« Stances et Poèmes/L’Amérique » : différence entre les versions
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{{TitrePoeme|[[Stances et Poèmes]]|Sully Prudhomme|L’Amérique}}
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/269]]==
<poem>
Quand
Mais Dieu la divisa cette fois en deux mondes,
Une moitié pour nous,
Il nous livra
Du Nil au Borysthène et de Marseille à Tyr ;
Mais il se réserva la féconde Amérique,
Voulant y voir son œuvre en liberté grandir.
Pour que ce monde heureux fût complet comme
Il en ouvrit le ciel à des êtres humains,
Mais il ne plaça pas, comme il fit dans le nôtre,
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Il les laissa courir dans les vierges savanes,
Chasser, dormir, flatter leurs instincts sans remords,
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/270]]==
<poem>
Donner à leurs enfants pour berceaux des lianes,
Et, comme la campagne, ardente et respectée,
Leur prodiguait plus
De fleurs et de rayons que la route lactée
Ces êtres innocents, noyés dans la lumière,
Dans un air plein de sève et de miel et de feu,
Se trouvaient là si bien
Ils croyaient, peu jaloux de gloire et de conquête,
User assez des biens qui leur étaient offerts,
Quand ils
Ou fait un lit nomade avec des rameaux verts ;
Ils
Ils sentaient leur bonheur, ils en touchaient les causes,
Ils
Promenant vers la mer ses fleuves aux longs bras,
Balançant dans
Au fracas éternel de ses Niagaras.
Elle poussait au ciel des végétaux énormes,
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/271]]==
<poem>
Ses nopals, ses cactus, et ses bois résineux,
Ses nocturnes forêts pleines
Tordaient paisiblement
Ses beaux oiseaux ridaient le golfe solitaire,
Ses lies fleurissaient sous les vents alizés ;
Et des étés sans fin naissaient de leurs baisers.
Mais, parfois, il passait dans la tiède atmosphère
Un flot
Une rumeur montait, et de
Le sol semblait au loin frémir en gémissant.
La terre est molle encore et le bonheur a fui ;
Hors de
« A moi le fer, le feu, la mer et la campagne !
Rappelons-nous les arts des enfants de Caïn.
A la forge, mes fils ! au labour, ma compagne !
Changeons
Quand les bras sont nombreux, la tâche en est moins dure :
Enchaînons-nous ensemble, unissons-nous
Et, comme des cancers aux flancs de la nature,
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/272]]==
<poem>
Creusons et bâtissons des villes et des ports !
Qui vient à
Debout, les jeunes gens !
La gloire,
La patrie est la place où je vous fais la loi !
Gloire et patrie ! Allez, ces mots feront fortune.
Des champs de nos voisins
Que ne leur jetons-nous notre chaîne commune ?
La conquête est un droit, les vaincus sont à nous. »
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Et le même drapeau prit des couleurs contraires :
« Je suis aristocrate. — Et moi, républicain.
— Moi,
— Moi,
— Le fort pouvoir
—
— Je confesse le Christ. — A Jupiter
— Moi,
Chaque philosophie avec un froid délire
Jetait son ombre vaine à la clarté du bien ;
Chaque religion, jurant par son apôtre,
Le fer dans une main, le symbole dans
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/273]]==
<poem>
Tuait la Créature au nom du Créateur.
La peste, le besoin, le cilice et les armes
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A balayé la terre aux vents des passions ;
Ainsi les ouragans qui poussent les nuages
Les font
Et de pluie et
Qui laissent derrière eux la campagne en haillons.
Que devient la verdure où passe le torrent ?
Les colosses
Aux sables que tourmente un soleil dévorant ;
Sous la herse gauloise et le chariot germain,
Et sous la grande route aux dalles éternelles
Que fondait sous ses pas le lourd piéton romain.
Les rois vont pulluler sur
Des trônes sont bâtis sur les épis broyés,
Chacun dispute à mort sa part dans la matière,
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Dieu voilé, tu pouvais, pour punir cette engeance,
La laisser
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==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/274]]==
<poem>
Et sa propre fureur eût servi ta vengeance ;
Mais une fois encor tu crus au repentir,
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Va toujours devant toi, par mon souffle emporté ;
Où luit la Croix du Sud je conduirai ton arche,
Car je veux par
Et
Les trois sommations à
La honte
Accouraient effrayés tous les oiseaux marins ;
De
Mais
« Ils vont si lentement par des plaines si grandes ! »
Et les déserts dormaient sur la foi des deux mers.
Dans leur tranquillité se déployaient
On aurait dit
Avait, heureux Titan, soulagé son épaule,
Et
Couché sur son fardeau, posant sa tête au pôle,
Et laissant ses pieds pendre aux flots de Magellan.
Quand il les vit ramper avec leurs faibles ailes,
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/275]]==
<poem>
Le mont ne rida point son front immaculé :
« Paix, mes filles, dit-il aux neiges éternelles,
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Et leur plaintive houle importuner ses flancs :
« Rassurez-vous, dit-il, ô mes vierges farouches,
Votre seuil est terrible, ils
Ah ! tu ne savais pas ce que peuvent les hommes,
Toi qui les défiais avec un tel dédain.
Monde nouveau, demande à
Où nous aurons passé tu seras vieux demain.
Déjà tes beaux déserts, hachés par nos charrues,
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Ils subissent le rail et le pavé des rues ;
Leurs sauvages troupeau^ connaissent le bâton !
Il déshonore tout ; ton sol épouvanté
Comme une vieille Afrique a bu des pleurs
Il
Encore un peu de temps, et les guerres civiles
Bois donc ! et tu sauras pourquoi les fleurs sont viles
Dans les jardins de Rome au soleil de printemps.
Quand l'étranger funeste, à genoux sur la grève,▼
</poem>
Fit à Dieu sa prière, encor pâle d'effroi,▼
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/276]]==
Il le remercia d'avoir béni son rêve▼
<poem>
Et donné par ses mains tout un monde à son roi.
Il
Que dépose dans
Il a vu cette plage et mis le pied sur elle
Sans lui parler tout haut dans un trouble sacré :
« Rien des choses
O terre, je viens nu sous ton soleil nouveau !
Je ne te plante au cœur ni le drapeau
Ni le vieux labarum rougi comme un drapeau ;
Sur le premier gazon je veux bâtir ma hutte ;
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Mais nos aventuriers trouvaient des mers dociles,
Des fleuves roulant
Et, pour guider leurs pas, des peuples imbéciles
</poem>
==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/277]]==
<poem>
Qui leur tendaient la main comme à des dieux amis.
A la terre nouvelle, apôtres
Ils ont communiqué le ferment des méchants,
Et
Les soudards du vieux monde et ses roués marchands.
Ah ! depuis trois cents ans ils
Quel bruit de pas humains ! quelle ardeur ! quels travaux !
Sur la Cybèle jeune et de fleurs habillée
A quoi bon, tristes gens, vos ports et vos boutiques,
Si vous traînez au flanc le principe du mal,
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Porter un monde au bout de son sceptre insolent,
Pareil au bateleur qui tient en équilibre
Sur la pointe
Tu connaîtras aussi les gloires, les conquêtes,
Et les sanglots perdus dans le bruit des tambours,
Le triomphe et le deuil, la panique et les
Après les jours brillants l'horreur des mauvais jours.▼
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==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/278]]==
<poem>
Tu briseras tes lois, tu les voudras refaire,
Et, jouet éternel de tes ambitieux,
Quand
A la féroce épée, à la toge hypocrite,
Mendiant tour à tour des chartes pour tes droits,
Tu feras comme nous, ton histoire est écrite :
Flux et reflux sans fin de
Ta fortune est vulgaire et nous la croyions belle,
O terre de Colomb ! et, quand la liberté,
A travers
Vint jeter dans tes bras son corps ensanglanté
Nous la croyions ravie aux soufflets de la guerre,
Et notre amour jaloux
O terre de Colomb ! ta fortune est vulgaire ;
Nous te croyions bénie, et tu ne
Enfin
Il
Ont fait de leur sillage une ceinture au monde,
Et nous
Si loin que
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==[[Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/279]]==
<poem>
Sa route le ramène en sa propre maison.
Nos yeux sont possesseurs de toutes les étoiles,
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Dans quels climats cachés le cœur sauvage et triste
Se pourra-t-il choisir un volontaire exil ?
Il
Pour contempler en paix le ciel sévère et doux,
Il doit errer toujours de Sodome à Gomorrhe,
Les méchants lui crieront : « Cette place est à nous. »
Dans
La force et le bon droit vont se heurter du front ;
Ces ennemis mortels corps à corps lutteront !
Jéhovah
Et nous ne demandons aucun déluge aux flots ;
Sans allié divin, la justice acculée
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