« Miss Harriet (recueil)/Édition Conard, 1910/L’Héritage » : différence entre les versions

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L’HÉRITAGE
{{Titre||[[Guy de Maupassant]]|}}
[[Catégorie:Contes et Nouvelles de Maupassant]]
 
 
Guy de Maupassant
 
À Catulle Mendès.
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<div style="text-align:center;">I</div>
I
 
Bien qu’il ne fût pas encore dix heures, les employés arrivaient comme un flot sous la grande porte du Ministère de la marine, venus en hâte de tous les coins de Paris, car on approchait du jour de l’an, époque de zèle et d’avancements. Un bruit de pas pressés emplissait le vaste bâtiment tortueux comme un labyrinthe et que sillonnaient d’inextricables couloirs, percés par d’innombrables portes donnant entrée dans les bureaux.
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Lesable, perplexe, hésitait. Il avait compris, mais il ne savait que répondre, n’ayant pas eu le temps de réfléchir et de peser le pour et le contre. Enfin, il pensa : « Je ne m’engage à rien en allant dîner », et il accepta d’un air satisfait en choisissant le samedi suivant. Il ajouta, souriant : « Pour n’avoir pas à me lever trop tôt le lendemain. »
 
 
II
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M. Cachelin habitait dans le haut de la rue Rochechouart, au cinquième étage, un petit appartement avec terrasse, d’où l’on voyait tout Paris. Il avait trois chambres, une pour sa sœur, une pour sa fille, une pour lui ; la salle à manger servait de salon.
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Un mois plus tard, il n’était bruit dans tout le ministère que du mariage de Jacques-Léopold Lesable avec Mlle Céleste-Coralie Cachelin.
 
 
III
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Le jeune ménage s’installa sur le même palier que Cachelin et que Mlle Charlotte, dans un logement pareil au leur et dont on expulsa le locataire.
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Au bout de quelque temps, on n’y pensa plus. Ils étaient classés et jugés.
 
 
IV
<div style="text-align:center;">IV</div>
 
En suivant l’enterrement de la tante Charlotte, Lesable songeait au million, et, rongé par une rage d’autant plus violente qu’elle devait rester secrète, il en voulait à tout le monde de sa déplorable mésaventure.
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Il était sept heures, en effet, et la petite bonne annonça la soupe ; puis Cachelin, calme et souriant, reparut avec sa fille. On se mit à table et on causa, ce soir-là, avec plus de cordialité qu’on n’avait fait depuis longtemps, comme si quelque chose d’heureux était arrivé pour tout le monde.
 
 
V
<div style="text-align:center;">V</div>
 
Mais leurs espérances toujours entretenues, toujours renouvelées, n’aboutissaient jamais à rien. De mois en mois leurs attentes déçues, malgré la persistance de Lesable et la bonne volonté de sa compagne, les enfiévraient d’angoisse. Chacun sans cesse reprochait à l’autre leur insuccès, et l’époux désespéré, amaigri, fatigué, avait à souffrir surtout de la grossièreté de Cachelin qui ne l’appelait plus, dans leur intimité guerroyante, que « M. Lecoq », en souvenir sans doute de ce jour où il avait failli recevoir une bouteille par la figure pour avoir prononcé le mot : chapon.
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Cora avait baissé les yeux. Et Cachelin, sentant vaguement qu’il venait de dire une chose trop forte, demeura un peu confus.
 
 
VI
<div style="text-align:center;">VI</div>
 
Au ministère, les deux hommes semblaient vivre en assez bonne intelligence. Une sorte de pacte tacite s’était fait entre eux pour cacher à leurs collègues les batailles de leur intérieur. Ils s’appelaient : « mon cher Cachelin » – « mon cher Lesable », et feignaient même de rire ensemble, d’être heureux et contents, satisfaits de leur vie commune.
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En sortant de l’étude, ils s’embrassèrent dans l’escalier, tant leur joie était véhémente.
 
 
VII
<div style="text-align:center;">VII</div>
 
Depuis cette heureuse découverte, les trois parents vivaient dans une union parfaite. Ils étaient d’humeur gale, égale et douce. Cachelin avait retrouvé toute son ancienne jovialité, et Cora accablait de soins son mari. Lesable aussi semblait un autre homme, toujours content, et bon enfant comme jamais il ne l’avait été.
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Et Lesable, prenant avec tendresse sa femme dans ses bras, la bécota longtemps sur les yeux et sur les joues. Il répétait : « Tu es un ange !… tu es un ange ! » Et il sentait contre son ventre la bosse de l’enfant déjà fort.
 
 
VIII
<div style="text-align:center;">VIII</div>
 
Rien de nouveau ne survint jusqu’au terme de la grossesse.