« Les Quarante Médaillons de l’Académie » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
Ligne 1 884 :
 
 
[page 86 M. BEURYERBERRYER]
 
 
Ligne 1 906 :
 
 
[page 87 M. BEURYERBERRYER]
 
 
Ligne 1 955 :
</center>
 
 
Très-inférieur à l'auteur de ''M. Botte'', son
grand-père. Il n'en a ni l'observation ni la
gaieté. Esprit morose qui ne demanderait pas
mieux que de rire, car la vive bulle du sang de
Pigault-Lebrun doit de temps en temps polissonner dans ses veines ; il n'attrape jamais
que le rire acide ou le rire plat. Fruit le plus
sec de la poésie contemporaine, il s'est toujours cru du poëte quelque part, et c'est même
ce qui l'a perdu. Il a fait le recueil de ri-
 
[page 90 M. ÉMILE AUGIER]
 
gueur. Les ''Pariétaires'', je crois. Pourquoi les
''Pariétaires ?'' On n'a jamais pu le savoir,
L'auteur y veut être le plus Henri Mürger
qu'il peut. Or, Henri Mürger n'était que le
groom d'Alfred de Musset. C'est donc un
groom de groom. Quelle splendeur !! Dans ce
premier mouvement de poésie impuissante,
qui continue toujours, dit-on, dans sa tête,
M. Emile Âugier fit ''la Ciguë'' pour l'Odéon :
pièce de dix-huit ans, comme on en jouait
chez les Jésuites, à la récréation des prix. Ceci
le retourna de sa poésie de muraille ; il se crut
poëte comique, et il aborda la comédie de
Molière avec des facultés qui n'égalaient pas
celles de Scribe. Il parlait la même langue
française : le parisien, ce parisien que l'on
parle dans les salons meublés en acajou. On
ne sait pas le plus bourgeois en lui, du prosateur ou du poëte. Avant ''le Fils de Giboyer'',
qui avait une prétention politique, qu'on s'est
 
 
 
[page 91 M. ÉMILE AUGIER]
 
 
 
fail suffisamment escompter par les applaudissements antilittéraires des partis, il n'avait
guère fait que des pièces à filles entretenues.
Sans la fille, il manquerait de sujets... Cependant toute la société française n'est pas
uniquement sous le réverbère.
 
Il est devenu académicien, mais un peu
plus de gaieté, — la chose impossible, — en
aurait fait un vaudevilliste. Seulement, il
aurait dû, l'homme des ''Pariétaires'', s'adjoindre quelqu'un pour tourner le couplet.
Parmi les comiques les plus oubliés du premier Empire, il n'en est pas qui n'ait plus de
talent que lui. Picard a du moins fait ''la Petite Ville''. Mais où est ''la Petite Ville'' dans les
œuvres de M. Augier ?...
 
Comme M. Feuillet, il appartient par la
nature de son esprit, de son âme et même par
les traits de son visage, aux hommes du règne
de Louis-Philippe. Est-ce pour cela qu'à l'A-
 
 
 
[page 92 M. LEBRUN]
 
 
 
cadémie il n'a pas été discuté ? Si ses opinions
sont napoléoniennes, la nature de son esprit
pourrait un jour trahir ses opinions. Il est
aussi, comme M. Feuillet, de la section des
jeunes à l'Académie ; car il y a maintenant à
l'Académie le banc, le ''petit banc'' des Jeunes,
— des Jeunes... vieux !
 
 
<center>
XXXI
 
 
 
M. LEBRUN
</center>
 
 
Il a fait sa ''Lucrèce'', lui, bien avant ''Lucrèce''.
C'est ''Marie Stuart'', tragédie, ancien grand
modèle.
 
 
 
[Page 93 M. LFBRUN]
 
 
 
D'Avrigny aussi avait fait une ''Marie Stuart'',
et il ne fut point de l'Académie. Les Géronte
s'avisent parfois d'être capricieux comme de
jolies femmes .. Sans l'inconséquence, le
pouvoir serait moins doux.
 
M. Lebrun a écrit un poëme sur la ''Grèce moderne''..., en vers, qui rappellent, en les
affaiblissant, les ''Messéniennes'' de Casimir
Delavîgne. C'était le temps alors, le glorieux temps pour la langue française, où
tout ce qui avait instinct de poésie, flamme ,
au cerveau, réflexion trempée aux grandes
sources, essayait de ressusciter des rhythmes
anciens ensevelis, et où le triomphe était d'en
créer de nouveaux, d'audacieux et de difficiles. M. Lebrun prit ce temps-là, lui, pour
se déboutonner, sans tant de façon, dans le
vers libre, usé par la poésie du dix-huitième
siècle. — Et l'Académie fut si touchée de
cette commodité classique, introduite comme
 
 
 
[page 94 M. DÉSIRÉ NISARD]
 
 
un rond de maroquin vert sur les plus belles
ruines de la Grèce pour les chanter plus à son
aise, que, du coup, elle nomma M. Lebrun
académicien, lequel se tut... du coup : ''Dormit semper Homerus !''
 
 
<center>
XXXII
 
 
 
M. DÉSIRÉ NISARD
</center>
 
 
Comme M. Villemain, dans le cours de ses
premières études, M. Nisard fut presque un
enfant célèbre... Mais pour être, l'homme
n'a pas besoin du souvenir de l'enfant. —
C'est un humaniste comme on le fut au sei-
 
 
 
[page 95 M. DÉSIRÉ NISARD]
 
 
 
zième siècle. II débuta par un genre de classique qu'on ne connaissait pas ; hardi, nerveux, indépendant, qui dit son fait vertement
aux Excessifs du romantisme, alors les maîtres
du terrain. Cela était jeune, et cela n'était pas
pédant ! ce qui ne s'était jamais vu parmi
les classiques. Le manifeste contre la ''littérature facile'' se lit encore et restera. Charmante
révolte de l'esprit français contre les ''étrangetés''
et les choses étrangères d'un romantisme qui
nous venait trop du dehors... M. Nisard n'entendait pas qu'on dénationalisât la littérature.
Depuis cette époque de combat M. Nisard s'est
élevé. C'est l'amour le plus vrai des lettres
dans une superbe intelligence tempérée. Il
aime Bossuet, et c'est sa seule intempérance.
Car l'''imitation de l'amour'' tombe dans le
courant clair et limpide de sa propre originalité, et son naturel, qui est si sain et si vrai,
en est troublé... Grand critique par le senti-
 
 
[page 96 M. DÉSIRÉ NISARD]
 
 
 
ment, la sensation, l'intuition, la culture qui
est exquise, il n'a qu'un défaut, à mon sens :
c'est de ne pas appuyer sa critique sur des
principes assez fixes pour empêcher son grand
esprit étendu d'être inconséquent. Tel est le
reproche à faire au beau livre sur la ''Littéirature française'' qu'il vient de publier. Inconséquence, oui, — ici et là, — mais, dans son
inconséquence même, quelle conscience littéraire plane partout !
 
Il a fait un livre excellent sur l'Angleterre,
dans lequel cette tête classique accusée de
froideur, — mais c'est aussi le reproche qu'on
fait aux femmes vertueuses, — a dit les plus
belles choses et les plus profondément pensées
qui aient été écrites en français sur lord
Byron... Bonapartiste de la première heure, à
la manière de Carrel, dont il fut l'ami, — ils
n'ont parlé de République que quand ils n'ont
plus eu de Bonaparte, — il écrivit au ''National''
 
 
 
[page 97 M. DÉSIRÉ NISARD]
 
de 1854. Homme d'ordre, il accepta par
raison les gouvernements intermédiaires ;
mais avec quel frémissement de plaisir il est
allé à Napoléon III !
 
Dernièrement, il a écrit an ''Moniteur'' de bons
articles sur l'histoire de M. Thiers (''le Consulat et l'Empire''), qui auraient été bien meilleurs,
s'il n'avait pas été académicien... Le confrère
a faibli... Un critique contemporain à l'Académie a trente-neuf personnes qu'il ne peut pas
toucher trop fort. Les Académies remplacent
par le sentiment corporatif le sentiment de la
vérité ; et c'est ainsi que les académiciens,
même les meilleurs, sont forcément, toujours
plus ou moins, les larrons en foire de la littérature !
 
En somme, homme de grand goût littéraire, bonapartiste rare à l'Académie, sur
qui l'Empereur pourrait compter, au milieu
des académiciens, M. Nisard serait, dans
 
 
 
[page 98 M. FLOURENS]
 
 
 
sa plus pure notion, un véritable académicien,
si l'Acadcmic était restée ce qu'elle devait
être...
 
 
<center>
XXXIII
 
 
M. FLOURENS
</center>
<references />