« Les Mystères du peuple/IV/8 » : différence entre les versions

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Cette lettre devait être placée avant l’épisode de la ''Crosse abbatiale'', qui fait partie du cinquième volume, et qui suit ''Ronan le Vagre'' ; nous donnons cette lettre à la fin de ce volume, afin de ne pas interrompre le récit dans le cinquième volume.
 
Chers lecteurs,
 
Nous avons cru devoir donner de longs développements à l’épisode de ''Ronan le Vagre'', ce récit vous retraçait la conquête de la Gaule, notre mère patrie, l’un des faits les plus capitaux de l’histoire des siècles passés, puisque les partisans de la royauté du droit divin et les ultramontains revendiquent encore aujourd’hui pour leurs rois et pour leur foi, cette sanglante et inique origine. Dernièrement encore, à l’Assemblée nationale, (séance du 15 janvier 1851), n’avons-nous pas entendu le plus éloquent défenseur du parti légitimiste prononcer ces paroles à propos de HENRI V : « ''En rentrant en France, il ne peut être que le premier des Français… le'' ROI… ''de ce pays que ses aïeux ont CONQUIS''… » — Quelques jours auparavant, lors de la discussion du projet de loi sur l’observance forcée du dimanche, n’avons-nous pas entendu M. Montalembert invoquer LA FOI DE CLOVIS ! La foi de Clovis ! jugez, chers lecteurs, vous qui connaissez Clovis, sa foi et les actes de ce fervent catholique.
 
Telle est donc, de l’aveu même des partisans du droit divin, l’origine de ce droit : ''la conquête'', c’est-à-dire, ''la violence, la spoliation, le massacre''… Certes, nous ne prétendons point que les légitimistes d’aujourd’hui soient des hommes de violence, de spoliation, de massacre ; mais l’inexorable fatalité des faits, l’histoire en un mot, prouve à chacune de ses pages l’abominable et oppressive iniquité de ce prétendu droit divin, alors consacré par l’odieuse complicité de l’Église catholique. Puis vous aurez remarqué, chers lecteurs, la part que le clergé gaulois a prise à cette conquête, dont il a partagé les dépouilles ensanglantées.
 
Nous étudierons dans les récits suivants les conséquences de cette ''conquête'', le sort des peuples toujours réduits aux douleurs et aux misères de l’esclavage, les désastres de la Gaule incessamment déchirée par les guerres civiles ou ravagée par les invasions des Arabes au huitième siècle, et des Normands au neuvième et au dixième… Oui, des Arabes, car, chose étrange, ''Abd-el-Kader'', cet intrépide et dernier défenseur de la nationalité arabe (car tout en rendant un juste hommage à l’admirable bravoure de notre armée, n’oublions pas que lui aussi, comme les Gaulois du vieux temps, combattait pour son foyer, pour sa religion, pour sa patrie…) tandis que Abd-el-Kader est aujourd’hui prisonnier au château de Blois, il y a onze siècles les ancêtres de cet émir, alors
 maîtres
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de presque tout le midi de la Gaule, où ils s’établirent durant de longues années, poussèrent leurs excursions guerrières jusqu’à ''Bordeaux'', jusqu’à ''Tours'', jusqu’à ''Poitiers'', jusqu’à ''Blois''… à ''Blois'' où à cette heure Abd-el-Kader, par un étrange revirement du sort des nations, semble expier la conquête de ses ancêtres, maîtres en ces temps-là d’une partie de notre sol, comme nous sommes aujourd’hui maîtres de l’Afrique.
 
Vous allez enfin, chers lecteurs, dans l’épisode de la ''Crosse abbatiale'', assister à des scènes étranges qui se passent au milieu d’un couvent de femmes. Ces étrangetés, je dois les justifier par quelques citations relatives à de semblables scènes rapportées par les chroniqueurs contemporains.
 
«… Chrodielde et plusieurs de ses religieuses retournèrent à Poitiers et se mirent en sûreté dans la basilique de Saint-Hilaire, réunissant autour d’elles des voleurs, des meurtriers, des adultères, des criminels de toute espèce, car elles se préparaient à combattre…
 
»… Les scandales que le diable avait fait naître dans le monastère de Poitiers devenaient de plus en plus déplorables… On accusait l’abbesse d’ouvrir les bains du monastère à des hommes, d’avoir continuellement autour d’elle des jeunes gens habillés en femmes, etc., etc. » (Grégoire, évêque de Tours, liv. IX, X et suivants.)
 
Un autre évêque, nommé ''Venance Fortunat'', écrivait à deux religieuses les vers suivants pour rendre hommage aux repas succulents qu’elles lui préparaient de leurs mains chéries :
 
«… Au milieu des délices variées, lorsque tout flattait mon goût, je dormais et je mangeais tour à tour, j’ouvrais la bouche, je fermais les yeux, toutes les sauces tentaient mon appétit ; croyez-le bien, ''mes chéries'', j’avais l’esprit troublé, il m’eût été difficile de m’exprimer librement ; ni mes doigts ni ma plume ne pouvaient tracer des vers : l’ivresse de ma muse avait rendu mes mains incertaines, car je ne suis pas à ''l’abri des accidents qui menacent le commun des buveurs'' ; la table même me semblait nager dans le vin, etc. » (''Poésies'' de VENANCE FORTUNAT, liv. VII, p. 24.)
 
Un dernier mot de gratitude, chers lecteurs, pour vous remercier de votre intérêt constant pour cette œuvre, que les prétentions monarchiques et cléricales, coalisées contre la république démocratique et sociale, rendent presque de circonstance.

 
Paris, 20 janvier 1851
 
<big>'''EUGÈNE SUE''',</big>
 
''<big>Représentant du peuple pour le département de la Seine.</big>''