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== <center>{{sct|HistoireHISTOIRE<br /> ComiqueCOMIQVE<br /> desDES<br /> EstatsESTAT etET EmpiresEMPIRE<br /> deDE laLA<br /> Lune}}LVNE</center>==
 
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LA Lune eſtoit en ſon plein, le Ciel eſtoit
découvert, & neuf heures du ſoir eſtoient
ſonées, lors que revenant de
Clamard prés de Paris, (où Monſieur de
Guigny le fils, qui en eſt Seigneur, nous
avoit regalez pluſieurs de mes Amis &
moy,) les diverſes penſées que nous donna cette boule
de ſafran, nous défrayerent ſur le chemin : De ſorte
que les yeux noyez dans ce grand Aſtre, tantoſt l’un
le prenoit pour une Lucarne du Ciel ; tantoſt un autre
aſſeuroit que c’eſtoit la platine où Diane dreſſe les rabas
d’Apollon ; un autre, que ce pouvoit bien eſtre le
Soleil luy-meſme, qui s’eſtant au ſoir dépoüillé de ſes
rayons, regardoit par un trou ce qu’on fauſoit au Monde
quand il n’y eſtoit pas. Et moy, leur dis-je, qui ſouhaite
meſler mes antouſiaſmes aux voſtres, je croy,
 
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{{Lettrine|L|white|darkgrey|black|lignes=4}}A Lune eſtoit en ſon plein , le Ciel
ſans m’amuſer aux imaginations pointuës dont vous
eſtoit découuert, & neuf heures du
chatoüillez le Temps pour le faire marcher plus viſte,
ſoir eſtoient ſonnées , lors que re-
que la Lune eſt un Monde comme celuy-cy, à qui le
uenant de Clamard pres Paris, (où
noſtre ſert de Lune. Quelques-uns de la Compagnie
Monſieur de Guigy le fils, qui en eſt Seigneur,
me regalerent d’un grand éclat de rire. Ainsi peut-eſtre,
nous auoit regalez pluſieurs de mes Amis &
leur dis-je, ſe moque-t’on maintenant dans la
moy,) les diuerſes penſées que nous donna
Lune de quelque autre, qui ſouſtient que ce Globe cy
cette boule de ſafran, nous défrayerent ſur le
eſt un Monde. Mais j’eus beau leur alleguer que
chemin : de ſorte que les yeux noyez dans ce
pluſieurs grands Hommes avoient eſté de cette opinion, je
grand Aſtre, tantoſt l’vn le prenoit pour vne
ne les obligeay qu’à rire de plus belle.
Lucarne du Ciel ; tantoſt vn avtre aſſeuroit
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Cette penſée cependant, dont la hardieſſe biaiſoit à
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mon humeur, affermie par la contradi{{ligat|c|t}}ion, ſe plongea
que c’eſtoit la platine où Diane dreſſe les rabas
ſi profondement chez moy, que pendant tout le
d’Apollon ; vn autre, que ce pouuoit bien eſtre
reſte du chemin je demeurai gros de mille définitions
le Soleil luy-meſme, qui s’eſtant au ſoir dé-
de Lune, dont je ne pouvois accoucher. De ſorte qu’à
poüillé de ſes rayons, regardoit par vn trou ce
force d’appuyer cette croyance burleſque par des
qu’on faiſoit au Monde quand il n’y eſtoit pas.
raiſonnemens preſque ſerieux, il s’en falloit peu que je
Et moy, leur dis-je, qui ſouhaite meſler mes
n’y déferaſſe des-ja, quand le miracle ou l’accident, la
antouſiaſmes aux voſtres, ie croy, ſans m’a-
Providence, la Fortune, ou peut-eſtre ce qu’on nommera
muſer aux imaginations pointuës dont vous
viſion, fiction, chimere, ou folie ſi on veut, me
chatoüillez le Temps pour le faire marcher
fournir l’occaſion qui m’engagea à ce diſcours. Eſtant
plus viſte, que la Lune eſt vn Monde comme
arrivé chez-moy, je montay dans mon Cabinet, où je
celuy-cy, à qui le noſtre ſert de Lune. Quel-
trouvay ſur la table un Livre ouvert que je n’y avois point
ques-uns de la Compagnie me regalerent d’vn
mis. C’eſtoit celuy de Cardan ; & quoy que je n’euſſe
grand éclat de rire. Ainſi peut-eſtre, leur dis-
pas deſſein d’y lire, je tombay de la veuë, comme par
je, ſe moque-t’on maintenant dans la Lune
force, juſtement ſur une Histoire de ce Philoſophe, qui
de quelque autre, qui ſouſtient que ce Globe-
dit qu’eſtudiant un ſoir à la chandelle, il appeceut entrer
cy eſt un Monde. Mais i’eus beau leur alleguer
au travers des portes fermées, deux Vieillards,
que pluſieurs grands Hommes auoient eſté de
leſquels aprés beaucoup d’interrogations qu’il
cette opinion, ie ne les obligeay qu’à rire de
leur fit, répondirent qu’ils eſtoient habitans de la Lune,
plus belle.
& en meſme temps diſparurent. Le demeuray ſi ſurpris,
 
tant de voir un Livre qui s’eſtoit apporté là tout ſeul,
Cette penſée cependant, dont la hardieſſe
que du temps & de la feüille où il s’eſtoit rencontré
biaiſoit à mon humeur, affermie par la con-
ouvert, que je pris toute cette enchaiſnure d’incidens pour une inſpiration de faire connoiſtre aux hommes
tradiction, ſe plongea ſi profondement chez
que la Lune eſt un Monde. Quoy, diſoy-je en
moy, que pendant tout le reſte du chemin ie
moy-meſme, aprés avoir tout aujourd’huy parlé
demeurai gros de mille définitions de Lune ,
d’une choſe, un Livre qui eſt peut eſtre le ſeul au monde où
dont ie ne pouuois accoucher : de ſorte qu’à
force d’appuyer cette croyance burleſque par
des raiſonnemens preſque ſerieux, il s’en falloit
peu que ie n’y déferaſſe des-ja, quand le mira-
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cle ou l’accident, la Prouidence, la Fortune,
ou peut-eſtre ce qu’on nommera viſion, fi-
ction , chimere, ou folie ſi on veut, me four-
nit l’occaſion qui m’engagea à ce diſcours.
Eſtant arriué chez-moy, ie montay dans mon
Cabinet , où ie trouuay ſur la table vn Liure
ouuert que ie n’y auois point mis. C’eſtoit ce-
luy de Cardan  ; & quoy que ie n’euſſe pas deſ-
ſein d’y lire , ie tombay de la veuë , comme par
force, iuſtement ſur vne Histoire de ce Philo-
ſophe , qui dit , qu’eſtudiant vn ſoir à la chan-
delle, il apperceut entrer au trauers des portes
fermées, deux grands Vieillards, leſquels apres
beaucoup d’interrogations qu’il leur fit, ré-
pondirent qu’ils eſtoient habitans de la Lune,
& en meſme temps diſparurent. Ie demeuray
ſi ſurpris, tant de voir vn Liure qui s’eſtoit ap-
porté là tout ſeul, que du temps & de la feüille
où il s’eſtoit rencontré ouuert , que ie pris
toute cette enchaiſnure d’incidens pour vne
inſpiration de faire connoiſtre aux hommes
que la Lune eſt vn Monde. Quoy , diſoy-ie en
moy-meſme , apres auoir tout aujourd’huy
parlé d’vne choſe, vn Liure qui peut eſtre le
ſeul au monde où cette matiere ſe traitte ſi
particulierement , voler de ma Bibliotheque
ſur ma table, deuenir capable de raiſon, pour
s’ouurir iuſtement à l’endroit dvune auanture ſi
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merueulleuſe ; entraiſner mes yeux deſſus,
cette matiere ſe traitte ſi particulierement, voler de
comme par force, & fournir enſuite à ma fantaiſie les réflexions,
ma Bibliotheque ſur ma table, devenir capable de raiſon,
pour s’ouvrir juſtement à l’endroit d’une avanture
ſi merveulleuſe; entraiſner mes yeux deſſus, comme
par force, & fournir enſuite à ma fantaiſie les réflexions,
& à ma volonté les deſſeins que je fais ? Sans doute,
continuois-je, les deux Vieillards qui apparurent à ce
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riſon, & qu’il eſtoit là midy. Je vous laiſſe à penſer