« Clair de lune (recueil, 1884)/Les Bijoux » : différence entre les versions

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M. Lantin, ayant rencontré cette jeune fille, dans une soirée, chez son sous-chef de bureau, l’amour l’enveloppa comme un filet.
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Elles étaient pauvres et honorables, tranquilles et douces. La jeune fille semblait le type absolu de l’honnête femme à laquelle le jeune homme sage rêve de confier sa vie. Sa beauté modeste avait un charme de pudeur angélique, et l’imperceptible sourire qui ne quittait point ses lèvres semblait un reflet de son cœur.
 
Tout le monde chantait ses louanges ; tous ceux qui la connaissait
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répétaient sans fin : « Heureux celui qui la prendra. On ne pourrait trouver mieux. »
 
M. Lantin, alors commis principal, au ministère de l’Intérieur, aux appointements annuels de trois mille cinq francs, la demanda en mariage et l’épousa.
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Son mari, que choquait un peu cet amour du clinquant, répétait souvent : « Ma chère, quand on n’a pas le moyen de se payer des bijoux véritables, on ne se montre parée que de sa beauté et de sa grâce, voilà encore les plus rares joyaux. »
 
Mais elle souriait doucement et répétait : « Que veux-tu ?
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J’aime ça. C’est mon vice. Je sais bien que tu as raison ; mais on ne se refait pas. J’aurais adoré les bijoux, moi ! »
 
Et elle faisait rouler dans ses doigts les colliers de perles, miroiter les facettes de cristaux taillés, en répétant : « Mais regarde donc comme c’est bien fait. On jurerait du vrai. »
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Il avait gardé intacte la chambre de sa compagne où il s’enfermait tous les jours pour penser à elle ; et tous les meubles, ses vêtements mêmes demeuraient à leur place comme ils se trouvaient au dernier jour.
 
Mais la vie se faisait dure pour lui. Ses appointements, qui, entre les mains de sa femme, suffisaient aux besoins du ménage, devenaient, à présent, insuffisants pour lui tout seul. Et il se demandait avec stupeur comment elle avait su s’y prendre pour lui faire boire toujours des vins excellents et
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manger des nourritures délicates qu’il ne pouvait plus se procurer avec ses modestes ressources.
 
Il fit quelques dettes et courut après l’argent à la façon des gens réduits aux expédients. Un matin enfin, comme il se trouvait sans un sou, une semaine entière avant la fin du mois, il songea à vendre quelque chose ; et tout de suite la pensée lui vint de se défaire de la « pacotille » de sa femme, car il avait gardé au fond du cœur une sorte de rancune contre ces « trompe-l’œil » qui l’irritaient autrefois. Leur vue même, chaque jour, lui gâtait un peu le souvenir de sa bien-aimée.
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— Monsieur, cela vaut de douze à quinze mille francs ; mais je ne pourrais l’acheter que si vous m’en faisiez connaître exactement la provenance.
 
Le veuf ouvrit des yeux énormes et demeura béant, ne comprenant pas. Il balbutia enfin : « Vous dites… Vous êtes sûr ? » L’autre se méprit sur son étonnement, et, d’un ton sec : « Vous pouvez chercher ailleurs si on vous en donne davantage.
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Pour moi, cela vaut, au plus, quinze mille. Vous reviendrez me trouver si vous ne trouvez pas mieux. »
 
M. Lantin, tout à fait idiot, reprit son collier et s’en alla, obéissant à un confus besoin de se trouver seul et de réfléchir.
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— Mais oui, certainement. Et il sortit en pliant le papier qu’il mit dans sa poche.
 
Puis il traversa la rue, la remonta, s’aperçut qu’il se trompait de route, redescendit aux Tuileries, passa la Seine, reconnut encore son erreur, revint aux Champs-Élysées sans une idée nette dans la tête. Il s’efforçait de raisonner, de comprendre. Sa femme n’avait pu acheter un objet d’une pareille
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valeur. - Non, certes. – Mais alors, c’était un cadeau ! Un cadeau ! Un cadeau de qui ? Pourquoi ?
 
Il s’était arrêté et il demeurait debout au milieu de l’avenue. Le doute horrible l’effleura. – Elle ? - Mais alors tous les autres bijoux étaient aussi des cadeaux ! Il lui sembla que la terre remuait ; qu’un arbre, devant lui, s’abattait ; il étendit les bras et s’écroula, privé de sentiment.
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Il avait faim pourtant, grand’faim, et pas un sou. Il se décida brusquement, traversa la rue en courant pour ne pas se laisser le temps de réfléchir, et il se précipita chez l’orfèvre.
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Dès qu’il l’aperçut, le marchand s’empressa, offrit un siège avec une politesse souriante. Les commis eux-mêmes arrivèrent, qui regardaient de côté Lantin, avec des gaietés dans les yeux et sur les lèvres.
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Lantin prononça gravement :
 
— C’est une manière comme
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une autre de placer son argent. Et il s’en alla après avoir décidé avec l’acquéreur qu’une contre-expertise aurait lieu le lendemain.
 
Quand il se trouva dans la rue, il regarda la colonne Vendôme avec l’envie d’y grimper, comme si c’eût été un mât de cocagne. Il se sentait léger à jouer à saute-mouton par-dessus la statue de l’Empereur perché là-haut dans le ciel.
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