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la mère, elle ne doit pas devenir le tyran. Elle doit continuer à prodiguer ses bien faits à ses nouveaux enfants
la mère, elle ne doit pas devenir le tyran. Elle doit continuer à prodiguer ses bienfaits à ses nouveaux enfants comme une mère véritable, et ne pas se dépiter si quelques-uns ont élevé la voix contre elle. — Cet été marquera dans notre histoire !
comme une mère véritable, et ne pas se dépiter si quelques-uns ont élevé la voix contre elle. — Cet été marquera dans notre histoire !




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J’ai entendu répéter plusieurs fois, cet été : « Le peuple russe est inintelligible, ''invraisemblable'' ! » Pour ceux qui portaient ce jugement, ce qui s’est passé cet été est, en effet, « invraisemblable ». Mais, au fond, que s’est-il passé de si monstrueux ? Tout ce qui s’est manifesté n’était-il pas depuis longtemps au fond du cœur du peuple
J’ai entendu répéter plusieurs fois, cet été : « Le peuple russe est inintelligible, ''invraisemblable'' ! » Pour ceux qui portaient ce jugement, ce qui s’est passé cet été est, en effet, « invraisemblable ». Mais, au fond, que s’est-il passé de si monstrueux ? Tout ce qui s’est manifesté n’était-il pas depuis longtemps au fond du cœur du peuple russe ?
russe ?


L’idée nationale a surgi, puis tout naturellement s’est élargie en amour désintéressé pour des frères de race malheureux et opprimés. Puis ça été cette formule : « L’Œuvre orthodoxe. » Ce qui est peut-être surprenant, c’est que le peuple n’ait pas oublié son « œuvre orthodoxe » pendant ses deux cents années de servitude, d’ignorance morne et plus tard au milieu d’une corruption ignoble, sous l’influence du matérialisme, des Juifs et de l’eau-de-vie. On a pu être surpris aussi de voir se joindre au mouvement toutes ces classes de la société russe dont la rupture avec le peuple semblait un fait accompli. Il est bon de faire ressortir aussi, comme un phénomène sans précédent, la presque unanimité de notre presse… Une pauvre vieille offre ses kopeks pour les Slaves et ajoute : « Pour l’Œuvre orthodoxe. » Le mot est saisi au vol par un journaliste qui l’accompagne, dans sa feuille, d’un commentaire enthousiaste. Et tous ont compris ce que signifiait cette expression d’œuvre orthodoxe. On a vu qu’il n’était pas question de culte extérieur ou de fanatisme religieux ; que l’expression concrétait l’idée de progrès humain, d’humanisation de l’homme telle que l’admet le peuple russe, qui fait tout remonter au Christ, qui ne voit son avenir que dans l’application de la doctrine du Christ.
L’idée nationale a surgi, puis tout naturellement s’est
élargie en amour désintéressé pour des frères de race
malheureux et opprimés. Puis ça été cette formule : « L’Œuvre orthodoxe. » Ce qui est peut-être surprenant, c’est que le peuple n’ait pas oublié son « œuvre orthodoxe » pendant ses deux cents années de servitude, d’ignorance morne et, plus tard au milieu d’une corruption ignoble, sous l’influence du matérialisme, des Juifs et de l’eau-de-vie. On a pu être surpris aussi de voir se joindre au mouvement toutes ces classes de la société russe dont la rupture avec le peuple semblait un fait accompli. Il est bon de faire ressortir aussi, comme un phénomène sans précédent, la presque unanimité de notre presse… Une pauvre vieille offre ses kopeks pour les Slaves et ajoute : « Pour l’Œuvre orthodoxe. » Le mot est saisi au vol par un journaliste qui l’accompagne, dans sa feuille, d’un commentaire enthousiaste. Et tous ont compris ce que signifiait cette expression d’œuvre orthodoxe. On a vu qu’il n’était pas question de culte extérieur ou de fanatisme religieux ; que l’expression concrétait l’idée de progrès humain, d’humanisation de l’homme telle que l’admet le peuple russe, qui fait tout remonter au Christ, qui ne voit son avenir que dans l’application de la doctrine du Christ.