« Clair de lune (recueil, 1884)/Un coup d’État » : différence entre les versions

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Paris venait d’apprendre le désastre de Sedan. La République était proclamée. La France entière haletait au début de cette démence qui dura jusqu’après la Commune. On jouait au soldat d’un bout à l’autre du pays.
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Chacun se croyait appelé à jouer un grand rôle militaire. Les cafés des moindres villages, pleins de commerçants en uniforme, ressemblaient à des casernes ou à des ambulances.
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Le bourg de Canneville ignorait encore les affolantes nouvelles de l’armée et de la capitale ; mais une extrême agitation le remuait depuis un mois, les partis adverses se trouvaient face à face.
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Et comme le paysan reprenait : « Ça a commencé par des fourmis qui me couraient censément le long des jambes », le docteur Massarel s’écria :
 
— Fichez-moi la paix ; j’ai bien le temps de m’occuper de vos bêtises. La République est proclamée, l’Empereur est prisonnier, la France est sauvée. Vive la République !
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Et courant à la porte, il beugla : Céleste, vite, Céleste !
 
La bonne épouvantée accourut ; il bredouillait tant il parlait rapidement.
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Il réfléchit quelques secondes devant les visages ahuris de ses subordonnés, puis reprit :
 
— Il faut agir et ne pas hésiter ; les minutes valent des heures dans des instants pareils. Tout dépend de la promptitude des décisions. Vous, Picart, allez trouver le curé et sommez-le de sonner le tocsin pour réunir la population que
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je vais prévenir. Vous, Torchebeuf, battez le rappel dans toute la commune jusqu’aux hameaux de la Gerisaie et de Salmare pour rassembler la milice en armes sur la place. Vous, Pommel, revêtez promptement votre uniforme, rien que la tunique et le képi. Nous allons occuper ensemble la mairie et sommer M. de Varnetot de me remettre ses pouvoirs. C’est compris ?
 
— Oui.
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Puis, il se replia vers ses officiers.
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Le boucher, le boulanger et le pharmacien, inquiets, accrochèrent leurs volets et fermèrent leurs boutiques. Seul l’épicier demeura ouvert.
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Et, déposant son sabre et son revolver aux mains d’un soldat, il s’avança d’un pas lent, l’œil fixé sur les fenêtres, s’attendant à en voir sortir un canon de fusil braqué sur lui.
 
Comme il n’était qu’à quelques pas du bâtiment, les portes des deux extrémités donnant entrée dans les deux écoles s’ouvrirent, et un flot de petits êtres, garçons par-ci, filles par-là, s’en échappèrent et se mirent à jouer sur la grande place
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vide, piaillant,comme un troupeau d’oies, autour du docteur, qui ne pouvait se faire entendre.
 
Aussitôt les derniers élèves sortis, les deux portes s’étaient refermées.
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A M. le nouveau préfet républicain de la Seine-Inférieure, à Rouen ;
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A M. le nouveau sous-préfet républicain de Dieppe.
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La milice en armes occupait la place. Tous les habitants s’étaient réunis autour de cette troupe, attendant une solution. Ceux des villages voisins arrivaient pour voir.
 
Alors, le docteur, comprenant qu’il jouait sa réputation, résolut d’en finir d’une manière ou d’une autre ; et il allait
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prendre une résolution quelconque, énergique assurément, quand la porte du télégraphe s’ouvrit et la petite servante de la directrice parut, tenant à la main deux papiers.
 
Elle se dirigea d’abord vers le commandant et lui remit une des dépêches ; puis, traversant le milieu désert de la place, intimidée par tous les yeux fixés sur elle, baissant la tête et trottant menu, elle alla frapper doucement à la maison barricadée comme si elle eût ignoré qu’un parti armé s’y cachait.
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La porte restait fermée. Que faire? La foule augmentait, se serrait autour de la milice. On riait.
 
Une réflexion surtout torturait le médecin. S’il donnait l’assaut, il faudrait marcher à la tête de ses hommes ; et comme, lui mort, toute contestation cesserait, c’était sur lui, sur lui seul que tireraient M. de Varnetot et ses trois gardes. Et ils tiraient bien, très bien ; Picart venait encore de le lui répéterrépé
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ter. Mais une idée l’illumina et, se tournant vers Pommel :
 
— Allez vite prier le pharmacien de me prêter une serviette et un bâton.
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A son tour, il les contempla, indigné de leur indifférence, cherchant ce qu’il pourrait dire, ce qu’il pourrait faire pour frapper un grand coup, électriser ce pays placide, remplir sa mission d’initiateur.
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Mais une inspiration l’envahit et, se tournant vers Pommel : « Lieutenant, allez chercher le buste de l’ex-empereur qui est dans la salle des délibérations du conseil municipal, et apportez-le avec une chaise. »
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La balle creusa dans le front un petit trou noir, pareil à une tache, presque rien. L’effet était manqué. M. Massarel tira un second coup, qui fit un second trou, puis un troisième, puis, sans s’arrêter, il lâcha les trois derniers. Le front de Napoléon volait en poussière blanche, mais les yeux, le nez et les fines pointes des moustaches restaient intacts.
 
Alors, exaspéré, le docteur renversa la chaise d’un coup de poing et, appuyant un pied sur le reste du buste, dans une
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posture de triomphateur, il se tourna vers le public abasourdi en vociférant : « Périssent ainsi tous les traîtres ! »
 
Mais comme aucun enthousiasme ne se manifestait encore, comme les spectateurs semblaient stupides d’étonnement, le commandant cria aux hommes de la milice : « Vous pouvez maintenant regagner vos foyers. » Et il se dirigea lui-même à grands pas vers sa maison, comme s’il eût fui.
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