« Les Trois Mousquetaires/Chapitre 50 » : différence entre les versions
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Cette supposition lui parut la plus probable ; il lui sembla qu’on voulait se venger du passé, et non aller au-devant de l’avenir. Toutefois, et en tout cas, elle s’applaudit d’être tombée entre les mains de son beau-frère, dont elle comptait avoir bon marché, plutôt qu’entre celles d’un ennemi direct et intelligent.
— Oui, causons, mon frère, dit-elle avec une espèce d’enjouement, décidée qu’elle était à tirer de la conversation, malgré toute la dissimulation que pourrait
==[[Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.djvu/399]]== y apporter lord de Winter, les éclaircissements dont elle avait besoin pour régler sa conduite à venir. Milady répondit à une question par une autre question.
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— Mais, dites-moi vous-même, ma chère sœur, reprit-il, ce que vous venez faire en Angleterre.
Quelque puissance qu’elle eût sur elle-même, milady ne put s’empêcher de tressaillir, et comme, en prononçant les dernières paroles qu’il avait dites, lord de Winter avait posé la main sur le bras de sa sœur, ce tressaillement ne lui échappa point.
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— Je ne comprends pas, milord, dit-elle pour gagner du temps et faire parler son adversaire. Que voulez-vous dire ? et y a-t-il quelque sens inconnu caché sous vos paroles ?
==[[Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.djvu/400]]== j’envoie un de mes officiers au-devant de vous ; je mets une voiture à ses ordres, et il vous amène ici dans ce château, dont je suis gouverneur, où je viens tous les jours, et où, pour que notre double désir de nous voir soit satisfait, je vous fais préparer une chambre. Qu’y a-t-il dans tout ce que je dis là de plus étonnant que dans ce que vous m’avez dit ? Milady comprit que lord de Winter mentait et n’en fut que plus effrayée.
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— Mon frère, continua-t-elle, n’est-ce pas milord Buckingham que je vis sur la jetée, le soir, en arrivant ?
Une sueur froide perla sur le front de milady.
— Vous raillez, dit-elle d’une voix sourde.
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Et le baron indiqua d’un geste lent et accusateur l’épaule gauche de milady, qu’il toucha presque du doigt.
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Les yeux de milady lançaient de tels éclairs, que quoiqu’il fût homme et armé devant une femme désarmée il sentit le froid de la peur se glisser jusqu’au fond de son âme ; il n’en continua pas moins, mais avec une fureur croissante :
— Oui, je comprends, après avoir hérité de mon frère, il vous eût été doux d’hériter de moi ; mais, sachez-le d’avance, vous pouvez me tuer ou me faire tuer, mes précautions sont prises, pas un penny de ce que je possède ne passera dans vos mains. N’êtes-vous pas déjà assez riche, vous qui possédez près d’un million, et ne pouviez-vous vous arrêter dans votre route fatale, si vous ne faisiez le mal que pour la jouissance infinie et suprême de le faire ? Oh ! tenez, je vous le dis, si la mémoire de mon frère ne m’était sacrée, vous iriez pourrir dans un cachot d’État ou rassasier à Tyburn la curiosité des matelots ; je me tairai, mais vous, supportez tranquillement votre captivité ; dans quinze ou vingt jours je pars pour La Rochelle avec l’armée ; mais la veille de mon départ, un vaisseau
==[[Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.djvu/402]]== viendra vous prendre, que je verrai partir et qui vous conduira dans nos colonies du Sud ; et, soyez tranquille, je vous adjoindrai un compagnon qui vous brûlera la cervelle à la première tentative que vous risquerez pour revenir en Angleterre ou sur le continent. Milady écoutait avec une attention qui dilatait ses yeux enflammés.
— Oui, mais à cette heure, continua lord de Winter, vous demeurerez dans ce château : les murailles en sont épaisses, les portes en sont fortes, les barreaux en sont solides ; d’ailleurs votre fenêtre donne à pic sur la mer : les hommes de mon équipage, qui me sont dévoués à la vie et à la mort, montent la garde autour de cet appartement, et surveillent tous les passages qui conduisent à la cour ; puis arrivée à la cour, il vous resterait encore trois grilles à traverser. La consigne est précise : un pas, un geste, un mot qui simule une évasion, et l’on fait feu sur vous ; si l’on vous tue, la justice anglaise m’aura, je l’espère, quelque obligation de lui avoir épargné de la besogne. Ah ! vos traits reprennent leur calme, votre visage retrouve son assurance : Quinze jours, vingt jours dites-vous, bah ! d’ici là, j’ai l’esprit inventif, il me viendra quelque idée ; j’ai l’esprit infernal, et je trouverai quelque victime. D’ici à quinze jours, vous dites-vous, je serai hors d’ici. Ah ! ah ! essayez !
Milady se voyant devinée s’enfonça les ongles dans la chair pour dompter tout mouvement qui eût pu donner à sa physionomie une signification quelconque, autre que celle de l’angoisse.
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Le jeune officier entra.
— Maintenant, dit le baron, regardez cette femme : elle est jeune, elle est belle, elle a toutes les séductions de la terre, eh bien ! c’est un monstre qui, à vingt-cinq ans, s’est rendu coupable d’autant de crimes que vous pouvez en lire en un an dans les archives de nos tribunaux ; sa voix prévient en sa faveur, sa beauté sert d’appât aux victimes, son corps même paye ce qu’elle a promis, c’est une justice à lui rendre ; elle essayera de vous séduire, peut-être même essayera-t-elle de vous tuer. Je vous ai tiré de la misère, Felton, je vous ai fait nommer lieutenant, je vous ai sauvé la vie une fois, vous savez à quelle occasion ;
==[[Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.djvu/403]]== je suis pour vous non seulement un protecteur, mais un ami ; non seulement un bienfaiteur, mais un père ; cette femme est revenue en Angleterre afin de conspirer contre ma vie ; je tiens ce serpent entre mes mains ; eh bien, je vous fais appeler et vous dis : Ami Felton, John, mon enfant, garde-moi et surtout garde-toi de cette femme ; jure sur ton salut de la conserver pour le châtiment qu’elle a mérité. John Felton, je me fie à ta parole ; John Felton, je crois à ta loyauté. Milady reçut ce regard en victime résignée : il était impossible de voir une expression plus soumise et plus douce que celle qui régnait alors sur son beau visage. À peine si lord de Winter lui-même reconnut la tigresse qu’un instant auparavant il s’apprêtait à combattre.
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— Elle ne sortira jamais de cette chambre, entendez-vous, John, continua le baron ; elle ne correspondra avec personne, elle ne parlera qu’à vous, si toutefois vous voulez bien lui faire l’honneur de lui adresser la parole.
Milady laissa tomber sa tête comme si elle se fût sentie écrasée par ce jugement. Lord de Winter sortit en faisant un geste à Felton, qui sortit derrière lui et ferma la porte.
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