« Histoire d’Agathon ou Tableau philosophique des moeurs de la Grèce - Tome 2 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Ligne 250 :
=== CHAPITRE PREMIER. Dessein secret qu’Hippias forme contre la vertu d’Agathon. ===
 
NOUS soupçonnons que plusieurs de nos Lecteurs s’apperçoivent qu’Hippias, dans toute sa conduite avec Agathon, étoit persuadé qu’il avoit moins d’expérience & de connoissance du mon<!--Page 124-->de qu’il n’en avoit véritablement acquis. Nous devons dire à l’ex--cuti:l’excuse de ce Sage, qu’Agathon, par des raisons qui sont reniesrestées in-connuesinconnues, avoit jugé à-propos de lui flirefaire un secret de la partie brillante de ses aventures & lui avoit même caché sanson vrai nom ; car, quoiqu’Hippias, depuis qu’il demeuroit à Smirne, ise souciât fort peu des affaires publiques de la Grèce, qu’il croyoit a1lassez z bicsbien menées par ses amis & liésses disciples, ce nom étoit devenu trop fameux par le rôle qu’Agathon avoit joué à Athènes pour que son indifférence lui en eût dérobé la connoissànceconnoissance. Il ignoroit donc absolument que notre héros eût jamais été autre chose qu’un des serviteurs attachés au Temple de <!--Page 125-->Delphes : sa façon de penser ne pouvoit guère en faire juger plus favorablement. D’ailleurs des gens de son espéce peuvent avoir vécu dix ans de suite au milieu des hommes sans perdre cet air étranger & embarassé qui annonce au premier coup d’œil que ce pays-là n’est pas le leur. Ils sont encore bien moins capables de s’élever jamais à cette noble liberté qui rompt les chaînes de la raison ; à cette sage indifférence pour tout ce que les ames fanatiques appellent sentiment, & à cette finesse amollie du goût, par laquelle les gens du monde se distinguent si avantageusement.
Nous soupçonnons que plusieurs de nos Lecteurs s’apperçoivent qu’Hippias, dans toute sa conduite avec Agathon, étoit persuadé qu’il avoit moins d’expérience & de connoissance du mon-F ij
 
Ils peuvent bien faire des observations : mais privés de cette espéce d’instinct, de ce sentiment <!--Page 126-->sympathique qui fait que ces derniers se découvrent si subitement & si à rcmentsûrement, ou, pour mieux dire, privés de la faculté de voir comme les autres, ils ne peuvent jamais, malgré leurs efforts, se mettre à leur place & leur reflcmhierressembler. Ils restent toujours dans un pays inconnu où leurs pensées & leurs attentes fontsont trompées à chaque instant par des accidens imprévus ou des changemens inopinés.
<!--Page 124-->
 
:Agathon, avec tous ses talens, n’en était pas moins de cette classe. Il n’est donc pas surprenant que, malgré les profondes méditations qu’il fit sur l’entretien d’Hippias, il ne devina point les pensées dont ce Sage étoit occupé, & qu’il ne sut pas davantage que le mau<!--Page 127-->vais succès de son entreprise & le caprice extraordinaire qui l’avoit fit échouer avoit offensé sa vanité beaucoup plus qu’il ne le faisoit paroître. Hippias, en s’imaginant qu’Agathon fût effectivement ce qu’il sembloit être, le regardoit avec fondement comme une réfutation vivante de son systême. « Comment,» disoit-il, en se parlant à lui-même, circonstance qui lui arrivoit rarement, « j’ai vécu plus de quarante ans dans le monde. J’y ai vu une multitude d’hommes. Je n’en ai pas trouvé un seul qui n’ait applaudi à mes idées sur la nature humaine, & ce jeune homme m’aprendraitm’aprendroit à croire à la vertu ?&hellip; Oh ! criacela n’est pas possible,&hellip; C’est un fanatique ou un hipocrite.hi<!--Page 128-->pocrite&hellip; Quel qu’il soit je prétends le pénétrer.&hellip; Il me vient une idée.&hellip; Mais&hellip; oui&hellip; elle estiest excellente,&hellip; ce moyen nieme réussira.&hellip; Il ne poura échapper. Il succombera s’il est fanatique & si ce n’est qu’un charlatincharlatan il se démasquera. I1Il a réfutérésisté à CyancCyane. Il en est fier, il en a pris plus d’assurance, qu’importe ? Cela ne prouve encore rien. L’épreuve à laquelle je le destine est bien plus forte.&hellip; S’il en triomphe je n’y conçois plus rien. Il faut qu’il fuitsoit&hellip; Mais je sçais le parti que j’aurai alors à prendre. Il a eu l’audace de me l’indiquer&hellip; Je chasserai toutes niesmes di:lavesesclaves&hellip; Je donnerai mon palais aux Prétres de Cybèle&hellip; Je me retireraireti<!--Page 129-->rerai sur les rives du Gange&hellip; Je me fourerai dans un vieux palmier, & là les yeux fermés & la tête baissée & entre mes genoux, je ruerairesterai dans la même posture jusqu’à ce qu’en dépit de mes sens je m’imagine que je n’éxiste plus &hellip;»
de qu’il n’en avoit véritablement acquis. Nous devons dire à l’ex--cuti: de ce Sage, qu’Agathon, par des raisons qui sont renies in-connues, avoit jugé à-propos de lui flire un secret de la partie brillante de ses aventures & lui avoit même caché san vrai nom ; car, quoiqu’Hippias, depuis qu’il demeuroit à Smirne, i souciât fort peu des affaires publiques de la Grèce, qu’il croyoit a1l z bics menées par ses amis & liés disciples, ce nom étoit devenu trop fameux par le rôle qu’Agathon avoit joué à Athènes pour que son indifférence lui en eût dérobé la connoissànce. Il ignoroit donc absolument que notre héros eût jamais été autre chose qu’un des serviteurs attachés au Temple de
 
Ce vœu, sans doute, étoit dur : mais Hippias étoit convaincu qu’il ne sèroitseroit point obligé de l’accomplir, & pour ne point perdre de temps, il se prépara désdès le même jour à exécuter son dessein.
<!--Page 125-->
 
Delphes : sa façon de l’enfer ne pouvoit guère en faire juger plus favorablement. D’ailleurs des gens de son espéce peuvent avoir vécu dix ans de suite au milieu des hommes sans perdre cet air étranger & embarassé qui annonce au premier coup d’œil que ce pays-là n’est pas le leur. Ils sont encore bien moins capables de s’élever jamais à cette noble liberté qui rompt les chaînes de la raison ; à cette sage indifférence pour tout ce que les ames fanatiques appellent fenrinlent, & à cette finesse amollie du goût, par laquelle les gens du monde se distinguent si avantageusement.
 
Ils peuvent bien faire des observations : mais privés de cette espéce d’instinct, de ce sendiment
 
<!--Page 126-->
 
sympathique qui fait que ces derniers se découvrent si subitement & si à rcment, ou, pour mieux dire, privés de la faculté de voir comme les autres, ils ne peuvent jamais, malgré leurs efforts, se mettre à leur place & leur reflcmhier. Ils restent toujours dans un pays inconnu où leurs pensées & leurs attentes font trompées à chaque instant par des accidens imprévus ou des changemens inopinés.
 
Agathon, avec tous ses talens, n’en était pas moins de cette classe. Il n’est donc pas surprenant que, malgré les profondes méditations qu’il fit sur l’entretien d’Hippias, il ne devina point les pensées dont ce Sage était occupé, & qu’il ne sut pas davantage que le mau-
 
<!--Page 127-->
 
vais succès de son entreprise & le caprice extraordinaire qui l’avoit fit échouer avoit ofensé sa vanité beaucoup plus qu’il ne le faisoit paroitre. Hippias, en s’imaginant qu’Agathon fût cifeâivement ce qu’il sembloit être, le regardoit avec fondement comme une réfutation vivante de son système.
 
:« Comment,» disoit-il, en se parlant à lui-même, circonstance qui lui arrivoit rarement, « j’ai vécu plus de quarante ans dans le monde. J’y ai vu une multitude d’hommes. Je n’en ai pas trouvé un seul qui n’ait applaudi à mes idées sur la nature humaine, & ce jeune homme m’aprendrait à croire à la vertu ? Oh ! cria n’est pas possible, C’est un fanatique ou un hipocrite. Quel qu’il soit je prétends le pénétrer. Il me vient une idée. Mais oui elle esti excellente, ce moyen nie réussira. Il ne poura échapper. Il succombera s’il est fanatique & si ce n’est qu’un charlatin il se démasquera. I1 a réfuté à Cyanc. Il en est fier, il en a pris plus d’assurance, qu’importe ? Cela ne prouve encore rien. L’épreuve à laquelle je le destine est bien plus forte. S’il en triomphe je n’y conçois plus rien. Il faut qu’il fuit Mais je sçais le parti que j’aurai alors à prendre. Il a eu l’audace de me l’indiquer Je chasserai toutes nies di:laves Je donnerai mon palais aux Prétres de Cybèle&hellip; Je me retirerai sur les rives du Gange&hellip; Je me fourerai dans un vieux palmier, & là les yeux fermés & la tête baissée & entre mes genoux, je ruerai dans la même posture jusqu’à ce qu’en dépit de mes sens je m’imagine que je n’éxiste plus »
 
Ce vœu, sans doute, étoit dur : mais Hippias étoit convaincu qu’il ne sèroit point obligé de l’accomplir, & pour ne point perdre de temps, il se prépara dés le même jour à exécuter son dessein.
 
=== CHAPITRE II. Hippias rend visite à une Dame ===