« Le Jeu de l’amour et du hasard » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
m Révocation des modifications de 78.225.85.219 (discussion) vers la dernière version de YannBot |
m match et typographie |
||
Ligne 1 :
{{Titre|Le Jeu de l’amour et du hasard|[[Auteur:Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux|Marivaux]]|[[:Category:1730|1730]]}}
[[Catégorie:1730|Jeu de l’amour et du hasard]]
[[Catégorie:Théâtre|Jeu de l’amour et du hasard]]
[[Catégorie:XVIIIe siècle|Jeu de l’amour et du hasard]]
{{TextQuality|75%}}
{{Sommaire2ADroite}}
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/352]]==
__TOC__
{{personnages|
'''Monsieur Orgon''', père de Silvia.
Ligne 22 ⟶ 29 :
}}
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/353]]==
{{acte|I}}
Ligne 29 ⟶ 40 :
{{acteurs|Silvia, Lisette}}
{{personnage|Silvia}}.
Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ?
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Silvia}}.
Le non
{{personnage|Lisette}}.
Eh bien,
{{personnage|Silvia}}.
Taisez-vous, allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/354]]==
{{personnage|Lisette}}.
Mon cœur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s’avise-t-il de n’être fait comme celui de personne ?
{{personnage|Silvia}}.
Je vous dis que si elle osait, elle
{{personnage|Lisette}}.
Si
{{personnage|Silvia}}.
Vous travaillez à me fâcher, Lisette.
{{personnage|Lisette}}.
Ce
Monsieur Orgon, que vous étiez bien aise
{{personnage|Silvia}}.
Premièrement,
{{personnage|Lisette}}.
Cela est encore tout neuf.
{{personnage|Silvia}}.
mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.
{{personnage|Lisette}}.
Quoi, vous
{{personnage|Silvia}}.
Que sais-je ? Peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/355]]==
{{personnage|Lisette}}.
On dit que votre futur est un des plus honnêtes du monde, qu’il est bien fait, aimable, de
bonne mine, qu’on ne peut pas avoir plus d’esprit, qu’on ne saurait être d’un meilleur
caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux ? D’union
plus délicieuse ?
{{personnage|Silvia}}.
Délicieuse ! Que tu es folle avec tes expressions !
{{personnage|Lisette}}.
Ma foi, Madame,
marier dans les formes ; il
en danger de
dans cet homme-là,
{{personnage|Silvia}}.
Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit
pourrais bien
presque tant pis.
{{personnage|Lisette}}.
Tant pis, tant pis, mais voilà une pensée bien hétéroclite !
{{personnage|Silvia}}.
{{personnage|Lisette}}.
Oh, il a tort
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/356]]==
{{personnage|Silvia}}.
On ajoute qu’il est bien fait ; passe.
{{personnage|Lisette}}.
Oui-da, cela est pardonnable.
{{personnage|Silvia}}.
De beauté, et de bonne mine je
{{personnage|Lisette}}.
Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.
{{personnage|Silvia}}.
Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à
difficile à trouver
avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas ? Surtout quand ils ont de
pas vu moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meilleures gens du monde ?
douceur, la raison,
garante de toutes les bonnes qualités
homme,
répondait-on, je
fiez-vous-y à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart
après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche qui devient
maison. Ergaste
encore
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/357]]==
que ce visage-là, pendant qu’il promène partout ailleurs cette physionomie si
aimable que nous lui voyons, et qui n’est qu’un masque qu’il prend au sortir de chez lui.
{{personnage|Lisette}}.
Quel fantasque avec ces deux visages !
{{personnage|Silvia}}.
ne dit mot, qui ne rit, ni qui ne gronde ;
femme ne la connaît point,
une figure qui sort
froid et
{{personnage|Lisette}}.
Je gèle au récit que vous
{{personnage|Silvia}}.
Oui, Tersandre ! Il venait
vous auriez dit
riaient encore ; le fourbe ! Voilà ce que
femme est à lui ? Je la trouvai toute abattue, le teint plombé, avec des yeux qui venaient
de pleurer, je la trouvai, comme je serai peut-être, voilà mon portrait à venir, je vais du
moins risquer
: cela est terrible,
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/358]]==
{{personnage|Lisette}}.
Un mari ? C’est un mari ; vous ne deviez pas finir par ce mot-là, il me raccommode
avec tout le reste.
Ligne 166 ⟶ 189 :
{{acteurs|Monsieur Orgon, Silvia, Lisette}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bonjour, ma fille. La nouvelle que je viens
prétendu est arrivé
réponds rien, tu me parais triste ? Lisette de son côté baisse les yeux,
signifie ? Parle donc toi, de quoi
{{personnage|Lisette}}.
Monsieur, un visage qui fait trembler, un autre qui fait mourir de froid, une âme gelée
qui se tient à
plombé, des yeux bouffis, et qui viennent de pleurer ; voilà Monsieur, tout ce que nous
considérons avec tant de recueillement.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Que veut dire ce galimatias ? Une âme, un portrait : explique-toi donc ! Je
rien.
{{personnage|Silvia}}.
citais celle de Tersandre que je trouvai
venait de la quereller, et je faisais là-dessus mes réflexions.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/359]]==
{{personnage|Lisette}}.
Oui, nous parlions d’une physionomie qui va et qui vient, nous disions qu’un mari porte
un masque avec le monde, et une grimace avec sa femme.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
De tout cela, ma fille, je comprends que le mariage
connais point Dorante.
{{personnage|Lisette}}.
Premièrement, il est beau, et
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Tant pis ! Rêves-tu avec ton tant pis ?
{{personnage|Lisette}}.
Moi, je dis ce
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Allons, allons, il
je
à condition que vous vous plairiez à tous deux, et que vous auriez entière liberté de
vous expliquer là-dessus ; je te défends toute complaisance à mon égard, si Dorante ne
te convient point, tu
même.
{{personnage|Lisette}}.
Un duo de tendresse en décidera comme à
un notaire ; ou bien
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/360]]==
{{personnage|
Pour moi je n’ai jamais vu Dorante, il était absent quand j’étais chez son père ; mais sur
tout le bien qu’on m’en a dit, je ne saurais craindre que vous vous remerciiez ni l’un ni
l’autre.
{{personnage|Silvia}}.
Je suis pénétrée de vos bontés, mon père, vous me défendez toute complaisance, et je
vous obéirai.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Je te
{{personnage|Silvia}}.
Mais si
qui me tranquilliserait tout à fait.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Parle, si la chose est faisable je te
{{personnage|Silvia}}.
Elle est très faisable ; mais je crains que ce ne soit abuser de vos bontés
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bien, abuse, va, dans ce monde il faut être un peu trop bon pour
{{personnage|Lisette}}.
Il
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Explique-toi, ma fille.
{{personnage|Silvia}}.
Dorante arrive ici
connût ; Lisette a de
temps, et je prendrais la sienne.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/361]]==
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Son idée est plaisante. (Haut.) Laisse-moi rêver un peu à ce que tu me dis là. (A part.)
Si je la laisse faire, il doit arriver quelque chose de bien singulier, elle ne
elle-
soutenir le tien, Lisette ?
{{personnage|Lisette}}.
Moi, Monsieur, vous savez qui je suis, essayez de
si vous
vous attends,
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Comment donc, je
perdre, va
donne le mot à toute la maison.
{{personnage|Silvia}}.
Il ne me faut presque
{{personnage|Lisette}}.
Et moi je vais à ma toilette, venez
fonctions ; un peu
{{personnage|Silvia}}.
Vous serez contente, Marquise, marchons.
Ligne 283 ⟶ 313 :
{{acteurs|Mario, Monsieur Orgon, Silvia}}
{{personnage|Mario}}.
Ma sœur, je te félicite de la nouvelle que
on.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/362]]==
{{personnage|Silvia}}.
Oui, mon frère ; mais je
père vous les dira, je vous quitte.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ne
{{personnage|Mario}}.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Je commence par vous recommander
moins.
{{personnage|Mario}}.
Je suivrai vos ordres.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Nous verrons Dorante
{{personnage|Mario}}.
Déguisé ! viendra-t-il en partie de masque, lui donnerez-vous le bal ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Écoutez
mais le motif en est pardonnable et même délicat ;
de n’arriver d’abord chez
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/363]]==
vous que sous la figure de son valet, qui de son côté fera le
personnage de son maître."
{{personnage|Mario}}.
Ah, ah ! cela sera plaisant.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ecoutez le
espère, dit-il, sous ce déguisement de peu de durée saisir quelques traits du caractère de
notre future et la mieux connaître, pour se régler ensuite sur ce
liberté que nous sommes convenus de leur laisser. Pour moi, qui
vous
vous avertir,
avec la future comme vous le jugerez à
pas le tout, voici ce qui arrive ;
de Dorante, dont elle ignore le secret,
cela précisément pour observer Dorante, comme Dorante veut
vous ? Savez-vous rien de plus particulier que cela ? Actuellement, la maîtresse et la
suivante se travestissent. Que me conseillez-vous, Mario ? Avertirai-je votre sœur ou
non ?
{{personnage|Mario}}.
Ma foi, Monsieur, puisque les choses prennent ce train-là, je ne voudrais pas les
déranger, et je respecterais
avertirait pas de ce
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/364]]==
Peut-être que Dorante prendra du goût pour ma sœur,
toute soubrette qu’elle sera, et cela serait charmant pour elle.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Nous verrons un peu comment elle se tirera
{{personnage|Mario}}.
et les agacer tous deux.
Ligne 353 ⟶ 388 :
{{acteurs|Silvia, Monsieur Orgon, Mario}}
{{personnage|Silvia}}.
Me voilà, Monsieur, ai-je mauvaise grâce en femme de chambre ; et vous, mon frère, vous
savez de quoi il
{{personnage|Mario}}.
Ma foi, ma sœur,
escamoter Dorante à ta maîtresse.
{{personnage|Silvia}}.
Franchement, je ne haïrais pas de lui plaire sous le personnage que je joue, je ne serais
pas fâchée de subjuguer sa raison, de
à moi ; si mes charmes font ce coup-là, ils me feront plaisir, je les estimerai,
cela
n’oseront m’aborder, il y aura
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/365]]==
quelque chose dans ma physionomie qui inspirera plus de
respect que d’amour à ce faquin-là.
{{personnage|Mario}}.
Allons doucement, ma sœur, ce faquin-là sera votre égal.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Et ne manquera pas de
{{personnage|Silvia}}.
Eh bien,
indiscrets,
{{personnage|Un valet}}.
Monsieur, il vient
crocheteur qui porte une valise.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
pour affaires. Où est Lisette ?
{{personnage|Silvia}}.
Lisette
elle aura bientôt fait.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Doucement, on vient.
Ligne 398 ⟶ 435 :
{{acteurs|Dorante, en valet, Monsieur Orgon, Silvia, Mario}}
{{personnage|Dorante}}.
Je cherche Monsieur Orgon,
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/366]]==
{{personnage|
Oui, mon ami, c’est à lui-même.
{{personnage|Dorante}}.
Monsieur, vous avez sans doute reçu de nos nouvelles, j’appartiens à Monsieur Dorante,
vous, et qui m’envoie toujours devant vous assurer de ses respects, en attendant qu’il
vous en assure lui-même.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Tu fais ta commission de fort bonne grâce ; Lisette, que dis-tu de ce garçon-là ?
{{personnage|Silvia}}.
Moi, Monsieur, je dis
{{personnage|Dorante}}.
Vous avez bien de la bonté, je fais du mieux
{{personnage|Mario}}.
Il
{{personnage|Silvia}}.
Mon cœur,
{{personnage|Dorante}}.
Ne vous fâchez pas. Mademoiselle, ce que dit Monsieur ne
{{personnage|Silvia}}.
Cette modestie-là me plaît, continuez de même.
{{personnage|Mario}}.
Fort bien ! Mais il me semble que ce nom de Mademoiselle
sérieux, entre gens comme vous, le style des compliments ne doit pas être si grave, vous
seriez toujours sur
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/367]]== le qui-vive ; allons traitez-vous plus commodément, tu as nom Lisette, et toi mon garçon, comment
{{personnage|Dorante}}.
Bourguignon, Monsieur, pour vous servir.
{{personnage|Silvia}}.
Eh bien, Bourguignon, soit !
{{personnage|Dorante}}.
Va donc pour Lisette, je
{{personnage|Mario}}.
Votre serviteur, ce
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ah, ah, ah, ah !
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|bas à Mario}}.
Vous me jouez, mon frère.
{{personnage|Dorante}}.
À
{{personnage|Silvia}}.
Fais comme tu voudras, Bourguignon, voilà la glace rompue, puisque cela divertit ces
Messieurs.
{{personnage|Dorante}}.
Je
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Courage, mes enfants, si vous commencez à vous aimer, vous voilà débarrassés des
cérémonies.
{{personnage|Mario}}.
Oh, doucement,
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/368]]==
affaire ; vous ne savez peut-être pas que j’en
veux au cœur de Lisette, moi qui vous parle, il est vrai qu’il m’est cruel, mais je ne veux
pas que Bourguignon aille sur mes brisées.
{{personnage|Silvia}}.
Oui, le prenez-vous sur ce ton-là, et moi je veux que Bourguignon
{{personnage|Dorante}}.
Tu te fais tort de dire je veux, belle Lisette, tu
servie.
{{personnage|Mario}}.
Mon Bourguignon, vous avez pillé cette galanterie-là quelque part.
{{personnage|Dorante}}.
Vous avez raison Monsieur,
{{personnage|Mario}}.
Tais-toi,
{{personnage|Silvia}}.
Il ne
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Mon fils, vous perdrez votre procès, retirons-nous, Dorante va venir, allons le dire à ma
fille ; et vous Lisette montrez à ce garçon
Bourguignon.
{{personnage|Dorante}}.
Monsieur, vous me faites trop
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/369]]==
{{scène|VI}}
{{acteurs|Silvia, Dorante}}
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Ils se donnent la comédie,
je ne plains pas la soubrette qui
m’instruise.
{{personnage|Dorante}}, {{didascalie|à part}}.
Cette fille-ci
honneur, lions connaissance avec
amical et que nous avons abjuré les façons, dis-moi, Lisette, ta maîtresse te vaut-elle ?
Elle est bien hardie
{{personnage|Silvia}}.
Bourguignon, cette question-là
{{personnage|Dorante}}.
Ma foi, je
jamais eu de grande liaison avec les soubrettes, je
à ton égard
timide, ma familiarité
chapeau de dessus ma tête, et quand je te tutoie, il me semble que je jure ; enfin
penchant à te traiter avec des respects qui te feraient rire. Quelle espèce de suivante es-
tu donc avec ton air de princesse ?
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/370]]==
{{personnage|Silvia}}.
Tiens, tout ce que tu dis avoir senti en me voyant, est précisément
valets qui
{{personnage|Dorante}}.
Ma foi, je ne serais pas surpris quand ce serait aussi
{{personnage|Silvia}}.
Le trait est joli assurément ; mais je te le répète encore, je ne suis pas faite aux
cajoleries de ceux dont la garde-robe ressemble à la tienne.
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Silvia}}.
Non, Bourguignon ; laissons là
{{personnage|Dorante}}.
Rien que cela : ton petit traité
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Quel homme pour un valet ! (Haut.) Il faut pourtant
d’autres.
{{personnage|Dorante}}.
Parbleu, cela est plaisant, ce que tu as juré pour homme, je
fait serment de
{{personnage|Silvia}}.
Ne
{{personnage|Dorante}}.
Je ne
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/371]]==
le croyons, tu as l’air bien distingué, et l’on
est quelquefois fille de condition sans le savoir.
{{personnage|Silvia}}.
Ah, ah, ah, je te remercierais de ton éloge si ma mère
{{personnage|Dorante}}.
Eh bien venge-
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Il le mériterait. (Haut.) Mais ce
{{personnage|Dorante}}.
Parbleu, si
point de foi à
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Il ne tarit
{{personnage|Dorante}}.
Elle
{{personnage|Silvia}}.
Non, mais elle a dit que tu
{{personnage|Dorante}}.
Tu fais fort bien, Lisette, cette fierté-là te va à merveille, et
procès, je suis pourtant bien aise de te la voir ; je te
il te fallait encore cette grâce-là, et je me console
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/372]]==
{{personnage|
Mais en vérité, voilà un garçon qui me surprend malgré que j’en aie… (Haut.) Dis-moi,
qui es-tu toi qui me parles ainsi ?
{{personnage|
Le fils d’honnêtes gens qui n’étaient pas riches.
{{personnage|Silvia}}.
Va : je te souhaite de bon cœur une meilleure situation que la tienne, et je voudrais
pouvoir y contribuer, la fortune a tort avec toi.
{{personnage|Dorante}}.
Ma foi,
demander ton cœur, que
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Nous voilà grâce au ciel en conversation réglée. (Haut.) Bourguignon je ne saurais me
fâcher des discours que tu me tiens ; mais je
maître, tu peux te passer de me parler
{{personnage|Dorante}}.
Tu pourrais bien te passer de
{{personnage|Silvia}}.
Ahi ! Je me fâcherai, tu
{{personnage|Dorante}}.
Quitte donc ta figure.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
À la fin, je crois
finir, faudra-t-il que je te quitte ? (A part.) Je devrais déjà
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/373]]==
{{personnage|Dorante}}.
Attends, Lisette, je voulais moi-même te parler
que
{{personnage|Silvia}}.
moi.
{{personnage|Dorante}}.
Je me rappelle de
{{personnage|Silvia}}.
Tu reviens à ton chemin par un détour, adieu.
{{personnage|Dorante}}.
Eh non, te dis-je, Lisette, il ne
{{personnage|Silvia}}.
Eh bien soit, je voulais te parler de lui aussi, et
confidemment ce
{{personnage|Dorante}}.
Tu me permettras peut-être bien de te remercier de ce que tu me dis là par exemple ?
{{personnage|Silvia}}.
Veux-tu bien ne prendre pas garde à
{{personnage|Dorante}}.
Voilà encore de ces réponses qui
point, et je suis bien malheureux de me trouver arrêté par tout ce
aimable au monde.
{{personnage|Silvia}}.
Et moi je voudrais bien savoir comment il se
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/374]]==
fait que j’ai la bonté de t’écouter, car
assurément, cela est singulier !
{{personnage|Dorante}}.
Tu as raison, notre aventure est unique.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Malgré tout ce
je réponds ! en vérité, cela passe la raillerie. (Haut.) Adieu.
{{personnage|Dorante}}.
Achevons donc ce que nous voulions dire.
{{personnage|Silvia}}.
Adieu, te dis-je, plus de quartiers ; quand ton maître sera venu, je tâcherai en faveur de
ma maîtresse de le connaître par moi-même,
cet appartement,
{{personnage|Dorante}}.
Tiens, voici mon maître.
Ligne 684 ⟶ 741 :
{{acteurs|Dorante, Silvia, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.
Ah, te voilà, Bourguignon ; mon porte-manteau et toi, avez-vous été bien reçus ici ?
{{personnage|Dorante}}.
Il
{{personnage|Arlequin}}.
Un Domestique là-bas
avec ma femme.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/375]]==
{{personnage|Silvia}}.
Vous voulez dire Monsieur Orgon et sa fille, sans doute, Monsieur ?
{{personnage|Arlequin}}.
Eh oui, mon beau-père et ma femme, autant vaut ; je viens pour épouser, et ils
est une bagatelle.
{{personnage|Silvia}}.
{{personnage|Arlequin}}.
Oui, mais quand on y a pensé on
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|bas à Dorante}}.
Bourguignon, on est homme de mérite à bon marché chez vous, ce me semble ?
{{personnage|Arlequin}}.
Que dites-vous là à mon valet, la belle ?
{{personnage|Silvia}}.
Rien, je lui dis seulement, que je vais faire descendre Monsieur Orgon.
{{personnage|Arlequin}}.
Et pourquoi ne pas dire mon beau-père, comme moi ?
{{personnage|Silvia}}.
{{personnage|Dorante}}.
Elle a raison, Monsieur, le mariage
{{personnage|Arlequin}}.
Eh bien, me voilà pour le faire.
{{personnage|Dorante}}.
Attendez donc
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/376]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Pardi, voilà bien des façons pour un beau-père de la veille ou du lendemain.
{{personnage|Silvia}}.
En effet, quelle si grande différence y a-t-il entre être mariée ou ne
Monsieur, nous avons tort, et je cours informer votre beau-père de votre arrivée.
{{personnage|Arlequin}}.
Et ma femme aussi, je vous prie ; mais avant que de partir, dites-moi une chose, vous
qui êtes si jolie,
{{personnage|Silvia}}.
Vous
{{personnage|Arlequin}}.
vous ?
{{personnage|Silvia}}.
Je vous
{{personnage|Arlequin}}.
Bon, tant mieux, entretenez-vous dans ce sentiment-là, il pourra trouver sa place.
{{personnage|Silvia}}.
Vous êtes bien modeste de vous en contenter ; mais je vous quitte, il faut
oublié
{{personnage|Arlequin}}.
Dites-lui que je
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Que le sort est bizarre ! Aucun de ces deux hommes
{{scène|VIII}}
Ligne 770 ⟶ 833 :
{{acteurs|Dorante, Arlequin}}
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/377]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Eh bien, Monsieur, mon commencement va bien, je plais déjà à la soubrette.
{{personnage|Dorante}}.
Butor que tu es !
{{personnage|Arlequin}}.
Pourquoi donc, mon entrée est si gentille !
{{personnage|Dorante}}.
Tu
donné de si bonnes instructions, je ne
bien que je suis un étourdi de
{{personnage|Arlequin}}.
Je ferai encore mieux dans les suites, et puisque le sérieux
donnerai du mélancolique, je pleurerai,
{{personnage|Dorante}}.
Je ne sais plus où
{{personnage|Arlequin}}.
Est-ce que la fille
{{personnage|Dorante}}.
Tais-toi ; voici Monsieur Orgon qui vient.
Ligne 801 ⟶ 867 :
{{acteurs|Monsieur Orgon, Dorante, Arlequin}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Mon cher Monsieur, je vous demande mille
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/378]]== pardons de vous avoir fait attendre ; mais ce
{{personnage|Arlequin}}.
Monsieur, mille pardons,
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Je tâcherai de
{{personnage|Arlequin}}.
Vous êtes le maître, et moi votre serviteur.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Je suis, je vous assure, charmé de vous voir, et je vous attendais avec impatience.
{{personnage|Arlequin}}.
Je serais
savez
ragoûtant.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Vous y avez fort bien réussi ; ma fille
attendant
{{personnage|Arlequin}}.
Oh je
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Bourguignon, ayez soin de vous, mon garçon.
{{personnage|Arlequin}}.
Le gaillard est gourmet, il boira du meilleur.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
{{acte|II}}
Ligne 845 ⟶ 913 :
{{acteurs|Lisette, Monsieur Orgon}}
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/379]]==
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bien, que me veux-tu Lisette ?
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
De quoi
{{personnage|Lisette}}.
De vous dire
éclairci, afin que vous
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ceci est donc bien sérieux.
{{personnage|Lisette}}.
Oui très sérieux, vous avez consenti au déguisement de Mademoiselle Silvia, moi-
même je
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Et de quelle conséquence est-il donc ?
{{personnage|Lisette}}.
Monsieur, on a de la peine à se louer soi-même, mais malgré toutes les règles de la
modestie, il
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/380]]== faut pourtant que je vous dise que si vous ne mettez ordre à ce qui arrive, votre prétendu gendre
temps
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh,
charmes ?
{{personnage|Lisette}}.
Non ; mais vous ne vous méfiez pas assez des miens, je vous avertis
train, et que je ne vous conseille pas de les laisser faire.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Je vous en fais mes compliments, Lisette. (Il rit.) Ah, ah, ah !
{{personnage|Lisette}}.
Nous y voilà ; vous plaisantez, Monsieur, vous vous moquez de moi.
car vous y serez pris.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ne
{{personnage|Lisette}}.
Je vous le répète encore, le cœur de Dorante va bien vite ; tenez, actuellement je lui
plais beaucoup, ce soir il
mauvais goût, vous en direz ce
voyez-vous, demain je me garantis adorée.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bien, que vous importe :
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/381]]==
{{personnage|Lisette}}.
Quoi ! vous ne l’en empêcheriez pas ?
{{personnage|
Non, d’homme d’honneur, si tu le mènes jusque-là.
{{personnage|
Monsieur, prenez-y garde, jusqu’ici je n’ai pas aidé à mes appas, je les ai laissé faire tout
seuls ; j’ai ménagé sa tête, si je m’en mêle, je la renverse, il n’y aura plus de remède.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Renverse, ravage, brûle, enfin épouse, je te le permets si tu le peux.
{{personnage|Lisette}}.
Sur ce pied-là je compte ma fortune faite.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Mais dis-moi, ma fille
{{personnage|Lisette}}.
Nous
mais à vue de pays, je ne la crois pas contente, je la trouve triste, rêveuse, et je
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Et moi, je te le défends ;
durer ce déguisement ; je veux
comment se gouverne-t-il ? Ne se mêle-t-il pas
{{personnage|Lisette}}.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/382]]==
de conséquence avec elle parce qu’il
est bien fait, il la regarde et soupire.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Et cela la fâche ?
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Bon, tu te trompes ; les regards
{{personnage|Lisette}}.
Monsieur, elle rougit.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
{{personnage|Lisette}}.
À la bonne heure.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bien, quand tu lui parleras, dis-lui que tu soupçonnes ce valet de la prévenir contre
son maître ; et si elle se fâche, ne
Dorante qui te cherche apparemment.
Ligne 961 ⟶ 1 037 :
{{acteurs|Lisette, Arlequin, Monsieur Orgon}}
{{personnage|Arlequin}}.
Ah, je vous retrouve ! Merveilleuse Dame, je vous demandais à tout le monde ;
serviteur, cher beau-père ou peu
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Serviteur. Adieu, mes enfants, je vous laisse ensemble ; il est bon que vous vous aimiez
un peu avant que de vous marier.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/383]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Je ferais bien ces deux besognes-là à la fois, moi.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Point
{{scène|III}}
Ligne 979 ⟶ 1 057 :
{{acteurs|Lisette, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.
Madame, il dit que je ne
{{personnage|Lisette}}.
que vous faites
fort, ce
{{personnage|Arlequin}}.
Vous vous trompez, prodige de nos jours, un amour de votre façon ne reste pas
longtemps au berceau ; votre premier coup
donné des forces, et le troisième
vite, ayez soin de lui puisque vous êtes sa mère.
{{personnage|Lisette}}.
Trouvez-vous
{{personnage|Arlequin}}.
En attendant
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/384]]==
{{personnage|Lisette}}.
Tenez donc petit importun, puisqu’on ne saurait avoir la paix qu’en vous amusant.
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|lui baisant la main}}.
Cher joujou de mon âme ! Cela me réjouit comme du vin délicieux, quel dommage, de
{{personnage|Lisette}}.
Allons, arrêtez-vous, vous êtes trop avide.
{{personnage|Arlequin}}.
Je ne demande
{{personnage|Lisette}}.
Ne faut-il pas avoir de la raison ?
{{personnage|Arlequin}}.
De la raison ! Hélas je
{{personnage|Lisette}}.
Mais est-il possible, que vous
{{personnage|Arlequin}}.
Je ne me soucie pas de ce qui est possible, moi ; mais je vous aime comme un perdu, et
vous verrez bien dans votre miroir que cela est juste.
{{personnage|Lisette}}.
Mon miroir ne servirait
{{personnage|Arlequin}}.
Ah ! Mignonne, adorable, votre humilité ne serait donc qu’une hypocrite !
{{personnage|
Quelqu’un vient à nous ; c’est votre valet.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/385]]==
{{scène|IV}}
{{acteurs|Dorante, Arlequin, Lisette}}
{{personnage|Dorante}}.
Monsieur, pourrais-je vous entretenir un moment ?
{{personnage|Arlequin}}.
Non ; maudite soit la valetaille qui ne saurait nous laisser en repos !
{{personnage|Lisette}}.
Voyez ce
{{personnage|Dorante}}.
Je
{{personnage|Arlequin}}.
Madame,
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|bas à Arlequin}}.
Viens donc impertinent.
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|bas à Dorante}}.
Ce sont des injures, et non pas des mots,
{{personnage|Lisette}}.
Faites, faites.
{{personnage|Dorante}}.
Débarrasse-moi de tout ceci, ne te livre point, parais sérieux, et rêveur, et même
mécontent, entends-tu ?
{{personnage|Arlequin}}.
Oui mon ami, ne vous inquiétez pas, et retirez-vous.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/386]]==
{{scène|V}}
{{acteurs|Arlequin, Lisette}}
{{personnage|Arlequin}}.
Ah ! Madame, sans lui
communes à cette heure, hormis mon amour qui est extraordinaire. Mais à propos de
mon amour, quand est-ce que le vôtre lui tiendra compagnie ?
{{personnage|Lisette}}.
Il faut espérer que cela viendra.
{{personnage|Arlequin}}.
Et croyez-vous que cela vienne ?
{{personnage|Lisette}}.
La question est vive ; savez-vous bien que vous
{{personnage|Arlequin}}.
Que voulez-vous ? Je brûle et je crie au feu.
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Arlequin}}.
Je suis du sentiment que vous le pouvez en conscience.
{{personnage|Lisette}}.
La retenue de mon sexe ne le veut pas.
{{personnage|Arlequin}}.
Ce
{{personnage|Lisette}}.
Mais que me demandez-vous ?
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/387]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Dites-moi un petit brin que vous m’aimez. Tenez je vous aime moi, faites l’écho, répétez
Princesse.
{{personnage|Lisette}}.
Quel insatiable ! Eh bien, Monsieur, je vous aime.
{{personnage|Arlequin}}.
Eh bien, Madame, je me meurs ; mon bonheur me confond,
champs. Vous
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Arlequin}}.
Ah, Madame, quand nous en serons là,
{{personnage|Lisette}}.
Vous me croyez plus de qualités que je
{{personnage|Arlequin}}.
Et vous, Madame, vous ne savez pas les miennes, et je ne devrais vous parler
genoux.
{{personnage|Lisette}}.
Souvenez-vous
{{personnage|Arlequin}}.
Les pères et mères font tout à leur tête.
{{personnage|Lisette}}.
Pour moi, mon cœur vous aurait choisi dans quelque état que vous eussiez été.
{{personnage|Arlequin}}.
Il a beau jeu pour me choisir encore.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/388]]==
{{personnage|Lisette}}.
Puis-je me flatter que vous soyez de même à mon égard ?
{{personnage|Arlequin}}.
Hélas ! Quand vous ne seriez que Perrette ou Margot, quand je vous aurais vue le
martinet à la main descendre à la cave, vous auriez toujours été ma Princesse.
{{personnage|Lisette}}.
Puissent de si beaux sentiments être durables !
{{personnage|Arlequin}}.
Pour les fortifier de part et
les fautes
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|se met à genoux}}.
Votre bonté
{{personnage|Lisette}}.
Arrêtez-vous ; je ne saurais vous souffrir dans cette posture-là, je serais ridicule de vous
y laisser ; levez-vous. Voilà encore
{{scène|VI}}
Ligne 1 173 ⟶ 1 260 :
{{acteurs|Lisette, Arlequin, Silvia}}
{{personnage|Lisette}}.
Que voulez-vous lisette ?
{{personnage|Silvia}}.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/389]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Ne voilà-t-il pas ! Eh ma mie revenez dans un quart d’heure, allez, les femmes de
chambre de mon pays n’entrent point qu’on ne les appelle.
{{personnage|Silvia}}.
Monsieur, il faut que je parle à Madame.
{{personnage|Arlequin}}.
Mais voyez
fille, nous avons ordre de nous aimer avant
fonctions.
{{personnage|Lisette}}.
Ne pouvez-vous pas revenir dans un moment, Lisette ?
{{personnage|Silvia}}.
Mais,
{{personnage|Arlequin}}.
Mais ! Ce mais-là
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part les premiers mots}}.
Ah le vilain homme ! Madame, je vous assure que cela est pressé.
{{personnage|Lisette}}.
Permettez donc que je
{{personnage|Arlequin}}.
Puisque le diable le veut, et elle
{{scène|VII}}
Ligne 1 214 ⟶ 1 303 :
{{acteurs|Silvia, Lisette}}
{{personnage|Silvia}}.
Je vous trouve admirable de ne pas le renvoyer
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/390]]==
tout d’un coup, et de me faire essuyer les
brutalités de cet animal-là.
{{personnage|Lisette}}.
Pardi, Madame, je ne puis pas jouer deux rôles à la fois ; il faut que je paraisse ou la
Maîtresse, ou la Suivante, que
{{personnage|Silvia}}.
Fort bien ; mais
bien que cet homme-là ne me convient point.
{{personnage|Lisette}}.
Vous
{{personnage|Silvia}}.
Êtes-vous folle avec votre examen ? Est-il nécessaire de le voir deux fois pour juger du
peu de convenance ? En un mot je
conjoncture,
à ce jeune homme que vous
{{personnage|Lisette}}.
Je ne saurais, Madame.
{{personnage|Silvia}}.
Vous ne sauriez ! Et
{{personnage|Lisette}}.
Monsieur Orgon me
{{personnage|Silvia}}.
Il vous
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/391]]==
{{personnage|Lisette}}.
Positivement défendu.
{{personnage|Silvia}}.
Eh bien, je vous charge de lui dire mes dégoûts, et de
ne saurais me persuader
{{personnage|Lisette}}.
Mais, Madame, le futur
{{personnage|Silvia}}.
Il me déplaît vous dis-je, et votre peu de zèle aussi.
{{personnage|Lisette}}.
Donnez-vous le temps de voir ce
{{personnage|Silvia}}.
Je le hais assez sans prendre du temps pour le haïr davantage.
{{personnage|Lisette}}.
Son valet qui fait
{{personnage|Silvia}}.
Hum, la sotte ! Son valet a bien affaire ici !
{{personnage|Lisette}}.
{{personnage|Silvia}}.
Finissez vos portraits, on
peu
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/392]]==
{{personnage|Lisette}}.
Je crois qu’il est homme à vous avoir conté des histoires maladroites, pour faire briller
son bel esprit.
{{personnage|Silvia}}.
Mon déguisement ne
avez-vous ?
il
brouiller avec son maître, ni
écoute ses histoires.
{{personnage|Lisette}}.
Oh, Madame, dès que vous le défendez sur ce ton-là, et que cela va
je
{{personnage|Silvia}}.
Dès que je vous le défends sur ce ton-là !
cela vous-même ?
?
{{personnage|Lisette}}.
Je dis, Madame, que je ne vous ai jamais vue comme vous êtes, et que je ne conçois
rien à votre aigreur. Eh bien si ce valet
emporter pour le justifier, je vous crois, voilà qui est fini, je ne
opinion que vous en avez, moi.
{{personnage|Silvia}}.
Voyez-vous le mauvais esprit ! Comme elle tourne les choses, je me sens dans une
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/393]]==
{{personnage|Lisette}}.
En quoi donc, Madame ? Quelle finesse entendez-vous à ce que je dis ?
{{personnage|Silvia}}.
Moi, j’y entends finesse ! Moi, je vous querelle pour lui ! J’ai bonne opinion de lui !
Vous me manquez de respect jusque-là, bonne opinion, juste ciel ! Bonne opinion ! Que
faut-il que je réponde à cela ?
ce qui est à
{{personnage|Lisette}}.
Je
{{personnage|Silvia}}.
Elle a des façons de parler qui me mettent hors de moi ; retirez-vous, vous
insupportable, laissez-moi, je prendrai
{{scène|VIII}}
Ligne 1 330 ⟶ 1 427 :
{{acteurs|Silvia}}
{{personnage|Silvia}}.
Je frissonne encore de ce que je lui ai entendu dire ; avec quelle impudence les
domestiques ne nous traitent-ils pas dans leur esprit ? Comme ces gens-là vous
dégradent ! Je ne saurais
servie, ils me font toujours peur. Il
dont cette insolente est venue me noircir
objet en question pour lequel je
et je ne dois pas
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/394]]==
{{scène|IX}}
{{acteurs|Dorante, Silvia}}
{{personnage|Dorante}}.
Lisette, quelque éloignement que tu aies pour moi, je suis forcé de te parler, je crois que
{{personnage|Silvia}}.
Bourguignon, ne nous tutoyons plus, je
{{personnage|Dorante}}.
Comme tu voudras.
{{personnage|Silvia}}.
Tu
{{personnage|Dorante}}.
Ni toi non plus, tu me dis je
{{personnage|Silvia}}.
{{personnage|Dorante}}.
Eh bien, crois-moi, parlons comme nous pourrons, ce
pour le peu de temps que nous avons à nous voir.
{{personnage|Silvia}}.
Est-ce que ton Maître
{{personnage|Dorante}}.
Ni à moi non plus, n’est-il pas vrai ? J’achève ta pensée.
{{personnage|
Je l’achèverais bien moi-même si j’en avais envie ; mais je ne songe pas à toi.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/395]]==
{{personnage|Dorante}}.
Et moi je ne te perds point de vue.
{{personnage|Silvia}}.
Tiens, Bourguignon, une bonne fois pour toutes, demeure, va-
doit
ne
raison ne
{{personnage|Dorante}}.
Mon malheur est inconcevable, tu
{{personnage|Silvia}}.
Quelle fantaisie il
me parles, je te réponds,
étais instruit, en vérité tu serais content de moi, tu me trouverais
exemple,
pas, le fond de mon cœur me rassure, ce que je fais est louable,
je te parle, mais il ne faut pas que cela dure, ces générosités-là ne sont bonnes
passant, et je ne suis pas faite pour me rassurer toujours sur
intentions, à la fin, cela ne ressemblerait plus à rien ; ainsi finissons, Bourguignon,
finissons je
plus parlé.
{{personnage|Dorante}}.
Ah, ma chère Lisette, que je souffre !
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/396]]==
{{personnage|Silvia}}.
Venons à ce que tu voulais me dire, tu te plaignais de moi quand tu es entré, de quoi
était-il question ?
{{personnage|Dorante}}.
De rien,
prétexte.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.
Que dire à cela ? Quand je
{{personnage|Dorante}}.
Ta maîtresse en partant a paru
{{personnage|Silvia}}.
Elle se
reste.
{{personnage|Dorante}}.
Eh, ce
{{personnage|Silvia}}.
Si tu
{{personnage|Dorante}}.
Laisse-moi du moins le plaisir de te voir.
{{personnage|Silvia}}.
Le beau motif
de tout ceci me fera bien rire un jour.
{{personnage|Dorante}}.
Tu me railles, tu as raison, je ne sais ce que je dis, ni ce que je te demande ; adieu.
{{personnage|Silvia}}.
Adieu, tu prends le bon
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/397]]==
de tes adieux, il me reste encore une
chose à savoir, vous partez, m’as-tu dit, cela est-il sérieux ?
{{personnage|Dorante}}.
Pour moi il faut que je parte, ou que la tête me tourne.
{{personnage|Silvia}}.
Je ne
{{personnage|Dorante}}.
Et je
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
{{personnage|Dorante}}.
Si tu savais, Lisette,
{{personnage|Silvia}}.
Oh, il
{{personnage|Dorante}}.
Que peux-tu me reprocher ? Je ne me propose pas de te rendre sensible.
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
Il ne faudrait pas
{{personnage|Dorante}}.
Et que pourrais-je espérer en tâchant de me faire aimer ? Hélas ! Quand même
ton
cœur…
{{personnage|Silvia}}.
Que le ciel
je ne le saurais pas moi-même : tenez, quelle idée il lui vient là !
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/398]]==
{{personnage|Dorante}}.
Il est donc bien vrai que tu ne me hais, ni ne m’aimes, ni ne m’aimeras ?
{{personnage|Silvia}}.
Sans difficulté.
{{personnage|Dorante}}.
Sans difficulté !
{{personnage|Silvia}}.
Rien, ce
{{personnage|Dorante}}.
Eh bien, chère Lisette, dis-le-moi cent fois, que tu ne
{{personnage|Silvia}}.
Oh, je te
{{personnage|Dorante}}.
Il faut que je le croie ! Désespère une passion dangereuse, sauve-moi des effets que
crains ; tu ne me hais, ni ne
certitude-là !
nécessaire, je te le demande à genoux. Il se jette à genoux. Dans ce moment, Monsieur
Orgon et Mario entrent et ne disent mot.
{{personnage|Silvia}}.
Ah, nous y voilà ! Il ne manquait plus que cette façon-là à mon aventure ; que je suis
malheureuse !
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/399]]==
c’est ma facilité qui le place là ; lève- toi donc, Bourguignon, je t’en
conjure, il peut venir quelqu’un, je dirai ce qu’il te plaira, que me veux-tu ? Je ne te hais
point, lève-toi, je t’aimerais si je pouvais, tu ne me déplais point, cela doit te suffire.
{{personnage|Dorante}}.
Quoi, Lisette, si je
que je
{{personnage|Silvia}}.
Assurément.
{{personnage|Dorante}}.
Tu ne me haïrais pas, tu me souffrirais ?
{{personnage|Silvia}}.
Volontiers, mais lève-toi.
{{personnage|Dorante}}.
Tu parais le dire sérieusement ; et si cela est, ma raison est perdue.
{{personnage|Silvia}}.
Je dis ce que tu veux, et tu ne te lèves point.
Ligne 1 527 ⟶ 1 636 :
{{acteurs|Monsieur Orgon, Mario, Silvia, Dorante}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
{{personnage|Silvia}}.
Je ne saurais empêcher ce garçon de se mettre à genoux, Monsieur, je ne suis pas en état
de lui en imposer, je pense.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Vous vous convenez parfaitement bien tous deux ; mais
vous reprendrez votre conversation quand nous serons partis : vous le voulez bien,
Bourguignon ?
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/400]]==
{{personnage|Dorante}}.
Je me retire, Monsieur.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Allez, et tâchez de parler de votre maître avec un peu plus de ménagement que vous ne
faites.
{{personnage|Dorante}}.
Moi, Monsieur ?
{{personnage|Mario}}.
Vous-même, mons. Bourguignon ; vous ne brillez pas trop dans le respect que vous
avez pour votre maître, dit-on.
{{personnage|Dorante}}.
Je ne sais ce
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Adieu, adieu ; vous vous justifierez une autre fois.
Ligne 1 563 ⟶ 1 674 :
{{acteurs|Silvia, Mario, Monsieur Orgon}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bien, Silvia, vous ne nous regardez pas, vous avez
{{personnage|Silvia}}.
Moi, mon père ! Et où serait le motif de mon embarras ? Je suis, grâce au ciel, comme à
mon ordinaire ; je suis fâchée de vous dire que
{{personnage|Mario}}.
Il y a quelque chose, ma sœur, il y a quelque chose.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/401]]==
{{personnage|Silvia}}.
Quelque chose dans votre tête, à la bonne heure, mon frère ; mais pour dans la mienne,
il
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
pour son maître ?
{{personnage|Silvia}}.
Qui ? Le domestique de Dorante ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Oui, le galant Bourguignon.
{{personnage|Silvia}}.
Le galant Bourguignon, dont je ne savais pas
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Cependant on prétend que
bien aise de te parler.
{{personnage|Silvia}}.
Ce
{{personnage|Mario}}.
Ma foi, tu as beau dire, ma sœur, elle est trop forte pour être si naturelle, et
a aidé.
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|avec vivacité}}.
Avec quel air mystérieux vous me dites cela, mon frère ; et qui est donc ce
qui y a aidé ? Voyons.
{{personnage|Mario}}.
Dans quelle humeur es-tu, ma sœur, comme tu
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/402]]==
{{personnage|Silvia}}.
C’est que je suis bien lasse de mon personnage, et je me serais déjà démasquée si je
n’avais pas craint de fâcher mon père.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Gardez-vous-en bien, ma fille, je viens ici pour vous le recommander ; puisque j’ai eu la
complaisance de vous permettre votre déguisement, il faut, s’il vous plaît, que vous ayez
celle de suspendre votre jugement sur Dorante, et de voir si l’aversion qu’on vous a
donnée pour lui est légitime.
{{personnage|Silvia}}.
Vous ne
{{personnage|Mario}}.
Quoi, ce babillard qui vient de sortir ne
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|avec feu}}.
Que vos discours sont désobligeants !
expressions bien étranges ; je
inconcevable ;
Bourguignon qui
{{personnage|Mario}}.
Pour le coup,
le qui-vive, dans quelle idée nous soupçonnes-tu ?
{{personnage|Silvia}}.
Courage, mon frère, par quelle fatalité
ne me
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/403]]==
choque ? Quel soupçon voulez-vous qui me vienne ? Avez-vous des visions ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Il est vrai que tu es si agitée que je ne te reconnais point non plus. Ce sont apparemment
ces mouvements-là qui sont cause que Lisette nous a parlé comme elle a fait ; elle
accusait ce valet de ne
nous a-t-elle dit,
surprise, et
savent pas la conséquence
{{personnage|Silvia}}.
fâchée par un esprit de justice pour ce garçon.
{{personnage|Mario}}.
Je ne vois point de mal à cela.
{{personnage|Silvia}}.
Y a-t-il rien de plus simple ? Quoi, parce que je suis équitable, que je veux
nuise à personne, que je veux sauver un domestique du tort
de son maître, on dit que
moment après un mauvais esprit raisonne, il faut se fâcher, il faut la faire taire, et
prendre mon parti contre elle à cause de la conséquence de ce
que je fais ? Mais que fais-je ? De quoi
conjure ; cela est-il sérieux, me joue-t-on, se moque-t-on de moi ? Je ne suis pas
tranquille.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/404]]==
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Doucement donc.
{{personnage|Silvia}}.
Non, Monsieur, il
conséquences ! Eh
vous vous trompez tous, Lisette est une folle, il est innocent, et voilà qui est fini ;
pourquoi donc
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Tu te retiens, ma fille, tu aurais grande envie de me quereller aussi ; mais faisons
mieux, il
{{personnage|Silvia}}.
Quel malheureux déguisement ! Surtout que Lisette ne
que Dorante.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Tu la verras si tu veux, mais tu dois être charmée que ce garçon
et cela
{{personnage|Silvia}}.
Je
mais il ne me dit pas ce
{{personnage|Mario}}.
Tu
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ne
faire lever de lui dire
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/405]]==
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
J’étouffe.
{{personnage|Mario}}.
Encore a-t-il fallu, quand il
volontiers, sans quoi il y serait encore.
{{personnage|Silvia}}.
pas aimable ; ah ça parlons sérieusement, quand finira la comédie que vous donnez sur
mon compte ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
La seule chose que
connaissance de cause ; attends encore, tu me remercieras du délai que je demande, je
{{personnage|Mario}}.
Tu épouseras Dorante, et même avec inclination, je te le
vous demande grâce pour le valet.
{{personnage|Silvia}}.
Pourquoi grâce ? Et moi je veux
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Son maître en décidera, allons-nous-en.
{{personnage|Mario}}.
Adieu, adieu ma sœur, sans rancune.
Ligne 1 731 ⟶ 1 851 :
{{acteurs|Silvia seule, Dorante qui vient peu après}}
{{personnage|Silvia}}.
Ah, que
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/406]]==
mêle à l’embarras où je me trouve, toute
cette aventure-ci m’afflige, je me défie de tous les visages, je ne suis contente de
personne, je ne le suis pas de moi-même.
{{personnage|Dorante}}.
Ah, je te cherchais, Lisette.
{{personnage|Silvia}}.
Ce
{{personnage|Dorante}}.
Arrête donc, Lisette,
conséquence qui regarde tes maîtres.
{{personnage|Silvia}}.
Va la dire à eux-mêmes, je ne te vois jamais que tu ne me chagrines, laisse-moi.
{{personnage|Dorante}}.
Je
face, par ce que je te vais dire.
{{personnage|Silvia}}.
Eh bien, parle donc, je
éternelle.
{{personnage|Dorante}}.
Me promets-tu le secret ?
{{personnage|Silvia}}.
Je
{{personnage|Dorante}}.
Tu ne dois la confidence que je vais te faire,
{{personnage|Silvia}}.
Je le crois ; mais tâche de
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/407]]==
{{personnage|Dorante}}.
Tu te trompes, Lisette : tu m’as promis le secret ; achevons, tu m’as vu dans de grands
mouvements, je n’ai pu me défendre de t’aimer.
{{personnage|
Nous y voilà, je me défendrai bien de t’entendre, moi ; adieu.
{{personnage|
Reste, ce n’est plus Bourguignon qui te parle.
{{personnage|
Eh qui es-tu donc ?
{{personnage|
Ah, Lisette ! C’est ici où tu vas juger des peines qu’a dû ressentir mon cœur.
{{personnage|
Ce n’est pas à ton cœur à qui je parle, c’est à toi.
{{personnage|
Personne ne vient-il ?
{{personnage|Silvia}}.
Non.
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Silvia}}.
Soit.
{{personnage|Dorante}}.
Sache que celui qui est avec ta maîtresse
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|vivement}}.
Qui est-il donc ?
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/408]]==
{{personnage|Dorante}}.
Un valet.
{{personnage|Silvia}}.
Après ?
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
Ah ! je vois clair dans mon cœur.
{{personnage|Dorante}}.
Je voulais sous cet habit pénétrer un peu ce que
songe : je hais la maîtresse dont je devais être
trouver en moi
elle de le dire, mais ta maîtresse a si peu de goût
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
Cachons-lui qui je suis. ({{Didascalie|Haut.}}) Votre situation est neuve assurément ! Mais, Monsieur,
je vous fais
dans nos entretiens.
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|vivement}}.
Tais-toi, Lisette ; tes excuses me chagrinent, elles me rappellent la distance qui nous
sépare, et ne me la rendent que plus douloureuse.
{{personnage|Silvia}}.
Votre penchant pour moi est-il si sérieux ?
{{personnage|Dorante}}.
Au point de renoncer à tout engagement,
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/409]]==
ne m’est pas permis d’unir mon sort
au tien ; et dans cet état la seule douceur que je pouvais goûter, c’était de croire que tu
ne me haïssais pas.
{{personnage|Silvia}}.
Un cœur qui
engagement qui lui ferait tort.
{{personnage|Dorante}}.
me parles ?
{{personnage|Silvia}}.
vite, nous nous reverrons, et nous chercherons les moyens de vous tirer
{{personnage|Dorante}}.
Je suivrai tes conseils. Il sort.
{{personnage|Silvia}}.
Allons,
{{scène|XIII}}
Ligne 1 868 ⟶ 1 996 :
{{acteurs|Silvia, Mario}}
{{personnage|Mario}}.
Je viens te retrouver, ma sœur : nous
touchent : je veux
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|vivement}}.
Ah vraiment, mon frère, il y a bien
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/410]]==
{{personnage|Mario}}.
Qu’est-ce que c’est ?
{{personnage|
Ce n’est point Bourguignon, mon frère, c’est Dorante.
{{personnage|
Duquel parlez-vous donc ?
{{personnage|
De lui, vous dis-je, je viens de l’apprendre tout à l’heure, il sort, il me l’a dit lui-même.
{{personnage|
{{personnage|
Vous ne m’entendez donc pas ?
{{personnage|
Si j’y comprends rien, je veux mourir.
{{personnage|Silvia}}.
Venez, sortons d’ici, allons trouver mon père, il faut qu’il le sache ; j’aurai besoin de
vous aussi, mon frère, il me vient de nouvelles idées, il faudra feindre de m’aimer, vous
en avez déjà dit quelque chose en badinant ; mais surtout gardez bien le secret, je vous
en prie
{{personnage|Mario}}.
Oh je le garderai bien, car je ne sais ce que
{{personnage|Silvia}}.
Allons, mon frère, venez, ne perdons point de temps ; il
cela !
{{personnage|Mario}}.
Je prie le ciel
{{Acte|III}}
Ligne 1 918 ⟶ 2 048 :
{{acteurs|Dorante, Arlequin}}
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/411]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Hélas, Monsieur, mon très honoré maître, je vous en conjure.
{{personnage|Dorante}}.
Encore ?
{{personnage|Arlequin}}.
Ayez compassion de ma bonne aventure, ne portez point guignon à mon bonheur qui va
son train si rondement, ne lui fermez point le passage.
{{personnage|Dorante}}.
Allons donc, misérable, je crois que tu te moques de moi ! Tu mériterais cent coups de
bâton.
{{personnage|Arlequin}}.
Je ne les refuse point, si je les mérite ; mais quand je les aurais reçus, permettez-moi
{{personnage|Dorante}}.
Maraud !
{{personnage|Arlequin}}.
Maraud soit, mais cela
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/412]]==
{{personnage|Dorante}}.
Ce coquin ! Quelle imagination il lui prend !
{{personnage|Arlequin}}.
Coquin est encore bon, il me convient aussi : un maraud
appelé coquin ; mais un coquin peut faire un bon mariage.
{{personnage|Dorante}}.
Comment insolent, tu veux que je laisse un honnête homme dans
souffre que tu épouses sa fille sous mon nom ? écoute, si tu me parles encore de cette
impertinence-là, dès que
entends-tu ?
{{personnage|Arlequin}}.
Accommodons-nous : cette demoiselle
valet, et que nonobstant, son tendre cœur soit toujours friand de la noce avec moi, ne
laisserez-vous pas jouer les violons ?
{{personnage|Dorante}}.
Dès
{{personnage|Arlequin}}.
Bon ! et je vais de ce pas prévenir cette généreuse personne sur mon habit de caractère,
amour me fera passer à la table en dépit du sort qui ne
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/413]]==
{{scène|II}}
{{acteurs|Dorante seul, et ensuite Mario}}
{{personnage|Dorante}}.
Tout ce qui se passe ici, tout ce qui
voudrais pourtant bien voir Lisette, et savoir le succès de ce
auprès de sa maîtresse pour me tirer
seule.
{{personnage|Mario}}.
Arrêtez, Bourguignon,
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Mario}}.
Vous en contez à Lisette ?
{{personnage|Dorante}}.
Elle est si aimable,
{{personnage|Mario}}.
Comment reçoit-elle ce que vous lui dites ?
{{personnage|Dorante}}.
Monsieur, elle en badine.
{{personnage|Mario}}.
Tu as de
{{personnage|Dorante}}.
Non ; mais
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/414]]==
{{personnage|Mario}}.
Du goût pour lui ! Où prenez-vous vos termes ? Vous avez le langage bien précieux
pour un garçon de votre espèce.
{{personnage|Dorante}}.
Monsieur, je ne saurais parler autrement.
{{personnage|Mario}}.
{{personnage|Dorante}}.
Je vous assure, Monsieur, que je
pas exprès pour me traiter de ridicule, et vous aviez autre chose à me dire ; nous
parlions de Lisette, de mon inclination pour elle et de
{{personnage|Mario}}.
Comment morbleu ! Il y a déjà un ton de jalousie dans ce que tu me réponds ; modère-
toi un peu. Eh bien, tu me disais
?
{{personnage|Dorante}}.
Pourquoi faudrait-il que vous le sussiez, Monsieur ?
{{personnage|Mario}}.
Ah, le voici ; c’est que malgré le ton badin que j’ai pris tantôt, je serais très fâché qu’elle
t’aimât, c’est que sans autre raisonnement je te défends de t’adresser davantage à elle,
non pas dans le fond que je craigne qu’elle t’aime, elle me paraît avoir le cœur trop haut
pour cela, mais c’est qu’il me déplaît à moi d’avoir Bourguignon pour rival.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/415]]==
{{personnage|Dorante}}.
Ma foi, je vous crois, car Bourguignon, tout Bourguignon qu’il est, n’est pas même
content que vous soyez le sien.
{{personnage|Mario}}.
Il prendra patience.
{{personnage|Dorante}}.
Il faudra bien ; mais Monsieur, vous
{{personnage|Mario}}.
Assez pour
comprends-tu ce que cela signifie ?
{{personnage|Dorante}}.
Oui, je crois que je suis au fait ; et sur ce pied-là vous êtes aimé sans doute ?
{{personnage|Mario}}.
{{personnage|Dorante}}.
Vous ne vous attendez pas à être loué par vos propres rivaux peut-être ?
{{personnage|Mario}}.
La réponse est de bon sens, je te la pardonne ; mais je suis bien mortifié de ne pouvoir
pas dire
bien, mais
{{personnage|Dorante}}.
Vous
{{personnage|Mario}}.
Lisette sait tout le bien que je lui veux, et
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/416]]==
paraît pas sensible, mais j’espère que la
raison me gagnera son cœur. Adieu, retire-toi sans bruit : son indifférence pour moi
malgré tout ce que je lui offre doit te consoler du sacrifice que tu me
contre moi.
Ligne 2 074 ⟶ 2 216 :
{{acteurs|Silvia, Dorante, Mario}}
{{personnage|Mario}}.
Ah te voilà Lisette ?
{{personnage|Silvia}}.
{{personnage|Mario}}.
Ce
{{personnage|Silvia}}.
Il est triste, est-ce que vous le querelliez ?
{{personnage|Dorante}}.
Monsieur
{{personnage|Silvia}}.
Ce
{{personnage|Dorante}}.
Et me défend de vous aimer.
{{personnage|Silvia}}.
Il me défend donc de vous paraître aimable.
{{personnage|Mario}}.
Je ne saurais empêcher
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/417]]==
{{personnage|Silvia}}.
Il ne me le dit plus, il ne fait que me le répéter.
{{personnage|Mario}}.
Du moins ne te le répétera-t-il pas quand je serai présent ; retirez-vous Bourguignon.
{{personnage|Dorante}}.
J’attends qu’elle me l’ordonne.
{{personnage|Mario}}.
Encore ?
{{personnage|Silvia}}.
Il dit
{{personnage|Dorante}}.
Avez-vous de
{{personnage|Silvia}}.
Quoi de
{{personnage|Dorante}}.
Ne me trompez-vous pas ?
{{personnage|Mario}}.
En vérité, je joue ici un joli personnage !
{{personnage|Dorante}}.
À Bourguignon, voilà tout.
{{personnage|Mario}}.
Eh bien,
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|à part}}.
Je souffre !
{{personnage|Silvia}}.
Cédez,
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/418]]==
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|bas à Silvia}}.
Vous ne demandez peut-être pas mieux ?
{{personnage|Mario}}.
Allons, finissons.
{{personnage|Dorante}}.
Vous ne
{{scène|IV}}
Ligne 2 153 ⟶ 2 299 :
{{acteurs|Monsieur Orgon, Mario, Silvia}}
{{personnage|Silvia}}.
Si je
{{personnage|Mario}}, {{Didascalie|riant}}.
Ha, ha, ha, ha !
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
De quoi riez-vous, Mario ?
{{personnage|Mario}}.
De la colère de Dorante qui sort, et que
{{personnage|Silvia}}.
Mais que vous a-t-il dit dans le petit entretien que vous avez eu tête-à-tête avec lui ?
{{personnage|Mario}}.
Je
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Je ne suis pas fâché
prendre il
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/419]]==
lui que tout ce que tu as fait
jusqu’ici, ma fille ; mais en voilà assez.
{{personnage|Mario}}.
Mais où en est-il précisément, ma sœur ?
{{personnage|Silvia}}.
Hélas mon frère, je vous avoue que
{{personnage|Mario}}.
Hélas mon frère, me dit-elle ! Sentez-vous cette paix douce qui se mêle à ce
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Quoi ma fille, tu espères
?
{{personnage|Silvia}}.
Oui, mon cher père, je
{{personnage|Mario}}.
Friponne que tu es, avec ton cher père ! Tu ne nous grondes plus à présent, tu nous dis
des douceurs.
{{personnage|Silvia}}.
Vous ne me passez rien.
{{personnage|Mario}}.
Ha, ha, je prends ma revanche ; tu
mon tour que je badine un peu sur les tiennes ; ta joie est bien aussi divertissante que
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Vous
{{personnage|Silvia}}.
Ah, Monsieur, si vous saviez combien je vous aurai
sommes
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/420]]==
compte de ce qu’il fait aujourd’hui pour moi, combien mon cœur gardera le souvenir de
l’excès de tendresse qu’il me montre, si vous saviez combien tout ceci va rendre notre
union aimable, il ne pourra jamais se rappeler notre histoire sans m’aimer, je n’y
songerai jamais que je ne l’aime ; vous avez fondé notre bonheur pour la vie en me
laissant faire, c’est un mariage unique, c’est une aventure dont le seul récit est
attendrissant, c’est le coup de hasard le plus singulier, le plus heureux, le plus…
{{personnage|Mario}}.
Ha, ha, ha, que ton cœur a de caquet, ma sœur, quelle éloquence !
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Il faut convenir que le régal que tu te donnes est charmant, surtout si tu achèves.
{{personnage|Silvia}}.
Cela vaut fait, Dorante est vaincu,
{{personnage|Mario}}.
Ses fers seront plus dorés
ce
{{personnage|Silvia}}.
Ce qui lui en coûte à se déterminer, ne me le rend que plus estimable : il pense
chagrinera son père en
grands sujets de réflexion ; je serai charmée de triompher ; mais il faut que
victoire, et non pas
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/421]]==
{{personnage|Mario}}.
Et que la raison y périsse ?
{{personnage|
C’est-à-dire que tu veux qu’il sente toute l’étendue de l’impertinence qu’il croira faire :
quelle insatiable vanité d’amour-propre !
{{personnage|Mario}}.
Cela, c’est l’amour-propre d’une femme et il est tout au plus uni.
{{scène|V}}
Ligne 2 250 ⟶ 2 402 :
{{acteurs|Monsieur Orgon, Silvia, Mario, Lisette}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Paix, voici Lisette : voyons ce
{{personnage|Lisette}}.
Monsieur, vous
tête à ma discrétion, je vous ai pris au mot,
de
fasse à présent, Madame me la cède-t-elle ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Ma fille, encore une fois
{{personnage|Silvia}}.
Non, je te la donne, Lisette, je te remets tous mes droits, et pour dire comme toi, je ne
prendrai
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/422]]==
jamais de part à un cœur que je n’aurai pas conditionné moi-même.
{{personnage|Lisette}}.
Quoi ! Vous voulez bien que je
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Oui,
{{personnage|Mario}}.
{{personnage|Lisette}}.
Moi aussi, et je vous en remercie tous.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Attends,
de ce qui arrivera, que tu lui dises un peu qui tu es.
{{personnage|Lisette}}.
Mais si je le lui dis un peu, il le saura tout à fait.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Eh bien cette tête en si bon état, ne soutiendra-t-elle pas cette secousse-là ? je ne le crois
pas de caractère à
{{personnage|Lisette}}.
Le voici qui me cherche, ayez donc la bonté de me laisser le champ libre, il
mon chef-
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Cela est juste, retirons-nous.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/423]]==
{{personnage|Silvia}}.
De tout mon cœur.
{{personnage|Mario}}.
Allons.
Ligne 2 306 ⟶ 2 462 :
{{acteurs|Lisette, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.
Enfin, ma Reine, je vous vois et je ne vous quitte plus, car
de votre présence, et
{{personnage|Lisette}}.
Il faut vous avouer, Monsieur,
{{personnage|Arlequin}}.
Comment donc, ma chère âme, élixir de mon cœur, avez-vous entrepris la fin de ma vie
?
{{personnage|Lisette}}.
Non, mon cher, la durée
{{personnage|Arlequin}}.
Ah, que ces paroles me fortifient !
{{personnage|Lisette}}.
Et vous ne devez point douter de ma tendresse.
{{personnage|Arlequin}}.
Je voudrais bien pouvoir baiser ces petits mots-là, et les cueillir sur votre bouche avec
la mienne.
{{personnage|Lisette}}.
Mais vous me pressiez sur notre mariage, et mon père ne
vous répondre ;
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/424]]==
je viens de lui parler, et j’ai son aveu pour vous dire que vous pouvez
lui demander ma main quand vous voudrez.
{{personnage|Arlequin}}.
Avant que je la demande à lui, souffrez que je la demande à vous, je veux lui rendre
mes grâces de la charité
véritablement indigne.
{{personnage|Lisette}}.
Je ne refuse pas de vous la prêter un moment, à condition que vous la prendrez pour
toujours.
{{personnage|Arlequin}}.
Chère petite main rondelette et potelée, je vous prends sans marchander, je ne suis pas
en peine de
m’inquiète
{{personnage|Lisette}}.
Vous
{{personnage|Arlequin}}.
Ah que nenni, vous ne savez pas cette arithmétique-là aussi bien que moi.
{{personnage|Lisette}}.
Je regarde pourtant votre amour comme un présent du ciel.
{{personnage|Arlequin}}.
Le présent
{{personnage|Lisette}}.
Je ne le trouve que trop magnifique.
{{personnage|Arlequin}}.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/425]]==
{{personnage|Lisette}}.
Vous ne sauriez croire combien votre modestie m’embarrasse.
{{personnage|
Ne faites point dépense d’embarras, je serais bien effronté, si je n’étais modeste.
{{personnage|
Enfin, Monsieur, faut-il vous dire que c’est moi que votre tendresse honore ?
{{personnage|Arlequin}}.
Ahi, ahi, je ne sais plus où me mettre.
{{personnage|Lisette}}.
Encore une fois, Monsieur, je me connais.
{{personnage|Arlequin}}.
Hé, je me connais bien aussi, et je
plus, quand vous
attendez pas au fond du sac.
{{personnage|Lisette}}, {{Didascalie|à part}}.
Tant
{{personnage|Arlequin}}.
Et voilà où gît le lièvre.
{{personnage|Lisette}}.
Mais encore ? Vous
{{personnage|Arlequin}}.
Ahi, ahi, vous
{{personnage|Lisette}}.
Sachons de quoi il
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/426]]==
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|à part}}.
Préparons un peu cette affaire-là… (Haut.) Madame, votre amour est-il d’une
constitution bien robuste, soutiendra-t-il bien la fatigue, que je vais lui donner, un
mauvais gîte lui fait-il peur ? Je vais le loger petitement.
{{personnage|Lisette}}.
Ah, tirez-moi
{{personnage|Arlequin}}.
Je
{{personnage|Lisette}}.
Achevez donc, quel est votre nom ?
{{personnage|Arlequin}}.
Mon nom ! ({{Didascalie|A part.}}) Lui dirai-je que je
coquin.
{{personnage|Lisette}}.
Eh bien ?
{{personnage|Arlequin}}.
Ah dame, il y a un peu à tirer ici ! Haissez-vous la qualité de soldat ?
{{personnage|
Qu’appelez-vous un soldat ?
{{personnage|
{{personnage|
Un soldat d’antichambre ! Ce n’est donc point Dorante à qui je parle enfin ?
{{personnage|
C’est lui qui est mon capitaine.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/427]]==
{{personnage|Lisette}}.
Faquin !
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|à part}}.
Je
{{personnage|Lisette}}.
Mais voyez ce magot ; tenez !
{{personnage|Arlequin}}, {{Didascalie|à part}}.
La jolie culbute que je fais là !
{{personnage|Lisette}}.
Il y a une heure que je lui demande grâce, et que je
animal-là !
{{personnage|Arlequin}}.
Hélas, Madame, si vous préfériez
{{personnage|Lisette}}, {{Didascalie|riant}}.
Ah, ah, ah, je ne saurais pourtant
que ce parti-là à
{{personnage|Arlequin}}.
Tout de bon, charitable Dame, ah, que mon amour vous promet de reconnaissance !
{{personnage|Lisette}}.
Touche là Arlequin ; je suis prise pour dupe : le soldat
bien la coiffeuse de Madame.
{{personnage|Arlequin}}.
La coiffeuse de Madame !
{{personnage|Lisette}}.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/428]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Masque !
{{personnage|Lisette}}.
Prends ta revanche.
{{personnage|Arlequin}}.
Mais voyez cette margotte, avec qui, depuis une heure,
misère !
{{personnage|Lisette}}.
Venons au fait ;
{{personnage|Arlequin}}.
Pardi oui, en changeant de nom, tu
nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes
{{personnage|Lisette}}.
Va, le mal
point à rire ; il y a apparence que ton maître est encore dans
maîtresse, ne
voici qui entre. Monsieur, je suis votre servante.
{{personnage|Arlequin}}.
Et moi votre valet, Madame. (Riant.) Ha, ha, ha !
Ligne 2 506 ⟶ 2 672 :
{{acteurs|Dorante, Arlequin}}
{{personnage|Dorante}}.
Eh bien, tu quittes la fille
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/429]]==
{{personnage|Arlequin}}.
Pardi oui, la pauvre enfant, j’ai trouvé son cœur plus doux qu’un agneau, il n’a pas
soufflé. Quand je lui ai dit que je m’appelais Arlequin, et que j’avais un habit
d’ordonnance : Eh bien mon ami, m’a-t-elle dit, chacun a son nom dans la vie, chacun a
son habit, le vôtre ne vous coûte rien, cela ne laisse pas que d’être gracieux.
{{personnage|
Quelle sotte histoire me contes-tu là ?
{{personnage|Arlequin}}.
Tant y a que je vais la demander en mariage.
{{personnage|Dorante}}.
Comment, elle consent à
{{personnage|Arlequin}}.
La voilà bien malade.
{{personnage|Dorante}}.
Tu
{{personnage|Arlequin}}.
Par la ventrebleu, voulez-vous gager que je
une souguenille
façon,
ma pointe, et que vous
{{personnage|Dorante}}.
Tu es un fourbe, cela
Monsieur Orgon.
{{personnage|Arlequin}}.
Qui ? Notre père, ah, le bon homme, nous
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/430]]==
humain, la meilleure pâte d’homme !… Vous m’en direz des nouvelles.
{{personnage|Dorante}}.
Quel extravagant ! As-tu vu Lisette ?
{{personnage|Arlequin}}.
Lisette ! Non ; peut-être a-t-elle passé devant mes yeux, mais un honnête homme ne
prend pas garde à une chambrière : je vous cède ma part de cette attention-là.
{{personnage|Dorante}}.
Va-
{{personnage|Arlequin}}.
Vos petites manières sont un peu aisées, mais
Adieu, quand
Lisette, je vous recommande Bourguignon,
{{scène|VIII}}
Ligne 2 563 ⟶ 2 733 :
{{acteurs|Dorante, Silvia}}
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|à part}}.
{{personnage|Silvia}}.
Où étiez-vous donc Monsieur ? Depuis que
pour vous rendre compte de ce que
éloigné ; mais de quoi
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/431]]==
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
Quelle froideur ! ({{Didascalie|Haut.}}) J’ai eu beau décrier votre valet et prendre sa conscience à
témoin de son peu de mérite, j’ai eu beau lui représenter qu’on pouvait du moins reculer
le mariage, il ne m’a pas seulement écoutée ; je vous avertis même qu’on parle
d’envoyer chez le notaire, et qu’il est temps de vous déclarer.
{{personnage|Dorante}}.
C’est mon intention ; je vais partir incognito, et je laisserai un billet qui instruira
Monsieur Orgon de tout.
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
Partir ! Ce
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Silvia}}.
{{personnage|Dorante}}.
Je ne vois pourtant rien de mieux dans la situation où je suis, à moins que de parler
moi-même, et je ne saurais
je me retire : je
{{personnage|Silvia}}.
Comme je ne sais pas vos raisons, je ne puis ni les approuver, ni les combattre ; et ce
{{personnage|Dorante}}.
Il vous est aisé de les soupçonner, Lisette.
{{personnage|Silvia}}.
Mais je pense, par exemple, que vous avez du dégoût pour la fille de Monsieur Orgon.
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/432]]==
{{personnage|Dorante}}.
Ne voyez-vous que cela ?
{{personnage|Silvia}}.
Il y a bien encore certaines choses que je pourrais supposer ; mais je ne suis pas folle, et je
{{personnage|Dorante}}.
Ni le courage
{{personnage|Silvia}}.
Prenez garde, je crois que vous ne
{{personnage|Dorante}}.
À merveille ! Et
mon départ.
{{personnage|Silvia}}.
Quoi, sérieusement, vous partez ?
{{personnage|Dorante}}.
Vous avez bien peur que je ne change
{{personnage|Silvia}}.
Que vous êtes aimable
{{personnage|Dorante}}.
Cela est bien naïf. Adieu. (Il
{{personnage|Silvia}}, {{Didascalie|à part}}.
pourtant, il rêve, il regarde si je tourne la tête, je ne saurais le rappeler
pourtant singulier
va,
je
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/433]]==
il s’y est
mal pris, les gens indifférents gâtent tout. Ne suis-je pas bien avancée ? Quel
dénouement !
je
réconciliation lui coûte quelque chose.
{{personnage|Dorante}}, {{Didascalie|
Restez, je vous prie,
{{personnage|Silvia}}.
A moi, Monsieur ?
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Silvia}}.
Eh, Monsieur, de quelle conséquence est-il de vous justifier auprès de moi ? Ce
pas la peine, je ne suis
{{personnage|Dorante}}.
Moi, Lisette ! est-ce à vous à vous plaindre ? Vous qui me voyez prendre mon parti sans
me rien dire.
{{personnage|Silvia}}.
Hum, si je voulais, je vous répondrais bien là-dessus.
{{personnage|Dorante}}.
Répondez donc, je ne demande pas mieux que de me tromper. Mais que dis-je ! Mario
vous aime.
{{personnage|Silvia}}.
Cela est vrai.
{{personnage|Dorante}}.
Vous êtes sensible à son amour, je
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/434]]==
l’extrême envie que vous aviez tantôt que
je m’en allasse, ainsi, vous ne sauriez m’aimer.
{{personnage|Silvia}}.
Je suis sensible à son amour, qui est-ce qui vous
savez-vous ? Vous décidez bien vite.
{{personnage|Dorante}}.
Eh bien, Lisette, par tout ce que vous avez de plus cher au monde, instruisez-moi de ce
qui en est, je vous en conjure.
{{personnage|Silvia}}.
Instruire un homme qui part !
{{personnage|Dorante}}.
Je ne partirai point
{{personnage|Silvia}}.
Laissez-moi, tenez, si vous
indifférence et vous êtes trop heureux que je me taise. Que vous importent mes
sentiments ?
{{personnage|Dorante}}.
Ce
{{personnage|Silvia}}.
Non, et vous me le répétez si souvent que je vous crois ; mais pourquoi
vous, que voulez-vous que je fasse de cette pensée-là Monsieur ? Je vais vous parler à
cœur ouvert, vous
vous, que de ressources
vous à moi, mille objets que vous allez trouver sur votre chemin,
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/435]]==
de
vous rendre sensible, les amusements d’un homme de votre condition, tout va vous ôter
cet amour dont vous m’entretenez impitoyablement, vous en rirez peut-être au sortir
d’ici, et vous aurez raison ; mais moi, Monsieur, si je m’en ressouviens, comme j’en ai
peur, s’il m’a frappée, quel secours aurai-je contre l’impression qu’il m’aura faite ? Qui
est-ce qui me dédommagera de votre perte ? Qui voulez-vous que mon cœur mette à
votre place ? Savez-vous bien que si je vous aimais, tout ce
le monde ne me toucherait plus ? Jugez donc de
de me cacher votre amour : moi qui vous parle, je me ferais un scrupule de vous dire
que je vous aime, dans les dispositions où vous êtes,
exposer votre raison, et vous voyez bien aussi que je vous les cache.
{{personnage|Dorante}}.
Ah, ma chère Lisette, que viens-je
une âme comme la tienne ;
cœur et ma main
{{personnage|Silvia}}.
En vérité ne mériteriez-vous pas que je les prisse, ne faut-il pas être bien généreuse
pour vous dissimuler le plaisir
{{personnage|Dorante}}.
Vous
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/436]]==
{{personnage|Silvia}}.
Non, non ; mais si vous me le demandez encore, tant pis pour vous.
{{personnage|Dorante}}.
Vos menaces ne me font point de peur.
{{personnage|Silvia}}.
Et Mario, vous
{{personnage|Dorante}}.
Non, Lisette ; Mario ne
tromper, vous avez le cœur vrai, vous êtes sensible à ma tendresse, je ne saurais en
douter au transport qui
certitude-là.
{{personnage|Silvia}}.
Oh, je
{{personnage|Dorante}}.
Ne consentez-vous pas
{{personnage|Silvia}}.
Quoi, vous
votre fortune ?
{{personnage|Dorante}}.
Mon père me pardonnera dès
mérite vaut bien la naissance : ne disputons point, car je ne changerai jamais.
{{personnage|Silvia}}.
Il ne changera jamais ! Savez-vous bien que vous me charmez, Dorante ?
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/437]]==
{{personnage|Dorante}}.
Ne gênez donc plus votre tendresse, et laissez-la répondre…
{{personnage|
Enfin, j’en suis venue à bout ; vous, vous ne changerez jamais ?
{{personnage|Dorante}}.
Non, ma chère Lisette.
{{personnage|Silvia}}.
Que
{{scène|dernière}}
Ligne 2 776 ⟶ 2 960 :
{{acteurs|Monsieur Orgon, Silvia, Dorante, Lisette, Arlequin, Mario}}
{{personnage|Silvia}}.
Ah, mon père vous avez voulu que je fusse à Dorante, venez voir votre fille vous obéir
avec plus de joie
{{personnage|Dorante}}.
{{personnage|Silvia}}.
Oui, Dorante, la même idée de nous connaître nous est venue à tous deux, après cela, je
de mes sentiments pour vous, jugez du cas que
avec laquelle
==[[Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/438]]==
{{personnage|Monsieur Orgon}}.
Connaissez-vous cette lettre-là ? Voilà par où j’ai appris votre déguisement, qu’elle n’a
pourtant su que par vous.
{{personnage|Dorante}}.
Je ne saurais vous exprimer mon bonheur, Madame ; mais ce qui
sont les preuves que je vous ai données de ma tendresse.
{{personnage|Mario}}.
Dorante me pardonne-t-il la colère où
{{personnage|Dorante}}.
Il ne vous la pardonne pas, il vous en remercie.
{{personnage|Arlequin}}.
De la joie, Madame ! Vous avez perdu votre rang, mais vous
puisque Arlequin vous reste.
{{personnage|Lisette}}.
Belle consolation ! Il
{{personnage|Arlequin}}.
Je
vous valez mieux que votre dot. Allons saute Marquis !
<div class="centertext">FIN DE LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD</div>
|