« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Voûte » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Ajout illustrations
Ajout illustrations
Ligne 1 142 :
en 1140 un premier exemple complet de ce mode de structure des
voûtes. On va en juger.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.chapelle.eglise.Saint.Denis.png|center]]
<div class=prose>
La figure 22 présente en A le plan d'une demi-chapelle du tour du
chœur de l'église abbatiale de Saint-Denis, avec le double collatéral
Ligne 1 166 ⟶ 1 168 :
du nouveau système adopté), s'il eût tracé ces arcs en plein cintre,
ou il eût fallu que les naissances de ces arcs eussent été à des niveaux
 
[Illustration: Fig. 22.]
 
très-différents, si l'on eût voulu que leurs clefs fussent élevées à un même
niveau, puisque ces arcs sont de diamètres très-différents, et alors surgissaient
Ligne 1 244 ⟶ 1 243 :
de Sens accusent une indécision (surtout les voûtes basses), des tâtonnements
qui n'apparaissent plus à Saint-Denis.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.cathedrale.Sens.png|center]]
<div class=prose>
Examinons (fig. 23) une demi-travée de la nef de la cathédrale de
Sens. Les voûtes des collatéraux A possèdent des arcs-doubleaux C qui
Ligne 1 263 ⟶ 1 264 :
tenant aux grosses piles. Bien que les arcs-doubleaux C soient plein
cintre, les archivoltes E de la nef sont en tiers-point (voy. leur rabattement
 
[Illustration: Fig. 23.]
 
en E'). D'ailleurs les clefs des arcs ogives atteignent un niveau <i>d</i>
supérieur au niveau des clefs des arcs-doubleaux et des archivoltes; de
Ligne 1 308 ⟶ 1 306 :
plan horizontal de la naissance de ces grandes voûtes de la cathédrale
de Sens. B est l'arc-doubleau; C, l'arc ogive; D, l'arc-doubleau de recoupement.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.cathedrale.Sens.2.png|center]]
[Illustration: Fig. 24.]
<div class=prose>
 
En E, est tracée la coupe, suivant le grand axe, de cette portion
de voûte. Les colonnettes <i>c</i> existent encore en place avec leurs chapiteaux,
Ligne 1 346 ⟶ 1 344 :
les parties orientales de la Champagne. Sa présence à Sens n'en est pas
moins un fait assez remarquable.
</div>
 
[[Image:Detail.Notre.Dame.Chalons.sur.Marne.png|center]]
<div class=prose>
Il ressort de cette étude que les voûtes hautes de Saint-Étienne de
Sens étaient très-bombées, présentaient des triangles concaves fortement
Ligne 1 356 :
pour les voûtes des collatéraux, plus anciennes, et pour les voûtes hautes
des chœurs de Vézelay et de Notre-Dame de Châlons-sur-Marne, qui sont
 
[Illustration: Fig. 25.]
 
du même temps, ou peu s'en faut, que celles hautes de la cathédrale de
Sens. Les triangles prenant pour base les formerets, ayant à Sens été
Ligne 1 376 ⟶ 1 373 :
moitié du XII<sup>e</sup> siècle arrivent à voûter sans difficultés les surfaces irrégulières,
et notamment des espaces triangulaires, entre piles, ainsi qu'on
 
[Illustration: Fig. 26.]
 
le peut voir autour du chœur de la cathédrale de Paris. Le sanctuaire
de Notre-Dame de Paris est enveloppé d'un double collatéral (voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]], fig. 44); la seconde zone de piles étant naturellement plus
Ligne 1 419 ⟶ 1 413 :
construire ces voûtes, surtout dans la manière de poser les arcs sur
les piles.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.Notre.Dame.Paris.png|center]]
<div class=prose>
Ajouter des arêtes à la voûte soit d'arête, soit cellulaire, soit en coupole
sphérique ou côtelée, ou plutôt poser sous ces voûtes des cintres
Ligne 1 447 ⟶ 1 443 :
mais au-dessus. L'opération qui se présente tout d'abord est celle-ci:
il écorne les angles du sommier, et pose, non plus en brique, mais en
 
[Illustration: Fig. 27.]
 
pierres appareillées, les claveaux <i>b</i> en dehors des angles. Il aura de même
fait sortir des faces <i>c</i> des arcs-doubleaux <i>d</i>. L'ensemble du sommier
Ligne 1 464 ⟶ 1 457 :
que nous l'avons fait voir dans la figure 9, ce qui permettait d'ailleurs
de diminuer le corps principal de la pile.
</div>
 
[[Image:Plan.voutes.arete.byzantines.png|center]]
<div class=prose>
Ainsi naissent ces faisceaux de colonnes engagées, qui sont une première
déduction logique du nouveau mode de voûtage. Puisque les arcs-doubleaux
Ligne 1 484 ⟶ 1 479 :
chapiteaux la place franche, ou à très-peu près, de chacun de ces arcs,
qui sont indépendants les uns des autres dès le sommier.
</div>
 
[[Image:Voute.eglise.Trinite.Laval.png|center]]
<div class=prose>
Dans l'Île-de-France cependant, dès 1140, les arcs se pénètrent à leur
naissance, ainsi qu'on le voit autour du chœur de l'église abbatiale de
Saint-Denis. On signale bien encore des tâtonnements, des embarras,
mais le principe de pénétration des arcs au sommier est déjà admis.
</div>
 
[[Image:Voute.cathedrale.Senlis.png|center]]
[Illustration: Fig. 28]
<div class=prose>
 
À la cathédrale de Senlis, dont la construction est peu postérieure à
celle de l'église de Saint-Denis (partie de l'abside), on voit que l'architecte a cherché à faire pénétrer l'arc ogive des chapelles dans l'arc-doubleau d'ouverture. La figure 29 donne en A la pile d'angle de ces chapelles (peu profondes comme celles de l'église de Saint-Denis). L'arc-doubleau
Ligne 1 499 ⟶ 1 496 :
de ces deux arcs ne sont plus indépendants, mais sont pris dans les
mêmes assises jusqu'au niveau <i>n</i>. Bientôt ces arcs, à leur naissance, se
 
[Illustration: Fig. 29.]
 
groupent de plus en plus, se pénètrent, ce qui permet de diminuer d'autant la section des piles qui les portent. Les arcs se resserrant en faisceau,
ne sont plus, de fait, un renfort, une ossature pour porter la voûte, mais
Ligne 1 562 ⟶ 1 556 :
Ces arcs supplémentaires venaient aboutir à la lierne posée de la clef de
l'arc-doubleau à la clef de l'arc ogive. C'est peut-être à la voûte centrale
 
[Illustration: Fig. 30.]
 
du transsept de la cathédrale d'Amiens que ce système fut appliqué
pour la première fois<span id="note21"></span>[[#footnote21|<sup>21</sup>]]. Cette voûte carrée, qui porte 14<sup>m</sup>,40 en moyenne.
Ligne 1 582 ⟶ 1 573 :
de moellons vers le milieu de leur courbure, dont la lierne <i>ab</i> donne la
flèche.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.centrale.cathedrale.Amiens.png|center]]
<div class=prose>
En Angleterre, l'adoption de ce système s'était combinée avec une
disposition particulière à cette contrée, de rangs de moellons des voûtains
Ligne 1 588 ⟶ 1 581 :
de voûtes tout à fait différentes de celles admises par l'école
française.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.cathedrale.Bayeux.png|center]]
[Illustration: Fig. 31.]
<div class=prose>
 
En Normandie, vers la fin du XIII<sup>e</sup> siècle, on voit déjà des voûtes dont
les arcs-doubleaux et arcs ogives ont leurs clefs au même niveau, et qui
Ligne 1 600 ⟶ 1 593 :
est projeté le quart du plan de cette voûte, percée d'un œil pour le
passage des cloches. De <i>a</i> en <i>b</i> sont les liernes horizontales, sans tiercerons.
</div>
 
[[Image:Detail.voute.cathedrale.Bayeux.png|center]]
[Illustration: Fig. 32.]
<div class=prose>
 
Les arcs-doubleaux sont rabattus en BC, les arcs ogives en DE, les
liernes projetées en GE. Ces liernes horizontales ne sont point appareillées
Ligne 1 647 ⟶ 1 640 :
n'adoptent pas volontiers la qualification d'anglo-normand. Il est donc
entendu que nous ne nous brouillerons pas sur un mot.
</div>
 
[[Image:Voute.arete.sur.plan.carre.png|center]]
<div class=prose>
Nous avons vu qu'en France, ou plutôt dans l'Île-de-France, déjà au
milieu du XII<sup>e</sup> siècle, les remplissages des voûtes en arcs d'ogive sont
Ligne 1 674 ⟶ 1 669 :
<i>seul</i>, sans le concours du maître appareilleur, ces rangs de moellons
concaves à l'intrados et plus épais, par conséquent, au milieu du rang
 
[Illustration: Fig. 33.]
 
qu'aux deux extrémités. Il y avait dans ce mode de procéder un <i>à peu
près</i>, un sentiment, peut-on dire, qui n'entrait pas dans le génie précis
Ligne 1 702 ⟶ 1 694 :
cette solution pratique, on constate des tâtonnements dont il est utile de
se rendre compte.
</div>
 
[[Image:Voute.cloitre.abbaye.Westminster.png|center]]
[Illustration: Fig. 34.]
<div class=prose>
 
Dans le cloître de l'abbaye de Westminster (fig. 34), ces tâtonnements
sont visibles. Plusieurs voûtes sont fermées conformément à la méthode
Ligne 1 820 ⟶ 1 812 :
lierne de clefs, il était naturel qu'ils en établissent bientôt plusieurs.
Ainsi firent-ils (fig. 35).
</div>
 
[[Image:Plan.voute.medievale.anglaise.png|center]]
<div class=prose>
Les tiercerons venaient aboutir de la naissance au milieu des liernes,
en <i>aa'</i>. Ces constructeurs jugèrent que pour les grands triangles, les
Ligne 1 859 ⟶ 1 853 :
celle-ci viendra rencontrer en <i>h''</i> la courbe maîtresse <i>g'n</i>. La courbe
de ce contre-tierceron sera donc la courbe <i>g'h''</i>. Rabattant le tierceron
 
[Illustration: Fig. 35.]
 
<i>g'a'</i>, idem en <i>a''</i>; élevant une perpendiculaire de ce point <i>a''</i>, celle-ci
rencontrera la courbe maîtresse en <i>a'''</i>. La courbe de ce tierceron sera
Ligne 1 884 ⟶ 1 875 :
hauteur <i>bo'</i>. Employant le même système de tracé, nous aurons en <i>uy</i>
la projection longitudinale des branches de liernes <i>cl</i>.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.medievale.anglaise.2.png|center]]
<div class=prose>
Tout ceci n'est que de la géométrie descriptive très-élémentaire, et
ne demande pas de grands efforts d'intelligence de la part du traceur,
Ligne 1 913 ⟶ 1 906 :
goussets sont tracés suivant un plan vertical, ainsi que l'indique la section
B (fig. 37), des feuillures F étant réservées pour poser les moellons
 
[Illustration: Fig. 36.]
 
de remplissage, et la queue de ces contre-liernes arasant l'extrados de
ces moellons,. On observera que l'arc C (qui est ici l'arc ogive) possède
en D une joue plus large au-dessous de la contre-lierne qu'en <i>d</i>, ce que
motive la position verticale de cette contre-lierne, et ce qui est parfaitement
Ligne 1 931 ⟶ 1 921 :
le voit en M. Ces deux lignes ont coupé le tierceron en deux points <i>a</i>, <i>b</i>;
divisant en deux cet espace <i>ab</i>, on a marqué le point P, centre de la clef I.
</div>
 
[[Image:Detail.clef.de.voute.anglaise.png|center]]
<div class=prose>
En multipliant ainsi les arcs des voûtes destinées à maintenir les remplissages,
qui ne sont plus que des panneaux de pierre, il était naturel
Ligne 1 941 ⟶ 1 933 :
de voûte française, le constructeur a multiplié les joints, afin de laisser
à cet arc une plus grande élasticité, d'éviter les jarrets et brisures, qui
 
[Illustration: Fig. 37.]
 
eussent été, pour les voûtains, une cause de dislocation. Quoique ces
voûtains conservent eux-mêmes une certaine élasticité, il était important
Ligne 2 007 ⟶ 1 996 :
on s'y habitua et l'on s'en servit dans des circonstances non commandées
par le système de structure.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.XIVe.siecle.png|center]]
<div class=prose>
Cependant les constructeurs anglais ne s'en tinrent pas à la voûte que
 
[Illustration: Fig. 38.]
 
nous venons de donner (fig. 35 et 36); ils prétendirent, vers la même
époque, c'est-à-dire au commencement du XIV<sup>e</sup> siècle, avoir, avec des
Ligne 2 036 ⟶ 2 024 :
de moellons de remplissage peuvent toujours être posés conformément
à la méthode indiquée précédemment.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.anglaise.XIVe.siecle.png|center]]
[Illustration: Fig. 39.]
<div class=prose>
 
Voyons (figure 39) comment ce système de structure des voûtes anglaises
incline vers une méthode de plus en plus mécanique. Soient en
Ligne 2 137 ⟶ 2 125 :
des clefs CC', la voûte forme un berceau composé de panneaux de pierre
clavés, portant en relief, les compartiments simulant alors des pénétrations
 
[Illustration: 40.]
 
d'arêtes, de tiercerons, de contre-liernes, etc. La ligne des clefs,
ou la lierne qui réunit la clef E du formeret à la ligne DD', est horizontale,
Ligne 2 156 ⟶ 2 141 :
C'est ainsi que sont construites les voûtes les plus récentes de la cathédrale
de Peterborough et celles de la chapelle de Henri VII à Westminster.
</div>
 
[[Image:Detail.voute.chapelle.Saint.George.Windsor.png|center]]
<div class=prose>
Ces sortes de voûtes sont très-plates. Ainsi la voûte dont la figure 40
présente l'extrados n'a, comme flèche, qu'un peu plus du quart de
Ligne 2 209 ⟶ 2 196 :
angles de brisure à la clef qui ne fussent pas trop inégaux. Les naissances
de ces divers arcs furent donc une de leurs plus grandes préoccupations.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.cathedrale.Narbonne.png|center]]
[Illustration: 41.]
<div class=prose>
 
Le chœur de la cathédrale de Narbonne, commencé à la fin du
XIII<sup>e</sup> siècle et conçu évidemment par un maître très-habile, présente,
Ligne 2 246 ⟶ 2 233 :
des chapelles. À la cathédrale de Bourges, les voûtes des collatéraux du
chœur (1225 environ) sont déjà tracées suivant ce principe.
</div>
 
[[Image:Voute.cathedrale.Narbonne.png|center]]
<div class=prose>
Mais nous voyons, dans la perspective figure 42, qu'entre l'arc ogive
et l'archivolte, le remplissage est abandonné et pénètre dans la pile
Ligne 2 264 ⟶ 2 253 :
horizontaux, s'élèvent jusqu'au niveau N, c'est-à-dire beaucoup au-dessus
des naissances des arcs.
</div>
 
[[Image:Plan.voute.cathedrale.Narbonne.2.png|center]]
C'est la dernière expression de la combinaison des naissances d'arcs.
<div class=prose>
 
C'est la dernière expression de la combinaison des naissances d'arcs
[Illustration: Fig. 42.]
 
de voûtes en France, et ce parti fut suivi jusqu'à l'époque de la renaissance.
</div>
 
[[Image:Voute.eglise.abbatiale.Saint.Ouen.Rouen.png|center]]
[Illustration: Fig. 43.]
<div class=prose>
 
Ce sont là des conséquences rigoureuses du principe de la voûte
trouvée au XII<sup>e</sup> siecle; mais, quant au mode de structure, il ne varie pas,
Ligne 2 292 ⟶ 2 280 :
chez nous sur les raisons qui militaient en faveur de notre système
de voûtes françaises, dont il était facile de tirer des conséquences de
 
[Illustration: 44.]
 
plus en plus étendues. Philibert de l'Orme, dans son <i>Traité d'architecture</i><span id="note29"></span>[[#footnote29|<sup>29</sup>]], s'exprime ainsi au sujet de ces voûtes: «Ces façons de voûtes ont
été trouvées fort belles, et s'en voit de bien exécutées et mises en œuvre
Ligne 2 383 ⟶ 2 368 :
fermaient le chœur de l'église Saint-Florentin (Yonne), et qui dataient
du milieu de ce siècle<span id="note30"></span>[[#footnote30|<sup>30</sup>]].
</div>
 
[[Image:Plan.voute.eglise.Saint.Florentin.png|center]]
<div class=prose>
Nous donnons (fig. 45) la projection horizontale de la moitié de ces
voûtes, au chevet de l'église. L'arc-doubleau et l'arc ogive composent,
Ligne 2 425 ⟶ 2 412 :
l'arc <i>a''b''</i> est connu. Il en est de même pour l'arc <i>bm</i>, rabattu en
<i>b''m'</i>, puisque le niveau de la clef <i>m</i> est connu.
 
[Illustration: Fig. 45.]
 
Quant aux liernes <i>de</i>, elles sont prises sur un arc de cercle qui réunirait
Ligne 2 437 ⟶ 2 422 :
dans un plan vertical, quelle que soit leur position par rapport à la
courbure des arcs principaux (voyez en P).
</div>
 
[[Image:Detail.clef.de.voute.pendante.png|center]]
[Illustration: Fig. 46.]
<div class=prose>
 
Mais les arcs secondaires, pénétrant plus ou moins obliquement les
arcs principaux, suivant que ceux-ci se rapprochent ou s'éloignent de