« Les Reposoirs de la procession (1893)/Tome I » : différence entre les versions

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Croyant à des idées subtiles sinon avares qu’un déguisement protège, je vois le saisissable en miséricordieux et joli mensonge de la Beauté, vérité première.
 
Cette formidable Isis, dont la soudaine intensité ferait mourir, s’édulcore par d’innocents reliefs et dégage d’enfantins phénomènes à l’usage de la poussive aperception et du malingre entendement de l’homme peureux, — et voici l’univers sensible : bénigne aumône de l’apocalypse latente (1).
 
Vivre, c’est donc assister à la Comédie des Secrets représentée dans l’incommensurable décor de la Pitié.
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Spectacle acroanlatique dont il sied de hardiment rechercher les clefs, car ses personnages aux gestes de vent, de fleuve, de
 
1. L’Univers est une catastrophe tranquille ; le poëte démêle, cherche ce qui respire à peine sous les décombres et le ramène à la surface de vie [(Notes.)
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foule, jouent sous un masque épais comme la montagne ou menu comme le parfum de fleur, car il est ésotérique ce spectacle traité d’exotérique par la quiète ignorance des Simples.
 
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Toutes les sciences incubant en nous à l’état potenéiel et divinatoire, nous pouvons savoir tout par nous-mème, — par l’élémentaire raison que le Trésor virtualise en l’hypothèse de l’homme et que
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c’est à l’homme de le reconnaître et de l’émanciper.
 
Les commentateurs de l’hypostase disaient de Jésus (1) que sa personne contenait les natures humaine et divine, nous dirons du poëte que son âme a deux sexes : elle produira si elle se cultive.
 
{{astérisme}}
 
Se mirer : perpétuelle occupation de la Beauté.
 
Ses miroirs : les hommes.
 
La Beauté reste la même, mais les miroirs diffèrent.
 
i. D’aucuns noua bernent de parfois citer Jésus. Ne fut-il par compagnon de sagesse et poëte de charme ? Il devrait être licite de le préférer à Rougcnmacquart.
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Plasticiser son reflet constitue 1 œuvre (2).
 
Le domaine de ces beautés individuelles, expressions diverses de l’originelle Beauté, a nom l’Art ; la supériorité de l’une d’elles s’appelle chef-d’œuvre (3).
 
N’imputons pas à l’inspiratrice Beauté les défauts d’une œuvre,mais au poète.
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La cigale au miroir vierge chante clair ; celle au miroir terni chante trouble ;
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d’autres ne chantent point, le mal ayant passé qui creva les miroirs. Ainsi des poètes.
 
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L’homme et Dieu sont solidaires au point de se confondre (i).
 
La Beauté ne peut rien sans nous, nous ne pouvons rien sans elle.
 
Que si même tous nos miroirs se fanaient ou se cassaient à la fois, la Beauté mise dans l’impossibilité de se mirer qui est toute sa raison d’être cesserait d’exister : la vie divine est à la merci de la vie humaine.
 
L’Artnôtre,on le voit,est par-dessus tout l’Art de l’homme.
 
Art de l’avènement de toutes les intelligences ! art d’initiative et de spontanéité ! art ipséiste par excellence ! idéalanarchie ! religion prométhéenne !
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Il suffit à l’esprit humain de secouer les
 
1. La ligue do l’homme et de Dieu produit le poêlepoête.
 
chaînes
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chaînes de la crainte et d’avoir fermement conscience de sa valeur.
 
L’orgueil de l’homme est sans doute pour les pusillanimes traditionnaires la fin de la sagesse, mais pour nous il est à coup sûr le commencement du génie (1).
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Au surplus, qu’est-ce que Dieu, sinon . l’homme levant éminemment le front, sinon la plus haute expression de l’humanité, sinon le meilleur de nous-mêmes, sinon l’homme des hommes (1) ?
 
{{astérisme}}
* *
 
L’inconnu,ceconnaissable,varie suivant ses explorateurs. L’absolu se personnalise, l’universel s’individualise.
 
Un même problème se pose à tous les esprits, mais chaque esprit peut trouver une
 
i. Dieu, figure sublime de ses créatures !
Dieu, vigne de nos désirs !
Dieu, chêne de nos espérances !
Dieu, résultat de nos volontés !
Dieu, synthèse de nos idées !
Dieu, nom parfait de la science humaine !
 
(Rôle de Magnas : litanies de Dieu.)
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solution particulière en accord parfait avec les données générales.
 
solution particulière en accord parfait avec les données générales.
 
L’entière fortune de l’Art tient dans cet élémentaire article de foi. Qui n’y croit pas restera citoyen de l’assimilation ; qui ne le pratique pas s’émascule d’originalité, ne sera jamais un créateur.
 
Jusqu’à l’objet et le phénomène, centres de départ, tous les hommes, à quelques détails près, sentent identiquement, mais ensuite des rayons divers les mènent vers le circonférentiel domaine qui s’étend à l’infini (1) : panorama régnant autour de chaque chose, et d’une virginité sans cesse renouvelée. Cet intégral panorama qui plonge dans l’éternité et dont il est un pétale intégrant, le poète, dès qu’il y pénètre, s’en institue le premier occupant, le législateur, le roi.
 
1. Tout chemin mène à Dieu.
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1. L’Inconnu, seul vrai domaine de la création.
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Mon vœu premier fut, écartant le relatif, de dévisager l’absolu (1).
 
1. « Imagiuation du relatif », « luxe de la nature », ainsi fut une fois défini par mon changeant esprit l’Absolu qu’en plus je disais ultérieur aux contingences. J’ai encore pensé que la métaphysique est le songe de la physique, et j’ai aussi considéré l’idéalisme comme l’extraordinaire floraison du la matière. L’homme primitif aurait imaginé cet Absolu à la lumière des astres neufs, dans son épouvanté besoin d’accorder une cause sage aux phénomènes vagabonds. Pris au piège de sa fantaisie (telle une femme s’englue à son mensonge) l’homme s’efforcerait ensuite d’analyser l’invention qu’il ne se rappellerait avoir édifiée en des temps d’enfance ; par l’art, dès la civilisation, et passées les Deuf époques d’imagination, il veut enfin voir et toucher ses idées, connaître les hôtes-fils de son cerveau, admirer son rêve sculpté, jouir de la végéta
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tion luxuriante de sa belle folie. A ce compte l’homme apparaîtrait son propre parasite. L’homme vierge ayant la prescience de ses vertus et de ses vices futurs et suspendant lui-même sur son avenir l’espérance et le remords, la récompense et le supplice, serait-ce pas un fait de sagace vision, une politique de haute sauvegarde ? O cet immense code du mystère menaçant notre conscience avertie ! Et puis c’est si bon de se domer l’illusion de n’être pas seulement l’éphémère pèlerin des routes humaines et qu’on transfugera quelque jour dans un monde chimérique — devenu vrai, qui sait ?par la force séculaire do notre foi. Au surplus que le Mystère sorte de nous ou que nous sortions de lui, peu importe ! Il existe, et cela seul intéresse.
 
i. La forme est fleur, le fond est fruit [Cœcilian).
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conseillait au pâle pensant de s’en tenir au seuil de tel monstre.
 
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Il sied de les fuir à la saison du rêve, mais, pour valoir, l’œuvre éxige que l’explorateur au faix léger d’abstractions revienne au clocher natal des éléments pour y acclimater ses captives après les avoir (cristallisant leur être d’absence en être de présence) affublées de vraisemblable vie, pour enfin s’acquitter de sa tâche qui est d’humaniser le surhumain, de possibiliser le divin, — bref d’organiser et de définitiver ici-bas la larve ravie à la
 
I. Le monde, galimatias d’une palette ou d’un chantier de construction : reste à faire l’édifice ou le tableau.
 
Les objets, lettres d’alphabet servant à rendre notre mystère compréhensible.
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Les choses sont au poëte ce que les notes de musique sont au musicien.
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chrysalide obscure de l’éternité, et d’ainsi résoudre le miracle de l’œuvre.
 
La règle première du poète est de dématérialiser le sensible pour pénétrer l’intelligible et percevoir l’idée ; la règle seconde est, cette essence une fois connue, d’en immatérialiser, au gré de son idiosyncrasie (1), les concepts. Ce renouvellement intégral ou partiel de la face du monde caractérise l’œuvre du poëte : par laforme il s’affirme démiurge et davantag e, car par la ciselure dont il revêt l’or sublime le poète corrige Dieu.
 
*
 
{{astérisme}}
* *
 
Osons le reconnaître, le « fini » infériorise.
 
1. Sortir l’idée de sa gangue et l’élucider. iMais, si on ne la retenait, l’idée s’envolerait ! Il est donc pru
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En vérité la fée Métaphysique s’accommode mal d’une chaîne de lignes, et la draperie matérielle avec laquelle nous la valabilisons amoindrit son initiale nudité. L’œuvre, même excellente, n’est que le souvenir imparfait d’un instant parfait ; toute création s’avoue nécessairement inférieure à la conception, entre celle-ci et celle-là se plaçant une regrettable période d’usure et d’oubli (1).
 
D’où il appert que se confiner dans la jouissante contemplation, ne point réaliser, serait la meilleure conduite et la plus sûre manière : le supergénie.
 
dent de lui jeter notre chasuble d’art sur les épaules ou de l’enclore en le globe de vitrail de notre]culte, tant pour lui concilier la faveur de l’homme au moyen de ces intermédiaires de facture humaine que pour garantir sa nudité des crachais d’un public impénitent et sauver de toute alarme sa pudeur exposée. [De l’Art Magnifique.) 1. La création est un diminutif de la conception.
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1. Certains nous font un grief de ce vocable employé couramment, je les renvoie sans plus à son étymologie.
 
2. La forme, la plastique, c’est l’œil, la joue, le sein, la cuisse, la chevelure, l’heure, l’âge, l’armoirie, le climat, la patrie, le cœur, l’âme, la vie de l’Idée. (De l’Art Magnifique.)
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narguer le monde des préjugés et d’engendrer selon notre conscience.)
 
Le poète continue Dieu, et la poésie n’est que le renouveau de l’archaïque pensée divine (1). Additionnées ces paroles aux déjà dites, on obtient : tout poète nouveau est une nouvelle édition corrigée et augmentée de Dieu. Les Renaissances sont les apothéoses de l’Idée parmi les contingences, ce sont les sources de jouvence où se retrempe la Beauté souillée par nos tares et nos apostasies. Je le répète : au poète de condescendre ! Si moindrement que soit réalisée la pensée, cette réalisation sera touiours supérieure à la réalité (2). Il aura donc fait mieux, en tout cas il aura fait soi : ce qui est le propre de îa divinité.
 
1. Les poètes, étalons de la race divine. {Lazare).
 
2. J’entinds la réalité vaine que conçoit la foule ; ne pas la confondre avec la réalité suprême de l’Idée.
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La poésie est, de par elle-même, l’action première, et tout le reste estcomptabilité. Bien plus, le poète signifie le véritable, l’unique vivant, — les autres ni sont que des cadavres grimés de vie.
 
{{astérisme}}
* *
 
Je m’arrêterais si le scrupule d’avoir offensé les Choses ne m’obligeait à leur faire une amende honorable.
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aiN’ai-jepas du moins l’atténuant repentir anticipé de les avoir mieux traitées en d’autres occurrences ?
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X’
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ai-jepas du moins l’atténuant repentir anticipé de les avoir mieux traitées en d’autres occurrences ?
 
Et n’est-ce pas le mérite du poète de posséder une âme multiple, protéenne, d’envisager diversement, selon l’angle de l’occasion, de varier aussi fréquemment que la mer et que la femme, d’être le héros des sept couleurs de l’arc-en-ciel ?
 
Toutes les opinions éparses m’habitent tour à tour, auberge sur la route de la vie. Je m’avoue légion comme les religions et les hérésies, et volontiers je laisse à l’âne des Sorbonnes les têtus panonceaux de son immuable opinion. Convaincu de ma faillibilité, je me trahis le plus souvent possible : c’est encore le meilleur moyen d’effleurer une fois, et sans le savoir peutêtre, la matrice glorieuse de la Beauté.
 
Susceptible du faîte comme de l’abîme, passible de la palme et du billot, sorte de
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O mes presque victimes d’aujourd’hui, rappelez-vous les fleurs passées de votre bourreau,,Choses qui, un matin de naïve foi, me parûtes des pensées tombées de l’Intelligence à l’aube originelle et solidifiées par les époques ?
 
Une autre fois je vous crus formées des reliques de tous les morts des âges révolus : fleurs-yeux, fruits-cœurs, terrescendres, pierres-crânes, montagnes-osselets…
 
Puis vous m’avez semblé des tout allu
 
1. Le Théâtre est l’entière manifestation d’art, — Protée,ce miroir prismatique, y pouvant agir sous toutes ses facettes.
 
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viens construits avec d’innombrables n’en apportés par une myriade de nécessités en gésine, — alors je songeais aux nids d’hirondelles si solides et pourtant accomplis avec des becquées.
 
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— Chaque massivité sensible est l’agrégat d’un nombreux désir humain ou bien la cristallisation d’une intention de Dieu.
 
O Choses : corolles closes sur les essences,
 
O Choses : branches drapées sur les festins,
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O Choses : agrafes de cil sur les lumières,
 
O Choses : murailles dressées devant les vestales d’harmonie,
 
O Choses : toiles baissées devant les gestes nus,
 
O
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Choses : pierres tumulaires des fantômes d’éternité (1),
 
O Choses : éphémèrespierres palaistumulaires des hérosfantômes d’éternité immanents(1),
 
O Choses : étables hospitalièreséphémères auxpalais caravanesdes dehéros mystère,immanents
 
O Choses : étables hospitalières aux caravanes de mystère,
 
O Choses jeunes, vieilles, petites, grandes, minces, grosses, légères, lourdesr opaques, diaphanes, terrestres, aériennes, marines, mâles, femelles, saintes, profanes, laides, belles, douces, terribles,. — pardonnez au poète qui parmi vous passa ravi, ô Choses, et recevez l’encens, la myrrhe et l’or de sa reconnaissance !
 
Les Reposoirs De La Procession.
 
Les livres relevant de ce titre collectif
 
1. L’univers est la pierre tumulaire du fantôme de l’Eternité {(Cœciliari).
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réunissent les tablettes où sont consignées les variées impressions de la route étrange (1).
 
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La louable ambition du poète est defaire œuvre de dieu par le front mais on ne peut le mépriser de rester homme par le pied.
 
1. Le seul ordre donné à ces courtes exégèses est celui de la journée. Chaque tome commence avec l’aube, suit le cours du soleil et s’achève aux étoiles, que ce soleil et ces étoiles soient apparents ou suggérés par la couleur des pages : témoin ce tome I dont les Coqs (sages-femmes de la lumière) sont l’alpha et le Paon (firmament en miniature) l’oméga.
==[[Page:Saint-Pol-Roux - Les Reposoirs de la procession, t1, 1893.djvu/51]]==
 
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Juin 1893.
==__MATCH__:[[Page:Saint-Pol-Roux - Les Reposoirs de la procession, t1, 1893.djvu/53]]==
 
Amitié : muraille qui s’écroule devant une fanfare de coqs ! girouette obéissant au moindre vent de deniers qui passe !
 
Les Saisons Humaines.
 
E val s’éclaire de reniements de saint Pierre.
=== no match ===
Pierre.
 
Dans l’aube mauve, parmi ces coqs cambrés sur les brancards et les charrues des cours ainsi que des tambours-majors
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Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.
 
A ma bouche, sevrée des mamelles de Nazareth et des margelles de Galilée, revient le goût des éponges de fiel : l’âme perse de mes familiers, l’apostasie discipulaire, l’ingrate digestion de mes pains multipliés, la grimace des mains de qui j’avais sorti la ronce, et la fleur feinte que tant de fois mes dents cueillirent sur la joue peinte de l’amante à l’œil grand comme un judas.
 
Le val s’éclaire de reniements de saint Pierre.
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MÉSAVENTURE DES YEUX
 
A Charles Gillel.
 
LA
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— Je te vois laide et impure !
 
— Je te vois impur et laid !
Balbutiàmes-nous, stupides.
 
Nos fronts s’inclinèrent comme des coquelicots sur qui s’abat un lourd papillon, ce lendemain de chenille en tenue de bal.
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DE SAINTE-ANNE
 
A Mme Sarah Bernhardt.
 
LE PÈLERINAGE
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Et les voilà cherchant le Cœur d’or ou d’argent, cependant que sur l’herbe et la mousse, lassées par la route, elles s’étendent toutes, les douces fiancées aux longs cheveux de gerbe.
 
Mais ils ne trouvent dans leurs poches, sous le bonjour des cloches, ne trouvent que des sous, du corail, de l’amadou, puis des médailles ; les Cœurs d’or ou d’argent nullement.
 
Surpris, et pâles plus que des surplis, aussitôt ils comprennent qu’ils oublièrent au village l’ex-voto.
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Eux les appellent par leurs noms : Yvonne, Marthe, Marion, Naïc et Madeleine !
 
Mais point ne se tournent les belles, Yvonne, Marthe, Marion, Naïc et Madeleine ; et les vilaines au loin s’en vont.
 
Si loin que leur coiflelette, d’abord aile de mouette, devient aile de papillon, puis flocon de neige fondu par l’horizon…
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L’AME SAISISSABLE
 
A Henri de Régnier.
 
Le poëte abrite une Grande Dame : son Ame I
 
(Mercure de France.)
 
L’AME SAISISSABLE
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difficultés à acquérir, la dive Thulé du rêve superficiellement et vite mise à la merci du profane, l’impossible entrevu, l’au-delà cadastré, l’absolu monétisé ;’ j’en vins à inférer que la foule se délectait devant la fatigue évidemment douloureuse des jongleurs et des gymnasiarques devenue le repos final et la joie de son être n’ayant, pour sa propre et victorieuse satisfaction, qu’à regarder superficiellement. Puis :
 
— « Ces Simples, clos en le vallon du contingent parmi la même heure de leur banale vie, ronronnai-je, ces habitants du présent transitoire ne peuvent décemment goûter les fruits de ma raison point assez de leur âge puisqu’elle participe de toujours, vassale à la fois de l’avenir et du passé ; vigile et lendemain féconds du moment aride. Les yeux et les oreilles
 
uniques de leurs corps frôlent béants, sans la voir ni l’entendre, mon énigme seulement accessible aux capables sens d’un esprit subtil, dévotieux et servi par cette fiancée du génie, la compréhension. Que si même je tentais de l’inviter à me connaître, certes la multitude éviterait ma lèpre divine. Il appert donc que la Charité, légitime clarté du poète, si douce au passant qui devine la désintéressée vertu de l’aumône,épouvante le philistin lâchement fier, l’oeil de la peur voyant rugir un sac de charbons où sourit un sac de diamants. L’annonciateur de bonne nouvelle inspire la défiance aux prisonniers des dogmes coutumiers, et ce sage paraît malin, hideux, illogique : un fantôme ! »
 
Sur l’estrade goguenardait un paillasse. Le clavecin de sa frimousse exprimait la gamme des grimaces ; l’histrionne bouche s’étoilait en cul de poule ou bien se cornait jusqu’aux oreilles, de telles mamanières que les Simples, maquillés par le graduel arc-en-ciel du rire, virevoltaient dans l’ouragan des singeries.
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A part moi, je continuai :
 
— « L’incompris, somme toute, est l’ennemi. Raisons raisonnables un peu, vraiment, car nous sommes, eux l’immédiate patrie, moi l’exil. A chaque abord je leur figure celui qui revient d’une terre surnaturelle, masqué d’un idiome surhumain ; aussi ma bonne nouvelle se stérilise-t-elle sur leurs sables inhospitaliers : je suis la Voix, mais ils sont le Désert. »
 
Agilant à travers le vide, une danseuse de cordes à la mise de libellule faisait maintenant aboyer d’émerveillement les mains calleuses, — quand une lumière
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J’avais trouvé le terrain de traduction sur lequel on pourrait s’entendre.
 
M’allant réfugier sous les Tréteaux, dans une obscurité propice aux enchantements, j’enjoignis, avec l’impérieuse volonté d’un dieu, j’enjoignis à mon Ame d’apparaître, — d’être.
 
Soudain jaillit de ma tour d’argile une Fille fabuleuse !
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QUI PASSE DANS LA LUZERNE
 
A Francis VieU-Griffin.
 
Parmi les Prairies du Songe, des Filles se révèlent, parfois, la chevelure telle. Ce Ruisselet, parvule et frais, sans
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Onde pour les plumes des anges,
 
Onde pour l’exil des idées,
Onde bébé des pluies d’avril,
Onde petite fille à la poupée,
Onde fiancée perlant sa missive,
Onde carmélite aux pieds du crucifix,
Onde avarice à la confesse,
Onde superbe lance des croisades,
Onde émanée d’une cloche tacite,
Onde humilité de la cime,
Onde éloquence des mamelles de pierre,
Onde argenterie des tiroirs du vallon,
Onde banderole du vitrail rustique,
Onde écharpe que gagne la fatigue,
Onde, palme et rosaire des yeux,
Onde en vacances des ruches sans
épines,
 
Onde versée par les charités simples,
Onde rosée des étoiles qui clignent,
Onde] pipi de la lune-aux-mousselines,
Onde jouissance du soleil-en-roue-de-
paon,
 
Onde analogue aux voix des aimées
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DE LA VIEILLE FILLE
 
A Emile Bergerat.
 
L’AUTOPSIE
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DE LA VIEILLE FILLE
 
€R le marbre gisait le corps vieil et de cire : on eût dit une âme solide, perceptible.
 
Autour goguenardaient trois Carabins, la pipe en la mâchoire, avec un air de tribunal décisif et final.
 
— O la voisine de l’église aux doigts jardiniers du missel !… ô la chèvrelille aux lins de nonne et coiffes de vallée !… ô la parleuse en feuilles mortes dans la brise !… ô la pucelle sans chemise !…
 
On allait voir : si c’était vrai !
 
Et les Impies écartent ainsi que les aiguilles d’un compas, voulant se rendre compte, écartent les deux jambes du corps vieil et de cire…
 
L’oiseau N’avait Pas Fait Son Nid.
 
Déçus, les Carabins jettent ce chant de coq :
 
— Cela ne prouve rien, sinon la peur de la bedaine puis du péché-qui-tette, ou que, prudente et sagace gourmande, la tartufe hantait le désir pers aux persiennes closes !… Mais nous allons savoir !
L’autopsie De La VIEILLE FILLE 77
 
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ET L’ON VOUS OUVRIRA
 
A François Coulon.
 
J’allais…
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M’avait dit, à la première marche de l’escalier, un nain si parvule que j’étais comme aveugle le bref instant de sa phrase.
 
Je frappe.
Toc…
Rien !
Toc toc…
Rien encore !
J’insiste.
 
Toujours le silence.
Ligne 693 ⟶ 675 :
Elle doit être là pourtant, protestai-je,
 
puisque je suis venu.
 
FRAPPEZ L’ON VOUS OUVRIRA 8 5
Ligne 705 ⟶ 687 :
Elle, encore une fois ! Mon attente me paraît exorbitante à la fin.
 
Je m’acharne.
Toc toc toc…
 
Cela fait un vacarme à réveiller le néant.
Toc toc toc toc…
 
Impatient, je regarde par le nombril de fer de la porte.
Ligne 717 ⟶ 699 :
Toute nue…
 
Lui fallut-il pas le temps de naître ?
J’eus tort de m’irriter.
J’espionne derechef.
 
D’un regard à l’autre la voici demoiselle déjà.
Ligne 735 ⟶ 717 :
Une chemise, blanche comme un lange, à présent la couvre.
 
Risquons un appel timide.
Toc…
 
Eh laissons-lui le loisir de se blottir en la tulipe d’une robe ! Enfin !
Ligne 754 ⟶ 736 :
RELIGION DU TOURNESOL
 
A Antoine de la Rochefoucauld.
 
Soleil, roi de l’Obole ! (Paroles de Magnus.)
LA
 
Ligne 769 ⟶ 751 :
Naine au début tant que superficielle fille de ma vanité, cette jalousie, foncière dès qu’adoptée par ma raison, prit désormais une envergure énorme.
 
Mes moindres appétits de rival convergèrent vers ce mystérieux pétale à conquérir : un regard de la fleur.
 
Pour une telle victoire je mis au vent, l’un après l’autre, tous les moyens de stratégie possibles.
Ligne 835 ⟶ 817 :
LE TRÉPAS DU PUITS
 
A Remy de Gourmont.
 
LE TRÉPAS DU PUITS
Ligne 844 ⟶ 826 :
être, dans l’existence des Choses, les mères consolatrices—je me penchai pour interroger son âme. On l’avait bue.
 
Quelques gouttes à peine, très au fond, comme en un creux de main : constellation lointaine au bout d’une lunette d’astrologue, ou bien caresse au sein d’une mémoire.
 
J’eus pitié de cette carcasse où ne palpitait plus qu’un joyau frêle à vivre, et me pris à songer à ses oboles de fraîcheur.’
 
O l’eau : vif désir des blonds déserts ! Absolution de la soif, miniature de l’Enfer !
 
Vieillissant d’âge en âge le regard de ma pensée, je vis sourdre de l’atmosphère, peu à peu, des blés, des lys, des pommes, des framboises, des iris…
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Puis ces fruits et ces fleurs aboutirent à
 
des formes humaines, et ce furent desbras, des gorges, des épaules, des joues, des yeux, des chevelures : tout le jadis de femmes qui vinrent là, de l’enfance à l’agonie du puits.
 
Derechef, enfin, la vision se transforma.
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— Infâme, criai-je, qui pus tarir l’immense fleur miraculeuse et te fis rabats et baudriers de joie avec les perles de son supplice lent !…
 
— Sa vie n’était-elle pas de mourir perle à perle ? objecta la Soif-de-ce-pays.
 
— Rouge étendard de l’égoïsme !
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PEUPLIERS
 
A Bernard Lazare.
 
— « Laissez-moi visiter les damoiselles, minces à l’infini, des donjons d’émeraude ! » ai-je dit
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PEUPLIERS 1O9
 
Irrité, je criai : « Tous je vous couperai, jets suzerains, pour qu’aux époques d’eau sculptée vos squelettes rosissent les joues blêmes des mendiants qui vont, leur culotte restée dans la gueule des chiens,
 
ô blonds hallcbardiers gardant les âmes du vallon ! »
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MOULINS
 
A Gustave Geffroij.
 
Je viens du vert village où les moulins ont l’air de grands oiseaux de pierre aux longues ailes blanches.
 
L’amenoiredu Prieur Blanc.
 
colline est pleine de géantes Foies à la file dont les caboches
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LE MYSTÈRE DU VENT
 
A Henri Mazel.
 
L’intelligence de nos yeux finissant oit commence le Vide, le Vide serait donc ce que nous ne pouvons ou nesavons voir.
 
Cœcilian.
 
LE MYSTÈRE DU VENT
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Méticuleux labeur de performance car, en sus d’une hâte obligatoire, il me faut maintefois analyser et marier les pièces confuses d une même àme écartelée.
 
Ainsi, moyennant la transcription de la substance par le miroir du mode, tel infini parvient à se définir en du fini, l’abstraction daignant se formuler par des linéaments, se préciser par un squelette, se presque idéoplasticiser : linéaments, squelette, argile dont l’hypothèse est dans mes sens et la réalité dans ma foi.
 
Certes l’entière morphe n’est aucunement organisée là, mais, indiqué l’air
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LA MONNAIE RARE
 
A Aurélien Scholl.
 
LA MONNAIE RARE
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La chaumière était coiffée d’or vierge,
le moindre sabot ferré d’argent ; désormais banales, l’émeraude et la turquoise des aïeules défuntes servaient à peine de billes à la marmaille ; les aveugles s’offrant la coquetterie facile de compenser avec deux diamants de la couronne leurs yeux morts, les lézards venaient boire aux rayons projetés par ces fronts de ténèbre ; les indigents de la contrée s’occupaient le geste à déverser leur superflu d’écus dans les grenouilles qui baillaient sur les solivaux des flaques ; l’haleine des passants roulait des paillettes ; Hippocrato trouvait des pépites dans la vessie d’Harpagon ;Crésus paraissait un mendiant des Temps Invraisemblables ; quant au Rêveur des Oliviers livré pour trente misérables pièces d’argent, quelque puérilité de la Mère l’Oie !
 
La Toute Splendeur triomphait sur la terre ; et le soleil, la lune les étoiles de
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Or il importait d’élire parmi les espèces la moins commune afin d’éviter un pendant prochain au fléau présent et de prévenir le tracas d’une convention monétaire nouvelle.
 
On ne trouva que l’idée.
 
L’idée ! chose en disette, d’habitude, tant prédomine le ventre ; mais alors sa
rareté dépassait vraiment les limites ordinaires. La prérogative de l’ignorance avait été si exclusive que ces innombrables fruits d’or et d’argent semblaient provenir d’un immense potager d’oreilles ^d’âne.
 
On opta donc pour l’idée.
 
Le prestige de l’esprit date assurément de cet Age des Ages qui par bonheur, trop d’êtres mourant d’intellectuelle anémie, dura peu,non sans léguer à l’avenir quelques conseils d’ailleurs négligés ; car, si bref que fut ce règne où les cerveaux féconds tenaient lieu de banques ou de bureaux de bienfaisance, il permit du moins aux poètes de s’affirmer devant la main que les officiels à caboche vide tendaient à l’idée sur la route du pain et d’ainsi retarder la catastrophe humaine. Ajoutons ceci : les esclaves, auxquels une
 
généreuse ironie avait jusque-là cédé la bagatelle de penser, évitèrent aux maîtres la honte d’aller pieds nus, besace aux flancs, — et l’on vit un Tyran, menacé dans sa liste civile, enchaîner un ver lai ne inapprivoisable et vivre fastueusement des brimborions échappés au sommeil épié du merveilleux captif.
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CALVAIRE IMMÉMORIAL
 
A José Maria de Hérédii.
Mon àme est maternelle ainsi qu’une patrie Et je profère au lys un pleur de sacripant ; Les regrets sontlaclef bonne àma bergerie, Je fais une brebis du loup qui se repent.
 
La Magdelkine Aux Pakfums.
 
LE
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Or j’eus beaucoup de peine, car Jésus semblait davantage pâtir en sa décrépi
 
tude. Il n’était plus que quelque chose do pendu : comme un chiffon de pierre oublié là jadis, et plus jadis encore, par un gars d’avant l’Age des Lances et des Clous.
 
Alentour somnolaient les grandes Fleurs de Solitude.
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Je dis :
 
— Que je te plains, Crucifié, d’être si dévasté !… Mais pourquoi telle misère maigre ?… T’avait-on pas appendu bel et grandiose au Sycomore de granit eù je te vois à peine avec les yeux de l’âme ? Réponds, ô père fraternel, la forme serait-ce des poussières superposées que lèverait en passant l’aile ménagère des Oiseaux du Temps ? Ou bien t’avait-on fait avec le sel des pleurs, et les larmes longues de la pluie t’auraient-elles fondu ? Parle, frère
paternel !… Tu parlas bien, à l’époque de palme, à la Jolie de Satnarie.
 
Jésus me répondit…
 
Oh ! il ne parlait pas, n’ayant plus de lèvres, plus de langue, plus de bouche, oh ! il ne parlait pas… mais le chiffon de pierre prodiguait des abeilles, et chaque abeille était une voyelle avec deux ailes de consonnes.
 
Or ce miel j’entendis :
 
— Non, ce n’est pas la pluie, non ce n’est pas le temps ! bien que je sois là depuis des siècles, dressé par des femmes pies qui seraient très vieilles si elles vivaient encore, et qui sont, en Paradis, très jeunes d’être mortes. Non, ce n’est pas le temps, non ce n’est pas la pluie ! bien qu’il ait plu souventefois pour le plaisir des fleurs et pour la gloire des pommiers ! Non, ce n’est pas cela ! Mais, à ce carrefour, viennent depuis des ans et des années, viennent
LE CALVAIRE IMMÉMORIAL I 4 1
 
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— C’est mon Ame ! mon Ame Divine qui couve ingénument sous la forme terrestre. Elle est pour eux l’Espérance admirable, et s’ils savaient ne pas la récolter un jour sous la charrue de leurs baisers, ces pèlerins adoreraient l’ivraie blasphématrice et perdraient à jamais la foi du Paradis.
 
— O ton Ame Divine ! clamai-je éperdu comme un amant divin.
 
Alors, gravissant les marches du Calvaire, j’etreignis le rédempteur sycomore et j’y baisai avec ardence le chiffon de pierre à la place présumée des yeux, des mains, des pieds, du cœur, du front, — car le poëte est la Souffrance Humaine tout entière.
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LA CARAFE D’EAU PURE
 
A Jules Renard
 
Tout est sombre et turpidc entre ces quatre murs.
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SOIR DE BREBIS
 
A Louis Denise.
 
SOIR DE BREBIS
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Le suivent ses brebis, avec deux pampres pour oreilles et deux grappes pour mamelles, le suivent ses brebis : ambulantes vignes.
 
Si pur le troupeau ! que, ce soir estival, il semble neiger vers la plaine enfantinement.
 
Ces menus écrins de vie ont, là-haut, brouté les cassolettes, et redescendent pleines.
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OU L’ON PLEURE
 
A Lucien Muhlfeld.
 
Si Dieu n’avait’posé sur l’âme le masque du corps, vivre en commun serait impraticable. Lazare.
 
| |^)L fut stipulé que, chacun abandon^^K^ nant pour une rare fois son originelle hypocrisie, on apporterait à ce mardigras une franchise d’exception et que, au lieu de déguiser leur personne avec tel ou tel emprunt de laideurs à d’imaginaires
êtres, les gens affubleraient leur propre corps des arcanes profonds de son âme respective.
 
C’était, à franc dire, organiser un carnaval à rebours puisqu’il s’agissait d’apparaître en sa plénière vérité : permanente masquée de la Vie,— ce carnaval ?
 
— De nous montrer tels que foncièrement nous sommes, on rira davantage !
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rité des Pères de l’Eglise, je dois me faire violence.
 
Dans la coutumière mascarade des corps, caricatures du visage ainsi que gibbosités du buste et bizarreries des membres désopilent la [rate par l’absurdité de leur mensonge, cela sort des cadres du possible pour entrer dans l’inoffensive invraisemblance ; aussi, rassuré par cette incontagieuse fantaisie, l’on rit de la forme ridiculisée comme l’on rit de l’orthograpbe d’un troupier à sa payse. Mais ici le cas fut autre, cette extraordinaire mascarade des psychés nous ayant appris qu’on n’exagérerait jamais assez avec l’Ame humaine, spélonque insondable, et qu’il est impossible d’en dire : voici sa difformité dernière, voilà sa repoussance extrême. La plus téméraire imagination sera toujours battue par les sourdes fantas
 
H
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Car on pleura toute la durée de ce macabre mardi-gras.
 
Ils paraissaient bons pourtant les habitants de cette Ville : le prince avec ses moustaches de héros, la femme avec son diplôme de fidélité, l’homme avec son épée d’honneur à la hanche, la vierge avec ses joues de hameau. Ville de sélection, symbolisée sur la carte par un arc-en-ciel, nid présumable des vertus. Détail caractéristique : le Charlatan Noir n’avait pas encore arraché de tête sur la place du Palais.
 
LE CARNAVAL OU L’on PLECHE
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Sous ce vitrail d’aigles et de mésanges grouillaient des hideurs pires (|ue le pélor à l’œil pareil à quelque moyeu de carriole et le ventre rouillé d’ulcères, la baudroie taureau deux fois par ses cornes et reptile par sa queue hérissée de poignards, la scorpéne à la tête de mort, le monocen dont la gueule évoque un soupirail de l’enfer : ignominies embusquées dans les glauques ravins des mers de l’Inde et du Japon.
 
Au début de ce sabbat d’aveux on se crut d’abord au milieu d’une cité d’Aostc inconcevable, mais il fallut se rendre vite à l’évidence : ces tripes étaient trop celles de la réalité ! ce turpide arc-en ciel d’érysi pèles, cet éventail d’immondices, cette gomorrhcressuscitée, cette géhenne apparente, c’était bien l’Ame de la Ville faisant lugubrement la roue !
 
Dès lors les yeux fondent en avalanches sous l’allégorie des écailles.
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O la Ville des Sépulchres Blanchis !
 
A Georijes Ancey.
 
Là-bas, le long des sables sans cesse grandissants du Toulinguet (il n’y a plus de moines pour remplir les sabliers !) je méditais… [Lettre à Catulle Mendès.)
 
LES SABLIERS
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NOCTURNE
 
A Joris Karl Huysmans.
 
NOCTURNE
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La frivole brise est partie, ayant remis
en’chignon ses tresses imperceptibles qui tournent la tète aux moulins ; mais elle oublia sa fille, brisette à l’usage des poupées.
 
Une pie, réintégrant son marronnier, ferme et dé ferme sa lettre defaire part.
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L’ombre n’est-elle pas la couleur du mystère ?
 
Passe une dernière escouade de corbeaux : cimetière qui a des ailes.
 
La chauve-souris éparpille ses coups d’éteignoir sur les premières lampes qui
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Déjà, sur les chevalets d’herbe, les vers copient les étoiles fraîches ainsi que des caresses.
 
Ne se distinguent plus les fleurs ; mais le parfum — cette romance pour narines — les divulgue à la façon de la prière sur les tombes.
 
Ce vêpre égalitaire escamote ma teinte originale et me fait le noyé d’une atmosphère sans-culotte.
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les sens gardés, rester âme uniquement ?
 
Telles que des pudeurs alarmées, les maisons se sont closes ; le ver à soie des cheminées se tarit parmi les tuiles. Des ombres chinoises, sur les rideaux, trahissent que les gens s’alitent : certaines images, couchées dans le lointain Livre d’Heures, ressuscitent en la mémoire de ma main.
 
D’un logis où s’ingénie une dot, par fines pluies d’arpèges, la Prière d’une Vierge s’épivarde ; quelque demoiselle avec ses doigts fuselés apprivoisant la mâchoire cariée de bémols d’une tarasque moderne.
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Si c’était une immense robe de veuve sur laquelle deux seins, fraîchement décaressés,auraient pleuré un lait vain désormais ?
 
Si c’était que les morts font sécher les linceuls ? Ne pleut-il pas sur leur néant quand rarefois l’étang de nos regrets déborde ?
 
Ces hypothèses écarlèlent mon œil et mon crâne,
 
Un bal d’araignées a donc lieu sur ma peau que, toute, elle frissonne ?…
 
Sans doute cela vient de l’immobilité lugubre des peupliers encagoulés…
 
Oh ! là-haut — du moulin décapité : puis céleste — ces gestes orphelins qui s’élancent à la délivrance de leurs membres captifs en le donjon de mon Imagination !
 
Une peur d’enfant m’envahit soudain, allumant le désir de me réfugier dans des jupes de nourrice. Si j’ouvrais la bouche, on verrait mon cœur flamber peut-être.
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Ce taillis va-t-il pas dégobiller le salebougre muet d’avoir mis sa langue roide dans son poing ?
 
Voilà que, de par une course inconsciente, je me trouve à la lèvre d’un précipice. Suis-je donc un bonbon, qu’il’m’ait si goinfrement souhaité, cet abîme : appé~ tit en permanence ?…
 
Soudain les ecclésiastiques cyclopes de pierre,ài’œilhoraire,psalmodient l’alexandrin de bronze sur les choses dont l’ombre s’abandonne en manteau qui traîne.
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Vite, par chance, se m’offre un grand verre d’espace : cognac du père Adam.
Réquilibré, sonorement je ris ; — mais je médite : le courage n’est parfois que la cuirasse élincelante de la peur.
 
Et maintenant la nature m’a l’air d’une négresse en chemise, poudrée à frimas.
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L’ARROSOIR DE LARMES
 
A Jean Lorrain.
 
L’obstacle s’évapore devant l’oeil semé dans l’abîme, les cercueils sont de verre pour les morts ; aussi ne viens que décemment grimée de chagrin sur ma tombe, — sinon je me lèverai pour te jeter ma carogne à la joue.
 
Les Vases D’argile.
 
^||^p ; quelle fontaine as-tu rempli cet ^5^e2 arrosoir, ô Dame en deuil qui viens du saule ?
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M’en parerai la joue, les doigts, la
L’arrosoir De Larmes
 
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LE SILENCE
 
A Charles-Henri Hirsch.
 
Timide fantôme en toile d’araignée, §o qui donc es-tu ?
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DES TOMBES DÉLAISSÉES
 
A Elzéar Rougier
Pour l’éventail de l’Ame de Laurent Tailhade.
 
La chair recèle une présente aux os d’absence
Eternelle ainsi qu’un pétale d’infini,
Colombe de la vieille barbe de l’Essence,
Ancille fantastique du limon puni.
 
Vers la solide amphore la bru du Mystère .
Avint, à l’aube vierge du bizarre hymen ;
Parmi les cinq bai-sers l’invisible et la terre
Engendrent les effets du carnaval humain.
 
Mais, les saule3 du vêpre éteignant le ménage,
Echoit la catastrophe du long badinage
Où le corbeau regagne le lavoir natal
 
Et l’argile revêt le sac en lin de leurre
Afin que l’Anguleuse-au-regard-de-métal
Y puise l’aliment du sablier de l’Heure.
 
{Nos banales annales.)
 
LE CIMETIÈRE
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QUI BURENT TROP DE LAIT
 
A Stuart Merrill.
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Crépusculaire inspirateur de ton péché,
N’ai-jc pas fécondé le lin de ta psyché ?
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
N’ai-je pas dit l’écueil folâtre à ton timon
Que j’attisais d’une caresse de démon ?
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises
Ne t’accuse donc plus d’avoir lésé mon cœur
Et vis sans redouter l’ongle de ma rancœur.
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Troquons plutôt nos airs de comparution,
Seul je dois me courber sous l’Absolution.
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Offrant ma tête ainsi qu’une boule à ton pié,
Me voici tout au bon vouloir de ta pitié.
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Effeuille le pardon, l’outrage ou le trépas ;
Mais, quel que soit mon sort, ne m’interroge pas.
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Je suis l’énigme noire au sein d’un marbre blanc
Et j’ai détruit la clef magique de mon flanc.
 
Partageons ta honte comme une assiette de cerises.
Qui tenterait de mettre mon mystère à nu
Ne trouverait qu’un ris de faune biscornu.
 
Va nous cueillir de nouvelles cerises !
 
{Les Filles du Calvaire.— A la fille de trahison.}
LES DEUX SERPENTS
 
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On a vu des serpents boire iniiniment de lait.
 
Personne avec toi n’est entré ?
Personne que ma chevelure.
 
Comment se seraient-ils introduits en ce
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Aurais-tu peur de deux serpents qui burent trop de lait ?
 
Prends garde, Marcelle ! ils vont sauter sur toi ! viens, oh viens près du lit !…
 
Laisse donc ces fœtus du sommeil !
 
Ils ont sauté, sauté jusqu’à ta gorge, ô ma pauvre ! et leurs queues nouées à tes épaules, voilà qu’ils se balancent dans tes gestes vers tes mains…
 
Fou, puisse ma caresse effacer ton cauchemar !
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LE PAON
 
A Camille Mauelair.
 
LE PAON
 
E long de cet escalier sans fin comme l’échelle d’Ezéchiel s’épanouit un Paon dont la queue triomphale étale un essaim d’yeux fabuleux ; le splendide oiseau, néanmoins, pèche par le sarment de sa démarche et par le verbe
dérisoire que le lézard de son col fiche ainsi qu’une écharde en l’cparse harmonie.
 
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Furieux contre cette impor tu ne voyance, je voulus crever les espions — quand, soudain, se cabrant à la manière d’un feu d’artifice, le Paon s’écria :
 
— « Jadis, Insensé, ma roue courtisait ton aube, et mon madrigal effarouchait ta modestie rose ; maintenant, ma roue vrille ton clair de lune, et ma satire énerve ta modestie verte. Sache, bon gré mal gré le Poëte exécute un spectacle de la boîteaux-langes à la boîte-au-linceul, et chacun des pantins est le seul jardinier des yeux qui le poursuivent. Crève-les, si tu peux,
mes yeux relloriront. Ton être appartient à la foule — et je suis l’Opinion. »
 
Depuis, envieux du paysan calme parmi le trèfle et que protège l’igncrance, je n’ese plus être bon ni mauvais, pour ne pas éveiller l’extraordinaire vision.
 
Oh ! vivre au cœur des solitudes, une pierre sépulchrale au dessus de ma vie !