« Après la pluie, le beau temps » : différence entre les versions

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chap 38
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[[Catégorie:XIXe siècle|Après la pluie le beau temps|Après la pluie le beau temps]]
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GEORGES<BR>
Moi, je ne fais pas de bêtises ; c'estc’est toi qui en dis.
 
GENEVIÈVE<BR>
Comment ! tu ne fais pas de bêtises ? Et ce fossé où tu m'asm’as fait descendre ? Et je ne pouvais plus en sortir ; et tu as eu si peur que tu as pleuré.
 
GEORGES<BR>
J'aiJ’ai pleuré parce que tu pleurais et que cela m'am’a fait peur. Tu vois bien que je t'ait’ai tirée du fossé.
 
GENEVIÈVE<BR>
Et ce petit renard que tu as tiré d'und’un trou ! Et la mère qui est accourue furieuse et qui voulait nous mordre !
 
GEORGES<BR>
Parce que tu t'est’es jetée devant moi pendant que je tenais le petit renard qui criait.
 
GENEVIÈVE<BR>
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GEORGES<BR>
C'étaitC’était pour t'empêchert’empêcher d'êtred’être mordue ; la mère était furieuse ; elle déchirait ta robe.
 
GENEVIÈVE<BR>
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Pélagie débarbouilla le visage saignant de Geneviève, lui enleva quelques épines restées dans les égratignures, la changea de robe et l’envoya dans la salle à manger.
 
En traversant le vestibule, Geneviève fut étonnée de n'yn’y plus trouver ni papier ni fraises ; les dalles en marbre blanc étaient nettoyées, lavées.
 
« Qui est-ce qui a nettoyé tout cela ? se demanda Geneviève. J'enJ’en suis bien aise tout de même, parce que mon oncle n'yn’y pensera plus. Il n'aimen’aime pas qu'onqu’on salisse le vestibule, et il m'auraitm’aurait encore grondée. »
 
Quand elle pris sa place à table le dîner était très avancé ; on en était aux légumes ; Geneviève avala bien vite sa soupe, un plat de viande, et les rattrapa au plat sucré. Son oncle ne disait rien, Georges la regardait en dessous pour voir si elle lui en voulait ; Mais Geneviève n'avaitn’avait jamais de rancune, elle lui sourit quand elle rencontra ses regards embarrassés.
 
Au dessert on servit des fraises du potager ; elle regarda son oncle.
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MADAME DE SAINT-AIMAR<BR>
Qu'estQu’est-ce que cela fait, Cunégonde, que l'enfantl’enfant ait un peu verdi sa veste et son pantalon ? Laisse-le donc tranquille.
 
M. DORMÈRE<BR>
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MADAME DE SAINT-AIMAR<BR>
Mais non, mais non, cher voisin ; Geneviève nous a bien gentiment expliqué que c'étaitc’était par bonté pour elle, pour la tirer d'und’un fourré de ronces, qu'ilqu’il avait mis du désordre dans ses vêtements ; c'estc’est très honorable.
 
MADEMOISELLE PRIMEROSE<BR>
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Geneviève alla au-devant de Georges qui s’approchait d’elle pour l’embrasser ; et la cousine, au lieu de retourner au salon, monta chez la bonne pour la questionner sur Georges, dont elle commençait à n’avoir pas très bonne opinion.
 
Les enfants recommencèrent à jouer au crocket, mais le jeu fut moins gai. Georges comprenait qu'onqu’on n'avaitn’avait pas cru ce qu'ilqu’il disait : il se sentait mal à l'aisel’aise. Louis et Hélène conservaient leur humeur contre Georges ; et Geneviève était triste de le voir méchant et menteur. Louis et Hélène la vengeaient en donnant tort à Georges dans tous les coups incertains du jeu.
 
Une heure après, Mme de Saint-Aimar demanda sa voiture et partit avec Mlle Primerose, Louis et Hélène. M. Dormère accompagnait ces dames.
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Je lui expliquerai, ma cousine, Adieu. »
 
Mlle Primerose comprit enfin qu'ellequ’elle était importune et s’en alla.
 
« Il n’est guère poli, se dit-elle; je parie qu’il ne saura rien expliquer à Georges ; c’est pourtant intéressant ce que j’avais à lui dire ; c’est ainsi qu’on fait l’éducation-des enfants; on leur apprend un tas de choses tout en causant. Mais celui-ci ne saura jamais rien avec ce père maussade. C’est un vrai ours que ce cousin. Au reste, qu’ils s’arrangent comme ils voudront; je ne m’en mêle plus. »
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AZÉMA<BR>
Mademoiselle emporte donc tout ce qu’elle a apporté pour l’été et l’automne ? Il me semble que pour quinze jours...jours…
 
MADEMOISELLE PRIMEROSE<BR>
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===XXXIX - Grand chagrin===
 
À la fin de la bataille, Mgr B… s’approcha d’un monceau de cadavres, parmi lesquels quelques blessés respiraient encore. Après en avoir confessé et absous plusieurs, il reconnut le corps de Rame qui recouvrait un zouave. Il frémit, car il connaissait et affectionnait beaucoup Jacques et Geneviève. Il retira vivement le pauvre nègre, qui ne donnait que de faibles signes de vie : une balle lui avait traversé la poitrine ; sous Rame était Jacques inondé de sang, mais respirant encore.
 
« Jacques, s’écria-t-il, Jacques ! » Il appela deux soldats français qui cherchaient comme lui à sauver les blessés.
===.....===
....
 
« Mes bons amis, emportez avec soin ce pauvre jeune homme blessé ; c’est un Français, un brave comme vous ; portez-le à l’ambulance des sœurs ; emportez aussi ce pauvre nègre qui respire encore. Attendez ; il saigne, il a une blessure à la poitrine ; je vais bander la plaie avec mon mouchoir pour arrêter le sang. »
 
Les soldats exécutèrent les ordres de Mgr B… Jacques fut porté à l’ambulance, où il reçut les premiers soins. Il ouvrit les yeux et les referma aussitôt en murmurant le nom de Geneviève.
 
Quand Mgr B… eut achevé sa tâche, il demanda une voiture ; un grand nombre de dames et de seigneurs romains avaient envoyé tous leurs équipages pour le transport des blessés. Il fit déposer Jacques dans une de ces voitures, y monta avec lui et dit au cocher de le mener piazza Colonna, palazzo Brancadoro. Il donna ordre qu’on portât le nègre à l’hôpital pour y être soigné. Arrivé dans la cour, il monta promptement, prévint Mlle Primerose qu’il ramenait Jacques blessé, qu’elle eût à préparer Geneviève à ce douloureux événement pendant qu’il ferait monter le blessé sur un matelas.
 
Mlle Primerose dit à Pélagie de préparer un lit pour coucher Jacques et entra chez Geneviève, qu’elle trouva affaissée sur ses genoux au pied de son crucifix.
 
« Geneviève, lui dit-elle en l’embrassant, tes prières ont été exaucées : le bon Dieu a préservé Jacques de la mort.
 
GENEVIÈVE<BR>
Préservé ! Merci, mon Dieu ! merci, ma bonne Sainte Vierge ! s’écria-t-elle en se prosternant jusqu’à terre. La bataille est-elle gagnée ?
 
MADEMOISELLE PRIMEROSE<BR>
Complètement ; déroute complète des ennemis de Dieu ; mais beaucoup de morts, de blessés. Jacques n’a pu échapper à une blessure. Tu vas le voir tout à l’heure ; mais sois calme : l’agitation pourrait lui faire du mal.
 
GENEVIÈVE<BR>
Jacques blessé ! Mon pauvre Jacques ! La blessure est-elle dangereuse ?
 
MADEMOISELLE PRIMEROSE<BR>
Je ne sais ; elle n’est probablement pas très grave, puisqu’on peut l’amener jusqu’ici. Mais quand tu le reverras, sois calme, mon enfant ; de toi, de ton courage, dépend sa prompte guérison.
 
GENEVIÈVE<BR>
Je serai calme ; j’aurai du courage. Je veux le voir ; où est-il ?
 
MADEMOISELLE PRIMEROSE<BR>
Monseigneur B… le fait apporter. Pélagie lui prépare son lit. »
 
Au même instant Mgr B… entra ; il n’avait pas pensé qu’il était taclié de sang ; ses vêtements en étaient imbibés.
 
Geneviève alla vers lui en chancelant. « Du sang ! dit-elle. C’est le sang de Jacques !
 
MONSEIGNEUR B…<BR>
Non, mon enfant ; c’est celui de bien d’autres blessés que j’ai relevés. Ayez du courage ; j’ai envoyé chercher un chirurgien ; j’espère que ce ne sera rien. Voulez-vous voir votre mari ? Il est couché dans son lit ; Pélagie est près de lui. Mais du calme ; pas d’agitation, pas de larmes. Sa vie peut-être en dépend.
 
GENEVIÈVE<BR>
Sa vie ! Oh ! Jacques ! On ne me dit pas tout.
 
MONSEIGNEUR B…<BR>
Vous en savez tout autant que moi, mon enfant, je vous le jure. D’ailleurs, entrez, vous verrez vous-même.
 
— Et Rame ? dit-elle avant d’entrer.
 
MONSEIGNEUR B…<BR>
Rame vit encore ; il a reçu dans la poitrine la balle qui était destinée à Jacques et qui n’a touché Jacques que faiblement après avoir traversé le corps du fidèle serviteur. »
 
Geneviève étouffa un cri, pleura amèrement pendant quelques instants, essuya ses yeux et s’avança d’un pas tremblant vers la porte, l’ouvrit, approcha du lit où était étendu Jacques, pâle, respirant à peine, les yeux fermés. À cette vue Geneviève jeta sur Mgr B… un regard si douloureux qu’il en fut ému. Il s’approcha d’elle et lui donna tout bas les motifs les meilleurs qu’il put trouver, de consolation et d’espérance ; il la fit asseoir dans un fauteuil près du lit de son mari ; la main de Jacques était découverte ; elle se pencha et la baisa doucement.
 
Mgr B… l’avertit qu’il était obligé de la quitter pour retourner à ses blessés des hôpitaux.
 
« Du courage, répéta-t-il, et pas d’agitation ; s’il veut boire, de l’eau fraîche, pas autre chose. Le chirurgien va venir ; ayez du linge prêt pour le pansement. »
 
Et il sortit.
 
Le chirurgien ne tarda pas à arriver ; il examina la plaie, retira la balle qui y était restée, mais pas à une grande profondeur, et déclara qu’il ne trouvait pas de gravité à la blessure ; qu’il fallait de grands soins, beaucoup de calme, de silence, de repos. Il banda la plaie après l’avoir pansée et humectée de baume du Commandeur pour empêcher l’inflammation ; il recommanda de l’humecter toutes les heures, mais sans rien déranger aux linges et aux bandes.
 
Il pansa aussi une blessure au front, produite par un coup de sabre, et une autre, résultant d’un coup de baïonnette au bras gauche. Il ordonna de l’eau fraîche pour boisson et promit de revenir le lendemain.
 
Geneviève assista et aida elle-même avec Pélagie au pansement des blessures de Jacques ; il ouvrit plusieurs fois les yeux pendant l’opération, reconnut sa femme et lui adressa un regard de tendresse et de douleur qui manqua faire perdre à la malheureuse Geneviève le courage qu’elle avait conservé.
 
Quand le pansement fut terminé, Jacques voulut parler, mais le médecin lui défendit d’articuler un seul mot. Jacques obéit et referma les yeux. Geneviève ne le quitta pas d’un instant ; elle resta immobile près de lui, tantôt assise dans un fauteuil, tantôt à genoux, priant et remerciant Dieu et mêlant le pauvre Rame à ses prières ; le souvenir de cet ami dévoué et si gravement blessé lui fit verser bien des larmes silencieuses, qu’elle dissimulait de son mieux.
 
Le lendemain, le chirurgien trouva les blessures en très bon état et certifia que dans quinze jours Jacques serait en pleine convalescence. La présence continuelle de sa bien-aimée Geneviève contribua beaucoup à hâter sa guérison. Au bout de quinze jours il lui fut permis de quitter son lit pour passer quelques heures dans un fauteuil. Dès qu’il avait pu parler, il avait demandé où était Rame.
 
GENEVIÈVE<BR>
Notre pauvre Rame est blessé assez gravement, mon bien-aimé Jacques ; la balle qui t’était destinée a traversé la noble poitrine de notre ami avant d’arriver jusqu’à toi ; il t’a sauvé la vie en se jetant devant toi quand le bandit a fait feu ; ta blessure a été légère, la sienne a été grave ; il est à l’hôpital sous la garde de Mgr B… Un de tes camarades t’a vu tomber ; il avait vu le mouvement de Rame quand il s’est jeté devant toi en te prenant dans ses bras. Ton camarade a tué le bandit, mais trop tard pour prévenir le coup fatal. »
 
Jacques fut très ému en apprenant ce malheur. Quand il put recueillir ses souvenirs, il raconta que lui, Rame et trois de ses camarades se trouvèrent, à la fin du combat, enveloppés par une bande assez nombreuse de révolutionnaires.
 
« Nous nous battions en désespérés ; nous en tuâmes un grand nombre ; ma blessure au bras gauche ne m’en laissait plus qu’un pour me défendre ; Rame ne me quittait pas : il frappait, il tuait en faisant le moulinet avec son sabre ; le coup de sabre que j’ai reçu sur la tête m’a inondé de sang, j’étais aveuglé ; c’est alors que je me suis senti saisi par Rame en même temps que j’ai entendu un coup de feu et que je suis tombé, entraînant dans ma chute Rame qui ne m’avait pas quitté. J’ai perdu connaissance avant d’avoir pu me dégager ; je n’ai eu que le temps de me recommander au bon Dieu et à la Sainte Vierge, qui m’a préservé de la mort. — Pauvre Rame ! as-tu de ses nouvelles ?
 
GENEVIÈVE<BR>
Tous les jours, mon ami. Elles sont de plus en plus rassurantes ; le grand danger est passé ; la plaie est presque fermée. Ma cousine Primerose va le voir tous les jours et lui donner de tes nouvelles. »
 
Au bout de deux mois Rame était guéri et rentré chez ses jeunes maîtres. Jacques était bien rétabli, et se préparait à se remettre en route pour Paris, en congé de convalescence. Avant son départ, il alla avec Geneviève recevoir une dernière bénédiction du saint-père, dont il portait la décoration et dont il avait reçu le grade d’officier. Le saint-père remit à Geneviève son portrait en camée pour avoir aidé par ses tendres soins à sauver un de ses chers zouaves.
 
Mlle Primerose, dont nous n’avons pas parlé, se voyant inutile près de Jacques, s’était vouée tout ce temps à soigner les blessés des hôpitaux ; elle y mettait un zèle, une activité, un entrain qui la firent remarquer entre toutes. Sa gaieté imperturbable ne l’abandonnait jamais ; elle donnait du courage aux pauvres blessés en les faisant rire malgré eux ; elle se chargeait de donner de leurs nouvelles à leurs familles, d’envoyer des secours à ceux qui manquaient du nécessaire, etc. Sa présence était une bonne fortune pour les salles où elle s’arrêtait ; à chaque lit on l’appelait ; elle avait une consolation pour chacun.
 
« Vous voilà bien mieux aujourd’hui, mon brave caporal ! Vous allez passer sergent en sortant d’ici.
 
— Hélas ! madame, j’ai perdu un œil tout de même.
 
— Eh bien, mon ami, il vous en reste un qui est bon. Un bon œil vaut mieux que deux mauvais. Allons, ne perdez pas courage ; vous serez encore le beau zouave ! »
 
Le caporal borgne riait et reprenait courage.
 
« Et vous, mon ami, comment va la jambe ?
 
— J’en souffre toujours ; je n’ai pas dormi de la nuit.
 
— Ce n’est pas étonnant quand on a une jambe coupée.
 
— Oui ; me voilà estropié pour la vie.
 
— Mais vous n’en serez pas moins leste ; une jambe de bois vous fait avancer tout comme une jambe de chair et d’os. Avec votre uniforme de zouave et votre jambe de bois, vous allez faire un effet superbe au pays. Toutes les femmes voudront vous épouser ; vous n’aurez qu’à choisir. Et votre femme sera fière d’avoir été choisie par le zouave à jambe de bois. Vous verrez cela. »
 
Et ainsi de suite ; pendant qu’elle en soignait un, elle en faisait rire plus de dix.
 
Lorsqu’elle fit sa dernière visite, et qu’elle annonça son prochain départ, ce fut un témoignage général de regrets et de reconnaissance ; elle parla à tous ces pauvres blessés, elle demanda leurs commissions.
 
« Ne vous gênez pas, leur dit-elle ; lettres, paquets pourvu qu’ils ne soient pas gros comme des montagnes, je me charge de tout et je ferai tout parvenir à son adresse. Écrivez les noms lisiblement et envoyez-moi tout cela avant deux jours ; je pars le troisième. Adieu, mes chers, mes braves amis ; priez pour moi, pour mon jeune zouave blessé et sa jeune femme.
 
« Je prierai bien pour vous tous ; je ferai dire des messes pour le repos de l’âme de vos glorieux compagnons, dont l’histoire gardera le souvenir ainsi que le vôtre ; car si vous n’êtes pas tous restés sur le champ de bataille, ce n’est pas de votre faute : vous avez fait tout ce qu’il fallait pour cela. Les avez-vous fait courir ces bandits ! Vous étiez pourtant un contre dix. — Braves soldats ! Vivent les immortels zouaves et les pontificaux ! »
 
Elle salua de la main, essuya ses yeux pleins de larmes et sortit.
 
Trois jours après, elle partit avec Jacques, Geneviève, Pélagie et Azéma ; le pauvre Rame était encore faible et pâle. De peur qu’il ne se fatiguât, Jacques le faisait aider par un zouave qui s’était attaché à Jacques et qui lui avait demandé d’entrer à son service, vu qu’il avait fini son temps et que le saint-père n’avait plus besoin de lui.