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[[en:Uncle Tom's Cabin/Chapter XLIII]]
 
==[[Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/581]]==
 
 
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On affirmait tout bas avoir entendu, au profond de la nuit, des pas descendre l’escalier du grenier et rôder dans les corridors. En vain avait-on fermé la porte du dernier étage, le revenant avait en poche une double clef, ou, usant du privilège acquis de temps immémorial aux fantômes, passait par le trou de la serrure, et paradait comme devant, avec une audace tout à fait alarmante.
 
Quant aux formes extérieures du spectre, les rapports
Quant aux formes extérieures du spectre, les rapports variaient beaucoup, grâce à une coutume fort répandue parmi les noirs — et aussi parmi les blancs — de fermer les yeux en pareille occasion, et de se cacher la tête sous des couvertures, des jupons, ou tout autre voile à proximité de la main. Or, qui ne sait que quand les yeux du corps donnent leur démission, les yeux de l’esprit n’en sont que plus éveillés et plus perçants. Il y avait donc bon nombre de portraits en pied du fantôme, tous attestés et garantis ressemblants, bien que, comme il arrive souvent des portraits, il n’y eut entre eux d’autre analogie que le costume classique des revenants, le grand ''drap blanc''. Les pauvres esclaves, peu versés dans l’histoire ancienne, ne savaient pas que Shakespeare eût consacré ce détail pittoresque, en disant :
==[[Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/582]]==
Quant aux formes extérieures du spectre, les rapports variaient beaucoup, grâce à une coutume fort répandue parmi les noirs — et aussi parmi les blancs — de fermer les yeux en pareille occasion, et de se cacher la tête sous des couvertures, des jupons, ou tout autre voile à proximité de la main. Or, qui ne sait que quand les yeux du corps donnent leur démission, les yeux de l’esprit n’en sont que plus éveillés et plus perçants. Il y avait donc bon nombre de portraits en pied du fantôme, tous attestés et garantis ressemblants, bien que, comme il arrive souvent des portraits, il n’y eut entre eux d’autre analogie que le costume classique des revenants, le grand ''drap blanc''. Les pauvres esclaves, peu versés dans l’histoire ancienne, ne savaient pas que Shakespeare eût consacré ce détail pittoresque, en disant :
 
:<div style="font-size: 90%">« Les morts enveloppés de draps parcouraient les rues de Rome, poussant des gémissements et des cris inarticulés{{refl|1}}<ref> ''Jules César'', de Shakespeare.</ref>. »</div>
 
Cette rencontre est un fait curieux de pneumalogie, que nous signalons à l’étude des spiritualistes.
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Quoi qu’il en soit, nous savons, à n’en pas douter, qu’une grande figure, couverte d’un drap blanc, se promenait à des heures indues par toute la maison de Legris, franchissait les portes, glissait comme une ombre dans les pièces désertes, disparaissait par intervalles, et se montrait en haut du mystérieux escalier qui conduisait au fatal grenier ; et cependant le lendemain tout était clos et aussi solidement verrouillé que la veille.
 
Legris ne pouvait fermer tout à fait l’oreille à ces bruits, d’autant plus fatigants qu’on s’efforçait de les lui cacher. Il but encore plus que de coutume, leva la tête plus haut, et jura plus que jamais le jour ; mais la nuit il faisait de mauvais rêves, et les visions qui hantaient son chevet n’étaient rien moins que riantes. Le soir du lendemain de l’enterrement de Tom, il se rendit à cheval
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à la ville voisine pour y faire une orgie : il la fit complète. Il rentra tard et fatigué, ferma sa porte en dedans, en prit la clef, et se coucha.
 
Quelque peine qu’on puisse prendre à étouffer une âme, elle est pour le méchant un hôte incommode, inquiétant, redoutable. Qui peut assigner des limites à son activité ? qui connaît tous ses mystérieux ''peut-être'', — ses frissons, ses tremblements, qu’elle ne saurait pas plus surmonter qu’elle ne peut s’affranchir de son éternité ? N’est-il pas insensé l’homme qui ferme sa porte aux esprits, quand il en a un au dedans de lui-même qu’il n’ose rencontrer face à face ? — dont la voix, quoique enfouie sous des montagnes, résonne encore comme la trompette du jugement dernier !
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Il dormit profondément, car il était las ; mais à la fin, une ombre ténébreuse, un sentiment d’horreur, une vague appréhension d’un danger planant sur lui, se glissèrent dans son sommeil. Il vit le linceul de sa mère : Cassy le tenait déployé devant lui. Il entendit un bruit confus de cris de douleur et de gémissements. Il savait qu’il dormait, et luttait pour s’éveiller. Il y parvint à demi. Cette fois, il en était sûr, quelque chose entrait dans sa chambre. Sa porte s’ouvrait ; il n’en pouvait douter, mais la peur le paralysait. Enfin il se retourna en sursaut : la porte ''était'' ouverte ; et une main éteignit sa lumière.
 
Il faisait un clair de lune trouble et voilé ; — pourtant il voyait — là — une chose blanche glisser, au lieu de marcher — il entendait le frôlement du linceul sur le parquet. — ''Elle'' était là, debout, immobile, près de son lit. Une main glacée toucha la sienne ; une voix basse, étranglée, murmura trois fois à son oreille : « Viens !
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viens ! viens ! » Et tandis qu’il gisait couvert d’une sueur froide, l’apparition disparut, sans qu’il sût quand et comment. Il sauta hors du lit, et courut à la porte ; elle était fermée à double tour : il tomba évanoui.
 
À dater de cette nuit, Legris s’abandonna à l’ivresse : il but, non plus comme autrefois avec une certaine prudence, mais outre mesure et sans arrêt.
 
Bientôt le bruit qu’il se mourait se répandit aux environs ; ses excès avaient développé l’effroyable maladie{{refl|2}}<ref> ''Le delirium tremens''</ref> qui semble projeter sur la vie présente les ombres livides de la réprobation future. Personne ne pouvait supporter les horreurs de cette chambre funèbre, où il délirait, se débattait, hurlait, et parlait de visions qui glaçaient le sang de ceux qui l’entendaient : debout, près de son lit de mort, il voyait se dresser une figure blême, terrible, inexorable, qui lui répétait : « Viens ! viens ! viens ! »
 
Par une bizarre coïncidence, le matin qui suivit la nuit où le fantôme apparut pour la première fois à Legris, on trouva la porte de la maison ouverte, et quelques nègres aperçurent deux ombres blanchâtres, glissant le long de l’avenue qui conduisait au grand chemin.
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Élevée dès son enfance au milieu de gens distingués, Cassy se trouvait en parfait rapport de langage, de manières, d’aspect, avec le rôle qu’elle avait pris. Ce qui lui restait encore de joyaux et de riches vêtements lui permit de compléter son personnage.
 
Elle s’arrêta dans le faubourg de la ville, à un magasin
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où elle avait remarqué des malles à vendre. Elle en acheta une, et pria le marchand de la lui faire porter. Ainsi, escorté d’un domestique qui voiturait son bagage sur une brouette, d’Emmeline qui la suivait chargé de son sac de nuit et de divers paquets, elle fit son entrée dans la petite auberge en femme de qualité.
 
La première personne qu’elle y rencontra fut George Shelby ; il attendait le passage du bateau.
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En atteignant le Mississipi, George, qui savait que la dame étrangère se dirigeait comme lui vers le haut pays, lui proposa de louer un salon en commun dans le même bateau. Il la plaignait de sa faible santé, et désirait faire de son mieux pour lui venir en aide.
 
Voilà donc nos voyageuses saines et sauves, établies à
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bord du bon bateau le ''Cincinnati'', et remontant le fleuve à toute vapeur.
 
La santé de Cassy s’était singulièrement améliorée ; elle se promenait sur le pont, s’y asseyait, dînait à table ; tous remarquaient en elle des traces d’une rare beauté.
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George s’asseyait souvent à la porte de la chambre de madame de Thoux, et Cassy pouvait, de la galerie, entendre leur conversation.
 
L’étrangère faisait mille questions sur le Kentucky, où elle avait, disait-elle, séjourné dans sa jeunesse. George
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découvrit, avec surprise, qu’elle avait habité dans le voisinage immédiat de sa famille : elle montrait du pays et des habitants une connaissance qui le confondait.
 
« N’avez-vous pas dans vos environs, lui demanda-t-elle un jour, un homme nommé Harris ?
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— Je fus vendue dans le Sud, qu’il n’était encore qu’un enfant, poursuivit-elle. Un homme bon et généreux m’acheta ; il m’emmena aux colonies françaises, m’affranchit et m’épousa. J’ai eu récemment le chagrin de le perdre, et je me rendais au Kentucky dans l’espoir d’y retrouver mon frère et de le racheter.
 
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— Je lui ai, en effet, entendu parler d’une sœur Émilie, qui avait été vendue dans le Sud.
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— Oh ! mon Dieu ! » s’écria Cassy, et elle tomba sans connaissance sur le plancher.
 
George et madame de Thoux s’empressèrent autour d’elle ; quoiqu’ils ne comprissent rien à cet évanouissement,
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ils en étaient troublés, et firent en conséquence toutes les gaucheries ordinaires en pareil cas. Dans son zèle George renversa un pot à l’eau et cassa deux verres. Les dames rassemblées au salon, apprenant que quelqu’un s’était évanoui, obstruèrent les portes, interceptèrent l’air autant que possible ; bref, tout ce qui n’aurait pas dû se faire se fit.
 
La pauvre Cassy n’en revint pas moins à elle ; détournant son visage, elle pleura et sanglota comme un enfant. — Peut-être, vous mères, pourriez-vous dire à quoi elle pensait ; peut-être ne le pourriez-vous pas. Mais en ce moment, elle se sentit sûre que Dieu l’avait prise en pitié, et qu’elle reverrait sa fille. — Et, en effet, plus tard… — Mais nous anticipons.
 
 
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:{{refa|1}} ''Jules César'', de Shakespeare.
:{{refa|2}} ''Le delirium tremens''
 
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