« Histoire d’Agathon ou Tableau philosophique des moeurs de la Grèce - Tome 2 » : différence entre les versions

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Nous scavons de notre ami Plutarque que de très-petits évenemens deviennent souvent remarquables par de grands effets.
 
• Il en es de même de nos anionsactions.
 
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Les plus légères nous laissent souvent lire plus profondément dans le cœur des hommes, que les actions d’éclat auxquelles on s’attend d’avance, & qui sont exposées au jugement du public. C’est la vérité de cette observation qui nous a fait entrer dans tous les détails de la Pantomime d’Apollon & de Daphné. A quoi eh-elle été bonne sans les effets qui la suivirent ? On nous reproche.. Toit de nous être appésanti sur une chose qui paroit en elle-même aussi indifférente. Mais nous espérons Iléus justifier parfaitement. Il ne faut pour cela que parler de l’aimable Psyché, dont Agathon avoit été si cruellement séparé sr le vaisseau des Pirates. Elle avoir rempli jusqu’à
 
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présent la premiere place dans son cœur. Elle étoit la seule parmi tous les Elles qui affectent les sens ( & nous n’ajoutons pas, sans raison, cette restriction, toute étrange qu’elle puisse paroitre à des Anti-Platoniciens ) dont il eût été touché. Il n’avoit vu aucune femme, depuis leur séparation, qui, au seul souvenir de Psyché, n’eût perdu tout pouvoir sur son cœur & même sur ses sens, dont lés mouvemens, comme on sçait, ne font pas toujours inséparables
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faiseurs de Romans se l’imaginent assez mal-à-propos. A dire le vrai ce n’étoit point par l’effet de cette fidélité & de cette constance héroïque dont ces Messieurs, encore plus mal-à-pro-
 
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pos, font toujours une vertu de la premiere classe, qu’elle avoit gardé cet empire. EIle ne l’avoit conservé uniquement que parce que le souvenir qu’il avait d’elle lui était plus agréable que les impressions que toutes les autres beautés avaient pu faire sur lui, ou parce qu’il n’en avoir vu aucune qui convint plus à son cœur. Une expérience de quelques années l’avoit persuadé qu’il feroit toujours le même ; & c’es ce qui donna peut-être lieu à l’étonnement dont il fut saisi en voyant Danaë la premiere fois. Elle lui parut réunir tant de perfedions que son imagination ne se forma point d’objet qui pût lui être comparé. Il aurait fallu qu’il n’eût pas été Agathon pour que
 
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cette apparition extraordinaire me se fût pas emparée de ‘fon «me entiere. La taille, les regards, le sourire, les gales, la démarche, tout en Danaë avoir cette perfcaion que les Poëtes ont coutume d’attribuer aux Déesses. Il n’est donc pas surprenant que, pendant les premieres heures, il ne fût occupé que de son admiration, & que son ame enchantée n’eût pas encore eu le temps de refléchir sur ce qui se passoit en elle. En effet, toutes les autres facultés étoient tellement suspendues, que contre son ordinaire, il le souvint tout aussi peu de sa Psyché, pendant ce temps, que si elle n’avoit jamais éxisté. Mais lorsque la jeune Danseuse parut, quelqu’air de
 
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ressemblance qu’il lui trouva ef’feaivement avec Pfyché, lui remit, tout d’un coup, gtmi u’idiilin&ement, l’image de sa mai’trel% absente devant les yeux. Son imagination, par un effet m&hanique ordinaire, mit Psyché à la place de cette Daphné, & quand il trouva tant de sujets de critiquer la Danseuse, ce n’étoit au fonds, que parce que la comparaison lui fit voir l’illusion du premier coup d’ail, ou peut-être, parce que ce n’étoit pas véritablement Psyché. Quelqu’ordinaires que soient ces jeux de l’imagination, il est pourtant fort rare qu’on distingue bien l’influence qu’ils ont sur notre jugement & sur nos panchans. Agathon même, qui depuis son en-
 
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fance, s’émit fait une étude continuelle de suivre & d’apprécier les relTorts secrets de ses mouvement intérieurs, ne s’appercevoit, cependant pas, de ce qui se passoit, â cette occasion, dans son imagination. Ce ne fut qu’au nom de Psyché, à ce nom qui, tant de fois, avoit enchanté son oreille qu’il se sentit ému, 6& qu’il éprouva une confusion de fend-mens qu’il eut peine lui-même à décrire, si nous en jugeons par l’obscurité qui regne à cet égard dans notre original. Quelque puise avoir été la cause de cette imprelon, il dit, certain qu’il étoit bien éloigné de soupçonner que le génie de son premier amour y avoit quelque part. Il ne pensoit point qu’il pût étre
 
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choqué de trouver une rivale dans un cœur qu’il avoit toujours vu remplir par Psyché seule. Son illusion, si toutes fois, c’en etoit une, paroit d’autant plus excusable que ce nom chéri reveilla, effectivement, toute sa tendresse pendant quelques momens. Ce n’en que dans ce temps qu’il observa la ressemblançe des deux Psychés. Il les compara avec un préjugé si favorable à l’absente que l’autre ne lui servit que d’ombre. Un souvenir si vif auroit peut-étre même fâit du toit à la belle Danaë si elle n’eût imaginé de se mettre à la place de la petite Danseuse ; si, par une cfpcce d’inspiration, & comme si elle eût deviné ce qui se passoit dans l’anse !’Agathon, n’eût figuré la
 
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Daphné idéale qu’il avoit imaginée, & n’en eût saisi aussi vite & aussi promptement le caractère. En effet, elle ne pouvoit pas jouer un tour plus cruel à l’une & à l’autre Psyché. Toutes les deux furent effacées par son éclat comme les étoiles le font par l’aurore. Et comment l’image de Psyché absente auroit-elle pu l’occuper plus longtemps? Toutes les facultés de son ame, tendues sur ce nouvel objet enchanteur, lui paroissoient à-peine suffire pour en sentir toute la perfection. Il croyoit voir en Danaë la Venus morale accompagnée de fes,races qu’il s’étoit créée, & dont Psyché, toute aimable qu’elle fût, ne lui avoit jamais paru que l’ombre.
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Précisément Hippias pour pente« • que certaine* beauté plus; palpa-bics ."que cette Venus, mais aussi parfaites dans leur espéce, n’avoient pas contribué à cet enchantement. beaucoup plus qû’Agathon même ne le croyoit. La Pantomime de Danaë l’avoir transporté dans un monde imaginaire : mais l’habit de Nimphe, qu’exigeoit cette danse, n’étoit que trop propre à développer dans toute leur étendue’& dans tout leur jour des charmes dont la réalité avoit bien pu sécourir l’imagination. La Déesse de l’amour même n’auroit pu s’exposer, avec plus de confiance, a l’aeill’œil du connoisseur le plus révère, & même à celui d’une rivale que
 
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Danaë
 
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Danaë n’en avoit dû prendre dans son ajustement. Le caractère de l’innocence qu’elle imitoit, avec tant de vérité, paroissoit recevoir d’elle une expression encore plus vive. Tout autre qu’Agathon eût, sans doute,’couru trop de danger d’y perdre la sienne, mais tandis que tous les spectateurs seroient volontiers devenus des Apollons, ce qui se pali"oiten lui.ne devoit inspirer aucune crainte à Danaë. Les beautés palpables qui se confondoient à les yeux avec les beautés immatérielles, avoient beau animer la vivacité de ses sentimens, elles n’en purent changer la nature. Jamais ils n’avoient été plus purs, ni plus dépourvus de désirs, ni plus éloignés de matérialisme. En
 
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<small>II. Partie. I
 
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un mot, tout aussi paradoxe qu’il pourri le paroitre ces hommes qui ne voient qu’une feme dans la femme la plus parfaite, Danaë, avec un air & des graces, qui pour parler comme le sage Hippias, auroient pu changer en corps un esprit, changea ce jeune homme extraordinaire en un esprit si complet, que l’on peut dire que les fubifances aëriennes étoient plus palpables que lui.
 
<div style="text-align:center;">Fin de la fecondeseconde Partie</div>
 
<small>Table
 
HISTOIRE D’AGATHON OU 1
 
TABLEAU PHILOSOPHIQUE 1
 
DES MOEURS DE LA GRÉCE, 1
 
SECONDE PARTIE. 1
 
LIVRE TROISIEME 1
 
CHAPITRE PREMIER. Introduction à un discours intéressant d’Hippias. 1
 
CHAPITRE II. Théorie des sentimens agréables. 3
 
CHAPITRE III. La Pfrycologie d’un vrai Matériallye. 7
 
CHAPITRE IV. Dans lequel Hippias donne de meilleures conclusions. 9
 
CHAPITRE V. L’Antiplatonisme en abrégé. 13
 
CHAPITRE VI. Indocilité d’Agathon. 18
 
LIVRE QUATRIEME. 25
 
CHAPITRE PREMIER. Dessein secret qu’Hippias forme contre la vertu d’Agathon. 25
 
CHAPITRE II. Hippias rend visite â une Dame. 26
 
CHAPITRE II Histoire de la belle Danaë. 32
 
CHAPITRE IV. Combien il est dangereux d’avoir une imagination qui embellit les objets. 34
 
CHAPITRE V. Pantomimes. 35
 
CHAPITRE VI. Anecdotes. 38
 
TABLE 40</small>