« Actes et paroles/Pendant l’exil/1860 » : différence entre les versions
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==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/197]]==
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Le 18 juin 1860, on vit à Jersey une chose singulière. Toutes les
murailles étaient couvertes
is arrived
et maintenant toute la population de Jersey, en habit de fête, saluait
Victor Hugo dans les rues de Saint-Hélier.
Voici ce qui
ébloui
suivent et se ressemblent, mais leurs destinées diffèrent. Après John
Brown, Garibaldi. Il
superbe. Une vaste souscription
songea à Victor Hugo. On pensa que sa parole pouvait donner
cette souscription. Toute
de 1855. Une députation, conduite par MM. Philippe Asplet et
Derbyshire, apporta à Victor Hugo une adresse signée de cinq cents
notables habitants de Jersey et le priant de rentrer dans
parler pour Garibaldi. Victor Hugo, le 18 juin 1860, rentra à Jersey,
et, au milieu
va lire.
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Je me rends à votre appel. Partout où une tribune se dresse pour la
liberté et me réclame,
vérité,
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La vérité, la voici :
tous ;
cœur ne doit se taire ;
peuples il doit y avoir un écho dans les entrailles de tous les
hommes ;
libérateurs,
tyrans. ( Applaudissements. )
Que les uns agissent, que les autres parlent, que tous travaillent !
oui, à la manœuvre tous ! Le vent souffle. Que
aux héros soit la joie des âmes ! que les multitudes
par
neutre, que pas un esprit ne reste oisif ! Que ceux qui luttent se
sentent regardés, aimés et appuyés !
qui est debout là-bas dans Palerme il y ait un feu sur toutes les
montagnes de la Sicile et une lumière sur tous les sommets de
Je viens de prononcer ce mot, les tyrans, ai-je exagéré ?
Ai-je calomnié le gouvernement napolitain ? Pas de paroles. Voici des
faits.
Faites attention. Ceci est de
Le royaume de Naples,-celui dont nous nous occupons en ce moment,-
bastonnade ». Deux sbires, Ajossa et Maniscalco, régnent sous le roi ;
Ajossa bâtonne Naples, Maniscalco bâtonne la Sicile. Mais le bâton
que le moyen turc ; ce gouvernement a de plus le procédé de
la torture. Oui, la torture. Écoutez. Un sbire, Bruno, attache les
accusés la tête entre les jambes
sbire, Pontillo, les assied sur un gril et allume du feu dessous ; cela
du chef, a inventé un instrument ; on y introduit le bras ou la jambe du
patient, on tourne un écrou, et le
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/199]]==
machine angélique». Un autre suspend un homme à deux anneaux par les▼
membre est broyé ; cela se nomme « la
bras à un mur, par les pieds au mur de face; cela fait, il saute sur▼
▲machine angélique ». Un autre suspend un homme à deux anneaux par les
l'homme et le disloque. Il y a les poucettes qui écrasent les doigts de▼
▲bras à un mur, par les pieds au mur de face ; cela fait, il saute sur
la main; il y a le tourniquet serre-tête, cercle de fer comprimé par une▼
vis, qui fait sortir et presque jaillir les yeux. Quelquefois on échappe;▼
▲la main ; il y a le tourniquet serre-tête, cercle de fer comprimé par une
un homme, Casimiro Arsimano, s'est enfui; sa femme, ses fils et ses▼
▲vis, qui fait sortir et presque jaillir les yeux. Quelquefois on échappe ;
filles ont été pris et assis à sa place sur le fauteuil ardent. Le cap
Zafferana confine à une plage déserte ; sur cette plage des sbires
apportent des sacs ; dans ces sacs il y a des hommes ; on plonge le sac
sous
retire le sac et
on le replonge. Giovanni Vienna, de Messine, a expiré de cette façon.
le vieillard est mort sous le fouet ; sa fille, qui était une femme grosse,
a été mise nue et est morte sous le fouet. Messieurs, il y a un jeune
homme de vingt ans qui fait ces choses-là. Ce jeune homme
François II. Cela se passe au pays de Tibère. ( Acclamations
Est-ce possible ?
sommes. Ajoutez à cela le fait
dans le sang, massacrée ; -ajoutez cette tradition épouvantable de
et qui dans
changera Bourbon en Bomba. ( Hourras. )
Oui, un jeune homme de vingt ans commet toutes ces actions sinistres.
Messieurs, je le déclare, je me sens pris
songeant à ce misérable petit roi. Quelles ténèbres !
tue. Voilà ce que le droit divin fait
droit divin remplace toutes les générosités de
commencement par les décrépitudes et les terreurs de la fin ; il met la
tradition sanguinaire comme une chaîne sur le prince et sur le peuple ;
il accumule sur le nouveau venu du trône les influences de famille,
choses terribles ! Otez Agrippine de Néron, défalquez Catherine de
Médicis
Médicis de Charles IX, vous n'aurez plus peut-être ni Charles IX▼
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/200]]==
ni Néron. A la minute même ou l'héritier du droit divin saisit le▼
sceptre, il voit venir à lui ces deux, vampires, Ajossa et Maniscalco,
que
ou Villeroy et Bachelier ; ces spectres
couronné ; la torture lui affirme
bastonnade lui déclare
je viens
bisaïeul Ferdinand 1er celui qui disait : le monde est régi par trois
F, Festa, Farina, Força [note : Fête, farine, fourche (potence).],
son aïeul François Ier,
II,
lui prouve
a des enfants monstrueux ; et
jeunes rois continuent les vieilles tyrannies. ( Mouvement prolongé. )
Il fallait délivrer ce peuple ; je dirais presque, il fallait délivrer
ce roi. Garibaldi
Garibaldi.
plus. Mais un homme dans toute
de la liberté ; un homme de
Virgile.
A-t-il une armée ? Non. Une poignée de volontaires. Des munitions de
guerre ? Point. De la poudre ? Quelques barils à peine. Des canons ? Ceux
de
une traînée de flamme, sa poignée
faibles armes sont enchantées, les balles de ses carabines tiennent
tête aux boulets de canon ; il a avec lui la Révolution, et, de temps
en temps, dans le chaos de la bataille, dans la fumée, dans
comme si
( Acclamation. )
Quelque opiniâtre que soit la résistance, cette guerre est surprenante
par sa simplicité.
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son essaim vole autour de lui; les femmes lui jettent des fleurs,▼
homme à une royauté ;
les hommes se battent en chantant, l'armée royale fuit; toute cette▼
▲son essaim vole autour de lui ; les femmes lui jettent des fleurs,
aventure est épique; c'est lumineux, formidable et charmant, comme une▼
attaque d'abeilles.▼
Admirez ces étapes radieuses. Et, je vous le prédis, pas une ne fera
défaut dans les échéances infaillibles de
Palerme ; après Palerme, Messine ; après Messine, Naples ; après Naples,
Rome ; après Rome, Venise ; après Venise, tout. ( Applaudissements
enthousiastes. )
Messieurs, il vient de Dieu le tremblement de cette Sicile au-dessus
de laquelle on voit flamboyer
liberté,
Oui, cela devait être, et il est magnifique que
au monde par la terre des éruptions. ( Bravos. )
Oh ! quand
admirable chose que cette rumeur, que ce soulèvement, que cet oubli
des intérêts vils et des bas côtés de
leurs maris et combattant elles-mêmes, que ces mères criant à leurs
fils : va ! que cette joie de courir aux armes, de respirer et
que ce cri de tous, que cette immense lueur à
pense plus à
pli fier des têtes provoque les tyrans ; les barbaries
despotismes croulent, les consciences rejettent les esclavages, les
parthénons secouent les croissants, la Minerve austère se dresse dans
le soleil sa lance à la main. Les fosses
de tombeau en tombeau. Ressuscitez !
vaincus héroïques se consolent, et
était tombé se relève, quand les splendeurs éclipsées reparaissent
charmantes et redoutables ; quand Stamboul redevient Byzance, quand
Sétiniah redevient Athènes, quand Rome redevient Rome ! ( Acclamations
redoublées. )
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Tous, qui que nous soyons, battons des mains à
Glorifions-la, cette terre aux grands enfantements. Alma parens
apparaissent réels et visibles ; elles sont vierges par
mères par le progrès.
Vous qui
Saint-Marc, car, je te
de la fête ! Dites, vous la figurez-vous, cette vision qui sera une
réalité demain ?
cendre et nuit,
Où il y avait un terme géographique, il y a une nation ; où il y avait
un cadavre, il y a une âme ; où il y avait un spectre, il y a un
archange,
ailes déployées.
elle se lève et sourit au genre humain. Elle dit à la Grèce : je suis
ta fille ; elle dit à la France : je suis ta mère. Elle a autour
ses poëtes, ses orateurs, ses artistes, ses philosophes, tous ces
conseillers de
universelle, tous ces membres du sénat des siècles, et à sa droite et
à sa gauche ces deux effrayants grands hommes, Dante et Michel-Ange.
Oh ! puisque la politique aime ces mots-là, ce sera bien là le plus
majestueux des faits accomplis ! Quel triomphe ! quel avènement ! quel
merveilleux phénomène que
variété magnifique de villes sœurs, Milan, Turin, Gênes, Florence,
Bologne, Pise, Sienne, Vérone, Parme, Palerme, Messine, Naples,
Venise, Rome !
éclate ; elle communique au progrès du monde entier la grande
fièvre joyeuse propre à son génie ; et
resplendissement prodigieux ; et il
fronts, pas moins
nouvelle étoile dans le ciel. ( Bravo ! Bravo
Messieurs, si nous voulons nous rendre compte de ce
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même temps que de ce qui se fait, n'oublions point ceci que Garibaldi,▼
qui se prépare en
avant d'être le soldat de l'unité italienne il a été le combattant de▼
l’homme d’aujourd’hui, l’homme de demain, est aussi l’homme d’hier ;
la république romaine; et à nos yeux, et aux yeux de quiconque sait▼
▲la république romaine ; et à nos yeux, et aux yeux de quiconque sait
comprendre les méandres nécessaires du progrès serpentant vers son
but et les avatars de
continue 1849. ( Sensation. )
Les libérateurs sont grands. Que
peuples les suive dans leurs fortunes ! Hier
triomphe en Europe.
Charlestown, se rassure devant la flamboyante épée de Catalafimi.
( Bravo
O mes frères en humanité,
dissentiment politique, petit en ce moment ; à cette minute sainte où
nous sommes, fixons uniquement nos yeux sur cette œuvre sacrée, sur
ce but solennel, sur cette vaste aurore, les nations affranchies,
et confondons toutes nos âmes dans ce cri formidable digne du genre
humain et du ciel : vive la liberté ! Oui, puisque
lugubrement conservatrice de la servitude, penche vers la nuit,
que
continent, qui a aboli la superstition par Voltaire,
Wilberforce,
reparaisse dans son rayonnement désormais inextinguible, et
élève au-dessus des hommes son vieux phare composé de ces
trois grandes flammes, la France,
( Acclamations. )
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un dernier regard. Concluons.
Quelle est la résultante de cette épopée splendide ? Que se dégage-t-il
de tout ceci ? Une loi morale, une loi auguste ; et cette loi, la voici :
La force
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Non, la force
Il
il
( Sensation. )
qui pensent a peur du glaive ? Ce
France ; ce
senti fait la tête haute. La force et le glaive,
glaive
tragique évanouissement ; le droit, lui,
droit,
vivant dans
certitude du triomphe. Un seul homme qui a avec lui le droit
Légion ; une seule épée qui a avec elle le droit
Qui dit le droit dit la victoire. Des obstacles ? il
il
Voyez où en est la résistance en Europe ; la paralysie gagne
et la résignation gagne la Russie. Voyez Naples ; la lutte est vaine.
Le passé agonisant perd sa peine. Le glaive
êtres appelés Lanza, Landi, Aquila, sont des fantômes.
est, François II croit peut-être encore exister ; il se trompe ; je lui
déclare ceci,
capitulation, assassiner Messine comme il a assassiné Palerme, se
cramponner à
de
a que le droit, vous dis-je. Voulez-vous comparer le droit à la force ?
Jugez-en par un chiffre. Le 11 mai, à Marsala, huit cents hommes
débarquent. Vingt-sept jours après, le 7 juin, à Palerme, dix-huit
mille hommes, terrifiés,-
le droit ; les dix-huit mille hommes,
Oh ! que partout les souffrants se consolent, que les enchaînés se
rassurent. Tout ce qui se passe en ce moment,
Oui, aux quatre vents de
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/205]]==
mougick, que
le fellah, que le prolétaire, que le paria, que le nègre vendu, que le
blanc opprimé, que tous espèrent ; les chaînes sont un réseau ; elles se
tiennent toutes ; une rompue, la maille se défait. De là la solidarité
des despotismes ; le pape est plus frère du sultan
Mais, je le répète,
choses ! il y a du surhumain dans la délivrance. La liberté est un
abîme divin qui attire ;
Le progrès
O despotes, je vous en défie, arrêtez la pierre qui tombe, arrêtez le
torrent, arrêtez
le monde précipité par Dieu dans la lumière ! ( Applaudissements
frénétiques. )
Victor Hugo avait, à propos de John Brown, prédit la guerre civile à
deux prédictions se réalisèrent.
Après le meeting, un banquet eut lieu ; ce banquet se termina par un
toast à Victor Hugo.
Victor Hugo répondit :
Messieurs,
Puisque je suis debout, permettez-moi de ne point me rasseoir. Je sens
le besoin de remercier immédiatement
Le pasteur N. Martin.] que nous venons
mots. Les sentiments profonds abrègent volontiers, et les cœurs
pénétrés ont pour éloquence leur émotion même. Eh bien, je suis très
ému.
La meilleure manière de vous remercier,
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/206]]==
Jersey. Je vous l'ai dit hier, vous l'avez entendu au meeting et▼
dire que j’aime
lu dans les journaux, je vous le répète aujourd'hui; mais c'est à▼
l'oreille d'un peuple, c'est au cœur d'un peuple que je parle, et les▼
nations sont comme les femmes, elles ne se lassent pas de s'entendre▼
dire: Je vous aime. J'ai quitté Jersey avec regret, je la retrouve▼
avec bonheur. Les libérateurs ont cela de merveilleux et de charmant
Garibaldi a fait
Bourbons de la Sicile, et il
Vos applaudissements et vos interruptions cordiales en ce moment me
touchent au point que les mots me manquent pour vous le dire. Je
ne sais comment répondre à une bienvenue si universelle et si
gracieusement souriante de toutes parts, et à tant
à tant de sympathie. Je vous dirais presque : Épargnez-moi. Vous êtes
tous contre un. Il y a un certain monstre fabuleux qui me paraît à
cette heure fort doué.
voudrais avoir comme lui cent bras pour vous donner cent poignées de
main.
Ce que
ont toujours
roches qui sont bretonnes, ce ciel qui me rappelle la France, cette
mer qui me rappelle Paris.
qui lutte, tous ces braves hommes
dans vos rues et dans vos champs, et dont la physionomie se compose
de la liberté anglaise et de la grâce française, qui est aussi une
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prodigieuses luttes politiques du siècle, moi, naufragé encore tout
ruisselant de la catastrophe de décembre, tout effaré de cette
tempête, tout échevelé de cet ouragan, savez-vous ce que
Jersey ? Une chose sainte, sublime, inattendue, la paix. Oui, le plus
grand crime politique des temps modernes, la liberté étouffée dans
le pays même de la lumière, en pleine France, hélas ! ce monstrueux
attentat venait
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/207]]==
asservissement d'un peuple par un homme, tout ce combat convulsif▼
cet
tremblait encore en moi de la tête aux pieds; j'étais indigné, éperdu▼
et haletant. Eh bien, Jersey m'a calmé. J'ai trouvé, je le répète,▼
la paix, le repos, un apaisement sévère et profond dans cette douce
nature de vos campagnes, dans ce salut affectueux de vos laboureurs,
dans ces vallées, dans ces solitudes, dans ces nuits qui sur la mer
semblent plus largement étoilées, dans cet océan éternellement ému qui
semble palpiter directement sous
que, tout en gardant la colère sacrée contre le crime,
grondait en moi
rends grâces. Je sentais sous vos toits et dans vos villes la bonté
humaine, et dans vos champs et sur vos mers je sentais la bonté
divine. Oh ! je ne
des premiers jours de
compagnons de proscription ne me démentira, nous avons tous souffert
en quittant Jersey. Nous y avions tous des racines. Des fibres
de notre cœur étaient entrées dans votre sol et y tenaient.
malheureux. La souffrance
joie. Hélas ! on peut éprouver de telles douleurs dans une terre de
refuge,
mon esprit, cette réunion est à la fois solennelle et intime, et ce
que je vais vous dire convient à ce double caractère. Écoutez. Hier,
lieux aimés, les promenades préférées jadis, et tous ces rayonnants
paysages qui étaient restés dans notre mémoire comme des visions. En
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Nous avons fait arrêter la voiture qui nous menait devant ce champ de
Saint-Jean où sont plusieurs des nôtres. Au
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/208]]==
moment où nous arrivions,
savez-vous ce qui nous a fait tressaillir, savez-vous ce que nous
avons vu ? Une femme, ou, pour mieux dire, une forme humaine sous
un linceul noir, était là, à terre, plus
prosternée, étendue, et en quelque sorte abîmée sur une tombe. Nous
sommes restés immobiles, silencieux, mettant le doigt sur nos bouches
devant cette majestueuse douleur. Cette femme, après avoir prié,
relevée, a cueilli une fleur dans
dans son cœur. Nous
face pâle, ces yeux inconsolables et ces cheveux blancs.
mère !
Faure, mort il y a quatre ans sur la brèche sainte de
quatre ans, tous les jours, quelque temps
vient là ; depuis quatre ans, cette mère
et la baise. Essayez donc de
oui, la France elle-même ! Que lui importe à cette mère ! Dites-lui : « Ce
mon fils est mort. » Et vous vous tairez devant cette réponse, car la
patrie
Messieurs, voilà comment il se fait
chair, avec son sang, avec son âme. Notre âme à nous est mêlée à
celle-ci. Nous y avons nos amis morts. Sachez-le, il
terre étrangère ; partout la terre est la mère de
tendre, sévère et profonde. Dans tous les lieux où il a aimé, où il a
pleuré, où il a souffert,
Messieurs, je réponds au toast qui
Je bois à Jersey, à sa prospérité, à son enrichissement, à son
amélioration, à son agrandissement industriel et commercial, et aussi
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Il y a deux choses qui font les peuples grands et charmants, ces deux
choses sont la liberté et
gloire des nations antiques, la liberté est la splendeur des nations
modernes. Jersey a ces deux couronnes,
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/209]]==
parler
Ne souffrez plus que qui que ce soit ose y toucher. Cette île est
une terre de beauté, de bonheur et
seulement pour y vivre et pour en jouir, vous y êtes pour y faire
votre devoir. Dieu se chargera de la maintenir belle ; vos femmes se
chargeront de la maintenir heureuse ; vous, les hommes, chargez-vous de
la conserver libre.
Et quant à votre hospitalité, conservez-la, elle aussi, religieusement.
Les nations hospitalières ont, entre toutes, une sorte de grâce auguste
et vénérable. Elles donnent
mouvement des peuples, elles ne font pas seulement de
elles font de
de la fraternité des hommes. Or, la fraternité humaine,
Soyez à jamais hospitaliers. Que cette fonction sacrée,
honore éternellement cette île ; et, permettez-moi de lui associer
Guernesey, sa sœur, et tout
grande terre
réfugiés de tous les partis et de toutes les patries que depuis trois
siècles elle a abrités et consolés. Oh ! rien au monde
que cela, être
vient à vous. Soyez
ouvrir vos ports à toutes les voiles battues par la tempête, et vos
cœurs à tous les hommes battus par la destinée.
Et pas de limites à cette hospitalité sainte ; ne discutez pas celui
qui vient à vous ; recevez-le sans
grand, que quiconque souffre est digne
tous les proscrits de France, nous
nous avons défendu les droits et les lois de notre pays, nous avons
rempli nos mandats et écouté nos consciences, nous souffrons pour ce
qui est juste et pour ce qui est vrai ; vous nous accueillez, et
bien ; mais il faut prévoir
ont leurs désastres, les coupables ont leurs écueils ; parce
le mal, ce
le mal, ce n'est pas une raison pour triompher toujours. Écoutez ceci:▼
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/210]]==
s'il vous arrive jamais des vaincus de la cause injuste, recevez-les▼
comme vous nous recevez. Le malheur est une des formes saintes du
droit ; et, entendez-le bien, de ces vaincus possibles, je
personne. Il se peut
divine, et la main divine,
parmi ceux que les grandes tempêtes ou les grandes marées de
jetteront sur vos bords, il y ait notre propre prescripteur à nous
qui sommes ici, chassé à son tour et malheureux. Eh bien ! soyez-lui
cléments comme vous nous êtes justes ; -
ouvrez-la-lui, et dites-lui : « Ce sont ceux que vous avez proscrits qui
nous ont demandé pour vous cet asile que nous vous donnons. »
== II LES NOIRS ET JOHN BROWN ==▼
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/211]]==
▲== II LES NOIRS ET JOHN BROWN ==
Le Progrès
par Victor Hugo à M. Heurtelou, rédacteur en chef de ce journal, en
réponse aux remercîments que M. Heurtelou lui avait adressés pour la
défense de John Brown :
Hauteville-House, 31 mars 1860.
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longtemps opprimée et méconnue.
les noirs comme vous le prouvent. Y a-t-il eu plusieurs Adam ? Les
naturalistes peuvent discuter la question ; mais ce qui est certain,
vérité que je lutte. Vous
combien vos belles paroles me touchent.
Il
êtes un. Devant Dieu, toutes les âmes sont blanches.
république. Votre île magnifique et douce plaît à cette heure aux
âmes libres ; elle vient de donner un grand exemple ; elle a brisé le
despotisme.
Elle nous aidera à briser
Car la servitude, sous toutes ses formes, disparaîtra. Ce
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/212]]==
états du sud viennent de tuer, ce n'est pas John Brown, c'est▼
que les
l’esclavage.
Dès
message du président Buchanan, être considérée comme rompue. Je le
regrette profondément, mais cela est désormais fatal ; entre le Sud et
le Nord, il y a le gibet de Brown. La solidarité
Un tel crime ne se porte pas à deux.
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concitoyens. Haïti est maintenant une lumière. Il est beau que parmi
les flambeaux du progrès, éclairant la route des hommes, on en voie un
tenu par la main
Votre frère,
|