« La Vie intérieure/La Forme » : différence entre les versions

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{{TitrePoeme|[[Stances et Poèmes]]|Sully Prudhomme|La Forme}}
 
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/66]]==
 
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''A Maurice de Foucault''
 
<poem>
Le soleil fut avant les yeux,
La terre fut avant les roses,
Le chaos avant toutes choses.
Ah ! que les éléments sont vieux
Sous leurs jeunes métamorphoses !
 
Toute jeunesse vient des morts :
C’est dans une funèbre pâte
Que, toujours, sans lenteur ni hâte,
Une main pétrit les beaux corps
Tandis qu’une autre main les gâte ;
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/67]]==
<poem>
 
Et le fond demeure pareil :
Que l’univers s’agite ou dorme,
Rien n’altère sa masse énorme ;
Ce qui périt, fleur ou soleil,
N’en est que la changeante forme.
 
Mais la forme, c’est le printemps :
Seule mouvante et seule belle,
Il n’est de nouveauté qu’en elle ;
C’est par les formes de vingt ans
Que rit la matière éternelle !
 
O vous, qui tenez enlacés
Les amoureux aux amoureuses,
Bras lisses, lèvres savoureuses,
Formes divines qui passez,
Désirables et douloureuses !
 
Vous ne laissez qu’un souvenir,
Un songe, une impalpable trace !
Si fortement qu’il vous embrasse,
L’Amour ne peut vous retenir :
Vous émigrez de race en race.
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/68]]==
<poem>
 
Époux des âmes, corps chéris,
Vous vous poussez, pareils aux fleuves ;
Vos grâces ne sont qu’un jour neuves,
Et les âmes sur vos débris
Gémissent, immortelles veuves.
 
Mais pourquoi vous donner ces pleurs ?
Les tombes, les saisons chagrines,
Entassent en vain des ruines
Sans briser le moule des fleurs,
Des fruits et des jeunes poitrines.
 
Pourquoi vous faire des adieux ?
Le même sang change d’artères,
Les filles ont les yeux des mères,
Et les fils le front des aïeux.
Non, vous n’êtes pas éphémères !
 
Vos modèles sont quelque part,
O formes que le temps dévore !
Plus pures vous brillez encore
Au paradis profond de l’art,
Où Platon pense et vous adore ! </poem>