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Tout d’abord un fait doit fixer l’attention de l’observateur qui examine
les voûtes construites sous l’empire par les Romains  : c’est l’économie
apportée dans la construction de ces voûtes. Si grands bâtisseurs
qu’ils fussent, les Romains apportaient dans leurs travaux des principes
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Caracalla, de Dioclétien, la basilique de Constantin à Rome, etc., on est
tout d’abord disposé à croire qu’il a fallu, pour former ces vastes concrétions,
un énorme cube de bois, des cintrages d’une puissance prodigieuse  ;
par suite, des dépenses provisoires perdues, considérables.
Cependant une étude plus attentive de ces voûtes fait bientôt reconnaître
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à une charge. Les nerfs D ont été posés à l'aplomb de chaque cintre et
formés de grandes briques carrées. Ces nerfs ont été disposés ainsi que
l'indique le détail X, avec des doubles briques <i>''ab</i>'', de distance en distance,
de manière à pouvoir couler dans la rainure laissée entre elles des
planches P normales à la courbe. Le long de ces planches considérées
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d'arc. Les constructeurs romains posèrent donc les cintres de charpente
diagonaux suivant la ligne vraie de pénétration, puis ils placèrent sur
la courbe des cintres des <i>''veaux</i>'' de bois <i>''b</i>'' (voyez (en A), laissant entre eux,
de distance en distance, des intervalles <i>''c</i>'' de moins en moins profonds
à mesure qu'on approchait du sommet de l'arc. Sur ces veaux le maçon
posait alors l'arc diagonal perpendiculaire au plan diagonal (voy. en B).
La section de cet arc est figurée par le carré <i>''efgh</i>'', les veaux comblant
la différence <i>''ij</i>'', et le cintre étant en <i>''k</i>''. Dans les intervalles <i>''c</i>'', des briques
doubles écornées étaient posées, ainsi que l'indiquent les trapèzes <i>''opqr</i>'',
leur bord suivant la direction horizontale des deux cylindres. On obtenait
ainsi la structure indiquée en E. Deux rangs de ces briques parallèles
aux plans des voûtes permettaient de poser en <i>''l</i>'' les planches qui
(comme il a été montré dans l'exemple précédent) permettaient de
bander les entretoises <i>''m</i>'' formant le cloisonnage dans lequel on maçonnait les remplissages de blocage. Les saillies des briques espacées
parallèles aux plans des voûtes servaient à tracer et à maintenir l'arête,
faite en même temps que l'enduit. S'il s'agissait d'une coupole, ou les
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[[Image:Construction.voute.romaine.2.png|center]]
<div class=prose>
Cette structure des voûtes présentait donc les avantages suivants  :
1° économie de cintres  ; 2° rapidité d’exécution, sans avoir à craindre
cependant les accidents qui résultent d’une interruption momentanée
dans le travail  ; 3° facilité d’employer des ouvriers de qualités différentes  ;
car, pour remplir les cellules de blocage, il n’était besoin que
de manœuvres  ; 4° possibilité de décintrer immédiatement après le remplissage
des cellules, et même avant ce remplissage, si l’on tenait à remployer
les cintres ailleurs, puisque la croûte composée de briques à plat
suffisait et au delà pour recevoir ces remplissages des cellules  ; 5° élasticité
pendant la durée du travail, ce qui permettait d’éviter les ruptures
qui se manifestent dans une construction absolument homogène et qu’il
faut un certain temps pour compléter  ; 6° après le remplissage des reins,
concrétion parfaite. Dans la construction des très-grandes voûtes, qui,
par leur développement même, ne peuvent être fermées en un court
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se produisirent pendant la construction de la coupole de Sainte-Sophie
de Constantinople, d’une manière tellement grave, qu’il fallut recommencer
l’opération  ; mais les Romains des bas temps ne savaient plus bâtir
comme leurs devanciers. Après la construction de la coupole de Saint-Pierre
de Rome des déchirures se manifestèrent. Il est aisé de concevoir
comment des surfaces courbes de cette étendue, maçonnées peu à peu,
présentent, après l’achèvement du travail, des parties parfaitement sèches
et <i>''prises</i>'', d’autres encore molles, pour ainsi dire, ou tout au moins légèrement
compressibles. C’est à cette inégalité dans la <i>''prise</i>'' des mortiers,
et par suite dans la compressibilité de ces surfaces, qu’il faut attribuer
les désordres que l’on signale dans les grandes voûtes de maçonnerie
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même de la voûte et les propriétés de sa courbure, ce qui est facile, on
peut prendre tout le temps nécessaire pour remplir les intervalles laissés
entre cette ossature  ; car celle-ci établie, la voûte est faite, elle prend
son équilibre, subit ses tassements sans être gênée, sans se déchirer.
Cette méthode devait conduire tout naturellement les constructeurs
Ligne 170 ⟶ 171 :
voûtes sphériques. Voici pourquoi. Pour faire une voûte sphérique, il
est nécessaire d’établir des cintres rayonnants divisant la demi-sphère
par côtes, comme les degrés de longitude divisent la terre  ; mais les
couchis qui vont d’un cintre à l’autre donnant des lignes droites, il en
résultait, ou que la voûte était composée d’une suite de plans, ou qu’il
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quelle puissance il eût fallu donner à ces cintres, et comme il eût
été nécessaire d’assurer leur parfaite immobilité pendant un laps de
temps très-considérable  ; or, les bois à l’air en aussi grande quantité, et
vu le nombre de leurs assemblages, travaillent de telle sorte, que, malgré
toutes les précautions, un cintrage de cette importance s’affaisserait
Ligne 193 ⟶ 194 :
affaissements partiels, le problème sera résolu, et l’on ne courra aucun
risque, car le décintrage de la voûte se réduira à un enlèvement de
pièces de bois dont la fonction sera devenue insignifiante  ; il pourra se
faire sans qu’il y ait à prendre ces précautions délicates, faute desquelles
il peut survenir une catastrophe. Dans les constructions, il ne faut jamais
que l’oubli d’une précaution, une maladresse puissent occasionner un
sinistre  ; les procédés pratiques doivent offrir toute sécurité, et rien ne
doit être livré au hasard ou à la chance plus ou moins heureuse. C’était
bien évidemment ainsi que les architectes romains entendaient élever
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Piranesi a donné une gravure de la construction de la coupole du
Panthéon de Rome  ; mais nous ne savons sur quelle donnée il a fait sa
planche, car de son temps, pas plus qu’aujourd’hui, on n’en pouvait
reconnaître exactement la structure. Nous pensons que le système qu’il
indique est celui de l’extrados de la coupole qu’il aura pu voir pendant
qu’on réparait la couverture de plomb  ; il aura supposé que la combinaison
visible à l’extérieur devait se reproduire à l’intérieur  ; or, cela
n’est pas possible, si l’on considère la disposition de cet intérieur et
l’épaisseur de la voûte, qui, près de la lunette, n’a pas moins de 1<sup>m</sup>,50.
Les briques que l’on peut voir à l’extrados ne traversent certainement
pas l’épaisseur de la voûte  ; donc la structure, l’ossature visible à l’intérieur peut être différente de celle visible à l’extérieur. Nous irons plus
loin, nous dirons que ces deux ossatures doivent être absolument différentes,
et nous allons expliquer pourquoi. Quand les Romains construisaient
un arc-doubleau, une tête de berceau portant charge, ou même
un arc de décharge, ils avaient le soin de procéder ainsi que l’indique
la figure 3 en A  : ils maçonnaient, à partir de la naissance, le quart de
l’arc environ en rangs de briques liaisonnées, puis les deux quarts
restant en rangs de briques extradossées. Comme ils construisaient les
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arc eût été bandé, ils auraient maçonné le reste de l’épaisseur de l’arc
de briques liaisonnées, en se servant du premier arc comme d’un cintre
très-suffisamment résistant  ; mais nous voyons au contraire que, sans
exception, les parties supérieures des arcs-doubleaux ou de décharge
sont maçonnées en rangs de briques extradossées. Cette méthode était
Ligne 238 ⟶ 239 :
dans les culées F, G, par suite d’une commotion telle, par
exemple, qu’un tremblement de terre, ou un tassement, cet arc se
rompra à l’extrados en H, et à l’intrados à la clef, en I  ; toutes les pressions
viendront dès lors agir sur les deux arêtes K et sur l’arête L, lesquelles,
si la charge est forte, s’épaufreront de telle sorte, que le segment
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et le désordre moins considérable que dans l’exemple B. On comprend
donc pourquoi ces arcs de brique sont toujours extradossés dans leur
partie supérieure, c’est-à-dire dans la partie qui porte la charge  ; c’était
pour conserver une certaine élasticité que ne pouvaient avoir des arcs
homogènes dans leur épaisseur. Ce principe appuyé sur l’observation,
Ligne 258 ⟶ 259 :
Conformément à la méthode expliquée dans la figure 1 et par les raisons
données plus haut, il était nécessaire qu’une coupole comme celle
du Panthéon fût rapidement <i>''ébauchée</i>'', pour ainsi dire, sur ces cintrages,
que les Romains tenaient à faire légers et avec des bois courts autant que
possible, afin d’éviter les dépenses inutiles, les difficultés de pose et le
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caissons dans son pourtour et qui laissaient entre eux vingt-huit bandes
pleines comme autant de côtes qui se perdent dans la partie unie de la
calotte comprise entre le point <i>''a</i>'' et la lunette L. Ces vingt-huit bandes
indiquent la place des cintres de charpente C aboutissant à une lanterne
de charpente composée de vingt-huit poteaux et de deux fortes enrayures.
Ligne 295 ⟶ 296 :
vus du centre de l’édifice sur le pavé. C’est-à-dire (voyez en R le détail
de la section de l’un des caissons de la deuxième zone) que l’œil du
spectateur placé au centre de l’édifice sur le sol aperçoit les listels <i>''o</i>'' dans
toute leur largeur, les coupes de leurs épaisseurs tendant à ce point
visuel. Le cintrage ainsi disposé, il s’agissait de trouver la méthode la
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calotte hémisphérique. Le détail de cette opération est expliqué dans la
figure 5. En A sont les cintres. Pour relier les courbes et pour poser les
entretoises, des liens <i>''a</i>'' ont été cloués latéralement, comme on le ferait
pour des plates-bandes. Ces liens portent chacun deux entailles qui reçoivent les entretoises E, lesquelles sont entaillées à mi-bois en <i>''e</i>'' pour
recevoir les cerces de doublures C. Des planchettes-couchis <i>''p</i>'' réunissent
les deux entretoises et reposent en feuillure. Il reste donc des châssis
vides F qu’il s’agit de fermer. Or, l’ossature de la charpente ainsi combinée,
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<br>
ordinaires sur le châssis, composé des entretoises et des cerces de doublures,
on posa un autre châssis saillant <i>''g</i>'', sur celui-ci un second
châssis également saillant <i>''h</i>'', puis un troisième <i>i</''i>'', puis, toujours en
retraite, un panneau de planches. En coupe, ces trois châssis et le panneau
donnaient le profil indiqué en R dans la figure 4  ; ainsi se trouvait
indiqué en saillie sur le cintrage le moule du caisson. Les maçons pouvaient
dès lors exécuter très-rapidement leur travail, comme l’indique
Ligne 332 ⟶ 333 :
était beaucoup plus mince qu’il ne l’était le long des membrures.
Ce blocage cellulaire formait alors comme autant de voûtains carrés
compris entre les nerfs côtiers, ou longitudes, et les bandes <i>''zonales</i>'', ou
latitudes, de brique. Cette première opération, qui pouvait être rapidement
terminée, formait une croûte très-résistante, bien pondérée,
Ligne 350 ⟶ 351 :
qu’explique la figure 6. De toutes les grandes coupoles connues et
encore entières, celle du Panthéon d’Agrippa est la seule qui ne soit pas
lézardée. Celle de Sainte-Sophie a dû être restaurée à plusieurs reprises  ;
celle de Saint-Pierre de Rome est fissurée d’une manière assez grave<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]].
Nous croyons donc que c'est grâce à ce système double que la coupole
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des voûtes romaines pour mieux faire saisir certaines analogies entre
ce système et celui adopté en France vers le milieu du XII<sup>e</sup> siècle. Analogies
de principes, comme on va le voir, non de formes  ; ce qui prouve
une fois de plus que des principes vrais, établis sur une observation
juste et un raisonnement logique, ne sont point une entrave dans l’art de
Ligne 407 ⟶ 408 :
 
À la fin de l’empire déjà, ces méthodes employées dans la construction
des voûtes s’étaient altérées  ; les constructeurs négligeaient d’appliquer
régulièrement les procédés admis dans les édifices romains
jusqu’aux Antonins. À Byzance, les grandes voûtes de l’église de
Ligne 419 ⟶ 420 :
en Occident. Ce phénomène se produisant au moment des premières
croisades, il était assez naturel d’attribuer ce brusque développement
à une influence orientale  ; mais les documents que l’on avait pu recueillir
jusqu’à ces dernières années ne venaient guère confirmer ces conjectures
à priori, lorsque M. le comte Melchior de Vogüé entreprit un
Ligne 431 ⟶ 432 :
à une civilisation gréco-romaine présentent un caractère particulier.
Dans leur structure, les éléments grec et romain ne sont pas juxtaposés,
comme il arrive dans les édifices de la Rome impériale  ; ils se mêlent
sous l’influence de l’esprit clair et logique du Grec. Nous avons maintes
fois fait ressortir cette singulière disposition de l’architecture romaine
de l’empire<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]], qui ne considérait l’art grec que comme une décoration
quasi indépendante de la structure  ; si bien que, dans tout édifice
romain, on peut enlever cette parure empruntée à l’art grec sans affecter
l’organisme, pour ainsi dire, de la bâtisse romaine.
 
Les édifices gréco-romains de la Syrie centrale procèdent tout différemment  :
les deux structures grecque et romaine se prêtent un mutuel
concours  : il n’y a plus l’ossature et le vêtement qui la couvre, mais un
corps complet dans toutes ses parties. L’arc et la plate-bande ne sont
plus réunis en dépit de leurs propriétés, ainsi que cela se voit si fréquemment
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influence sur les Occidentaux, qui se précipitèrent en masses compactes
dans ces contrées à la fin du XI<sup>e</sup> siècle. Il ne s’agissait plus de suivre de
loin les traditions affaiblies de l’art impérial  ; les croisés trouvaient dans
les villes déjà abandonnées, mais encore debout, du Hauran, une architecture
nouvelle pour eux, claire dans ses expressions comme une leçon
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lorsqu’ils prétendaient établir des voûtes sur le plan de la basilique
romaine (voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Architecture religieuse|Architecture Religieuse]]), la vue d'un édifice comme la
basilique de Chagga,--et la Syrie centrale en possède encore plusieurs
conformes à ces dispositions,--devait leur faire naître la pensée d'appliquer ce mode de structure en remplaçant les dallages, qui ne pouvaient convenir aux climats de l'Occident, ni à la nature des matériaux
dont ils disposaient, par une voûte en berceau sur la nef centrale, par
des voûtes d'arête sur les nefs basses, et par un demi-berceau sur le
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[[Image:Coupe.basilique.Chagga.png|center]]
<div class=prose>
La coupe de la basilique de Chagga (fig. 9) donne le tracé A  ; deux
travées du plan étant projetées en <i>''a</i>''. Subissant la nécessité de couvrir
leurs édifices par des pentes assez roides pour recevoir de la tuile, et ne
pouvant par conséquent employer le système de dallages des architectes
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du monument syrien. Quant aux difficultés de détail dont nous
venons de parler, voici en quoi elles consistaient tout d’abord. Les piles
de la basilique de Chagga (voy. en <i>''a</i>'') sont à section carrée, ce qui était naturel,
puisque ces piles ne reçoivent que deux arcs-doubleaux, et que l’archivolte
qui unit ces piles naît en pénétration au-dessus de la naissance
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perspectif (fig. 10). Il y avait là un embarras, une de ces difficultés de
détail dans l’art du constructeur, qui contraint bientôt celui-ci, pour peu
qu’il raisonne, à trouver une solution satisfaisante  ; or, tous ceux qui
ont pratiqué cet art et qui ne se contentent pas d’à peu près, qui veulent
trouver la solution vraie, savent combien ces recherches entraînent à
Ligne 556 ⟶ 557 :
des premières années du XII<sup>e</sup> siècle, que l’on reconnaît la puissance de
cet enseignement logique puisé en Orient par nos maîtres français de
cette époque. D’abord ces maîtres raisonnent ainsi  : puisqu’il y a deux
arcs-doubleaux et deux archivoltes naissant au même niveau, et qu’entre
ces arcs-doubleaux et ces archivoltes il faut (sur leur extrados) bander
des voûtes d’arête, il est de toute nécessité que la pile donne exactement
la section des claveaux de ces arcs, qu’ils trouvent sur elle leur
place, par conséquent la section carrée ne peut convenir pour la pile  ;
alors ils tracent la pile H (voyez figure 9). Ainsi les arcs-doubleaux
trouveront leur assiette en <i>''d</i>'', les archivoltes en <i>''b</i>'', et les arêtes des voûtes
naîtront dans les angles rentrants <i>''e</i>'' qui sont les points de rencontre des
extrados de ces arcs. Mais bientôt, quand les monuments voûtés prennent
plus d’ampleur, ces architectes reconnaissent que les archivoltes qui
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d’épaisseur que les arcs-doubleaux qui n’ont pas de charge, que ces
naissances de voûtes d’arête dans les angles demandent, ou un appareil
spécial, ou affament la pile en réduisant les tas de charge  ; alors ils tracent
les piles suivant le plan K. Les archivoltes se dégagent en <i>''f</i>'', l’arc-doubleau
des latéraux en <i>''g</i> '' ; les angles <i>''h</i>'' reçoivent les naissances des
voûtes d’arête  ; les angles <i>i</''i>'', les archivoltes de décharge au-dessus de la
claire-voie du triforium, et le grand arc-doubleau du berceau central,
ayant la largeur <i>''mm</i>'', porte sur le tailloir d’un chapiteau reposant sur la
colonne engagée. Mais les archivoltes <i>''f</i>'' et l’arc-doubleau <i>''g</i>'' ont une
épaisseur plus grande que n’est l’espace <i>''op</i>'', d’où il résulte que l’arête <i>''h</i>''
de la voûte doit s’élever verticalement jusqu’au moment où l’épaisseur <i>''rp</i>''
des claveaux se dégage de cette arête  ; alors les constructeurs ajoutent
encore une colonne engagée au devant des pilastres des archivoltes et
de l’arc-doubleau postérieur, afin d’avancer les claveaux de ces arcs de
Ligne 595 ⟶ 596 :
faits pour franchir des espaces trop larges pour être couverts par des
plates-bandes ou par des charpentes, dans un pays où les bois longs
étaient rares  ; ces arcs portent de grandes dalles, comme dans l’exemple
précédent, ou des pannes. C’est ce qui nous fait dire que ces artistes
syriens avaient su allier, mieux que ne l’avaient fait les Romains, l’arc
et la plate-bande. Les architectes occidentaux ont conservé les arcs-doubleaux
comme l’ossature naturelle de tout édifice bâti de pierre  ; seulement,
entre ces arcs, ils ont bandé des voûtes suivant la tradition
romaine, soit en berceau, soit d’arête.
Ligne 618 ⟶ 619 :
voûte d’arête. Or, c’est ce principe de structure qu’adoptent généralement
nos architectes occidentaux dans la construction de leurs voûtes
d’arête à la fin du XI<sup>e</sup> siècle  ; c’est suivant ce système que sont faites
les voûtes de la nef de l’église abbatiale de Vézelay, qui datent des premières
années du XII<sup>e</sup> siècle, et ce n’était pas sans raison que ce parti
Ligne 661 ⟶ 662 :
Nous avons dit que les Romains évitaient autant que possible les
pénétrations de berceaux de voûtes, comme présentant des difficultés
et des pertes de temps pour le constructeur. Les Romains, en effet,--et
cela ressort de l’étude de leurs monuments,--cherchaient à économiser
sur le temps, c’est-à-dire qu’ils prétendaient, tout en bâtissant de
manière à assurer une parfaite solidité et une longue durée aux constructions,
Ligne 670 ⟶ 671 :
voûtée, ils tenaient la clef de ce berceau pénétrant au-dessous de la
naissance du berceau qui eût dû être pénétré. Exemple (fig. 13), soit
une galerie A voûtée en berceau  : le berceau de la galerie B communiquant
à la première était bandé, sa clef C au-dessous de la naissance du
berceau D. Le Colisée à Rome, les arènes d’Arles et de Nîmes présentent
Ligne 678 ⟶ 679 :
visible, non-seulement dans les arènes d’Arles et de Nîmes, mais aussi à
l’aqueduc du Gard et dans beaucoup d’autres édifices de l’empire.
Il est clair que cette méthode économisait le temps et la dépense  ; car
il n’était besoin que d’un panneau pour les tailleurs de pierre, et à chaque
joint, d’un cintre de charpente, au lieu d’une suite de couchis sur
Ligne 685 ⟶ 686 :
 
Les architectes du moyen âge usèrent parfois de ce procédé, notamment
en Provence, où ils avaient sous les yeux les exemples de l’antiquité  ;
mais les plans qu’ils adoptaient pour certaines parties d’édifices,
comme les bas côtés pourtournant les sanctuaires des églises, bas côtés
Ligne 694 ⟶ 695 :
voûtes. Les Byzantins avaient essayé de construire des voûtes reposant
sur des colonnes et formant des pénétrations de cylindres, de cônes ou
d’ellipsoïdes  ; mais il faut reconnaître que ces tentatives sont grossières,
ne procèdent que par tâtonnements, et ne donnent. pas comme résultat
une méthode géométrique pouvant être formulée. Malgré les difficultés
Ligne 705 ⟶ 706 :
Il faut reconnaître même que cette longue suite d’essais ne contribua
pas médiocrement à développer le système d’où procède la voûte d’arête
du XIII<sup>e</sup> siècle  ; système excellent, puisqu’il permet toutes les combinaisons
imaginables en n’employant toujours qu’un même procédé.
 
Ligne 723 ⟶ 724 :
section carrée, dès les premiers temps de l’époque impériale et peut-être
même sous la république, pour couvrir des citernes, des étages
inférieurs. Ces voûtes ne possédaient pas d’arcs-doubleaux  ; c’étaient des
demi-cylindres se croisant à angle droit, conformément au plan (fig. 14).
</div>
Ligne 746 ⟶ 747 :
qui se présente. Dans un sanctuaire porté par des colonnes (fig. 15),
ou, si les tailloirs des chapiteaux sont carrés, comme en A, les archivoltes
sont plus larges en <i>''ab</i>'' qu’en <i>''cd</i>'', ou si l’on veut que les douelles
des claveaux de ces archivoltes soient parallèles, les tailloirs des colonnes
doivent donner des trapèzes en projection horizontale, comme en B.
Dans le premier cas, ces archivoltes sont des portions de cônes  ; dans le
second, elles sont prises dans un cylindre  : mais ces tailloirs en forme
de trapèzes, si la courbe du sanctuaire n’est pas très-développée, sont
d’un effet très-désagréable à l’œil, et donnent des angles aigus qui résistent
mal à la charge. Vus sur la diagonale, ces chapiteaux paraissent
plus saillants d’un côté que de l’autre, et semblent mal reposer sur les
fûts (voyez en D). On essaya donc de s’en tenir aux tailloirs carrés  ; mais,
au lieu de bander les voûtes normales à la courbe du sanctuaire sur
une surface conique, on maintint leurs clefs sur une ligne horizontale,
et la courbe <i>''ab</i>'' était en anse de panier, tandis que la courbe <i>''cd</i>'' était
plein cintre  ; ou bien la naissance de l’archivolte était biaise de <i>''a</i>'' en <i>''c</i>''
et de <i>''b</i>'' en <i>''d</i>'', de manière à avoir en <i>''cd</i>'' comme en <i>''ab</i>'' une courbe plein cintre, et cette dernière donnait alors la section d’un berceau qui pénétrait
le berceau annulaire.
</div>
Ligne 767 ⟶ 768 :
C’est ainsi que sont construites les voûtes du collatéral du sanctuaire
de l’église de Notre-Dame du Port, à Clermont (fig. 16). Mais (voyez le
plan A) si l’on voulait que l’arc <i>''ab</i>'', tracé le long du mur du collatéral,
fût plein cintre, le diamètre <i>''ab</i>'' étant plus grand que le diamètre <i>''cd</i>'' et
que le diamètre <i>''ef</i>'', la naissance de l’arc et devait être placée à un
niveau très-supérieur à celui de la naissance de l’arc <i>''ab</i> '' ; si bien qu’une
élévation faite perpendiculairement à l’axe XO donnait la projection
tracée en B.--Toujours en supposant les clefs de niveau--et qu’en
coupe faite suivant OX, on obtenait la projection tracée en D, la naissance
de l’archivolte suivait sur le sommier S la ligne ponctuée <i>''gh</i>''. Des
voûtes ainsi conçues ne pouvaient être tracées sur l’épure avec rigueur  ;
on ne les obtenait que par des tâtonnements et une méthode empirique.
Cependant l’archivolte <i>''ef</i>'', qui n’était qu’une pénétration et ne se détachait
pas de la voûte, devait porter le mur de l’abside et ne pouvait être
faite de mœllonsmoellons ou de blocage sur forme, il fallait qu’elle fût construite
en pierres appareillées. Dès lors on conçoit les difficultés qui assaillaient
les constructeurs. À proprement parler, il n’y a pas d’archivoltes ici,
Ligne 785 ⟶ 786 :
reconnut donc bientôt qu’il y avait avantage à distinguer l’archivolte de
la voûte, à la rendre indépendante. Mais alors comment faire porter les
sommiers de ces archivoltes sur les tailloirs carrés des chapiteaux  ? où
trouver leur assiette et la naissance des voûtes  ? Voici le tailloir tracé
(fig. 17) (voyez en A). Les archivoltes sont projetées en DD. Nous traçons
les sommiers, ou le premier claveau de ces archivoltes en <i>''aa</i> '' ; il ne
restera, entre leur extrados, que le tas de charge <i>''b</i>'', et l’espace <i>''cd</i>'' pour
la naissance de la voûte. Mais comme les naissances des archivoltes
sont plus élevées que celle de la section de la voûte annulaire, il en
résultera que, si l’on veut que les arêtes partent du tailloir, ces arêtes
se détacheront des verticales <i>''cd</i>'' et formeront des angles rentrants <i>''ecf</i>'',
<i>''gdh</i>'', d’un effet maigre et peu rassurant, indiqué dans le trait perspectif A’.
S’il y avait de bonnes raisons pour poser des archivoltes indépendantes
de la voûte, on en devait trouver de tout aussi bonnes pour bander les
arcs-doubleaux partant de la colonne isolée pour aboutir à la colonne
engagée du collatéral  ; arcs-doubleaux qui devaient faciliter la construction
des voûtes tournantes en divisant le berceau annulaire primitif par
travées. Mais où loger, sur le tailloir carré, le sommier, le premier claveau
de cet arc-doubleau  ? Si (voy. en B, fig. 17) nous prétendons laisser
les deux premiers claveaux d’archivoltes et le premier claveau d’arc-doubleau,
indépendants, sur le tailloir du chapiteau, il nous faudra, ou
donner peu de lit à chacun de ces claveaux, ou augmenter beaucoup la
surface supérieure du tailloir, et dans ce cas il restera deux angles de ce
tailloir inoccupés  ; toutes les charges viendront se reporter en M, c’est-à-dire
en dehors de l’axe de la colonne et tendront à faire incliner celle-ci.
De plus (voyez le tracé perspectif B’), les naissances des archivoltes
Ligne 815 ⟶ 816 :
<br>
il restera au-dessus de la naissance de cet arc un triangle T vertical, et
l’arête de la voûte ne pourra commencer qu’en <''i>i</i>'', au point où la courbe
de la pénétration P viendra toucher l’extrados de l’arc-doubleau. Il n’est
pas besoin d’insister sur le mauvais effet de cette combinaison. Si (voy.
Ligne 821 ⟶ 822 :
composé par la pénétration des lits de ces arcs, ceux-ci ne deviendront
indépendants que lorsque leur courbure d’extrados se détachera de la
verticale  ; mais comme les naissances de ces arcs ne sont pas au même
niveau (voyez le tracé perspectif C’), nous aurons encore en <i>''t</i>'' un triangle
vertical qui déportera la naissance de l’arête en <i>''s</i>''. Pour des artistes qui
cherchaient les formes les mieux appropriées à l’objet, ces arêtes déportées,
ne naissant pas dans le fond de l’angle rentrant, ayant l’air de
Ligne 829 ⟶ 830 :
satisfaisante. Ces archivoltes et arcs-doubleaux reposant en bec de flûte
sur le tailloir ne présentaient pas une structure conforme aux principes
de la voûte portée sur des arcs saillants  ; principes qui veulent que chacun
de ces arcs conserve sa forme et sa dimension dans la totalité de
son développement. Les maîtres essayèrent donc d’autres combinaisons,
Ligne 840 ⟶ 841 :
un peu en encorbellement sur ce tailloir, de manière à le dégager. Cependant
la structure des voûtes elles-mêmes avait suivi ces progrès. Faites
d’abord de mœllonsmoellons jetés sur forme, on établit bientôt leur naissance
en pierre, puis on essaya de les construire entièrement en mœllonsmoellons
taillés, appareillés. Pour des appareilleurs qui n’étaient pas familiers
avec l’art du trait,--nous parlons des premières années du XII<sup>e</sup> siècle,--il
n’était point aisé de tracer l’appareil de voûtes d’arête tournantes  ;
aussi ces premières voûtes appareillées présentent-elles les coupes les
plus bizarres, les expédients les plus naïfs. À défaut d’expérience, ces
Ligne 852 ⟶ 853 :
abandonner un seul jour la voie tracée dès leurs premiers essais. Leurs
déductions s’enchaînent avec une rigueur de logique dont on ne saurait
trouver l’équivalent à une autre époque  ; et c’est dans l’Île-de-France
particulièrement que l’on constate la persistance des constructeurs à
poursuivre les conséquences d’un principe admis.
Ligne 861 ⟶ 862 :
de 1125 à 1130. Portées du côté du sanctuaire sur des colonnes monostyles,
les voûtes de ce collatéral possèdent déjà des arcs-doubleaux
séparatifs et des archivoltes dont les naissances sont au même niveau  ;
il en résulte que les voûtes d’arête naissent dans l’angle rentrant formé
par les extrados de ces arcs qui sont <i>''à peu près</i>'' indépendants. Nous disons
à peu près, parce que l’architecte a triché afin de dégager, autant que
faire se pouvait, les naissances de ces arcs sans charger trop inégalement
Ligne 871 ⟶ 872 :
a, de plus, doublé ces archivoltes du côté du collatéral, afin
de surhausser les voûtes, et de faire que l’extrados de cet arc doublant
eût un rayon plus étendu. De <i>''a</i>'' en <i>''b</i>'', il existe un épais formeret dont le
rayon - vu l’écartement des piles engagées P, P--est beaucoup plus
grand que ne sont les rayons des archivoltes et arcs-doubleaux. Aussi
l’architecte a-t-il placé la naissance de ce formeret au-dessous de celle
Ligne 880 ⟶ 881 :
qui du reste est favorable à l’introduction de la lumière. Il s’agissait
de bander les voûtes qui n’ont point encore d’arcs ogives (diagonaux).
Ces voûtes étant construites en mœllonmoellon piqué, le constructeur
a procédé ainsi que l’indique la perspective (fig. 19). Il a enchevêtré les
claveaux à la rencontre des berceaux formant arêtes au moyen de coupes
Ligne 906 ⟶ 907 :
système de structure entièrement nouveau, on élevait l’abside de l’église
de Brioude. Là le système annulaire, sans arcs-doubleaux, est encore
admis  ; seules les archivoltes donnant sur le sanctuaire se détachent de
la voûte, qui se compose d’un berceau annulaire pénétré par des berceaux
normaux à la courbe du sanctuaire, et formant, par conséquent, des
Ligne 913 ⟶ 914 :
pénètrent le berceau annulaire. Mais ce qui doit faire l’objet d’un
examen attentif dans ces voûtes, c’est qu’elles sont complètement
appareillées et non plus construites en blocages ou en mœllonsmoellons enduits,
ou encore en mœllonsmoellons taillés et enchevêtrés comme dans le collatéral
de l’église Saint-Louis de Poissy.
 
Ligne 956 ⟶ 957 :
d’une membrure et de remplissages rendus aussi légers et aussi inertes
que possible. Nous avons donné les deux raisons principales qui avaient
fait adopter ce parti  : la première, l’économie des cintres de charpente  ;
la seconde, l’avantage de bander les voûtes suivant une méthode rapide
qui assurait l’homogénéité de leur structure, une égale dessiccation des
Ligne 964 ⟶ 965 :
l’épaisseur même de la voûte, comme ils noyaient des arcs-doubleaux
dans l’épaisseur des berceaux et des côtes dans l’épaisseur des coupoles.
Cette méthode était judicieuse, inattaquable au point de vue de la solidité  ;
l’était-elle autant au point de vue de l’art  ? Si l’architecture a pour
objet de ne dissimuler aucun des procédés de structure qu’elle emploie,
mais au contraire de les accuser en leur donnant les formes convenables,
il est évident que les Romains ont souvent méconnu ce principe  ; car,
les voûtes enduites, recouvertes intérieurement de stucs et de peintures,
suivant des combinaisons indépendantes de la membrure, il était impossible
de savoir si ces voûtes possédaient ou non des arcs-doubleaux,
des nerfs dans leur contexture. Cette ossature résistante, jugée nécessaire
à sa stabilité, n’était pas toujours visible  ; si elle est en partie accusée
dans la coupole du Panthéon, elle ne l’est pas dans les voûtes des
thermes d’Antonin Caracalla, dans celles de la basilique de Constantin,
Ligne 982 ⟶ 983 :
s’il s’agit d’appliquer leurs principes, ont-ils fait autre chose, dans
leur architecture, que de considérer la structure comme la raison déterminante
de toute forme  ? En ont-ils jamais dissimulé les moindres membres  ?
Et ces petits édifices de la Syrie centrale, dont nous avons parlé
plus haut, ne sont-ils pas la plus vive expression de ce sentiment du Grec,
Ligne 998 ⟶ 999 :
de ces petites cités semées sur le chemin de la Perse à Byzance.
 
Or, on peut le demander à tous les gens de bonne foi  : admettre le
principe de la structure des voûtes romaines, et s’inspirer de l’esprit
analytique du Grec, de son goût pour le vrai, de son sentiment inné de
la forme, pour, de ces éléments, constituer un système complet, n’est-ce
pas un progrès  ? Et est-on en droit de repousser comme suranné ce
système, si d’ailleurs on ne sait que reproduire la forme apparente de la
structure romaine, sans y prendre même ce qui en constitue le mérite
principal, l’économie des moyens et la simplicité d’exécution  ? Il suffit,
pensons-nous, de poser ces questions, pour que chacun puisse déterminer
où s’est arrêté le progrès et où commence la décadence.
Ligne 1 012 ⟶ 1 013 :
artistes occidentaux du XII<sup>e</sup> siècle, est, à nos yeux, une des révolutions
les plus complètes, les mieux justifiées qui aient jamais été faites dans
le domaine de l’architecture. Que se sont-ils dit ces artistes  ? «  En construisant
leurs voûtes, les Romains ont considéré deux objets, une ossature
et un remplissage neutre  ; mais de ces deux objets distincts ils n’ont
tiré qu’une forme apparente, une concrétion, confondant ainsi la chose
qui soutient, la chose essentielle et la chose soutenue, inerte. Si l’intention
est excellente, si le résultat matériel est satisfaisant, le résultat,
comme art, est vicieux  ; car dans l’art de l’architecture, qui est une sorte
de création, la fonction réelle de chaque membre doit être accusée par
une forme en rapport avec cette fonction. Si une voûte ne peut se soutenir
que par un réseau de nerfs, ce réseau n’est pas destiné par l’art
à être caché, il doit être apparent, d’autant plus apparent, qu’il est plus
utile. Les Grecs ont admis cette loi, sans souffrir d’exceptions... d’exceptions… » Que
les architectes occidentaux aient fait ce raisonnement en plein XII<sup>e</sup> siècle,
nous ne l’affirmerons pas  ; mais leurs monuments le font pour eux, et
cela nous suffit.
Les architectes romans avaient adopté tout d’abord la voûte en berceau
Ligne 1 046 ⟶ 1 047 :
dit, un moyen terme entre ces deux structures; ils rehaussèrent la voûte
d'arête à la clef, ainsi, du reste, que l'avaient fait les Byzantins (voyez
fig. 10). Mais,--et c'est alors qu'apparaît la véritable innovation dans
l'art du constructeur,--ils firent sortir de la voûte d'arête romaine ou
byzantine le nerf noyé dans son épaisseur, le construisirent en matériaux
appareillés, résistants, et le posèrent sur le cintre de charpente; puis,
Ligne 1 061 ⟶ 1 062 :
logiques de ce système ne se font pas attendre. Dans la voûte
romaine, formée de cellules, comme nous l'avons vu figure 1 et suivantes,
le remplissage de ces cellules est <i>''maintenu</i>'', mais est inerte, n'affecte
aucune courbure qui puisse en reporter le poids sur les parois des cellules.
Puisque les constructeurs du XII<sup>e</sup> siècle détachaient les nerfs de la voûte,
qu'ils en faisaient comme un cintrage permanent, il était naturel de
<i>''voûter</i>'' les remplissages sur ces nerfs, c'est-à-dire de leur donner en tout
sens une courbure qui reportât réellement leur pesanteur sur les arcs.
Ainsi la <i>''voûte</i>'' était un composé de plusieurs voûtes, d'autant de voûtains
qu'il y avait d'espaces laissés vides entre les arcs. Du système concret
romain,--malgré les différents membres qui constituaient la voûte
romaine,--les maîtres du XII<sup>e</sup> siècle, en séparant ces membres, en leur
donnant à chacun leur fonction réelle, arrivaient au système élastique.
Bien mieux, ils inauguraient un mode de structure par lequel on évitait
Ligne 1 097 ⟶ 1 098 :
des cintres permanents de pierre, était une idée ingénieuse, déduite de
la théorie romaine sur la solidité des voûtes; ce n'était pas un nouveau
principe: ce n'est pas un principe nouveau de faire saillir <i>''sous</i>'' la voûte
le nerf noyé <i>''dans</i>'' la voûte; c'est une simple déduction logique. Mais
considérer ces nerfs, ressortis de la voûte, comme une membrure indépendante,
et combiner, sur cette membrure, des successions de voûtes
Ligne 1 118 ⟶ 1 119 :
entre le principe de la coupole nervée, et le principe de la voûte
en arcs d’ogive, bien qu’en apparence ces deux voûtes aient le même
aspect<span id="note15"></span>[[#footnote15|<sup>15</sup>]], ou peu s'en faut ; il semblerait que nos développements à ce
sujet ne sont pas assez étendus, puisque de savants critiques n'ont pas
paru apprécier toute l'importance de cette différence. Cependant elle est
Ligne 1 151 ⟶ 1 152 :
sera impossible.
 
Par quels artifices de pénétrations pourrait-on voûter les chapelles  ?
Par des coupoles  ? Peut-être  ; mais alors il faudrait que ces coupoles
reposassent sur des arcs, établir des pendentifs, et alors prendre une
hauteur considérable. D’ailleurs ces pendentifs biais, irréguliers, produiraient
un très-mauvais effet. En établissant son plan, l’architecte de
l’abside de Saint-Denis savait comment il allait le voûter  ; ou, pour parler
plus vrai, c’était le système de voûtes à employer qui lui donnait les
dispositions de son plan. D’abord le cercle intérieur qui lui sert à tracer
le périmètre de la chapelle rencontre en <i>''a</i>'' le tailloir de la colonne
monostyle <i>''b</i>'', de sorte que les branches d’arcs ogives <i>''ac</i>'', <i>''de</i>'', <i>''ec</i>'', sont égales
entre elles. Ayant tracé l’arc-doubleau <i>''f</i>'' et l’archivolte g<i>'',</i>'' il prend le
milieu de l’axe <i>''gf</i>'', en <''i>i</i>'', et il trace les deux branches d’arcs ogives <i>''bi</i>'', <i>''hi</i>'',
puis il trace les arcs-doubleaux <i>''hb</i>'', <i>''bi</i>''. Il est clair que tous ces arcs sont
indépendants  ; l’architecte est le maître de placer où bon lui semble
leur naissance. Mais (et c’est là où apparaissent les conséquences forcées
du nouveau système adopté), s’il eût tracé ces arcs en plein cintre,
Ligne 1 171 ⟶ 1 172 :
niveau, puisque ces arcs sont de diamètres très-différents, et alors surgissaient
les difficultés que nous avons signalées plus haut pour fermer
les remplissages triangulaires voûtés  ; ou si les naissances de ces arcs
eussent été placées au même niveau, leurs clefs atteignaient des niveaux
très-variables. L’architecte emploie donc l’arc en tiers-point ou brisé,
qui lui assure toute liberté pour donner aux clefs les niveaux convenables.
Ainsi, le rabattement B indique en <i>''l’b’</i>'' l’arc-doubleau <i>''lb</i>'', en <i>''b’h’</i>''
l’arc-doubleau <i>''bh</i>'', en <i>''c’e’</i>'' une des branches d’arcs ogives de la chapelle,
en <i>''ob’</i>'' l’arc-doubleau <i>''bf</i>'', en <i>''b''i’</i>'' la branche d’arc ogive <i>''bi</i>'', et en <i>''b''p</i>''
celle <i>''hi</i>''. Il résulte de ce tracé que les clefs <i>''cfi</i>'' sont au même niveau, et
que les clefs des deux arcs-doubleaux <i>''hb</i>'', <i>''bl</i>'', sont aussi sur une même
ligne de niveau, inférieure à celle des trois clefs <i>''cfi</i>''. Reste, sur cette
ossature, à bander les triangles voûtés, lesquels reposent sur ces arcs en
tiers-point. Les lignes de clefs de ces remplissages aboutissent nécessairement
au point culminant de chacun de ces arcs et donnent les projections
ponctuées <i>''iq</i>'', <i>''cr</i>'', et passent par la ligne d’axe <i>''cg</i>''. Une petite difficulté
se présentait dans la partie pleine de la chapelle.
 
L’architecte avait dû percer les fenêtres D, non pas au milieu de la
courbe <i>''ke</i>'', mais plus rapprochées de la pile centrale <i>''e</i>'', afin d’échapper le
contre-fort C. Or, l’archivolte de cette fenêtre tenant lieu de formeret, sa
clef se trouve en <i>''t</i> '' ; la ligne de clefs <i>''ct</i>'' divisait donc très-irrégulièrement
le triangle <i>''kec</i> '' ; et il restait, de <i>''k</i>'' en <i>''s</i>'', un espace entre l’extrados de cette
archivolte et celui de la branche d’arc <i>''kc</i>'', qui pouvait embarrasser le
maçon chargé de bander la voûte sur le triangle <i>''kec</i>''. La figure perspective
E montre en F comment cette petite difficulté fut résolue. Le remplissage
voûté commence comme commencerait une coupole sur une
partie circulaire  ; puis la surface courbe, gauchissant à mesure qu’elle
s’élève, va chercher l’extrados de l’archivolte et celui de la branche
d’arc ogive. En G, une projection horizontale indique la disposition des
rangs de mœllonsmoellons taillés, à la naissance de la surface courbe entre les
arcs. Sur le tracé perspectif E on voit que les archivoltes des fenêtres
faisant fonction de formerets pénètrent dans la branche d’arc ogive
Ligne 1 205 ⟶ 1 206 :
ogives de la chapelle sont à un niveau plus bas que les naissances des
autres arcs, et que, par suite, les tailloirs des chapiteaux descendent d’une
assise (voy. en <i>''y</i>''). Sauf quelques tâtonnements, quelques points vaguement
étudiés, le système est complet, franc  ; la liberté de l’architecte
est acquise, et de ce premier essai il est facile d’arriver aux
conséquences les plus étendues. Le tracé perspectif E montre bien que
les remplissages triangulaires en mœllonsmoellons taillés reportent leur charge
sur les nervures, sont bandés sur leur extrados, et que celles-ci remplissent
exactement, à Saint-Denis déjà, l’office de cintres permanents portant
Ligne 1 215 ⟶ 1 216 :
pour la tradition, peut-être aussi par un défaut de confiance absolue en
la bonté du système nouveau, les clefs des formerets et arcs-doubleaux latéraux sont tenues plus bas que celles des arcs ogives, afin de laisser
encore à la réunion des voûtains triangulaires une forme générale <i>''domicale</i>''.
Ce parti persista jusqu’aux premières années du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
Ligne 1 226 ⟶ 1 227 :
approfondi. M. Challe, au Congrès scientifique d’Auxerre de 1859, a
parfaitement établi que la cathédrale de Sens ne pouvait avoir été reconstruite
après l’incendie de 1184  ; mais on ne peut admettre qu’elle ait
été commencée par l’archevêque Henri de France dès son intronisation,
c’est-à-dire en 1122, dix ans avant le narthex de l’église abbatiale de
Ligne 1 234 ⟶ 1 235 :
textes disent qu’il commença cet édifice, mais ils ne disent pas à quel
moment de son épiscopat cette fondation eut lieu. Or, c’est en 1137 que
l’abbé Suger commence la reconstruction de son église  ; en trois ans et
trois mois il avait achevé le chœur. En admettant que la cathédrale
de Sens soit contemporaine de l’église de Saint-Denis, on y travaillait
Ligne 1 254 ⟶ 1 255 :
à porter seulement les arcs de recoupement de ces voûtes hautes, les
arcs ogives des voûtes basses se placent assez gauchement sur ces piles.
Les arcs ogives rabattus en D ont leurs deux branches inégales, celle <i>''ab</i>''
étant plus courte que celle <i>''bc</i>''. En <i>''c</i>'', le constructeur, n’ayant pas réservé
une colonnette pour recevoir cette branche <i>''bc</i>'', a dû poser un corbeau
dans la hauteur du sommier de l’arc-doubleau et de l’arc formeret
(voy. le tracé perspectif G)  ; ainsi a-t-il pu diminuer une partie de la
différence de longueur entre les deux branches des arcs ogives. Ces
branches d’arcs ogives reposent d’autre part sur la saillie du tailloir des
Ligne 1 264 ⟶ 1 265 :
tenant aux grosses piles. Bien que les arcs-doubleaux C soient plein
cintre, les archivoltes E de la nef sont en tiers-point (voy. leur rabattement
en E’). D’ailleurs les clefs des arcs ogives atteignent un niveau <i>''d</i>''
supérieur au niveau des clefs des arcs-doubleaux et des archivoltes  ; de
sorte que ces voûtes sont fortement bombées et construites en mœllonsmoellons
taillés, comme il a été dit ci-dessus. Ce mélange du plein cintre et de
l’arc en tiers-point pour les arcs-doubleaux et archivoltes ne se trouve
Ligne 1 279 ⟶ 1 280 :
étudier, en ce qu’il éclaircit plusieurs questions touchant la construction
de ces parties importantes de nos édifices de la fin du XII<sup>e</sup> siècle. Ces
voûtes hautes sont sur plan carré avec arc-doubleau de recoupement  ;
méthode adoptée, sauf de rares exceptions, pour les nefs de la seconde
moitié du XII<sup>e</sup> siècle et du commencement du XIII<sup>e</sup><span id="note17"></span>[[#footnote17|<sup>17</sup>]]. À Sens, cette disposition
des voûtes hautes est parfaitement accusée par la forme et la
dimension des piles. Les arcs ogives (arcs diagonaux) PM sont plein
cintre<span id="note18"></span>[[#footnote18|<sup>18</sup>]]; leur rabattement est en <i>''pm</i>''. L'arc-doubleau de recoupement SM
est rabattu en <i>''sm</i>''. Les arcs-doubleaux PO sont rabattus en <i>''ro</i>''. Pour les
formerets (anciens), ils étaient plein cintre et sont rabattus en <i>''nt</i>''. On observera
que la courbe d'extrados de l'arc ogive (rabattue) vient rencontrer
en <i>''v</i>'' le formeret au niveau de l'extrados de sa clef (en projection verticale),
de sorte que la ligne des clefs du remplissage triangulaire M<i>''g</i>''
(en projection horizontale) est donnée par la courbe d'extrados <i>''vm</i>''.
Le demi-triangle M<i>''gh</i>'' est donc une section de coupole, et pourrait être
construit suivant le mode propre à ce genre de voûtes, c'est-à-dire par
une suite de rangs de moellons concentriques. C'est là un point qu'il
Ligne 1 298 ⟶ 1 299 :
encore les architectes de la première période dite gothique.
Cependant les rangs de moellons de ces remplissages sont posés parallèlement
à la ligne M<i>''g</i>'' des clefs, afin de reporter le poids de ces remplissages
en entier sur les arcs-doubleaux et arcs ogives. Mais on pourra
objecter que les formerets plein cintre n'existant plus et ayant été remplacés
Ligne 1 310 ⟶ 1 311 :
<div class=prose>
En E, est tracée la coupe, suivant le grand axe, de cette portion
de voûte. Les colonnettes <i>''c</i>'' existent encore en place avec leurs chapiteaux,
et dans les travées du chœur les branches <i>''be</i>'' d’arcs formerets
ont été laissées au-dessous des formerets surélevés à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle.
Ces éléments suffiraient pour indiquer la hauteur et la forme précise
des anciens formerets au XII<sup>e</sup> siècle. Mais voici qui vient encore appuyer
notre restitution. Tout le long de la nef, la corniche F du XII<sup>e</sup> siècle est
conservée  ; au-dessous est une ornementation de petits arcs plein
cintre qui reposent sur une arcature qui autrefois s’ouvrait nécessairement
au-dessus des voûtes, ainsi que l’indique la coupe G. La corniche F
était surélevée pour permettre aux entraits de la charpente de passer
au-dessus de l’extrados des voûtes  ; et cette arcature G donnait du jour
et de l’air sous le comble. Dans le chœur de l’église abbatiale de Vézelay,
qui date de 1180 à 1190, les formerets sont également plein cintre et
Ligne 1 327 ⟶ 1 328 :
des formerets plein cintre surbaissés. Il n’y a donc rien dans cette disposition
qui ne soit conforme à la structure des voûtes des édifices voisins
de Sens ou appartenant à la même province. La ligne ponctuée <i>''gh</i>''
indique la place des formerets refaits à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, formerets
qui enveloppent de grandes fenêtres à meneaux dont les archivoltes
viennent aujourd’hui pénétrer les restes de l’arcature autrefois ajourée
au-dessus des voûtes. La figure 25 donne cette arcature à l’extérieur  ;
les traces encore en place et de nombreux fragments permettent de
la restituer sans difficultés<span id="note19"></span>[[#footnote19|<sup>19</sup>]]. En perçant les nouvelles fenêtres, les architectes
Ligne 1 349 ⟶ 1 350 :
Il ressort de cette étude que les voûtes hautes de Saint-Étienne de
Sens étaient très-bombées, présentaient des triangles concaves fortement
inclinés vers l’extérieur  ; que les constructeurs n’osaient encore s’affranchir
de la forme génératrice donnée par la coupole, quant au tracé, bien
qu’ils eussent déjà adopté le mode de structure des voûtains triangulaires
de remplissages reportant les charges sur les arcs-doubleaux et
formerets  ; du moins cela paraît-il probable, puisque ce mode est adopté
pour les voûtes des collatéraux, plus anciennes, et pour les voûtes hautes
des chœurs de Vézelay et de Notre-Dame de Châlons-sur-Marne, qui sont
du même temps, ou peu s’en faut, que celles hautes de la cathédrale de
Sens. Les triangles prenant pour base les formerets, ayant à Sens été
refaits à la fin du XIII<sup>e</sup> siècle,--quoique les arcs ogives et arcs-doubleaux
n’aient point été modifiés,--nous ne pouvons affirmer toutefois que
les rangs de mœllonsmoellons de ces triangles aient été posés parallèlement à
la ligne des clefs (voy. figure 24). Il serait possible que les rangs de
mœllonsmoellons du demi-triangle <i>''ilm</i>'' eussent été posés parallèlement à la ligne
des clefs <i>''lm</i>'', et que les mœllonsmoellons du demi-triangle <i>''nlm</i>'' eussent été posés
par rangs horizontaux, puisque la ligne <i>''lm</i>'' n’était qu’un segment de
l’arc ogive (extrados), et que, par conséquent, ce demi-triangle <i>''nlm</i>'' était
une tranche de sphère pénétrée par le formeret. Cette structure eût été
assez étrange et exceptionnelle pour qu’on ne puisse l’admettre. Cependant
Ligne 1 374 ⟶ 1 375 :
et notamment des espaces triangulaires, entre piles, ainsi qu’on
le peut voir autour du chœur de la cathédrale de Paris. Le sanctuaire
de Notre-Dame de Paris est enveloppé d’un double collatéral (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. 44)  ; la seconde zone de piles étant naturellement plus
développée que la première, et la troisième que la seconde, l’architecte
a multiplié les points d’appui de manière à présenter toujours des arcs
d’ouvertures à peu près égales. La figure 26 donne une travée A du
sanctuaire de Notre-Dame de Paris, le premier collatéral B et la seconde
précinction C de colonnes monocylindriques. D sont les archivoltes  ;
E, les arcs-doubleaux concentriques  ; F, les arcs-doubleaux rayonnants  ;
et G les arcs-doubleaux diagonaux. Tous ces arcs sont en tiers-point, de
sorte que leur brisure, leur point culminant est en <i>''d</i>'' pour les premiers,
en <i>''e</i>'' pour les seconds, en <i>''f</i>'' pour les troisièmes, et en <i>''g</i>'' pour les quatrièmes.
Pour voûter ces surfaces triangulaires, le constructeur a réuni les
extrados des points culminant des arcs F et G par des courbes ou lignes
de clefs bombées <i>''fg</i>'', <i>''gg</i>'', <i>''gf</i>''. Il a voûté en surfaces courbes, par rangs
parallèles à ces lignes de clefs, les triangles <i>''gg</i>''O, <i>''gfI</i>'', en posant, suivant
la méthode ordinaire, chacun de ces rangs de mœllonsmoellons piqués sur les
extrados des branches d’arcs O<i>''g</i>'', I<i>''g</i>'', I<i>''f</i>''. Le point culminant des lignes
de clefs <i>''fg</i>'', <i>''gg</i>'', est en <i>''h</i>'', et ce point culminant est à un niveau sensiblement
supérieur aux points culminants <i>''d</i>'' et <i>''e</i>'' des archivoltes D et arcs-doubleaux
E, puisque les arcs-doubleaux rayonnants et diagonaux F et G
sont tracés sur un plus grand diamètre, et que leurs clefs se trouvent,
par cela même, plus élevées déjà que celles <i>''d</i>'' et <i>''e</i>''. Ces clefs, aux points
culminants <i>''dh</i>'', <i>''eh</i>'', ont donc été réunies par une courbe  ; puis des lignes
fictives ont été tirées de <i>''l</i>'' en <i>''h</i>'', de K en <i>''h</i>'', de <''i>i</i>'' en <i>''h</i>'': ces lignes sont des
courbes par lesquelles doivent passer les rangs de mœllonsmoellons. Les extrados
<i>''l</i>'', <i>''e</i>'' des arcs-doubleaux ont été divisés en un nombre de divisions
égales suivant l’épaisseur des rangs de mœllons moellons ; un même nombre de
divisions égales a été fait sur la courbe <i>''lh</i>'', par exemple  ; puis les lignes
qui ont réuni ces points ont donné les joints des rangs de mœllonsmoellons, ce
que présente la structure tracée en H et en P. Ainsi ces triangles concaves
viennent-ils reposer leur poids sur les arcs de pierre qui réunissent
Ligne 1 419 ⟶ 1 420 :
sphérique ou côtelée, ou plutôt poser sous ces voûtes des cintres
permanents de pierre, au lieu de cintres provisoires de charpente, c’était
une idée nouvelle  ; c’était, comme nous l’avons expliqué au commencement
de cet article, sortir le squelette englobé dans l’épaisseur de la
voûte romaine pour le laisser apparaître sous cette voûte  ; c’était l’utiliser
non plus seulement comme un renfort, mais comme un support, et
bientôt l’unique support  ; c’était enfin rendre ce squelette indépendant
de la voûte elle-même et permettre l’emploi de tous les systèmes possibles
de voûtage. Toutefois les déductions étendues de ce système ne se
présentent que successivement. Ainsi, la voûte d’arête byzantine bombée
étant donnée, renforcer les lignes de pénétration de surfaces courbes
au moyen d’arêtes de pierre sous-jacentes  ; extraire de la voûte bombée
les arcs noyés dans l’épaisseur des lignes de pénétration, pour les placer
sous ces lignes, afin de reposer les triangles de la voûte <i>''sur</i>'' les arcs,
c’est évidemment la première idée qui se présente à l’esprit des constructeurs
au XII<sup>e</sup> siècle  ; mais cette <i>''extraction</i>'' d’un membre de la voûte
byzantine, noyé dans son épaisseur, pour le placer sous cette voûte, ne
modifie pas la voûte  ; celle-ci subsiste, son ossature est visible extérieurement,
voilà tout. Or, il faut trouver la place propre à recevoir cette
ossature  ; la présence nouvelle de cette ossature exigera un supplément
d’assiette. C’est en effet ce qui arriva. Soit (fig. 27) un sommier A de
voûtes d’arête bombées byzantines, portées sur des piles isolées. Le
constructeur a l’idée de sortir les arêtes de brique <i>''a</i>'', noyées dans l’épaisseur
de ces voûtes, pour maçonner la voûte non plus autour de ces nerfs,
mais au-dessus. L’opération qui se présente tout d’abord est celle-ci  :
il écorne les angles du sommier, et pose, non plus en brique, mais en
pierres appareillées, les claveaux <i>''b</i>'' en dehors des angles. Il aura de même
fait sortir des faces <i>''c</i>'' des arcs-doubleaux <i>''d</i>''. L’ensemble du sommier
ainsi modifié occupera donc une surface <i>''fghi</i>'', plus étendue que celle
occupée par le sommier de la voûte primitive. Il faudra, dès lors, ou
que le chapiteau prenne un évasement considérable, ou que la pile soit
Ligne 1 451 ⟶ 1 452 :
qu’il était nécessaire de réduire autant que possible les points d’appui
dans les intérieurs des édifices. Le nouveau système adopté paraissait
donc en contradiction avec cette nécessité admise. On évasa les chapiteaux  ;
mais n’osant pas porter toute la saillie de ces arcs ressortis, en
encorbellement sur le nu des piles, on ajouta à celles-ci, non pas une
Ligne 1 491 ⟶ 1 492 :
À la cathédrale de Senlis, dont la construction est peu postérieure à
celle de l’église de Saint-Denis (partie de l’abside), on voit que l’architecte a cherché à faire pénétrer l’arc ogive des chapelles dans l’arc-doubleau d’ouverture. La figure 29 donne en A la pile d’angle de ces chapelles (peu profondes comme celles de l’église de Saint-Denis). L’arc-doubleau
d’entrée est en <i>''a</i>'' et l’arc ogive en <i>''b</i>''. Cet arc ogive naît sur la
colonne destinée à l’arc-doubleau. Le tracé perspectif B montre en <i>''a’</i>'' cet
arc-doubleau et en <i>''b’</i>'' l’arc ogive pénétrant. Bien entendu, les sommiers
de ces deux arcs ne sont plus indépendants, mais sont pris dans les
mêmes assises jusqu’au niveau <i>''n</i>''. Bientôt ces arcs, à leur naissance, se
groupent de plus en plus, se pénètrent, ce qui permet de diminuer d’autant la section des piles qui les portent. Les arcs se resserrant en faisceau,
ne sont plus, de fait, un renfort, une ossature pour porter la voûte, mais
Ligne 1 506 ⟶ 1 507 :
enchaînées. Telle est, en effet, la propriété des principes admis
en toute chose, qu’ils deviennent une source féconde, nécessaire, fatale
de déductions. C’est pourquoi nous répétons sans cesse  : Tenez peu de
compte des formes, si vous ne les trouvez pas de votre goût, mais adoptez
un principe et suivez-le  ; il vous donnera les formes nécessaires et convenables à l’objet, au temps, aux besoins. Et c’est pourquoi aussi ceux
qui n’aiment guère à se soumettre à un principe, parce qu’il oblige
l’esprit à raisonner, espèrent donner le change au public en prétendant
que les études sur notre architecture française du moyen âge ont pour
résultat de faire adopter des formes surannées. En tout ceci il ne s’agit
pas de formes, il s’agit d’une méthode  ; c’est ce que n’admettront jamais,
il est vrai, les architectes pour qui toute méthode est considérée comme
une entrave au développement de l’imagination, ou, pour parler plus
Ligne 1 521 ⟶ 1 522 :
hautes de la cathédrale de Sens présentent en somme l’apparence de
coupoles côtelées. Les constructeurs n’osent pas encore tenir les clefs
de ces grandes voûtes,--clefs d’arcs ogives, clefs d’arcs-doubleaux et
de formerets,--sur le même niveau. À la cathédrale de Paris cependant,
les voûtes hautes du chœur, terminées avant 1190, sont beaucoup
moins bombées que celles de Saint-Étienne de Sens. Il est clair que plus
Ligne 1 530 ⟶ 1 531 :
Il résulte de cette disposition un emploi inutile de matériaux, une
ordonnance lourde qu’il faut occuper par une claire-voie, si l’on prétend
l’alléger  ; mais alors aussi une dépense considérable pour un objet secondaire.
En remontant les clefs de tous les arcs au même niveau, il n’y
avait plus à poser au-dessus des formerets que la corniche et le bahut
Ligne 1 553 ⟶ 1 554 :
le relâchement de ces larges surfaces courbes, et l'on cherchait à
les renforcer entre les arcs-doubleaux et les arcs ogives par des arcs,
auxquels on donna jusqu'au XVI<sup>e</sup> siècle le nom de <i>''tiercerets</i>'' ou <i>''tiercerons</i>''.
Ces arcs supplémentaires venaient aboutir à la lierne posée de la clef de
l'arc-doubleau à la clef de l'arc ogive. C'est peut-être à la voûte centrale
Ligne 1 562 ⟶ 1 563 :
Nous présentons (fig. 30) le plan du quart de cette voûte. Au centre C
est une clef en lunette pour le passage des cloches de la flèche. Les liernes
sont projetées en <i>''ab</i>'', les tiercerons en <i>''ef</i>''. Ces arcs viennent se réunir au
milieu des tiercerons. En AB, nous avons tracé le rabattement des arcs-doubleaux;
en GE, celui des arcs ogives; en GF, celui des tiercerons,
Ligne 1 571 ⟶ 1 572 :
pas moins posés parallèlement aux lignes de clefs, c'est-à-dire aux
liernes, et les tiercerons ne sont là qu'un nerf pour renforcer ces rangs
de moellons vers le milieu de leur courbure, dont la lierne <i>''ab</i>'' donne la
flèche.
</div>
Ligne 1 577 ⟶ 1 578 :
<div class=prose>
En Angleterre, l’adoption de ce système s’était combinée avec une
disposition particulière à cette contrée, de rangs de mœllonsmoellons des voûtains
(voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. de 62 à 72); ce qui amena des combinaisons
de voûtes tout à fait différentes de celles admises par l'école
Ligne 1 592 ⟶ 1 593 :
donne un exemple remarquable de ce genre de structure (fig. 31). En A,
est projeté le quart du plan de cette voûte, percée d’un œil pour le
passage des cloches. De <i>''a</i>'' en <i>''b</i>'' sont les liernes horizontales, sans tiercerons.
</div>
[[Image:Detail.voute.cathedrale.Bayeux.png|center]]
Ligne 1 599 ⟶ 1 600 :
liernes projetées en GE. Ces liernes horizontales ne sont point appareillées
en plates-bandes, leur grande longueur et leur faible section ne
l’ont pas permis  ; elles passent à travers les remplissages de mœllonsmoellons,
qui viennent ainsi les soutenir comme une ligne de clefs. La section H
fait comprendre cet appareil. Dans leur plus grande courbure, c’est-à-dire
près de l’arc-doubleau, les rangs de mœllonsmoellons sont inclinés suivant
les lignes <i>''gh</i>'', et, en se rapprochant de la lunette, ces rangs prennent
naturellement la courbure beaucoup plus plate <i>''ih</i>''. La lierne est donc
pincée par la butée de ces rangs de mœllonsmoellons, elle charge et affermit
leur point de jonction. En pareil cas, les remplissages triangulaires sont
plutôt des portions cylindriques que des concavités, comme dans
Ligne 1 614 ⟶ 1 615 :
ces rencontres d’arcs avec la clef-œil. La clef-œil est composée de huit
morceaux. Les quatre qui correspondent aux arcs ogives sont naturellement
maintenus à leur, place par la coupe normale à l’arc  ; les quatre
qui correspondent aux liernes sont maintenus également par une coupe
oblique <i>''a</i>'', de sorte que le dernier morceau <i>''b</i>'' de la lierne est plus large
à l’intrados, de <i>''e</i>'' en <i>''f</i>'', qu’à l’extrados, de <i>''g</i>'' en <i>''h</i>''. Mais toutefois ce morceau,
pas plus que ceux qui le précèdent, ne peut choir, puisqu’ils sont
les uns et les autres pincés et maintenus par les triangles des remplissages,
à la queue <i>''p</i>''. La figure 32 permet d’apprécier l’utilité des redents
qui renforcent les arrivées des branches d’arcs et des liernes, et empêchent
ainsi les ruptures qui, se produisant au collet, occasionneraient
Ligne 1 645 ⟶ 1 646 :
Nous avons vu qu’en France, ou plutôt dans l’Île-de-France, déjà au
milieu du XII<sup>e</sup> siècle, les remplissages des voûtes en arcs d’ogive sont
fermés au moyen de rangs de mœllonsmoellons piqués, posés perpendiculairement
(en projection horizontale) aux formerets, de telle sorte que ces
rangs de mœllonsmoellons viennent se joindre parallèlement sur la ligne des
clefs, ou ligne faîtière. Pour obtenir ce résultat, nous avons montré
(voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. 55) comment l'appareilleur traçait sur l'extrados
Ligne 1 667 ⟶ 1 668 :
Il était nécessaire donc que l'ouvrier chargé de cette besogne fût assez
intelligent, eût une dose d'initiative suffisante, pour pouvoir disposer
<i>''seul</i>'', sans le concours du maître appareilleur, ces rangs de moellons
concaves à l'intrados et plus épais, par conséquent, au milieu du rang
qu'aux deux extrémités. Il y avait dans ce mode de procéder un <i>''à peu
près</i>'', un sentiment, peut-on dire, qui n'entrait pas dans le génie précis
et pratique de l'Anglais, lequel prétend ne rien livrer au hasard dans
l'ordre des choses qui peuvent être matériellement prévues et définies.
Ligne 1 678 ⟶ 1 679 :
rangs de moellons de remplissage, non plus en un nombre égal de
divisions, mais en divisions égales. Ainsi (fig. 33), soit une voûte d'arête
sur plan carré; le rabattement du formeret étant <i>''ab</i>'', et celui de l'arc
ogive <i>''cd</i>'', si chaque rang de moellons donne sur le formeret les divisions
<i>''ae</i>'', <i>''ef</i>'', <i>''fg</i>'', etc., on aura reporté ces mêmes divisions sur l'arc ogive de
<i>''c</i>'' en <i>''l</i>'', de <i>''l</i>'' en <i>''m</i>'', etc. On aura ainsi (ces divisions étant égales) un plus
grand nombre de largeurs de rangs de moellons sur l'arc ogive que sur
le formeret. Réunissant donc les points <i>''e'l'</i>'', <i>''f'm'</i>'', etc., on aura la direction
de ces rangs de moellons qui en <i>''o</i>'' viendront se rencontrer sur la ligne
des clefs. Le poseur pourra ainsi n'avoir à placer que des moellons également
épais; les lignes de joints s'inclineront vers l'arc ogive, bien que
Ligne 1 701 ⟶ 1 702 :
française (voyez en A le triangle B), d’autres présentent pour la combinaison
des remplissages la projection C. Cette combinaison est obtenue
par le procédé suivant  : l’angle <i>''aef</i>'' a été divisé en deux par la ligne <i>''ab</i>'',
les rangs de mœllonsmoellons du triangle opposé ont été bandés perpendiculairement
à cette ligne <b>'''ab</b>''': ces rangs de mœllonsmoellons viennent donc se chevaucher
sur la ligne des clefs  ; ou bien, comme on le voit en D, les rangs de
mœllonsmoellons coupent à angle droit cette ligne <i>''ad’</i>''. C’est le cas de l’exemple
présenté dans la figure 33. Parfois aussi, dans d’autres voûtes, à Ely
notamment, les rangs de mœllonsmoellons piqués sont posés perpendiculairement
aux branches d’arcs ogives, comme le montre le triangle G, et se
chevauchent toujours sur la ligne des clefs ou se réunissent en sifflets.
Ligne 1 713 ⟶ 1 714 :
Les voûtes du transsept de l’église de Westminster, qui datent de 1230
environ, sont faites conformément au tracé indiqué dans le triangle D et
dans la figure 33  ; c’est-à-dire que les divisions sont égales sur la courbe
du formeret F (voyez le tracé perspectif P, fig. 34) et sur l’arc ogive O.
Cet arc ayant un plus grand développement que le formeret, il y a donc
plus de divisions sur l’arc ogive que sur ce formeret, et les rangs de
mœllonsmoellons légèrement concaves s’inclinent sur cette branche O d’arc
ogive. Il n’y a pas de lierne transversale pour masquer le chevauchage
des rangs de mœllonsmoellons sur la ligne des clefs, mais il en existe longitudinalement
déjà, comme l’indique la figure, de M en N. La naissance de la
courbe des formerets étant en R, c’est-à-dire beaucoup au-dessus de la
naissance des arcs ogives, il y a donc en <i>''ghi</i>'' un triangle vertical faisant
partie du tas de charge, et de la ligne <i>''ih</i>'', pour aller prendre le rang de
mœllonsmoellons <i>''m</i>'' (le premier qui commence la série des divisions égales), le
constructeur a élevé une surface trapézoïdale <i>''ihmn</i>'', gauche (en aile de
moulin). Ce n’est donc qu’à partir de la ligne <i>''mn</i>'' que les divisions égales
ont été faites à la fois sur le formeret et sur la branche d’arc ogive.
 
Il est facile de reconnaître qu’ici le praticien n’a pas eu d’autre idée
que de simplifier son travail au moyen de ces divisions égales sur les
deux arcs, de poser des rangs de mœllonsmoellons parallèles dans leur étendue,
et d’éviter ainsi la taille de ces mœllonsmoellons sur le tas, exigée par le système
français. Les conséquences de l’adoption de ce procédé simplificateur
ne se firent pas attendre.
 
Dans la voûte française, les remplissages de mœllonsmoellons sont des voûtains
courbes en tous sens, concavités reportant leur poids sur les nerfs de
pierre, sur les cintres permanents. Chaque triangle de la voûte française
Ligne 1 747 ⟶ 1 748 :
leur courbe propre) des couchis de planches, il est évident que ces couchis,
ayant une égale largeur dans toute leur étendue, donneraient exactement
la figure que reproduit le tracé P (fig. 34)  ; que ces couchis ne
pourraient se réunir parallèlement suivant la ligne des clefs du triangle,
mais se chevaucheraient.
Ligne 1 753 ⟶ 1 754 :
Les Anglais ont-ils fait des voûtes originairement composées d’arcs de
pierre ou de courbes de bois, sur lesquelles ils auraient posé des madriers,
des couchis, en un mot  ? C’est possible  ; d’autant qu’il existe encore
en Angleterre, dans le cloître de la cathédrale de Lincoln, entre autres
exemples, des voûtes ainsi construites et qui datent du XIV<sup>e</sup> siècle. Il ne
Ligne 1 763 ⟶ 1 764 :
voûte française ne peut en aucune façon se prêter à l’emploi de planches
ou de madriers, puisqu’il eût fallu tailler chacun d’eux pour lui donner
plus de largeur au milieu qu’aux extrémités  ; tandis que le système
anglais primitif indiqué ci-dessus permet la mise en œuvre du bois  ;
bien plus, il l’indique, il en est une conséquence. Les dérivés des exemples
précédents viennent encore accuser cette préoccupation des constructeurs.
Ligne 1 772 ⟶ 1 773 :
Dès le XIII<sup>e</sup> siècle, les liernes apparaissent, puis les tiercerons. Les
liernes étaient une conséquence toute naturelle du chevauchement des
rangs de mœllonsmoellons sur la ligne des clefs. Les tiercerons--pour les voûtes
d’une grande portée du moins--étaient commandés pour empêcher
le fléchissement de ces rangs de mœllonsmoellons qui n’ont qu’une flèche inappréciable
et qui semblent figurer des couchis. Ces plans courbes dans
un sens, mais nullement concaves ou très-peu concaves,--puisque ces
rangs de mœllonsmoellons remplissaient l’office de couchis,--avaient besoin
d’être maintenus dans le milieu de leur développement, pour ne point
se déformer, s’infléchir  ; les tiercerons furent donc posés pour parer à
cette éventualité.
 
Bientôt les conséquences de ce principe conduisent à des combinaisons
d’arcs dont nous ne trouvons pas, en France, les analogies  ; et c’est
toujours un mode simplificateur qui est la cause de ces combinaisons.
 
Ligne 1 816 ⟶ 1 817 :
<div class=prose>
Les tiercerons venaient aboutir de la naissance au milieu des liernes,
en <i>''aa’</i>''. Ces constructeurs jugèrent que pour les grands triangles, les
espaces <i>''a’b</i>'', <i>''a’c</i>'' étaient trop grands encore pour se passer d’un renfort
intermédiaire. Ils établirent donc les contre-tiercerons <i>''gh</i>'', <i>''gi</i>'', aboutissant
au milieu des demi-liernes, en <i>''h</i>'' et en <i>i</''i>''. N’oublions pas que chaque
arc de la voûte française possède sa courbe particulière, qui est toujours
une portion de cercle, sauf de rares exceptions. Si donc, en se conformant
à ce principe, le constructeur anglais avait dû adopter pour chacun
de ces arcs,--lesquels ont tous une base différente,--une courbe
particulière, il lui eût fallu tracer  : 1° la courbe du formeret <i>''gb</i> '' ; 2° celles
des deux tiercerons <i>''ga’</i>'', <i>''ga</i> '' ; 3° celle de l’arc ogive <i>''gc</i> '' ; 4° celles des deux
contre-tiercerons <i>''gh</i>'', <i>''gi</i> '' ; 5° celle de l’arc-doubleau <i>''gl</i>'': en tout, sept
courbes. De plus, en admettant que, comme dans la voûte française,
tous ces arcs eussent été des portions de cercle, ou il eût fallu que leurs
Ligne 1 833 ⟶ 1 834 :
Dans le premier cas, il existait, entre le chapiteau de la pile et la naissance
de la courbe des arcs ayant la plus faible base, une verticale
gênante pour placer les mœllonsmoellons de remplissage suivant le mode admis
par les Anglais  ; la voûte le long du formeret semblait ne plus tenir à la
structure, se détacher, comme on peut le voir dans quelques-unes de ces
voûtes primitives, notamment dans les chœurs des cathédrales d’Ely et
Ligne 1 843 ⟶ 1 844 :
 
Ainsi (fig. 35) l’arc ogive étant la plus longue courbe, c’est elle qu’on
trace au moyen d’un premier arc de cercle <i>''g’m</i>'', puis d’un second arc
de cercle <i>''mn</i> '' ; le point <i>''n</i>'' étant fixé comme hauteur de la voûte sous
clef. Bien entendu, le centre de cette seconde courbe se trouve sur le
prolongement de la ligne passant par le point <i>''m</i>'' et le centre <i>''e</i>'' de l’arc
<i>''g’m</i>''. La courbe du formeret <i>''gog’</i>'' est donnée par le même rayon <i>''em</i>''. Ceci
fait, toutes les courbes des autres arcs sont données. Tous ont une base
plus courte que celle de l’arc ogive. Donc, rabattant le contre-tierceron
<i>''g’h</i>'' sur la ligne de base <i>''g’c</i>'', en <i>''h’</i> '' ; de ce point <i>''h’</i>'' élevant une perpendiculaire,
celle-ci viendra rencontrer en <i>''h''</i>'' la courbe maîtresse <i>''g’n</i>''. La courbe
de ce contre-tierceron sera donc la courbe <i>''g’h''</i>''. Rabattant le tierceron
<i>''g’a’</i>'', idem en <i>''a''</i> '' ; élevant une perpendiculaire de ce point <i>''a''</i>'', celle-ci
rencontrera la courbe maîtresse en <i>''a'''</i>''. La courbe de ce tierceron sera
donc la courbe <i>''g’a'''</i>''. Rabattant le deuxième contre-tierceron <i>''g’i</i>'', idem
en <i>''i’</i> '' ; élevant une perpendiculaire de ce point <i>''i’</i>'', celle-ci rencontrera la
courbe maîtresse en <i>i''</i>''''. La courbe du deuxième contre-tierceron sera
donc la courbe <i>''g’i''</i>''. On procédera de même pour le tierceron <i>''g’a</i>'' du
long triangle, tierceron dont la courbe sera donnée de <i>''g’</i>''en <i>''p</i> '' ; de même
aussi pour l’arc-doubleau <i>''g’l</i>'', dont la courbe sera donnée de <i>''g’</i>'' en <i>''q</i>''.
 
Ces clefs atteignent toutes des niveaux différents. Pour tracer les
liernes transversales <i>''cb</i>'', il suffira d’élever des perpendiculaires des points
<i>''ha’ic</i>'' sur la ligne <i>''cb</i>'' (projection horizontale de cette lierne transversale),
et de prendre sur ces perpendiculaires des longueurs égales à <i>''h’h''</i>'',
à <i>''a''a'''</i>'', à <i>''i’i''</i>'', à <i>''cn</i>'', qui donneront les points <i>''r</i>'', <i>''s</i>'', <i>''t</i>'', <i>''u</i>'', points d’intersection
des tiercerons avec la lierne <i>''cb</i>''. Si l’on veut que le formeret ait la même
courbe que tous les autres arcs, on procédera comme ci-dessus. Nous
rabattrons la ligne <i>''g’b</i>'' sur la base <i>''g’c</i> '' ; du point V, nous élèverons une
perpendiculaire qui, rencontrant la courbe maîtresse en V'' donnera la
courbe <i>''g’</i>''V'' du formeret. Cette courbe en projection transversale donnera
la hauteur <i>''b</i>''V’, tandis que le formeret, rabattu en <i>''go</i>'', donnera la
hauteur <i>''bo’</i>''. Employant le même système de tracé, nous aurons en <i>''uy</i>''
la projection longitudinale des branches de liernes <i>''cl</i>''.
</div>
[[Image:Plan.voute.medievale.anglaise.2.png|center]]
Ligne 1 882 ⟶ 1 883 :
mais les conséquences au point de vue de la structure sont importantes.
D’abord, puisque nous n’avons qu’une seule courbe composée pour tous
les arcs  ; ou plutôt, que tous les arcs ne sont qu’un segment plus ou
moins étendu d’une même courbe composée, les panneaux d’appareil
d’un arc peuvent servir pour tous les arcs  ; de plus, les arcs, en pivotant
autour de la verticale élevée dans l’axe de la pile <i>''g</i>'', devant nécessairement
passer par un même plan courbe, puisqu’ils ont tous la même courbe,
donnent à l’extrados une forme conoïde concave en manière de pavillon
de trompette, qui simplifie singulièrement la pose des mœllonsmoellons de
remplissage. Si bien (voy. fig. 36) qu’en traçant la projection horizontale
de cette voûte, on voit comment se peuvent poser aisément les rangs
de ces mœllonsmoellons ne remplissant plus que la fonction de planches ou
bardeaux posés entre des nervures de charpenterie. Mais la suite de
déductions logiques qui avait amené les constructeurs anglais à considérer
Ligne 1 908 ⟶ 1 909 :
de remplissage, et la queue de ces contre-liernes arasant l'extrados de
ces moellons. On observera que l'arc C (qui est ici l'arc ogive) possède
en D une joue plus large au-dessous de la contre-lierne qu'en <i>''d</i>'', ce que
motive la position verticale de cette contre-lierne, et ce qui est parfaitement
conforme aux conditions de résistance de ces arcs, lesquels n'ont
Ligne 1 919 ⟶ 1 920 :
La clef H divise la branche d'arc AO en deux parties égales, et, pour
poser la clef I, on a réuni les points BH, AK, par des lignes, ainsi qu'on
le voit en M. Ces deux lignes ont coupé le tierceron en deux points <i>''a</i>'', <i>''b</i>'';
divisant en deux cet espace <i>''ab</i>'', on a marqué le point P, centre de la clef I.
</div>
[[Image:Detail.clef.de.voute.anglaise.png|center]]
Ligne 2 000 ⟶ 2 001 :
<div class=prose>
Cependant les constructeurs anglais ne s’en tinrent pas à la voûte que
nous venons de donner (fig. 35 et 36)  ; ils prétendirent, vers la même
époque, c’est-à-dire au commencement du XIV<sup>e</sup> siècle, avoir, avec des
arcs formés de courbes composées, des liernes sur un plan horizontal et
Ligne 2 012 ⟶ 2 013 :
chacun de ces arcs sur la ligne AC considérée comme base, et, de ces
points de rabattement, élevant des perpendiculaires sur la base, la
ligne <i>''ab</i>'' étant considérée comme le niveau auquel doit atteindre
chacun de ces arcs, on trace les segments F<i>''a</i>'', F<i>''g</i>'', en prenant leurs
centres en <i>''m</i>'' et <i>''n</i>'' sur la ligne Fo<i></i>'''' prolongée  ; le segment I<i>''h</i>'', en prenant
son centre en <i>''r</i>'' sur la ligne I<i>''o</i>'' prolongée  ; le segment K<i>''b</i>'', en prenant son
centre en <i>''q</i>'' sur la ligne K<i>''o</i>'' prolongée. Les clefs de tous ces arcs sont
sur un même plan de niveau, et par conséquent les liernes CD, CB, sont
horizontales. Cependant les sommiers des arcs possèdent tous la même
Ligne 2 022 ⟶ 2 023 :
dont les courbes sont différentes. Une fois ce niveau K échappé,
il y a une si faible différence entre les courbures des arcs, que les rangs
de mœllonsmoellons de remplissage peuvent toujours être posés conformément
à la méthode indiquée précédemment.
</div>
Ligne 2 030 ⟶ 2 031 :
incline vers une méthode de plus en plus mécanique. Soient en
ABCD un quart de voûte carrée, et en EBFG un quart de voûte barlongue.
Dans la première, l’arc ogive est l’arc AD  ; dans la seconde, l’arc ogive
est l’arc EG. Ayant admis, comme le montre la figure 36, que les tiercerons
doivent être multipliés, afin de ne plus considérer les remplissages
Ligne 2 039 ⟶ 2 040 :
dans l’exemple 36, mais nous décrirons le quart de cercle BC pour le
quart de la voûte carrée, et nous diviserons ce quart de cercle en parties
égales. Par les points diviseurs faisant passer des lignes A<i>''a</i>'', A<i>''b</i>'', A<i>''c</i>'',
nous aurons la projection horizontale des tiercerons d’un huitième de la
voûte. Dès lors les angles DA<i>''a</i>'' (A sommet), <i>''a</i>''A<i>''b</i>'', <i>''b</i>''A<i>''c</i>'', <i>''c</i>''AC, seront égaux
et les panneaux compris entre leurs côtés semblables. Nous étrésillonnerons
ces tiercerons par des contre-liernes <i>''e,f,g,h,</i>'' etc., comme dans
l’exemple figure 36, mais ici tracées de telle sorte que leurs points de
rencontre se trouvent sur les quarts de cercle BC, <i>''ei</i>''. Ou nous voulons
adopter pour tous ces arcs une seule et même courbe composée, comme
dans l’exemple fig. 35, ou nous voulons que les liernes BD, DC, soient
de niveau. Dans le premier cas, nous prenons l’arc ogive AD comme
étant le plus étendu, nous le rabattons sur la ligne A’D’, nous élevons la
perpendiculaire D’D«  (D  » étant la hauteur de la voûte sous clef), et nous
traçons, au moyen de deux centres, la courbe composée A’D«  . Procédant
comme il a été dit ci-dessus  ; prenant les longueurs A<i>''a</i>'', A<i>''b</i>'', A<i>''c</i>'', AC,
et les reportant sur la ligne A’D’en A’<i>''a’</i>'', en A’<i>''b’</i>'', en A<i>''c’</i>'', en A’C’, et de ces
points, <i>''a’,b’,c’</i>'',C’, élevant des perpendiculaires à la ligne A’D’, ces perpendiculaires
rencontreront la courbe A’D  » en des points qui donneront
les hauteurs sous clef de chacun des arcs A<i>''a</i>'', A<i>''b</i>'', etc., et par suite,
pour la lierne DC, la projection verticale C'''D'''. Mais si nous prétendons
poser ces liernes de niveau, alors il nous faudra chercher, au moyen du
procédé indiqué figure 38, les courbes A’K, A’<i>''l</i>'', etc., en conservant
toujours pour les sommiers la même courbe A’<i>''n</i>''.
 
S’il s’agit d’une voûte barlongue, dont le quart est EBFG, nous procédons
exactement de la même manière que pour la voûte carrée  ; seulement
l’arc formeret EF et les tiercerons joignant ce formeret étant
plus courts que ne l’est le formeret et ne le sont les tiercerons A<i>''a</i>'',
A<i>''b</i>'', A<i>''c</i>'' de la voûte carrée, les clefs de ces arcs seront (en supposant que
nous n’adoptions qu’une seule courbe) plus basses que dans la voûte
carrée, c’est-à-dire que les points hauteurs de ces clefs seront en <i>''m</i>''
pour le formeret EF, en <i>''o</i>'' pour le tierceron E<i>''o’</i>'', en <i>''p</i>'' pour le tierceron
E<i>''p’</i>'', en <i>''q</i>'' pour le tierceron E<i>''q’</i>'', etc., et que la ligne des liernes FG
donnera la projection verticale F’D'''. Mais si nous voulons que les
liernes de cette voûte barlongue soient de niveau, alors il faudra chercher
les courbes composées comme ci-dessus, et la courbe du formeret
EF rabattue en A’I conservera toujours une partie de la courbe primitive inférieure de A’en <i>''s</i>'', pour les sommiers.
 
On voit ainsi comment sont donnés, par l’application d’un principe
de construction déduit rigoureusement, ces arcs brisés en lancettes A’I,
ou surbaissés composés A<i>''m</i>'', si fréquemment adoptés pour les fenêtres
des nefs anglaises voûtées, ces fenêtres étant circonscrites par l’arc
formeret. Cependant, à ces courbes engendrées tout naturellement par
un procédé de structure, on a voulu trouver les origines les plus saugrenues.
Ces courbes prétendaient imiter le bonnet d’un évêque, ou bien
elles avaient une signification mystico-symbolique  ; en se rapprochant
de la ligne droite au-dessus d’un certain point, elles devaient indiquer
la disposition de l’âme chrétienne, qui devient de plus en plus ferme
à mesure qu’elle s’élève vers le ciel  ! ... Mais nous ne rapporterons point
ces rêvasseries de tant d’auteurs qui ont écrit sur l’architecture du
moyen âge sans avoir à leur service les premiers éléments de la géométrie
Ligne 2 094 ⟶ 2 095 :
s’empressent de répéter ces pauvretés à l’endroit de la structure
gothique, et aiment bien mieux voir l’imitation d’un bonnet d’évêque
dans une courbe qu’un principe de structure  : le bonnet d’évêque, en ce
cas, ou l’aspiration de l’âme dispense de toute étude et de toute discussion,
et la voûte gothique passe ainsi au compte des niaiseries humaines  ;
ce qui simplifie la question. Lorsqu’une seule courbe sert pour tous les
arcs d’une voûte, et si ces arcs pivotent sur la pile support, il est clair
Ligne 2 113 ⟶ 2 114 :
ce qui arriva. Il était conforme à la marche logique des procédés adoptés
par les constructeurs anglais de ne plus poser entre ces arcs des rangs
de mœllonsmoellons, mais de les remplacer par de véritables panneaux de
pierre, des dalles. Ce parti est adopté de l’autre côté de la Manche dès
le XV<sup>e</sup> siècle, soit sur des arcs disposés en pavillon de trompette, soit sur
Ligne 2 119 ⟶ 2 120 :
berceau. C’est ainsi qu’est construite la voûte de la chapelle de Saint-George,
à Windsor<span id="note26"></span>[[#footnote26|<sup>26</sup>]]. La figure 40 montre une de ces pyramides de
voûtes à l’extrados  ; comment sont disposés les arcs portant feuillures
A, et comment entrent dans ces feuillures les panneaux B de remplissage.
Les arcs tiercerons, compris entre les arcs ogives O, aboutissent
Ligne 2 128 ⟶ 2 129 :
ou la lierne qui réunit la clef E du formeret à la ligne DD’, est horizontale,
de telle sorte que les tiercerons compris entre les arcs ogives O et
ces formerets sont taillés sur des courbes différentes  ; de même pour les
tiercerons compris entre les arcs ogives, d’après la méthode indiquée
précédemment. Ainsi, dans cette voûte de la chapelle de Windsor,
plusieurs systèmes sont mis en pratique  : le système des voûtes en portions
de pyramides curvilignes, avec arcs pris sur des courbes différentes
(sauf pour les sommiers)  ; le système des grands claveaux larges et peu
épais, comme des dalles clavées, enchevêtrées, complétant la voûte par
un berceau, dans sa partie supérieure. Plus tard encore les arcs sont
Ligne 2 155 ⟶ 2 156 :
quand on le suit avec méthode, il peut sortir des déductions très-variées.
Il est certain que du principe générateur de la voûte gothique on peut
tirer d’autres conséquences encore  ; que par conséquent il ne peut y
avoir aucune bonne raison pour repousser ce principe excellent en lui-même,
et laissant à l’architecte la plus grande liberté quant aux applications
Ligne 2 163 ⟶ 2 164 :
Revenons à la voûte française. Nous l’avons laissée au moment où,
étant arrivée à son développement, elle permet de couvrir à l’aide des
arcs ou cintres permanents, portant des voûtains de mœllonmoellon piqué,
toutes les surfaces possibles. Ayant atteint au milieu du XIII<sup>e</sup> siècle un
degré de perfection absolu, conformément au mode admis dès le milieu
du XII<sup>e</sup> siècle, le système français ne se modifie plus  ; il procède toujours
de l’arc-doubleau, des arcs ogives et formerets avec ou sans tiercerons
et liernes. Ce n’est guère que dans les provinces les plus septentrionales,
Ligne 2 174 ⟶ 2 175 :
aux arcs ogives et aux arcs-doubleaux jusqu’à la fin du XV<sup>e</sup> siècle. À ce
point de vue, comme procédé de structure, la voûte française ne se
modifie pas. Les perfectionnements ou innovations--si l’on peut appeler
innovation la conséquence logique d’un système admis tout d’abord--ne
portent que sur les naissances de ces voûtes. Nous avons vu qu’en
Angleterre, au moyen des courbes composées, on avait évité les difficultés
Ligne 2 192 ⟶ 2 193 :
très-obtus, ou que les naissances de ces arcs fussent placées à des
niveaux différents<span id="note27"></span>[[#footnote27|<sup>27</sup>]]. C'est ce dernier parti qui prévalut, car les constructeurs
cherchaient à donner aux arcs en tiers-point d'un même édifice,--au
moins pour les arcs-doubleaux, formerets et archivoltes,--des
angles de brisure à la clef qui ne fussent pas trop inégaux. Les naissances
de ces divers arcs furent donc une de leurs plus grandes préoccupations.
Ligne 2 206 ⟶ 2 207 :
figure 41 donne la section horizontale de ce pilier sous les voûtes du
collatéral. L'archivolte de la partie parallèle à l'axe du chœur occupe
toute la largeur <i>''ab</i>'', et celle de la première travée tournante la même largeur
<i>''a'b'</i>''. Ces archivoltes ont l'épaisseur totale de la pile, à quelques centimètres
près. La colonnette C monte jusqu'à la haute voûte, pour porter
un seul arc (voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Cathédrale|Cathédrale]], fig. 48), puisque nous sommes dans la
Ligne 2 225 ⟶ 2 226 :
tracé. En A, sont les grosses piles du sanctuaire; en B, les piles d'entrée
des chapelles. Les clefs C des arcs ogives sont posées au milieu de la
ligne <i>''ab</i>'' de clef des voûtains de remplissage, qui réunit le sommet de
l'arc-doubleau d'entrée des chapelles au sommet de l'archivolte. Afin
de ne pas avoir en <i>''e</i>'' un angle trop aigu, le constructeur a donné, en
projection horizontale, une courbure à l'arc ogive <i>''e</i>''C. Ainsi les remplissages
s'établissent-ils plus également dans les deux triangles voisins
ayant pour bases l'arc-doubleau du collatéral et l'arc-doubleau d'entrée
Ligne 2 243 ⟶ 2 244 :
abbatiale de Saint-Ouen de Rouen prend un parti plus franc, plus
logique, bien qu’en apparence beaucoup plus compliqué (fig. 44). Les
archivoltes prennent tout l’espace <i>''ab</i>'', c’est-à-dire exactement la largeur
de la pile, moins le nerf C destiné à recevoir l’arc-doubleau et les arcs
ogives des voûtes hautes, et le profil de ces archivoltes n’est autre que
celui de la pile, ou, pour être plus exact, la section de la pile n’est autre
que la section de l’archivolte. L’arc-doubleau du collatéral n’est également
que le profil <i>''g</i>'' de la pile, et l’arcogive le profil <i>''h</i>''. En élévation, ces
arcs se pénètrent ainsi que l’indique le tracé perspectif. Il n’y a plus
de chapiteau, puisqu’il n’a plus de raison d’être, et les sommiers, à lits
Ligne 2 262 ⟶ 2 263 :
<div class=prose>
Ce sont là des conséquences rigoureuses du principe de la voûte
trouvée au XII<sup>e</sup> siècle  ; mais, quant au mode de structure, il ne varie pas,
c’est-à-dire que les arcs remplissent toujours les fonctions de cintres
permanents recevant des voûtains de remplissage entre leurs branches,
Ligne 2 272 ⟶ 2 273 :
Dans l’article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], il est dit comment, à l’aide de ce système
de voûtes, on peut couvrir toutes les surfaces, si peu régulières qu’elles
soient  ; comment on peut, sans difficultés d’appareil, faire des voûtes
biaises, rampantes, gauches, etc. Ce système français est donc essentiellement
pratique  ; il présentait, sur le système romain, un perfectionnement,
et par conséquent il était plus raisonnable de chercher à le
perfectionner encore que de l’abandonner pour recourir au mode romain.
Ligne 2 280 ⟶ 2 281 :
chez nous sur les raisons qui militaient en faveur de notre système
de voûtes françaises, dont il était facile de tirer des conséquences de
plus en plus étendues. Philibert de l’Orme, dans son <i>''Traité d’architecture</i>''<span id="note29"></span>[[#footnote29|<sup>29</sup>]], s’exprime ainsi au sujet de ces voûtes  : «  Ces façons de voûtes ont
été trouvées fort belles, et s’en voit de bien exécutées et mises en œuvre
en divers lieux du royaume, et signamment en ceste ville de Paris,
comme aussi en plusieurs autres. Aujourd’huy ceux qui ont quelque
cognoissance de la vraye Architecture, ne suivent plus ceste façon de
voulte, appellée entre les ouvriers <i>''la mode française</i>'', laquelle véritablement
je ne veux despriser, ains plustot confesser qu’on y a faict et
pratiqué de fort bons traicts et difficiles. Mais pour autant que telle
Ligne 2 294 ⟶ 2 295 :
je descriray une voulte avec sa montée, telle que vous la pourrez voir
soubs la forme d’un quarré parfaict, autant large d’un costé que
d’autre, ou vous remarquerez la croisée d’ogives, etc.  » Ainsi, quoi
que puissent prétendre les critiques plus ou moins officiels de notre
Académie des beaux-arts, au XVI<sup>e</sup> siècle encore, ces voûtes étaient considérées
comme <i>''françaises</i>'' (par les ouvriers, il est vrai  ; mais, en fait de
traditions, le langage des ouvriers est le plus certain). Or, comme l’architecture
du moyen âge dérive en très-grande partie du système de
Ligne 2 303 ⟶ 2 304 :
architecture française et reconnue comme telle du XII<sup>e</sup> au XV<sup>e</sup> siècle.
Mais le texte de Philibert de l’Orme est intéressant à plus d’un titre.
Notre auteur admet que ceux qui ont quelque «  cognoissance de la vraye
«  architecture ne suivent plus ceste façon de voulte  », et le premier
exemple qu’il donne d’une voûte propre à couvrir un vaste vaisseau,
après ce préambule, est une voûte gothique en arcs d’ogive sur plan
carré, avec liernes et tiercerons. Quant aux exemples qu’il fournit «  sur
la fin de son chapitre  », ce sont des tracés de voûtes sphériques pénétrées
par un plan quadrangulaire, voûtes qui ne peuvent être faites sur
de grandes dimensions, qui sont d’un appareil difficile, dispendieux,
qui sont très-lourdes, et poussent beaucoup plus que ne le font les voûtes
gothiques. Et en effet, jusqu’au commencement du XVII<sup>e</sup> siècle, les constructeurs
français, quelque «  cognoissance  » qu’ils eussent «  de la
vraye architecture  », continuaient à bâtir des voûtes sur les vaisseaux
larges, avec arcs-doubleaux et arcs ogives  : l’église de Saint-Eustache,
à Paris, en est la preuve, et elle n’est pas le seul exemple. La pratique
était en ceci plus forte que les théories sur «  la vraye architecture  », et,
n’ayant point trouvé mieux, on continuait à employer l’ancien mode,
jusqu’au moment--et cela sous Louis XIV seulement--où l’on adopta,
pour les grands vaisseaux, des berceaux de pierre avec pénétrations,
comme à Saint-Roch de Paris, comme à la chapelle de Versailles,
Ligne 2 325 ⟶ 2 326 :
 
Or, ce genre de voûtes est un pas en arrière, non un progrès. Les berceaux
ont une poussée continue et non répartie sur des points isolés  ; ils
sont très-lourds, s’ils sont de pierre  ; leur effet n’est pas heureux, et les
pénétrations des baies dans leurs reins produisent des courbes très-désagréables,
que les Romains, avec juste raison, évitaient autant que
Ligne 2 335 ⟶ 2 336 :
âge, qui s’est développé depuis lui avec moins de bonhomie. En effet,
en marge du texte que nous venons de citer, il est dit en manière de
vedette  : «  L’auteur approuver la façon moderne (de l’Orme désigne,
ainsi les voûtes gothiques) des voûtes, <i>''toutes fois</i>'' ne s’en vouloir ayder.  »
Pourquoi, puisqu’il les approuve  ? Il ne nous le dit pas. Quoi qu’il en soit
et bien qu’il ne s’en aidât pas, il construisit, comme tous ses confrères,
des voûtes en arcs d’ogive, et il eut raison, car la plupart des
Ligne 2 344 ⟶ 2 345 :
Philibert de l’Orme prélude à la critique (si l’on peut donner ce nom
à un blâme irraisonné) de la structure du moyen âge. Depuis lui, cette
critique, quoique moins naïve, ne raisonne pas mieux  ; mais elle est plus
exclusive encore, et ne dirait pas, en parlant de la façon des voûtes du
moyen âge, «  laquelle véritablement je ne veux despriser, ains plustôt
<i>''confesser</i>'' qu’on y a faict et pratiqué de fort bons traicts et difficiles  ».
Ce sont choses qu’on ne confesse plus au XIX<sup>e</sup> siècle, parce que les esprits
logiques de notre temps pourraient répondre  : «  Si vous confessez que
le mode a du bon, pourquoi ne vous en servez-vous pas  ? ») Mieux vaut ne
rien dire, ou battre l’eau, que de provoquer de pareilles questions.
 
La renaissance, quoi qu’en dise Philibert de l’Orme, ne change donc
pas de système de voûtes pour les grands vaisseaux, et pour cause  ;
mais elle compliqua ce système. Elle multiplia les membres secondaires
plutôt comme un motif de décoration que pour obtenir plus de
Ligne 2 362 ⟶ 2 363 :
siècles. Les voûtes hautes de l’église Saint-Eustache de Paris ne furent
faites que pendant les dernières années du XVI<sup>e</sup> siècle, elles ne sont pas
très-solides  ; leurs sommiers ne sont pas combinés avec adresse, les
arcs sont bandés en pierres inégales de lit en lit, ce qui, comme nous le
disions plus haut, est une cause de déformations. Parmi ces voûtes
Ligne 2 373 ⟶ 2 374 :
Nous donnons (fig. 45) la projection horizontale de la moitié de ces
voûtes, au chevet de l’église. L’arc-doubleau et l’arc ogive composent,
comme dans la voûte du moyen âge, l’ossature principale de la structure  ;
mais les tiercerons qui partent de la pile pour se joindre au milieu
des liernes n’existent plus ici, et sont remplacés par des intermédiaires
<i>''ab</i>'', qui, s’ils produisent un effet décoratif piquant, ont le tort de reporter
une poussée latérale sur les flancs des formerets, ce qui est absolument
contraire au principe de la structure des voûtes gothiques,
et, qui pis est, au bon sens. Cette poussée est encore augmentée par les
arcs <i>''ad</i>'', qui eux-mêmes contre-butent les liernes <i>''de</i>''. Aussi ces formerets
(rabattus en AA’B) s’étaient-ils inclinés en dehors sous la pression
de ces arcs qui viennent les pousser en <i>''a’a''</i>'', ce qui ne serait point
arrivé si, au lieu de ces arcs <i>''ab</i>'', l’architecte eût posé des tiercerons A<i>''d</i>''...  ;
mais on n’aurait pas eu ce compartiment en étoile, et le désir de produire
une apparence nouvelle l’emportait sur ce que commandait
Ligne 2 390 ⟶ 2 391 :
le raisonné, à une forme issue du caprice de l’artiste. Bien d’autres
entorses à la raison se rencontrent dans cette voûte. Ainsi, nous avons
rabattu l’arc-doubleau en AC, et l’arc ogive A<i>''e</i>'' en AF  ; le grand arc
AD contre-butant la clef du chevet, en AG. La rencontre de ce grand
arc AD avec l’arc ogive donne la clef H  ; or, comme cet arc ogive est
tracé, le niveau de cette clef H est donné et se trouve en <i>''h</i>''. Nous reportons
ce niveau en <i>''h’</i>'' sur le rabattement de l’arc AD. Le niveau de la
clef I est donné  ; il est le même que celui de la clef H, puisque l’arc
ogive AE est tracé. Il faut donc que l’arc KI atteigne ce niveau I  ; nous
le rabattons en KI<''i>i</i>'', la flèche I<''i>i</i>'' étant égale à la ligne I<i>''h</i>''. Rabattant sur
l’arc de cercle K<''i>i</i>'' la clef O, nous obtenons le point <i>''o’</i>'', et la hauteur O<i>''o’</i>''
donne, sur la courbe K<''i>i</i>'' aussi bien que sur celle du grand arc AD, le
niveau de la clef O en <i>''o’</i>'' et en <i>''o''</i>''. Donc il faut que cette grande courbe
butante AD passe en G, en <i>''h’</i>'' et en <i>''o''</i>''. De <i>''o''</i>'' en G, elle se rapproche
évidemment trop de l’horizontale et bute mal l’arrivée des arcs ogives
et liernes du chevet  ; aussi cette branche d’arc <i>''o''</i>''G s’était-elle tordue
et relevée, par suite le grand arc-doubleau KL s’était déformé.
 
La clef <i>''b</i>'' étant donnée en projection horizontale, son niveau est donné
sur le rabattement de l’arc ogive en <i>''b’</i> '' ; la rencontre <i>''a</i>'' sur le formeret
étant donnée en projection horizontale, son niveau est donné en <i>''a''</i>'' sur
le rabattement du formeret, donc la longueur <i>''ab</i>'' en projection horizontale  ;
l’arc <i>''a''b''</i>'' est connu. Il en est de même pour l’arc <i>''bm</i>'', rabattu en
<i>''b''m’</i>'', puisque le niveau de la clef <i>''m</i>'' est connu.
 
Quant aux liernes <i>''de</i>'', elles sont prises sur un arc de cercle qui réunirait
la clef B du formeret à la clef <i>''e</i>'' des arcs ogives. Cet arc de
lierne est rabattu de <i>''n</i>'' en <i>''e</i>'', <i>''n</i>'' donnant le niveau de la clef B du formeret
par rapport au niveau de la clef <i>''e</i>'' des arcs ogives. En M sont
rabattus les arcs ogives <i>''pq</i>'' du chevet (le niveau de la clef étant celui
de l’arc-doubleau), les branches des liernes en <i>''rq</i>'', et les tiercerons
en <i>''ps</i>''. Tous les arcs, liernes, fausses liernes, faux tiercerons, sont posés
dans un plan vertical, quelle que soit leur position par rapport à la
courbure des arcs principaux (voyez en P).
Ligne 2 429 ⟶ 2 430 :
la verticale, les joues de ces arcs secondaires, posés dans un plan vertical,
se trouvent l’une au-dessus, l’autre au-dessous de l’extrados de
l’arc principal  ; il en résultait une difficulté pour maçonner les voûtains.
Pour sauver cette difficulté, les architectes de la renaissance tracent
une clef pendante à ces points de rencontre (fig. 46)<span id="note31"></span>[[#footnote31|<sup>31</sup>]]  ; clef pendante
qui se compose d’un corps cylindrique dans lequel viennent pénétrer
les divers arcs<span id="note32"></span>[[#footnote32|<sup>32</sup>]]. Les arcs secondaires étant, comme les arcs principaux, posés dans un plan vertical, l’extrados de la fausse lierne A arrive
horizontalement contre le corps cylindrique, tandis que l’extrados de
l’arc ogive B le pénétrerait en <i>''b</i>'' du côté de sa naissance, et en <i>''c</i>'' du
côté de son sommet  ; il y aurait donc une différence de niveau entre le
point<i>'' b</i>'' et le point <i>''c</i>''. Et de <i>''b</i>'' en <i>''c</i>'', comment poser les mœllonsmoellons de
remplissage  ? Les constructeurs ont donc augmenté la hauteur des joues
de ces arcs principaux en arrivant près de ces clefs, ainsi que l’indique
le supplément <i>''g</i>'', pour araser le point <i>''e</i>'', et cela en raison du niveau de
ces points d’arrivée des liernes, fausses liernes ou faux tiercerons. Il y
aurait, par exemple, un décrochement en <i>''h</i>'' à l’arrivée de l’arc ogive B,
puisque l’extrados du faux tierceron <i>''l</i>'' n’arriverait pas au niveau de l’extrados
de la fausse lierne A. On voit quelles complications de coupes produisaient
ces fantaisies des architectes de la renaissance, beaucoup plus
Ligne 2 465 ⟶ 2 466 :
Les arcs-boutants, par exemple, à cette époque, ne sont plus disposés
conformément aux lois de la statique et de l’équilibre des forces (voy.
[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Arc-boutant|Arc-boutant]])  ; les archivoltes ne sont plus régulièrement extradossées,
les lits d’assises ne correspondent plus aux membres de l’architecture  ;
les claires-voies, les meneaux, adoptent des formes contraires à la nature
et à la résistance des matériaux mis en œuvre. Il est évident que
Ligne 2 475 ⟶ 2 476 :
avec ces formes empruntées ailleurs. Les maîtres du XV<sup>e</sup> siècle étaient
meilleurs constructeurs, meilleurs praticiens et traceurs que ceux du
XVI<sup>e</sup>  ; ceux du XIV<sup>e</sup> siècle l’emportaient sur les maîtres du XV<sup>e</sup>, et peut-être
ceux du XIII<sup>e</sup> l’emportaient-ils encore sur ceux du XIV<sup>e</sup>. Cependant
les appareilleurs du XII<sup>e</sup> siècle étaient des génies, si nous les comparons
Ligne 2 493 ⟶ 2 494 :
ces arcs doivent atteindre à la clef un même niveau) les courbes différentes
dans une partie seulement de leur développement, sont tracées
par un procédé très-simple  ; que tous ces arcs restent indépendants,
et ne sont reliés que par des entretoises d’un seul morceau, qui n’ont
qu’un rôle secondaire et ne peuvent en rien influer sur la courbe principale
admise pour les arcs  ; que les remplissages ne sont plus que des
panneaux, aussi faciles à tracer qu’à poser. Dans les voûtes françaises,
nous voyons que les constructeurs en viennent à multiplier les arcs  ; ils
les croisent, de telle façon que la courbure de ces arcs doit être distincte
pour chacun d’eux  ; que ces courbures sont commandées par des
niveaux donnés par le tracé préalable sur plan horizontal  ; que ces arcs
sont dépendants les uns des autres, et que, par conséquent, ces constructeurs
ne sont plus les maîtres, ainsi, de donner à ces courbes les
flèches nécessaires en raison de leur fonction, de leur résistance ou de
leur action de poussée et de butée  ; qu’en un mot, ces constructeurs
français du XVI<sup>e</sup> siècle abandonnent un système judicieux et parfaitement
entendu (celui du XIII<sup>e</sup> siècle), pour se lancer dans des combinaisons
indiquées seulement par la fantaisie. Le réseau de la voûte
anglaise de la fin du XV<sup>e</sup> siècle est solide, méthodique  : c’est la conséquence
d’une longue expérience fidèle au principe posé. Le réseau de
la voûte française au XVI<sup>e</sup> siècle n’est pas solide, parce que les arcs qui
Ligne 2 526 ⟶ 2 527 :
Le pédantisme s’introduit dans l’art, et le vrai savoir, le savoir pratique,
fait défaut. On veut oublier et l’on oublie les vieilles méthodes,
les principes établis sur une longue expérience  ; méthodes et principes
que l’on pouvait perfectionner sans se lancer dans des théories enfantines
et très-superficielles. Il n’est pas douteux, rien qu’à examiner les monuments
Ligne 2 534 ⟶ 2 535 :
ils se servaient de la science, ainsi que les vrais savants s’en servent,
comme d’un moyen, non pour en faire parade. Les architectes de la renaissance
prenaient déjà le moyen pour la fin  ; et, comme il arrive toujours
en pareil cas, on possède une classe de théoriciens spéculatifs
passablement pédants, et en arrière une masse compacte ignorant les
Ligne 2 557 ⟶ 2 558 :
qu’on en peut faire. C’est pourquoi aussi nous ne cessons pas et nous
ne cesserons pas de tenter de développer cette étude, de faire entrevoir
ses applications, bien convaincu de cette vérité affirmée par l’histoire  :
que les corps ne sont jamais plus exclusifs qu’aux jours où ils sentent
leur pouvoir ébranlé.
Ligne 2 572 ⟶ 2 573 :
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : La voûte du Panthéon d'Agrippa a 43 mètres 36 centimètres de diamètre.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Il faut dire que ces deux coupoles sont élevées sur pendentifs  ; mais la nature des
lézardes qui se sont produites dans la coupole de Saint-Pierre de Rome n’indique pas
que ces désordres soient dus uniquement à des tassements. Il y a eu ruptures dans la
Ligne 2 578 ⟶ 2 579 :
déchirures causées par des tassements se sont au contraire produites (et cela devait être)
à la base même de la demi-sphère, ce qui motiva la pose d’un cercle de fer à cette
base  ; ces lézardes sont suivant les longitudes. Les fissures observées à l’extrados de la
zone en contre-bas de la lanterne sont au contraire suivant les latitudes, et produisent
une pression à l’intrados qui fit détacher des parties d’enduits et de mosaïques.
Ligne 2 590 ⟶ 2 591 :
à recourir aux travaux de M. Choisy sur cette matière.
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : Voyez la <i>''Syrie centrale  ; architecture civile et religieuse du</i>'' I<sup>er</sup> <i>''au</i>'' VII<sup>e</sup> <i>''siècle</i>'', par
M. le comte Melchior de Vogüé. Baudry, éditeur.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : Voyez <i>''Entretiens sur l'architecture</i>''.
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Voyez la <i>''Syrie centrale</i>'', pl. xvi.
 
<span id="footnote9">[[#note9|9]] : L'exemple du temple de Diane de Nîmes est une exception. Il ne faut pas perdre
Ligne 2 611 ⟶ 2 612 :
<span id="footnote14">[[#note14|14]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. 4.
 
<span id="footnote15">[[#note15|15]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. 62 et suivantes jusqu’à la figure 72 <i>''bis</i>''.
 
<span id="footnote16">[[#note16|16]] : Voyez les <i>''Annales archéologiques</i>'', t. XXIII, p. 1 à 18 et 115 à 132.
 
<span id="footnote17">[[#note17|17]] : Voyez [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Ogive|Ogive]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Travée|Travée]].
Ligne 2 635 ⟶ 2 636 :
<span id="footnote21">[[#note21|21]] : La construction de cette voûte paraît dater de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, peut-être de 1270.
Elle fut réparée en partie plus tard, assez maladroitement, après l’incendie de la première
flèche  ; mais il est certain que les tiercerons et liernes existaient avant cette époque,
car les points de départ sont anciens.
 
Ligne 2 641 ⟶ 2 642 :
Anglo-Normands de la voûte du XII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote23">[[#note23|23]] : Ce travail, inséré dans le premier volume des <i>''Transactions</i>'' de l'Institut des architectes
britanniques, a été traduit, en 1843, par M. Daly, dans la <i>''Revue d'architecture</i>''
(t. IV), Le traducteur, dans l'introduction qui précède le texte de M. Willis, ne fait
pas ressortir les différences profondes qui séparent la structure des voûtes anglaises de
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<span id="footnote24">[[#note24|24]] : Salle voisine de la cathédrale d’Ely, côté nord, XIV<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote25">[[#note25|25]] : 0n a donné à cette forme la qualification de voûte en éventail  ; mais un éventail se
développe dans un seul plan  : il n’est pas besoin de faire ressortir le défaut de précision
de cette dénomination.
 
<span id="footnote26">[[#note26|26]] : Voyez le mémoire de M. le professeur Willis, <i>''sur les voûtes anglaises du moyen
âge</i>'', ou, dans le tome IV de la <i>''Revue d'architecture</i>'' de M. Daly, la traduction de ce travail
et les planches à l'appui.
 
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obtenir une construction irréprochable comme conception et comme exécution.
 
<span id="footnote29">[[#note29|29]] : <i>''L'Architecture</i>'' de Philibert de l'Orme. Paris, 1576, livre IV, chap. viii.
 
<span id="footnote30">[[#note30|30]] : Les arcs-boutants qui contre-butaient ces voûtes étaient mal combinés, comme il
arrive à presque tous les arcs-boutants de cette époque  ; puis les parements extérieurs des
contre-forts avaient été sapés à diverses époques  ; quelques tassements s’étaient produits.
Il y a vingt ans, ces voûtes menaçaient ruine, il fallut les refaire. M. Piéplu, architecte
du département de l’Yonne, s’acquitta de ce travail avec beaucoup d’adresse, il y a quelques
années  ; mais, par des raisons d’économie, on se contenta de voûtes simples en arcs
d’ogive. Nous donnons ici les voûtes anciennes, relevées avant la démolition.
 
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<span id="footnote32">[[#note32|32]] : 2 Voyez [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Clef|Clef]].
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