dans ces conflits religieux que nous voyons éclater autour de nous, notre rôle est tout tracé. La France n’a à prendre parti ni pour les prétentions inadmissibles des partisans du Syllabus, ni pour les vues étroites et tyranniques de chefs de gouvernement qui croient devancer leur époque en nous ramenant aux persécutions religieuses. Elle n’a pour suivre la politique à la fois la plus habile et la plus juste qu’à rester fidèle à ses constantes traditions depuis 1789, je veux dire à la cause de la liberté religieuse. Ce n’est pas seulement un grand honneur, c’est aussi une grande force que de représenter un principe à qui appartient l’avenir du monde. Cette cause est d’ailleurs assez forte pour se défendre elle-même dans tous les pays où la liberté de conscience est méconnue. Soutenue par l’opinion de l’Europe, elle est invincible, et elle sortira plus entière et plus solide des épreuves passagères qu’elle subit en ce moment.

En dépit des déclamations d’un parti qui n’a jamais montré beaucoup de zèle pour elle, cette cause n’est nullement liée à celle du pouvoir temporel du pape. Ce pouvoir lui-même a toujours traité la liberté de conscience en ennemie. L’indépendance spirituelle du pontife importe seule aux intérêts catholiques, et cette indépendance n’a jamais été plus réelle. S’il est vrai, comme on nous l’assure, que le saint-père a perdu toute liberté ceux qui ont lu la dernière encyclique conviendront du moins qu’il n’a pas perdu la liberté de langage [1]. Sachons donc nous résigner à des faits qui sont placés désormais au-dessus de toute atteinte, et qui ne cesseront pas d’exister parce qu’il nous plaira de faire semblant d’en ignorer l’existence. C’est un ministère catholique, le ministère actuel de la libérale Belgique, qui a le premier déclaré que le pouvoir temporel n’était plus qu’un souvenir, et la plupart des gouvernemens catholiques n’ont pas tardé à l’imiter sur ce point. Reconnaissons à notre tour un fait que nous ne pouvons contester, et qui se rirait de nos

  1. Il est au moins douteux qu’avant la perte de ses états le saint-père eût osé adresser à des chefs de gouvernement et à des souverains l’épithète de «latrones. »