« Le Horla (recueil, Ollendorff 1895)/Amour » : différence entre les versions

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J’allais me jeter sur mon lit aussitôt après le repas, et je m’endormis à la lueur d’une grande flamme flambant dans ma cheminée.
 
AÀ trois heures sonnantes on me réveilla. J’endossai à mon tour, une peau de mouton et je trouvai mon cousin Karl couvert d’une fourrure d’ours. Après avoir avalé chacun deux tasses de café brûlant suivies de deux verres de fine champagne, nous partîmes accompagnés d’un garde et de nos chiens : Plongeon et Pierrot.
 
Dès les premiers pas dehors, je me sentis glacé jusqu’aux os. C’était une de ces nuits où la terre semble morte de froid. L’air gelé devient résistant, palpable tant il fait mal ; aucun souffle ne l’agite ; il est figé, immobile ; il mord, traverse, dessèche tue les arbres, les plantes, les insectes, les petits oiseaux eux-mêmes qui tombent des branches sur le sol du, et deviennent durs aussi, comme lui, sous l’étreinte du froid.
 
La lune, à son dernier quartier, toute penchée sur le côté, toute pâle, paraissait défaillante au milieu de l’espace, et si faible qu’elle ne pouvait plus s’en aller, qu’elle restait là haut, saisie aussi, paralysée par la rigueur du ciel. Elle répandait une lumière sèche et triste sur le monde, cette lueur mourant et blafarde qu’elle nous jette chaque mois, à la fin de sa résurection.
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Rien ne m’émeut comme cette première clameur de vie qu’on ne voit point et qui court dans l’air sombre, si vite, si loin, avant qu’apparaisse à l’horizon la première clarté des jours d’hiver. Il me semble à cette heure glaciale de l’aube, que ce cri fuyant emporté par des plumes d’une bête est un soupir de l’âme du monde !
 
Karl disait : « EteignezÉteignez le feu. Voici l’aurore. »
 
Le ciel en effet commençait à pâlir, et les bandes de canards traînaient de longues taches rapides, vite effacées, sur le firmament.