« Ce que c’est que l’exil » : différence entre les versions

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{{chapitre|[[Actes et paroles/Pendant l’exil]]|[[Auteur:Victor Hugo|Victor Hugo]]|Ce que c’est que l’exil|}}
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/11]]==
 
 
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itinéraire inexorable, aboutissant aux cloaques de sang pour la
gloire et aux abîmes de boue pour la honte, sans rémission pour les
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/12]]==
coupables, les Dix-huit Brumaire conduisent les grands à Waterloo et
les Deux-Décembre traînent les petits à Sedan.
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Parviennent-ils à leur but ? réussissent-ils ? sans doute.
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/13]]==
 
Un homme tellement ruiné qu’il n’a plus que son honneur, tellement
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L’exil n’est pas une chose matérielle, c’est une chose morale. Tous
les coins de terre se valent. Angulus ridet . Tout lieu de rêverie
est bon, pourvu que le coin soit obscur et que l’horizon soit vaste.
 
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Tout y est parfum, rayon, sourire ; ce qui n’empêche pas les visites de
la tempête. Celui qui écrit ces pages a quelque part qualifié Jersey
« une idylle en pleine mer ». Aux temps païens, Jersey a été plus
romaine et Guernesey plus celtique ; on sent à Jersey Jupiter et à
Guernesey Teutatès. À Guernesey, la férocité a disparu, mais la
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toute, deux îles charmantes ; l’une aimable, l’autre revêche.
 
Un jour la reine d’Angleterre, plus que la reine d’Angleterre, la
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/14]]==
la
duchesse de Normandie, vénérable et sacrée six jours sur sept, fit une
visite, avec salves, fumée, vacarme et cérémonie, à Guernesey. C’était
un dimanche, le seul jour de la semaine qui ne fût pas à elle.
La reine, devenue brusquement « cette femme », violait le repos du
Seigneur. Elle descendit sur le quai au milieu de la foule muette.
Pas un front ne se découvrit. Un seul homme la salua, le proscrit qui
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protestantisme émarge à la caisse Tronsin-Dumersan ; un prince étranger
qui baragouine se présente, c’est Vidocq qui vient vous voir ; est-ce
un vrai prince ? oui ; il est de sang royal, et aussi de la police ;
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/15]]==
police ;
un professeur gravement doctrinaire s’introduit chez vous, vous le
surprenez lisant vos papiers. Tout est permis contre vous ; vous êtes
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reconnaîtrez la voix de Carlier. Quelquefois l’espion mendie ;
l’empereur vous demande l’aumône par son Piétri ; vous donnez, il rit ;
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/16]]==
gaîté de bourreau. Vous payez les dettes d’auberge de cet exilé, c’est
un agent ; vous payez le voyage de ce fugitif, c’est un sbire ; vous
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vous qu’on parle ; vous vous retournez ; qui est cet homme ? on vous
répond : c’est un proscrit. Point. C’est un fonctionnaire. Il est
farouche et payé. C’est un républicain signé Maupas . Coco se déguise
en Scaevola.
 
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du côté de la loi ? Est-ce qu’on prend la défense du droit et de la loi
quand ils n’ont plus personne pour eux ? Voilà bien les démagogues !
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/17]]==
s’entêter, persévérer, persister, c’est absurde. Un homme poignarde le
droit et assassine la loi. Il est probable qu’il a ses raisons. Soyez
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cela ! Quoi ! la paix serait faite parmi les hommes, il n’y aurait plus
d’armée, il n’y aurait plus de service militaire ! Quoi ! la France
serait cultivée de façon à pouvoir nourrir deux cent cinquante
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/18]]==
façon à pouvoir nourrir deux cent cinquante
millions d’hommes ; il n’y aurait plus d’impôt, la France vivrait de
ses rentes ! Quoi ! la femme voterait, l’enfant aurait un droit devant
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bourreaux, il n’y aurait plus de potences et de guillotines ! mais
c’est épouvantable ! il fallait nous sauver. Le président l’a fait ;
vive l’empereur ! -Vous lui résistez ; nous vous déchirons ; nous
écrivons sur vous des choses quelconques. Nous savons bien que ce que
nous disons n’est pas vrai, mais nous protégeons la société, et la
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gagne et ce que ce granit y perd.
 
Non, pas de révolte contre l’injure, pas de dépense d’émotion, pas de
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/19]]==
d’émotion, pas de
représailles, ayez une tranquillité sévère. La roche ruisselle, mais
ne bouge pas. Parfois elle brille du ruissellement. La calomnie finit
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Un prêtre, un certain Ségur, a appelé Garibaldi poltron. Et, en verve
de métaphore, il ajoute : Comme la lune .-Garibaldi poltron comme
la lune ! Ceci plaît à la pensée. Et il en découle des conséquences.
Achille est lâche, donc Thersite est brave ; Voltaire est stupide, donc
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L’outrage est une vieille habitude humaine ; jeter des pierres plaît
aux mains fainéantes ; malheur à tout ce qui dépasse le niveau ; les
sommets ont la propriété de faire venir d’en haut la foudre et d’en
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/20]]==
venir d’en haut la foudre et d’en
bas la lapidation. C’est presque leur faute ; pourquoi sont-ils des
sommets ? Ils attirent le regard et l’affront. Ce passant, l’envieux,
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Cette joie paraît d’autant plus réelle qu’elle n’est point haïe
du maître et qu’elle est habituellement payée. Les fonds secrets
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/21]]==
fonds secrets
s’épanouissent en outrages publics. Les despotes, dans leur guerre aux
proscrits, ont deux auxiliaires ; premièrement, l’envie, deuxièmement,
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inconnus une promesse d’hospitalité. La colère désarme devant l’ennemi
accablé. Celui qui écrit ces lignes a habitué ses compagnons d’exil
à lui entendre dire :- Si jamais, le lendemain d’une révolution,
Bonaparte en fuite frappe à ma porte et me demande asile, pas un
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/22]]==
cheveu ne tombera de sa tête .
porte et me demande asile, pas un
cheveu ne tombera de sa tête .
 
Ces méditations, compliquées de tous les déchaînements de l’adversité,
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Un exilé est un bienveillant. Il aime les roses, les nids, le
va-et-vient des papillons. L’été il s’épanouit dans la douce joie des
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/23]]==
douce joie des
êtres ; il a une foi inébranlable dans la bonté secrète et infinie,
étant puéril au point de croire en Dieu ; il fait du printemps sa
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extraditions ! oui, les extraditions. Il en fut question à Jersey,
en 1855. Les exilés purent voir, le 18 octobre, amarré au quai de
Saint-Hélier, un navire de la marine impériale, l’ Ariel , qui venait
les chercher ; Victoria offrait les proscrits à Napoléon ; d’un trône à
l’autre on se fait de ces politesses.
 
Le cadeau n’eut pas lieu. La presse royaliste anglaise applaudissait ;
mais le peuple de Londres le prenait mal. Il se mit à gronder. Ce
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/24]]==
Il se mit à gronder. Ce
peuple est ainsi fait ; son gouvernement peut être caniche, lui il
est dogue. Le dogue, c’est un lion dans un chien ; la majesté dans la
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se contenter de l’expulsion. Les proscrits s’émurent médiocrement.
Ils reçurent avec un sourire la signification officielle, un peu
baragouinée. Soit, dirent les proscrits. Expioulcheune . Cette
prononciation les satisfit.
 
AÀ cette époque, si les gouvernements étaient de connivence avec le
prescripteur, on sentait entre les proscrits et les peuples une
complicité superbe. Cette solidarité, d’où résultera l’avenir, se
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gloire politique, M. Rouher ; la gloire militaire, M. Bazaine ; et
la gloire littéraire, M. Nisard ; on était accepté par de grands
caractères, tels que MM. Vieillard et Mérimée ; le Deux-Décembre avait
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/25]]==
le Deux-Décembre avait
pour lui la durée, les quinze années de Tacite, grande mortalis
oevi spatium ; l’empire était en plein triomphe et en plein midi,
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Jamais les proscrits n’avaient été plus mal vus. Dans certains
journaux anglais, on les appelait « les rebelles ».
 
Dans ce même été, un jour du mois de juillet, un passager faisait la
traversée de Guernesey à Southampton. Ce passager était un de ces
« rebelles » dont on vient de parler. Il était représentant du peuple en
1851 et avait été exilé le 2 décembre. Ce passager, dont le nom est
inutile à dire ici, car il n’a été que l’occasion du fait que nous
allons raconter, s’était embarqué le matin même, à Saint-Pierre-Port,
sur le bateau-poste Normandy . La traversée de Guernesey à
Southampton est de sept ou huit heures.
 
C’était l’époque où le khédive, après avoir salué Napoléon, venait
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/26]]==
venait
saluer Victoria, et, ce jour-là même, la reine d’Angleterre offrait au
vice-roi d’Égypte le spectacle de la flotte anglaise dans la rade de
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Et il reprit :
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— Seulement, pour ma responsabilité devant mes chefs, écrivez-moi sur
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Et il présenta son livre de bord au passager, qui écrivit sous sa
dictée : « Je désire voir la flotte anglaise ». et signa.
 
Un moment après, le steamer obliquait à tribord, laissait à gauche
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Un des amis du capitaine Harvey, M. Rascol, directeur du Courrier de
l’Europe , l’attendait sur le port ; il s’étonna du navire pavoisé.
 
— Pour qui donc avez-vous pavoisé, capitaine ? Pour le khédive ?
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— Pour le proscrit.
 
Pour le proscrit . Traduisez : Pour la France .
 
Nous n’aurions pas raconté ce fait, s’il n’empruntait une grandeur
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Le Normandy était un très grand navire, le plus beau peut-être des
bateaux-poste de la Manche, six cents tonneaux, deux cent vingt pieds
anglais de long, vingt-cinq de large ; il était « jeune », comme disent
les marins,
les marins, il n’avait pas sept ans. Il avait été construit en 1863.
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/28]]==
les marins, il n’avait pas sept ans. Il avait été construit en 1863.
 
Le brouillard s’épaississait, on était sorti de la rivière de
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Tout à coup dans la brume une noirceur surgit ; fantôme et montagne,
un promontoire d’ombre courant dans l’écume et trouant les ténèbres.
C’était la Mary , grand steamer à hélice, venant d’Odessa, allant
à Grimsby, avec un chargement de cinq cents tonnes de blé ; vitesse
énorme, poids immense. La Mary courait droit sur le Normandy .
 
Nul moyen d’éviter l’abordage, tant ces spectres de navires dans le
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Avant qu’on ait achevé de les voir, on est mort.
 
La Mary , lancée à toute vapeur, prit le Normandy par le travers,
et l’éventra.
 
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On était soixante et un. Mais il s’oubliait.
 
On détacha les embarcations : Tous s’y précipitaient. Cette hâte
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Cette hâte
pouvait faire chavirer les canots. Ockleford, le lieutenant, et les
trois contre-maîtres, Goodwin, Bennett et West, continrent cette foule
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d’elle cette grande âme.
 
La Mary , de son côté, avait mis ses embarcations à la mer, et venait
au secours de ce naufrage qu’elle avait fait.
 
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Harvey, impassible à son poste de capitaine, commandait, dominait,
dirigeait, s’occupait de tout et de tous, gouvernait avec calme cette
angoisse, et semblait donner des ordres à la catastrophe. On eût dit
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/30]]==
des ordres à la catastrophe. On eût dit
que le naufrage lui obéissait.
 
AÀ un certain moment il cria :
 
— Sauvez Clément.
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On hâtait le plus possible le va-et-vient des embarcations entre le
Normandy et la Mary .
 
— Faites vite, criait le capitaine.
 
AÀ la vingtième minute le steamer sombra.
 
L’avant plongea d’abord, puis l’arrière.
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proscripteur, par exemple, est dans une certaine mesure écrivain et a
une littérature suffisante, le proscrit en convient volontiers. Il
est incontestable, soit dit en passant, que Napoléon III eût été un
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/31]]==
que Napoléon III eût été un
académicien convenable ; l’académie sous l’empire avait, par politesse
sans doute, suffisamment abaissé son niveau pour que l’empereur pût en
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sa majesté n’eût aucunement déparé celle des quarante.
 
AÀ l’époque où l’on annonçait la candidature de l’empereur à un
fauteuil vacant, un académicien de notre connaissance, voulant rendre
à la fois justice à l’historien de César et à l’homme de Décembre,
avait d’avance rédigé ainsi son bulletin de vote : Je vote pour
l’admission de M. Louis Bonaparte à l’académie et au bagne .
 
On le voit, toutes les concessions possibles, le proscrit les fait.
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Il n’est absolu qu’au point de vue des principes. Là son inflexibilité
commence. Là il cesse d’être ce que dans le jargon politique on nomme
« un homme pratique ». De là ses résignations à tout, aux violences, aux
injures, à la ruine, à l’exil. Que voulez-vous qu’il y fasse ? Il a
dans la bouche la vérité qui, au besoin, parlerait malgré lui.
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Les hommes d’état ont-ils raison ? Nous ne le pensons pas.
 
AÀ les entendre, tous les conseils que peut donner un proscrit sont
« chimériques ».
 
En admettant, disent-ils, que ces conseils aient pour eux la vérité,
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John Brown est vaincu à Harper’s Ferry. Les hommes d’état disent :
Pendez-le. Le proscrit dit : Respectez-le. On pend John Brown ; l’Union
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/32]]==
On pend John Brown ; l’Union
se disloque, la guerre du Sud éclate. John Brown épargné, c’était
l’Amérique épargnée.
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se penche sur les exils, il a voulu sauver John Brown, il a voulu
sauver Maximilien, il a voulu sauver la France, ce passé lui éclaire
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/33]]==
l’avenir, il voudrait fermer la plaie de la patrie et il demande
l’amnistie.
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En décembre 1851, quand celui qui écrit ces lignes arriva chez
l’étranger, la vie eut d’abord quelque dureté. C’est en exil surtout
que se fait sentir le res angusta domi .
 
Cette esquisse sommaire de « ce que c’est que l’exil » ne serait pas
complète si ce côté matériel de l’existence du proscrit n’était pas
indiqué, en passant, et du reste, avec la sobriété convenable.
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rendre aucun compte, entre autres les deux volumes des Oeuvres
oratoires. Napoléon le Petit fit seul exception. Quant aux
Châtiments , ils coûtèrent à l’auteur deux mille cinq cents francs.
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/34]]==
deux mille cinq cents francs.
Cette somme, confiée à l’éditeur Samuel, n’a jamais été remboursée. Le
produit total de toutes les éditions des Châtiments a été pendant
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Jeffs. Le théâtre anglais n’était pas moins hospitalier pour les pièces
françaises que la librairie anglaise pour les livres français. Aucun droit
d’auteur n’a jamais été payé pour Ruy Blas , joué plus de deux cents fois
en Angleterre.
 
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de Londres reprochait aux proscrits d’abuser de l’hospitalité anglaise.
 
Cette presse a souvent appelé celui qui écrit ces lignes, avare .
 
Elle l’appelait aussi « ivrogne », abandonned drinker .
 
Ces détails font partie de l’exil.
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vie pour lui et pour les siens. Tout est bien.
 
Y a-t-il du mérite à être proscrit ? Non. Cela revient à demander : Y
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/35]]==
demander : Y
a-t-il du mérite à être honnête homme ? Un proscrit est un honnête
homme qui persiste dans l’honnêteté. Voilà tout.
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Y meurt-il ? Non, il y vit.
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/36]]==
 
=== XIII ===
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droiture ; il est invincible ayant pour lui la réalité. Quelle force
que ceci : n’être rien ! N’avoir plus rien à soi, n’avoir plus rien sur
soi, c’est la meilleure condition de combat. Cette absence d’armure
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/37]]==
d’armure
prouve l’invulnérable. Pas de situation plus haute que celle-là, être
tombé pour la justice. En face de l’empereur se dresse le proscrit.
Ligne 1 047 ⟶ 1 098 :
C’est pourquoi celui qui écrit ceci a été pendant ces dix-neuf années
content et triste ; content de lui-même, triste d’autrui ; content de se
sentir honnête, triste du crime à extension indéfinie qui d’âme en
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/38]]==
extension indéfinie qui d’âme en
âme gagnait la conscience publique et avait fini par s’appeler la
satisfaction des intérêts. Il était indigné et accablé de ce malheur
Ligne 1 077 ⟶ 1 130 :
était pour cet homme une joie, parce qu’il était une puissance. Une
bulle dit de Luther excommunié, mais indompté : Stat coram pontifice
sicut Satanas coram Jehovah . La comparaison est juste, et le proscrit
qui parle ici le reconnaît. Par-dessus le silence fait en France,
par-dessus la tribune aplatie, par-dessus la presse bâillonnée, le
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pouvait prendre la parole et la prenait. Il défendait le suffrage
universel contre le plébiscite, le peuple contre la foule, la gloire
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/39]]==
contre le reître, la justice contre le juge, le flambeau contre le
bûcher, et Dieu contre le prêtre. De là ce long cri qui remplit ce
Ligne 1 119 ⟶ 1 174 :
 
Et dans toute cette ombre il a été aimé. La haine n’a pas été seule
sur lui ; un sombre amour rayonnait jusqu’à sa solitude ; il a senti
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/40]]==
solitude ; il a senti
la profonde chaleur du peuple doux et triste, l’ouverture des cœurs
s’est faite de son côté, il remercie l’immense âme humaine. Il a été
Ligne 1 127 ⟶ 1 184 :
admirable Paul Meurice, ce stoïque Schoelcher, et Ribeyrolles, et
Dulac, et Kesler, ces vaillants hommes, et toi, mon Charles, et toi,
mon Victor....Victor…-Je m’arrête. Laissez-moi me souvenir.
 
=== XV ===
Ligne 1 149 ⟶ 1 206 :
 
Le philosophe la distingue au fond de ses songes.
 
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/41]]==
 
=== XVI ===
Ligne 1 179 ⟶ 1 238 :
Koules on croit entendre bruire la fourmilière des rues. Charme
farouche. On regarde la mer et on voit Paris. Les grandes paix que
comportent ces espaces ne contrarient pas ce songe. Les vastes oublis
==[[Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/42]]==
contrarient pas ce songe. Les vastes oublis
qui vous environnent n’y font rien ; la pensée arrive au calme, mais à
un calme qui admet ce trouble ; l’épaisse enveloppe des ténèbres laisse
Ligne 1 197 ⟶ 1 258 :
 
Novembre 1875.
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