« Continuation des Amours (1555) » : différence entre les versions

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'''VI '''
<poem>
E, n'esse, mon Paquier, é n'esse pas grand cas,
Bien que le corps party de tant de membres j'aye,
De muscles, nerfs, tendons, de pommons, et de faye,
De mains, de pieds, de flancs, de jambes et de bras,
Qu'Amour les laisse en paix, et ne les navre pas,
Et que luy pour son but, opiniatre, essaye
De faire dans mon coeur toujours toujours la playe,
Sans que jamais il vise ou plus hault, ou plus bas!
S'il estoit un enfant (comme on dit) aveuglé,
Son coup ne seroit point si seur ne si reiglé,
Vrayment il ne l'est pas, car ses traits à tout-heure
Ne se viendroient ficher au coeur en mesme lieu.
Armerai-je le mien? non, car des traits d'un Dieu
Il me plaist bien mourir, puis qu'il fault que je meure. </poem>
 
'''VII '''
<poem>
Marie, qui voudroit vostre beau nom tourner,
Il trouveroit Aimer: aimez-moi donq, Marie,
Faites cela vers moi dont vostre nom vous prie,
Vostre amour ne se peut en meilleur lieu donner:
S'il vous plaist pour jamais un plaisir demener,
Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
Penduz l'un l'autre au col, et jamais nulle envie
D'aimer en autre lieu ne nous pourra mener.
Si faut il bien aimer au monde quelque chose:
Cellui qui n'aime point, cellui-là se propose
Une vie d'un Scyte; et ses jours veut passer
Sans gouster la douceur des douceurs la meilleure.
E, qu'est-il rien de doux sans Venus? las! à l'heure
Que je n'aimeray point puissai-je trépasser!</poem>
 
'''VIII '''
<poem>
Marie, vous passez en taille, et en visage,
En grace, en ris, en yeus, en sein, et en teton,
Votre moienne seur, d'autant que le bouton
D'un rosier franc surpasse une rose sauvage.
Je ne dy pas pourtant qu'un rosier de bocage
Ne soit plaisant à l'oeil, et qu'il ne sente bon:
Aussi je ne dy pas que vostre seur Thoinon
Ne soit belle, mais quoy? vous l'estes davantage.
Je scay bien qu'apres vous elle a le premier pris
De ce bourg, en beauté, et qu'on seroit espris
D'elle facilement, si vous estiez absente:
Mais quand vous aprochez, lors sa beauté s'enfuit,
Ou morne elle devient par la vostre presente,
Comme les astres font quand la Lune reluit. </poem>
 
'''IX '''
<poem>
Marie, à tous les coups vous me venez reprendre
Que je suis trop leger, et me dites tousjours.
Quand je vous veus baiser que j'aille à ma Cassandre,
Et tousjours m'apellez inconstant en amours.
Je le veus estre aussi, les hommes sont bien lours
Qui n'osent en cent lieux neuve amour entreprendre.
Cétui-là qui ne veut qu'à une seule entendre,
N'est pas digne qu'Amour lui face de bons tours.
Celui qui n'ose faire une amitié nouvelle,
A faute de courage, ou faute de cervelle,
Se defiant de soi, qui ne peut avoir mieus.
Les hommes maladis, ou mattés de vieillesse,
Doivent estre constans: mais sotte est la jeunesse
Qui n'est point eveillée, et qui n'aime en cent lieus.</poem>
 
'''X '''
<poem>
Marie, vous avés la joue aussi vermeille
Qu'une rose de Mai, vous avés les cheveus
De couleur de chastaigne, entrefrisés de neus,
Gentement tortillés tout-au-tour de l'oreille.
Quand vous estiés petite, une mignarde abeille
Dans vos levres forma son dous miel savoureus,
Amour laissa ses traits dans vos yeus rigoreus,
Pithon vous feit la vois à nulle autre pareille.
Vous avés les tetins comme deus mons de lait,
Caillé bien blanchement sus du jonc nouvelet
Qu'une jeune pucelle au mois de Juin façonne:
De Junon sont vos bras, des Graces vostre sein,
Vous avés de l'Aurore et le front, et la main,
Mais vous avés le coeur d'une fiere lionne.</poem>
 
'''XI '''
<poem>J
Je ne suis seulement amoureus de Marie,
Janne me tient aussy dans les liens d'Amour,
Ore l'une me plaist, ore l'autre à son tour:
Ainsi Tibulle aimoit Nemesis, et Delie.
On me dira tantost que c'est une folie
D'en aimer, inconstant, deux ou trois en un jour,
Voire, et qu'il faudroit bien un homme de sejour,
Pour, gaillard, satisfaire à une seule amie.
Je repons à cela, que je suis amoureus,
Et non pas jouissant de ce bien doucereus,
Que tout amant souhaite avoir à sa commande.
Quant à moi, seulement je leur baise la main,
Je devise, je ry, je leur taste le sein,
Et rien que ces biens là d'elles je ne demande.</poem>
 
'''XII '''
<poem>
Amour estant marri qu'il avoit ses saigettes
Tiré contre Marie, et ne l'avoit blessée,
Par depit dans un bois sa trousse avoit laissée,
Tant que plene elle fust d'un bel essaim d'avettes.
Ja de leurs piquerons ces captives mouchettes
Pour avoir liberté la trousse avoient persée:
Et s'enfuyoient alors qu'Amour l'a renversée
Sur la face à Marie, et sus ses mammelettes.
Soudain, apres qu'il eut son carquois dechargé,
Tout riant sautela, pensant estre vangé
De celle, à qui son arc n'avoit sceu faire outrage,
Mais il rioit en vain: car ces filles du ciel
En lieu de la piquer, baisans son beau visage,
En amassoyent les fleurs, et en faisoyent du miel.</poem>
 
'''XIII '''
<poem>
Je veuls, me souvenant de ma gentille amie,
Boire ce soir d'autant: et pource Corydon
Fay remplir mes flacons, et verse à l'abandon
Du vin, pour resjouir toute la compagnie.
Soit que m'amie ait nom, ou Cassandre, ou Marie,
Je m'en vois boire autant que de lettre a son nom.
Et toi, si de ta belle et jeune Madelon,
Belleau, l'amour te point, je te pry ne l'oublie.
Qu'on m'ombrage le chef de vigne, et de l'hierre,
Les bras, et tout le col, qu'on enfleure la terre
De roses, et de lis, et que dessus le jonc
On me caille du lait rougi de mainte fraise:
E n'esse pas bien fait? or sus, commençon donq,
Et chasson loin de nous tout soing et tout malaise.</poem>
 
'''XIV '''
<poem>
Que me servent mes vers, et les sons de ma lyre,
Quand nuit et jour je change et de meurs et de peau,
Pour en aimer trop une? hé, que l'homme est bien veau
Qui aux dames se fie, et pour elles souspire!
Je pleure, je me deux, je cry, je me martire,
Je fais mile sonnetz, je me romps le cerveau,
Et si je suy haï: un amoureus nouveau
Gaigne tousjours ma place, et je ne l'ose dire.
Ah! que ma Dame est fine: el' me tient à mépris,
Pource qu'elle voit bien que d'elle suis espris;
Et que je l'aime trop: avant que je l'aimasse,
Elle n'aimoit que moi: mais or que j'ai empris
De l'aimer, el' me laisse, et s'en court à la chasse
Pour en reprendre un autre ainsi qu'elle m'a pris.</poem>
 
'''XV '''
<poem>
Ma plume sinon vous ne scait autre suget,
Mon pié sinon vers vous ne scait autre voiage,
Ma langue sinon vous ne scait autre langaige,
Et mon oeil sinon vous ne connoit autre objet.
Si je souhaite rien, vous estes mon souhait,
Vous estes le doux gaing de mon plaisant dommage,
Vous estes le seul but ou vise mon courage,
Et seulement en vous tout mon rond se parfait.
Je ne suis point de ceus qui changent de fortune,
Comme un tas d'amoureus, aimans aujourd'huy l'une,
Et le lendemain l'autre: helas! j'ayme trop mieus
Cent fois que je ne dy, et plustost que de faire
Chose qui peut en rien nostre amytié defaire,
J'aimerois mieux mourir, tant j'aime vos beaux yeus.</poem>
 
'''XVI '''
<poem>
Vous ne le voulez pas? et bien, j'en suis contant,
Contre vostre rigueur Dieu me doint patience,
Devant qu'il soit vingt ans j'en auray la vengence,
Voiant ternir vos yeus qui me travaillent tant.
On ne voit amoureus au monde si constant
Qui ne perdist le coeur, perdant sa recompense:
Quant à moi, si ne fust la longue experience,
Que j'ay, de soufrir mal, je mourrois à l'instant.
Toutesfois quand je pense un peu dans mon courage
Que je ne suis tout seul des femmes abusé,
Et que de plus rusés en ont reçeu dommage,
Je pardonne à moimesme, et m'ay pour excusé:
Car vous qui me trompés en estes coutumiere,
Et qui pis est, sur toute en beauté la premiere.</poem>
 
'''XVII'''
<poem>
Le vintiéme d'Avril couché sur l'herbelette,
Je vy, ce me sembloit, en dormant un chevreuil,
Qui çà, puis là, marchoit où le menoit son vueil,
Foulant les belles fleurs de mainte gambelette.
Une corne et une autre encore nouvelette
Enfloit son petit front, petit, mais plein d'orgueil:
Comme un Soleil luisoit par les prets son bel oeil,
Et un carquan pendoit sus sa gorge douillette.
Si tost que je le vy, je voulu courre aprés,
Et lui qui m'avisa print sa course es forés,
Où, se moquant de moi, ne me voulut attendre.
Mais en suivant son trac, je ne m'avisay pas
D'un piege entre les fleurs, qui me lia mes pas,
Et voulant prendre autrui moimesme me fis prendre.</poem>
 
'''XVIII '''
<poem>
Bien que vous surpassiés en grace et en richesse
Celles de ce païs, et de toute autre part,
Vous ne devés pourtant, et fussiés vous princesse,
Jamais vous repentir d'avoir aimé Ronsard.
C'est lui, Dame, qui peut avecque son bel art
Vous afranchir des ans, et vous faire Deesse:
Prométre il peut cela, car rien de lui ne part
Qu'il ne soit immortel, et le ciel le confesse.
Vous me responderés qu'il est un peu sourdaut,
Et que c'est deplaisir en amour parler haut:
Vous dites verité, mais vous celés aprés,
Que luy, pour vous ouir, s'aproche à vôtre oreille,
Et qu'il baise à tous coups vôtre bouche vermeille
Au milieu des propos, d'autant qu'il en est prés.</poem>
 
'''XIX '''
<poem>
Mais respons, meschant Loir, me rens-tu ce loier,
Pour avoir tant chanté ta gloire et ta louange?
As-tu osé, barbare, au milieu de ta fange
Renversant mon bateau, sous tes eaus m'envoier?
Si ma plume eut daigné seulement emploier
Six vers, à celebrer quelque autre fleuve estrange,
Quiconque soit celui, fusse le Nil, ou Gange,
Comme toi n'eust voulu dans ses eaus me noier:
D'autant que je t'aimoi, je me fiois en toi,
Mais tu m'as bien montré que l'eau n'a point de foi:
N'es-tu pas bien meschant? pour rendre plus famé
Ton cours, à tout jamais du los qui de moi part,
Tu m'as voulu noier, afin d'estre nommé,
En lieu du Loir, le fleuve où se noya Ronsard.</poem>
 
'''XX '''
<poem>
<poem> Amour, tu me fis voir, pour trois grandes merveilles,
Trois seurs, allant au soer, se pourmener sur l'eau,
Qui croissoient à l'envy, ainsi qu'au renouveau
Croissent dans un pommier trois pommettes pareilles.
Toutes les trois estoient en beauté nompareilles,
Mais la plus jeune avoit le visage plus beau
Et sembloit une fleur voisine d'un ruysseau
Qui remire dans l'eau ses richesses vermeilles.
Ores je souhaitois la plus vieille en mes voeus,
Et ores la moienne, et ores toutes deux,
Mais tousjours la petite estoit en ma pensée,
Et priois le Soleil de n'enmener le jour:
Car ma veüe en trois ans n'eust pas esté lassée
De voir ces trois Soleilz qui m'enflamoient d'amour.</poem>
 
'''XXI '''
<poem>
Mon ami puisse aimer une femme de ville,
Belle, courtoise, honeste, et de doux entretien:
Mon haineux puisse aimer au village une fille,
Qui soit badine, sote, et qui ne sache rien.
Tout ainsi qu'en amour le plus excellent bien
Est d'aimer une femme, et savante; et gentille,
Aussi le plus grand mal à ceuls qui aiment bien
C'est d'aimer une femme indocte, et mal-habille.
Une gentille Dame entendra de nature
Quel plaisir c'est d'aimer, l'autre n'en aura cure,
Se peignant un honneur dedans son esprit sot:
Vous l'aurez beau préscher, et dire qu'elle est belle,
Sans s'esmouvoir de rien, vous entendra pres d'elle
Parler un jour entier, et ne respondra mot.</poem>
 
'''XXII '''
<poem>
Je crois que je mouroi' si ce n'estoit la Muse
Qui deçà et delà fidelle m'acompaigne
Sans se lasser, par chams, par bois, et par montaigne,
Et de ses beaus presens tous mes soucis abuse:
Si je suis ennuyé je n'ay point d'autre ruse
Pour me desennuyer que Clion ma compaigne;
Si tost que je l'apelle, elle ne me dedaigne,
Et de me venir voir jamais el'ne s'excuse:
Des presens des neuf Seurs soit en toute saison
Pleine toute ma chambre, et pleine ma maison,
Car la rouille jamais à leurs beaus dons ne touche.
Le tin ne fleurit pas aus abeilles si dous
Comme leurs beaus presens me sont doux à la bouche,
Desquels les bons esprits ne furent jamais saouls.</poem>
 
'''XXIII '''
<poem>
Mignongne, levés-vous, vous estes paresseuse,
Ja la gaye alouette au ciel a fredonné,
Et ja, le rossignol frisquement jargonné,
Dessus l'espine assis, sa complainte amoureuse.
Debout donq, allon voir l'herbelette perleuse,
Et vostre beau rosier de boutons couronné,
Et voz oeillets aimés, ausquels avés donné
Hyer au soir de l'eau, d'une main si songneuse.
Hyer en vous couchant, vous me fistes promesse
D'estre plus-tost que moi ce matin eveillée,
Mais le someil vous tient encor toute sillée:
Ian, je vous punirai du peché de paresse,
Je vois baiser cent fois vostre oeil, vostre tetin,
Afin de vous aprendre à vous lever matin.</poem>
 
'''XXIV '''
<poem>
Bayf, il semble à voir tes rymes langoreuses,
Que tu sois seul amant, en France, langoreus,
Et que tes compaignons ne sont point amoureus,
Mais font languir leurs vers desous feintes pleureuses;
Tu te trompes, Bayf; les peines doloreuses
D'amour autant que toi nous rendent doloreus,
Sans nous feindre un tourment: mais tu es plus heureus
Que nous, à raconter tes peines amoureuses.
Quant à moi, si j'estois ta Francine chantée,
Je ne serois jamais de ton vers enchantée,
Qui se faignant un dueil se fait palir lui-mesme.
Non, celui n'aime point, ou bien il aime peu,
Qui peut donner par signe à cognoistre son feu,
Et qui peut raconter le quart de ce qu'il aime.</poem>
 
'''XXV '''
<poem>
Je ne suis variable, et si ne veus apprendre
(Desja grison) à l'estre, aussi ce n'est qu'émoi:
Je ne dy pas si Jane estoit prise de moi;
Que tost je n'oubliasse et Marie et Cassandre.
Je ne suis pas celui qui veus Paris reprendre
D'avoir manqué si tost à Pegasis de foy:
Plutost que d'accuser ce jeune enfant de Roy
D'estre en amour leger, je voudrois le defendre.
Il fist bien, il fist bien, de ravir cette Helene,
Cette Helene qui fut de beauté si tres-plene,
Que du grand Jupiter on la disoit anfant:
L'amant est bien guidé d'une heure malheureuse,
Quand il trouve son mieus, si son mieus il ne prent,
Sans languir tant es bras d'une vieille amoureuse.</poem>
 
'''XXVI '''
<poem>
C'est grand cas que d'aimer! Si je suis une année
Avecque ma maitresse à deviser toujours,
Et à lui raconter quelles sont mes amours,
L'an me semble plus court qu'une seule journée.
S'une autre parle à moi, j'en ay l'ame gennée:
Ou je ne luy di mot, ou mes propos sont lours,
Au milieu du devis s'egarent mes discours,
Et tout ainsi que moi ma langue est estonnée.
Mais quand je suis aupres de celle qui me tient
Le coeur dedans ses yeus, sans me forcer me vient
Un propos dessus l'autre, et jamais je ne cesse
De baiser, de taster, de rire, et de parler:
Car pour estre cent ans aupres de ma maitresse
Cent ans me sont trop cours, et ne m'en puis aller.</poem>
 
'''XXVII '''
<poem>
E, que me sert, Paschal, ceste belle verdure
Qui rit parmi les prés, et d'ouir les oiseaus,
D'ouir par le pendant des colines les eaus,
Et des vents du printems le gracieus murmure,
Quand celle qui me blesse, et de mon mal n'a cure
Est absente de moi, et pour croistre mes maus
Me cache la clarté de ses astres jumeaus,
De ses yeus, dont mon coeur prenoit sa nourriture?
J'aimeroi beaucoup mieus qu'il fust hyver tousjours,
Car l'hyver n'est si propre à nourir les amours
Comme est le renouveau, qui d'aimer me convie,
Ainçois de me hayr, puis que je n'ay pouvoir
En ce beau mois d'Avril entre mes bras d'avoir
Celle qui dans ses yeus tient ma mort et ma vie.</poem>
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'''XXVIII Je ne saurois aimer autre que vous'''
<poem>
Je ne saurois aimer autre que vous,
Non, Dame, non, je ne saurois le faire:
Autre que vous ne me sauroit complaire,
Et fust Venus descendue entre nous.
Vos yeus me sont si gracieus et dous,
Que d'un seul clin ils me peuvent defaire,
D'un autre clin tout soudain me refaire,
Me faisans vivre ou mourir en deux cous.
Quand je serois cinq cens mille ans en vie,
Autre que vous, ma mignonne m'amie,
Ne me feroit amoureus devenir.
Il me faudroit refaire d'autres venes,
Les miennes sont de vostre amour si plenes,
Qu'un autre amour n'y sauroit plus tenir.</poem>
 
<poem>'''XXIX '''
Pour aimer trop une fiere beauté,
Je suis en peine, et si ne saurois dire
D'où ni comment, me survint ce martyre,
Ni à quel jeu je perdi liberté.
Si sçai-je bien que je suis arresté
Au lacs d'amour: et si ne m'en retire,
Ni ne voudrois, car plus mon mal empire
Et plus je veus y estre mal traicté.
Je ne di pas, s'elle vouloit un jour
Entre ses bras me garir de l'amour,
Que son present bien à gré je ne prinse.
E, Dieu du ciel, é qui ne le prendroit,
Quand seulement de son baiser un Prince,
Voire un grand Roy, bien heureus se tiendroit.
 
'''XXX '''
E, que je porte et de hayne et d'envie
Au medecin qui vient soir et matin
Sans nul propos tatonner le tetin,
Le sein, le ventre et les flans de m'amie.
Las! il n'est pas si songneus de sa vie
Comme elle pense: il est mechant et fin,
Cent fois le jour ne la vient voir, qu'à fin
De voir son sein qui d'aimer le convie.
Vous qui avés de sa fievre le soin,
Je vous supli de me chasser bien loin
Ce medecin, amoureus de m'amie,
Qui fait semblant de la venir penser:
Que pleust à Dieu, pour l'en recompenser,
Qu'il eust ma peine, et qu'elle fust guarie.