« Les Quarante Médaillons de l’Académie » : différence entre les versions

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Encore un romantique à l'Académie ! cette
contradiction à laquelle je ne me ferai jamais ! M. Prosper Mérimée est un romantique de la première heure, un des plus vaillants, un des plus marquants. Talent brillant
 
 
 
[page 77 M. PROSPER MÉRIMÉE]
 
et noir comme l'Espagne qu'il a peinte et d'un
raffiné qui va jusqu'à la scélératesse. Il y a
du Goya dans M. Mérimée. Son meilleur ouvrage est encore le théâtre de ''Clara Gazul''.
Très-supérieur, selon moi, à ''Colomba'', beacoup plus vantée ; car dans ce pays tempéré,
si peu fait pour les arts, ce qu'on aime le
plus, c'est la manière ''adoucie'' d'un homme,
ce n'est pas sa manière ''acharnée'' qui prouve
son génie. M. Mérimée procède d'un homme
beaucoup plus fort que lui. C'est Stendhal,
l'auteur du ''Rouge et Noir''. Il est son diminutif et presque son disciple. Cependant, il
faut être juste, Stendhal, malgré son immense talent, n'aurait pas fait le théâtre de
''Clara Gazul''.
 
C'est par l'invention que Stendhal domine
M. Mérimée ; mais M. Mérimée est un exécutant plus habile, un virtuose plus profond.
Tous les deux ont pour défauts extrêmes la
 
 
[page 78 M. PROSPER MÉRIMÉE]
 
 
sécheresse, la maigreur, la concentration
recuite. Violents dans la sobriété, ils veulent
faire avant tout les positifs, et ils finissent
par devenir disgracieux et faux. Comme
Stendhal, M. Mérimée est un athée discret,
un Fontenelle sinistre. Il n'aurait jamais,
lui, au café de la Régence, les colères contre
Dieu de M. Sainte-Beuve. Homme d'esprit
politique qui sait diriger les relations de sa
vie. Du fond de son épicuréisme il prend,
comme Stendhal, des décisions nettes, rapides, presque militaires. Gens qui seraient de
première force, si les principes moraux
étaient des plaisanteries ! Comme Stendhal
encore, M. Mérimée a le mépris le plus honorable pour tout ce qui est vulgaire ; mais
c'est un mépris ''gouverné'', qui ne l'a pas empêché d'entrer dans une Compagnie où les
grands talents, par le fait qu'ils y sont, y sont
déplacés.
 
 
[Page 79 M. EMPIS]
 
 
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XXVII
 
 
M. EMPIS
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Est-ce Empis-Picard ?... Est-ce Empis-Mennechet ?... Est-ce Empis-Cournol ?... Est-ce Empis-Mazères ?... Car ce diable de
M. Empis, qu'aucuns appellent « Tant pis ! »
a-t-il jamais été tout seul M. Empis ? Il faut
qu'il soit deux pour avoir l'esprit d'un seul,
et souvent de personne ! Tous ces gens à
collaboration me font l'effet du veau à deux
têtes, ce vieux phénomène ! Seulement, eux,
ils n'en sont point un. De têtes, M. Empis en
 
 
[page 80 M. EMPIS]
 
 
a quatre pour son compte, sans compter la
sienne. C'est l'idole assyrienne de l'Académie,
comme M. Pongerville en est la momie égyptienne. La seule différence qu'il y ait entre
eux, c'est qu'on sait nettement ce qu'a fait
M. de Pongerville ; c'est qu'on se rend très-bien compte de cet énorme effort de la traduction de Lucrèce, qui l'a crevé... Mais on
n'a jamais su, on ne sait jamais ce qu'a fait
M. Empis ! On voit jouer une pièce qui peut
être de tout le monde et qui en est ; on vous
dit que c'est de M. Empis, et vous en êtes
bien aise pour l'idée que vous vous faites de
ce brave homme. Mais quand vous reverrez
cette pièce, il vous sera impossible de vous
rappeler que c'est de M. Empis. Quel talent
pour se graver dans la mémoire ! Ah ! l'Académie n'oublie jamais les hommes de cette
puissance d'impression. Elle se reconnaît en
eux et elle leur ouvre ses portes. M. Empis,
 
 
[page 81 M. JULES SANDEAU]
 
 
 
académicien ! Mais comment! il est né de
l'Académie ! Si tous les Quarante étaient des
Empis, je dirais tant mieux ! ce serait l'Idéal
de l'institution !!!
 
 
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XXVIII
 
 
 
M. JULES SANDEAU
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C'est une femme de lettres et pas des
meilleures encore ! Un jour, pour les besoins
d'une collaboration, qui a été publique,
M. Sandeau échangea son sexe contre celui
de madame Sand ; mais pour mon compte.
 
 
[Page 82 M. JULES SANDEAU]
 
je n'ai jamais su pe qu'il lui a pris et ce qu'il
lui a donné ! C'est un romancier, — un
oncle à M. Octave Feuillet. Il a cette moralité
de sceplique qui n'est sûr de rien, cette
mondanité morale, chère aux mêmes petites
mamans qui veulent que les enfants aient des
collerettes blanches, n'ayant pas plus que
M. Feuillet une idée de morale solide appuyée
sur un principe dans sa tête mûre, terriblement plus mûre que celle du neveu Feuillet,
et n'ayant pas, comme M. Feuillet, la prétention au raffinement, prise à respirer ce
flacon de senteur qu'on appelle Alfred de
Musset... Comme peintre, M. Sandeau est un
cataplasme assez doux pour les porteurs de
visières vertes. Aussi a-t-il publié, chez Buloz,
uii grand nombre de ses romans ; l'autre
nombre le fut chez Pitre-Chevalier, au ''Musée des Familles''. Puis, de Buloz en Pitre, il est
entré à l'Académie ; — à l'Académie, qui
 
 
[page 83 M. JULES SANDEAU]
 
 
 
veut des romanciers, la charmante moderne
qu'elle est ! qui ne voulut pas de Balzac, il
est vrai, mais qui prend des Sandeau tant
qu'il y en a, et laisse là Léon Gozlan !...
Léon Gozlan, un esprit chaud, coloré, condensé, aiguisé, vivant et vibrant, plein d'invention, un maître qui fait d'abord le diamant et qui après le taille, et quand il n'a
pas de diamant, qui prend un bouchon de
liège et en fait sortir le feu du diamant par
une incroyable magie !... ibis savent-ils
même à l'Académie qu'il existe un Léon
Gozlan ?...
 
Que pense M. Sandeau en philosophie, en
histoire, en législation, en politique, en religion, la question suprême ? On sait tout cela
d'un grand romancier. Je le dirai de Daniel
de Foe, de Walter Scott, quand on voudra ;
mais M. Sandeau n'est pas un grand romancier. C'est un petit conteur de contrebande,
 
 
[page 84 M. JULES SANDEAU]
 
rompu au métier, qui a grapillé dans la vigne
à Goldsmilh, et à Walter Scott, et qui nous a
souvent gâté le raisin qu'il y a volé. D'essence
et d'élégance naturelle, c'est, ou plutôt c'était,
un clerc de notaire. Je l'ai vu, — autrefois,
— faire le dandy en loge avec une grosse chevalière à pierre brillante, ''par-dessus un gant
beurre frais, qui n'était pas très-frais. Il a eu
les mêmes goûts et les mêmes malheurs
qu'Alfred de Musset, et il disait, montrant
sa tête chauve : « ''Elle'' m'a pris mon dernier
cheveu et ma dernière illusion. » Mais, comme
Alfred de Musset, il n'a pas fait son saut de
Leucade dans l'absinthe. Il a piqué dans le
solide, les huîtres, le pâté de foie gras et les
côtelettes. Guéri de passions, marié d'ailleurs,
il est devenu un ventre rondelet et tranquille
qui emplit très-bien son fauteuil d'Académie.
M. de Pontmartin s'est longtemps dévoué à sa
gloire. Mais lui, l'ingrat, pourquoi ne s'oc-
 
 
[page 85 M. BERRYER]
 
 
 
cupe-t-il pas un peu plus de faire entrer à
l'Académie M. de Pontmartin ?...
 
 
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XXIX
 
 
M. BERRYER.
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C'est la Politique, — c'est-à-dire — ce
qui devrait être interdit à l'Académie, — et
ce qui scandaleusement y règne, — c'est la
Politique, non la Littérature, qui a fait de
M. Berryer un académicien. Il n'y pensait
même pas. Mais on le voulait... pour avoir
la grande voix légitimiste dans le concert
contre l'Empire, et il se laissa faire ! Et,
 
 
[page 86 M. BEURYER]
 
 
comme les enfants gâtés qui se sentent des
enfants gâtés, et vont devenir des enfants terribles, il déploya, le jour même de sa réception, l'impertinente indifférence d'un homme
qui oblige plus qu'il n'est obligé... Il est
d'étiquette de lire son discours à l'Académie.
« Je ne sais pas lire, dit-il ; je ne sais pas
écrire ; je ne sais que parler. » Et il le prouva,
car il lut fort mal. Superbe mal portée !
Grand seigneur étudié au Théâtre-Français !
 
Quant au talent inacadémique de M. Berryer, c'est un acteur, ce n'est pas un orateur.
Et encore, un acteur qui n'est pas le maître
de son art ! car on voit toujours qu'il joue la
comédie et qu'il le sait... Sa voix est belle,
mais il l'écoute trop. Son geste est ample,
mais il le suit trop du regard... et il pue,
d'ailleurs, la grand'manche. C'est comme les
lapins du poëte :
 
 
[page 87 M. BEURYER]
 
 
 
::Sentant encor les choux dont ils furent nourris.
 
Les choux dont fut nourrie l'éloquence de
M. Berryer, c'est la cour d'assises... Quand
les événements parlementaires d'une époque
sans grandeur firent de lui un homme politique, il n'a jamais été pour moi le ministre
plénipotentiaire ou le directeur d'un parti.
Ni Bolingbroke, ni Mirabeau ! Non, non,
mais toujours l'avocat, le simple avocat en
cour d'assises de la légitimité ! Tête nulle en
politique, comme doit l'être toute tête d'avocat qui ne voit dans tout que des chicanes
à faire et des malices à combiner ! Ayant, du
reste, l'expansion, la verve facile, l'épicuréisme, la main tendue... à trop de gens, et
le ''qu'est-ce que cela fait ?''... des orateurs, ces
grands lâches, non ! — mais ces grands
''lâchés'', qui devraient porter une ceinture et
qui n'en portent pas, laissant tout aller comme
 
 
[page 88 M. BERRYER]
 
 
 
cela peut, et cela fait parfois de vilains spectacles. Rappelez-vous le trop de facilité des
mœurs de Fox, dont le cœur était excellent ?
Il y a un peu du tempérament de Fox dans
M. Berryer, Mais quelle infériorité de talent,
facile à expliquer... La salle des ''Pas-Perdus''
et des ''Conférences'' pendant quarante ans !
Croyez-vous que Fox lui-même y aurait résisté ?...
 
« Quand les hommes s'assemblent, —
disait madame Roland, — leurs oreilles s'allongent. »
 
 
[page 89 M. ÉMILE AUGIER]
 
 
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M. ÉMILE AUGIER
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