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{{chapitre|[[Les Aventures du capitaine Hatteras]]|[[Auteur:Jules Verne|Jules Verne]]|Première partie|Chapitre XVI. Le pôle magnétique}}▼
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▲{{chapitre|[[Les Aventures du capitaine Hatteras]]|[[Auteur:Jules Verne|Jules Verne]]|Première partie|Chapitre XVI. Le pôle magnétique}}
Hatteras, en s’approchant de ce détroit, sentit redoubler ses inquiétudes ; en effet, le sort de son voyage allait se décider ; jusqu’ici il avait fait plus que ses prédécesseurs, dont le plus heureux, MacClintock, mit quinze mois à atteindre cette partie des mers polaires ; mais c’était peu, et rien même, s’il ne parvenait à franchir le détroit de Bellot ; ne pouvant revenir sur ses pas, il se voyait bloqué jusqu’à l’année suivante.
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Aussi il ne voulut s’en rapporter qu’à lui-même du soin d’examiner la côte ; il monta dans le nid de pie, et il y passa plusieurs heures de la matinée du samedi.
Il y eut là une demi-journée d’anxiété pour tous les esprits. Mais soudain, vers deux heures, ces paroles retentissantes tombèrent du haut du mât de misaine :
Le brick obéit instantanément ; il tourna sa proue vers le point indiqué ; la mer écuma sous les branches de l’hélice, et le Forward s’élança à toute vitesse entre deux ice-streams convulsionnés.
Le chemin était trouvé ; Hatteras redescendit sur la dunette, et l’ice-master remonta à son poste.
Et sur cette parole, il regagna sa cabine.
Le docteur ne se trompait pas. C’est à cette place même, dans un petit port abrité nommé port Kennedy par MacClintock lui-même, que le Fox hiverna en 1858. En ce moment, on pouvait reconnaître les hautes chaînes granitiques et les falaises escarpées des deux rivages.
Le détroit de Bellot, d’un mille de large sur dix-sept milles de long, avec un courant de six à sept nœuds, est encaissé dans des montagnes dont l’altitude est estimée à seize cents pieds ; il sépare North-Sommerset de la terre Boothia ; les navires, on le comprend, n’y ont pas leurs coudées franches. Le Forward avançait
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avec précaution, mais il avançait ; les tempêtes sont fréquentes dans cet espace resserré, et le brick n’échappa pas à leur violence habituelle ; par ordre d’Hatteras, les vergues des perroquets et des huniers furent envoyées en bas, les mâts dépassés ; malgré tout, le navire fatigua énormément ; les coups de mer arrivaient par paquets dans les rafales de pluie ; la fumée s’enfuyait vers l’est avec une étonnante rapidité ; on marchait un peu à l’aventure au milieu des glaces en mouvement ; le baromètre tomba à vingt-neuf pouces ; il était difficile de se maintenir sur le pont ; aussi la plupart des hommes demeuraient dans le poste pour ne pas souffrir inutilement.
Hatteras, Johnson, Shandon restèrent sur la dunette, en dépit des tourbillons de neige et de pluie ; et il faut ajouter le docteur, qui, s’étant demandé ce qui lui serait le plus désagréable de faire en ce moment, monta immédiatement sur le pont ; on ne pouvait s’entendre, et à peine se voir ; aussi garda-t-il pour lui ses réflexions.
Hatteras essayait de percer le rideau de brume, car, d’après son estime, il devait se trouver à l’extrémité du détroit vers les six heures du soir ; alors toute issue parut fermée ; Hatteras fut donc forcé de s’arrêter et s’ancra solidement à un ice-berg ; mais il resta en pression toute la nuit.
Le temps fut épouvantable. Le Forward menaçait à chaque instant de rompre
Le temps fut épouvantable. Le Forward menaçait à chaque instant de rompre ses chaînes ; on pouvait craindre que la montagne, arrachée de sa base sous les violences du vent d’ouest, ne s’en allât à la dérive avec le brick. Les officiers furent constamment sur le qui-vive et dans des appréhensions extrêmes ; aux trombes de neige se joignait une véritable grêle ramassée par l’ouragan sur la surface dégelée des bancs de glace ; c’étaient autant de flèches aiguës qui hérissaient l’atmosphère.▼
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La température s’éleva singulièrement pendant cette nuit terrible ; le thermomètre marqua cinquante-sept degrés (14° centigrades), et le docteur, à son grand étonnement, crut surprendre dans le sud quelques éclairs suivis d’un tonnerre très éloigné. Cela semblait corroborer le témoignage du baleinier Scoresby, qui observa un pareil phénomène au-delà du soixante-cinquième parallèle. Le capitaine Parry fut également témoin de cette singularité météorologique en 1821.
Cependant le brick appareilla, et se glissa lentement entre les ice-streams, tandis que les glaces s’écrasaient avec bruit sur son bordage ; les packs à cette époque mesuraient encore six à sept pieds d’épaisseur ; il fallait éviter leur pression avec soin, car au cas où le navire y eût résisté, il aurait couru le risque d’être soulevé et jeté sur le flanc.
À midi, et pour la première fois, on put admirer un magnifique phénomène solaire, un halo avec deux parhélies ; le docteur l’observa et en prit les dimensions
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exactes ; l’arc extérieur n’était visible que sur une étendue de trente degrés de chaque côté du diamètre horizontal ; les deux images du soleil se distinguaient remarquablement ; les couleurs aperçues dans les arcs lumineux étaient du dedans au dehors, le rouge, le jaune, le vert, un bleuâtre très faible, enfin de la lumière blanche sans limite extérieure assignable.
Le docteur se souvint de l’ingénieuse théorie de Thomas Young sur ces météores ; ce physicien suppose que certains nuages composés de prismes de glace sont suspendus dans l’atmosphère ; les rayons du soleil qui tombent sur ces prismes sont décomposés sous des angles de soixante et quatre-vingt-dix degrés. Les halos ne peuvent donc se former par des ciels sereins.
Mais, au matin, il dut s’arrêter devant l’infranchissable banquise. Le docteur le rejoignit sur la dunette. Hatteras l’emmena tout à fait à l’arrière, et ils purent causer sans crainte d’être entendus.
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Wall retourna vers son poste.
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mes projets ! Aussi, ces gens ne murmurent pas, et tant que le Forward aura le cap au sud, il en sera de même. Les fous ! ils s’imaginent qu’ils se rapprochent de l’Angleterre ! Mais si je parviens à remonter au nord, vous verrez les choses changer ! Je jure Dieu pourtant, que pas un être vivant ne me fera dévier de ma ligne de conduite ! Un passage, une ouverture, de quoi glisser mon brick, quand je devrais y laisser le cuivre de son doublage, et j’aurai raison de tout.
Les désirs du capitaine devaient être satisfaits dans une certaine proportion. Suivant les prévisions du docteur, il y eut un changement soudain pendant la soirée ; sous une influence quelconque de vent, de courant ou de température, les ice-fields vinrent à se séparer ; le Forward se lança hardiment, brisant de sa proue d’acier les glaçons flottants ; il navigua toute la nuit, et le mardi, vers les six heures, il débouqua du détroit de Bellot.
Le vendredi, 8 juin, il arriva près de la côte de Boothia, à l’entrée du détroit de James Ross, qu’il fallait éviter à tout prix, car il n’a d’issue qu’à l’ouest, et aboutit directement aux terres d’Amérique.
Les observations, faites à midi sur ce point, donnèrent 70°5’17” pour la latitude,
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et 96°46’45 » pour 1s longitude ; lorsque le docteur connut ces chiffres, il les rapporta à sa carte, et vit qu’il se trouvait enfin au pôle magnétique, à l’endroit même où James Ross, le neveu de sir John, vint déterminer cette curieuse situation.
La terre était basse près de la côte, et se relevait d’une soixantaine de pieds seulement en s’écartant de la mer de la distance d’un mille.
Le docteur fit son expérience avec soin. Mais si James Ross, à cause de l’imperfection de ses instruments, ne put trouver pour son aiguille verticale qu’une inclinaison de 89°59’, c’est que le véritable point magnétique se trouvait réellement à une minute de cet endroit. Le docteur Clawbonny fut plus heureux, et à quelque distance de là il eut l’extrême satisfaction de voir son inclinaison de 90 degrés.
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Le docteur et son compagnon élevèrent un cairn sur l’endroit précis où l’expérience avait eu lieu, et le signal de revenir leur ayant été fait, ils retournèrent à bord à cinq heures du soir.
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