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riſon, & qu’il eſtoit là midy. Je vous laiſſe à penſer
combien je fus eſtonné : certes je le fus de ſi bonne ſorte,
que ne ſçachant à quoy attribuer ce miracle, j’eus l’inſolence
de m’imaginer qu’en faveur de ma hardieſſe, Dieu
avoit encore une fois recloüé le Soleil aux Cieux, afin
d’éclairer une ſi genereuſe entrepriſe. Ce qui accrût
mon eſtonnement, ce fut de ne point connoiſtre le pays
où l’eſtois, veu qu’il me ſembloit qu’eſtant monté droit,
je devois eſtre deſcendu au meſme lieu d’où j’étois
party. Equipé pourtant comme l’eſtois, je m’apperceus
de la fumée; & j’en eſtois à peine à une portée de
piſtolet, que je me vis entouré d’un grand nombre d’hommes
tous nuds. Ils parurent fort ſurpris de ma
rencontre; car j’eſtois le premier, à ce que le penſe, qu’ils
euſſent jamais veu habillé de bouteilles. Et pour
renverſer encor toutes les interpretations qu’ils auroient pû
donner à cet équipage, ils voyoient qu’en marchant je
ne touchois preſque point à la terre : Auſſi ne ſçavoient-
ils pas qu’au moindre branle que je donnois à mon corps,
l’ardeur des rayons de Midy me ſoulevoit avec à ma roſée,
& que ſans que mes fioles n’eſtoient plus en aſſez grandnombre, j’euſſe eſté peut-être à leur veuë enlevé dans
les airs. Je les voulus aborder, mais comme ſi la
frayeur les euſt changez en oyſeaux, un moment les
vit perdre dans la Foreſt prochaine. J’en attrapay un
toutefois, dont les jambes ſans doute avoient trahy le
cœur. Je luy demaday avec bien de la peine, (car
j’eſtois tout eſſoufflé) combien l’on comptoit de là à
Paris, & depuis quand en France le monde alloit tout
nud, & pourquoy ils me fuyoient avec tant d’épouvante.
Cet homme à qui je parlois eſtoit un Vieillard
olivaſtre, qui d’abord ſe jetta à mes genoux ; &
joignat les mains en haut derriere la teſte, ouvrit la bouche
& ferma les yeux. Il marmotta long-temps entre ſes
dents, mais je n diſcernay point qu’il articulât rien: de
façon que je pris ſon langage pour le gazoüillement
enroüé d’un muet.
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