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L’adversité m’a jeté dans un pays libre, non moins libre que ne l’était notre cité sous le règne de notre commune. Le Languedoc et la Provence, comme autrefois la Bretagne, sont les seules contrées indépendantes de la Gaule ; chaque cité a conservé ou depuis longtemps reconquis ses antiques franchises ; les villes forment autant de républiques gouvernées par des ''consuls'' ou des ''capitouls'', magistrats élus du peuple. Ce fortuné pays a peu souffert de l’oppression féodale, le servage y est presque inconnu, la race des premiers conquérants germains, nommés ''Wisigoths'', tribu beaucoup moins nombreuse et moins féroce que les tribus ''franques'' de Clovis, au lieu de se conserver unie, compacte, sans mélange, comme dans le nord de la Gaule, presque entièrement disparu par sa fusion avec la race gauloise et celle des Arabes, si longtemps maître du Midi.
L’adversité m’a jeté dans un pays libre, non moins libre que ne l’était notre cité sous le règne de notre commune. Le Languedoc et la Provence, comme autrefois la Bretagne, sont les seules contrées indépendantes de la Gaule ; chaque cité a conservé ou depuis longtemps reconquis ses antiques franchises ; les villes forment autant de républiques gouvernées par des ''consuls'' ou des ''capitouls'', magistrats élus du peuple. Ce fortuné pays a peu souffert de l’oppression féodale, le servage y est presque inconnu, la race des premiers conquérants germains, nommés ''Wisigoths'', tribu beaucoup moins nombreuse et moins féroce que les tribus ''franques'' de Clovis, au lieu de se conserver unie, compacte, sans mélange, comme dans le nord de la Gaule, presque entièrement disparu par sa fusion avec la race gauloise et celle des Arabes, si longtemps maître du Midi.


Cette population, devenue pour ainsi dire un peuple nouveau, est pleine d’intelligence et d’industrieuse activité ; aussi là le fanatisme ne règne pas. La plupart des habitants, répudiant l’Église de Rome, y pratiquent la douce morale de Jésus dans sa pureté première. Les seigneurs, presque tous bonnes gens et sans orgueil, issus, pour la plupart, de marchands enrichis, continuent le négoce de leurs pères ou cultivent leurs champs ; ils cèdent le pas aux Consuls populaires, il n’existe presque aucune différence entre la noblesse et la bourgeoisie. Notre vie est laborieuse et tranquille ; notre maître est bon pour nous, notre salaire suffit à nos besoins. Il y a trois jours (deux ans après notre bannissement de Laon), ma femme m’a donné un fils ; cette circonstance m’a engagé à ajouter ces quelques lignes à la légende que m’a léguée mon père Fergan, j’ai maintenant l’espoir de la transmettre à mon fils, pour obéir aux derniers vœux de notre aïeul Joel, le brenn de la tribu de Karnak. Lorsque Martine et moi nous avons cherché comment nous appellerions notre enfant, et songeant qu’en ces temps-ci l’on ajoute généralement au nom baptismal un nom que l’on transmet à sa race, j’ai voulu, après avoir appelé mon fils Sacrovir, en l’honneur de l’un des plus vaillants
Cette population, devenue pour ainsi dire un peuple nouveau, est pleine d’intelligence et d’industrieuse activité ; aussi là le fanatisme ne règne pas. La plupart des habitants, répudiant l’Église de Rome, y pratiquent la douce morale de Jésus dans sa pureté première. Les seigneurs, presque tous bonnes gens et sans orgueil, issus, pour la plupart, de marchands enrichis, continuent le négoce de leurs pères ou cultivent leurs champs ; ils cèdent le pas aux Consuls populaires, il n’existe presque aucune différence entre la noblesse et la bourgeoisie. Notre vie est laborieuse et tranquille ; notre maître est bon pour nous, notre salaire suffit à nos besoins. Il y a trois jours (deux ans après notre bannissement de Laon), ma femme m’a donné un fils ; cette circonstance m’a engagé à ajouter ces quelques lignes à la légende que m’a léguée mon père Fergan, j’ai maintenant l’espoir de la transmettre à mon fils, pour obéir aux derniers vœux de notre aïeul Joel, le brenn de la tribu de Karnak. Lorsque Martine et moi nous avons cherché comment nous appellerions notre enfant, et songeant qu’en ces temps-ci l’on ajoute généralement au nom baptismal un nom que l’on transmet à sa race, j’ai voulu, après avoir appelé mon fils ''Sacrovir'', en l’honneur de l’un des plus vaillants