« L’Espagne et la révolution de 1854 » : différence entre les versions
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{{journal|L’Espagne et la Révolution de 1854|[[Auteur:Charles de Mazade|Charles de Mazade]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.10, 1855}}
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L'Espagne depuis un an bientôt est livrée au caprice ironique d'une révolution qui a été l’œuvre involontaire ou imprévue de tout le monde, qui a commencé par tout ébranler pour en venir à s'agiter sur elle-même, et éprouve autant de peine à se fixer qu'à se développer. Ce n'est point la première fois que la Péninsule apparaît sous la figure d'un astre quelque peu irrégulier de la politique, décrivant des ellipses singulières. Quand un souffle de violence se répandait en Europe il y a quelques années, elle se réfugiait dans le calme et y trouvait une sorte de réhabilitation; quand la tempête s'est apaisée, elle s'est trouvée mûre pour des perturbations nouvelles, comme si elle voulait montrer ce qu'il y a toujours de distinct dans ses commotions. Lorsqu'enfin les plus grandes questions s'élèvent dans le monde, elle se lie les mains par ses convulsions intérieures, comme pour se désintéresser du mouvement général des choses. Née de la décomposition lente et irrésistible d'une situation qui parut un moment réunir toutes les conditions de la durée, la dernière révolution espagnole a cela de particulier, que si elle a été l’expression de l’impuissance des vieilles combinaisons, elle n'a rien fait triompher et en est encore à chercher sa loi et son but : elle n'a été qu'une grande crise qui est venue raviver les plaies invétérées de la Péninsule, rallumer tous les antagonismes, réveiller tous les problèmes et renouer en un mot le cours des fiévreuses agitations. La veille encore, l’Espagne, bien que sourdement travaillée et vaguement inquiète, conservait l’apparence de la paix, comme la dernière chance d'une meilleure fortune; le lendemain, pouvoirs réguliers, lois, institutions, tout s'était effondré et avait disparu. Dans ce court intervalle que s'était-il passé? Quelques généraux, entraînant leurs soldats dans le Camp des Gardes à Madrid le matin du 28 juin 1854, avaient relevé le drapeau des guerres intérieures. La scission de l’armée avait appelé la sédition du peuple. Sous le flot montant de l’insurrection, le gouvernement s'était dérobé pour ainsi dire, et la Péninsule restait en peu de jours avec une monarchie nominale, des forces incohérentes et des passions déchaînées. Or comment ces événemens se sont-ils accomplis et par quelle succession de circonstances ont-ils été possibles? De quel mélange de mobiles personnels et de causes politiques sont-ils le fruit? quelles conditions nouvelles ont-ils créées? C'est là une histoire qui embrasse la situation actuelle de l’Espagne dans ses origines, dans ses élémens confus, dans ses perspectives les plus prochaines, avec tout son mouvement d'hommes, d'ambitions et d'intérêts.▼
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Il y a tout d'abord un petit nombre de traits essentiels et élémentaires en quelque sorte qui se retrouvent invariablement dans le drame des révolutions politiques de l’Espagne. A travers toutes les péripéties de ces luttes de modérés à progressistes, de progressistes à modérés, qui forment l’histoire contemporaine de la Péninsule, à l’issue de tous les conflits, on peut apercevoir un fait caractéristique : c'est la présence unique et exclusive du parti qui triomphe. Soit par une logique singulière de ce fatalisme propre à la nature espagnole, soit par suite de cette facilité que rencontrent les causes victorieuses dans un pays résigné et accoutumé à changer de maîtres, la scène publique appartient exclusivement aux dominateurs du jour. Le parti opposé existe-t-il? On ne le sait plus; il disparaît subitement, il émigre, ou se retire tout au moins, et il attend. Il y a eu des momens, sous la régence du duc de la Victoire, où il n'y avait qu'un conservateur au congrès, c'était M. Pacheco. Il y a eu des époques, pendant le règne du parti modéré, où il n'y avait qu'un progressiste dans les cortès, c'était M. Orense. Les conservateurs étaient hier partout, ils comptent à peine quelques représentans dans l’assemblée constituante réunie aujourd'hui à Madrid. On dirait que la Péninsule est alternativement tout entière progressiste ou tout entière, modérée. Il n'en est rien. Cela prouve simplement que la vie politique au-delà des Pyrénées est une fiction dans sa représentation extérieure, et qu'au fond elle n'a point cessé d'être une guerre où chaque situation se dénoue par la force, dont les décisions sont acceptées momentanément par les vaincus jusqu'à une occasion plus favorable. On croyait le drame fini, il n'était qu'interrompu. En réalité, l’insurrection reste toujours jusqu'ici le grand instrument des évolutions politiques de l’Espagne. C'est le grand ministre au département de l’imprévu. Et, comme pour rendre plus palpable cette assimilation de la vie publique espagnole à une guerre, quels sont les chefs que choisissent les partis? Ce sont des soldats, — Narvaez, Espartero, O'Donnell, — personnifications successives de toutes les situations, de toutes les tendances, des opinions anciennes ou des opinions qui cherchent à se former.▼
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veille encore, l’Espagne, bien que sourdement travaillée et vaguement inquiète, conservait l’apparence de la paix, comme la dernière chance d’une meilleure fortune ; le lendemain, pouvoirs réguliers, lois, institutions, tout s’était effondré et avait disparu. Dans ce court intervalle que s’était-il passé ? Quelques généraux, entraînant leurs soldats dans le Camp des Gardes à Madrid le matin du 28 juin 1854, avaient relevé le drapeau des guerres intérieures. La scission de l’armée avait appelé la sédition du peuple. Sous le flot montant de l’insurrection, le gouvernement s’était dérobé pour ainsi dire, et la Péninsule restait en peu de jours avec une monarchie nominale, des forces incohérentes et des passions déchaînées. Or comment ces événemens se sont-ils accomplis et par quelle succession de circonstances ont-ils été possibles ? De quel mélange de mobiles personnels et de causes politiques sont-ils le fruit ? quelles conditions nouvelles ont-ils créées ? C’est là une histoire qui embrasse la situation actuelle de l’Espagne dans ses origines, dans ses élémens confus, dans ses perspectives les plus prochaines, avec tout son mouvement d’hommes, d’ambitions et d’intérêts.
▲Il y a tout
Il y a un autre trait qui n'est pas moins saillant et auquel la dernière révolution donne un degré de vérité terrible : c'est que les partis dominans, une fois qu'ils sont placés au pouvoir par les circonstances, ne succombent point sous l’effort agressif de leurs adversaires naturels. Ils commencent par se détruire eux-mêmes. Ils mettent un cruel et bizarre acharnement à se démembrer, transportant la guerre civile dans leur propre sein, se décomposant avec une inexorable logique et laissant la société sans direction. Alors l’insurrection se lève, comme pour achever de trancher ce fil usé et à demi rompu auquel tient l’existence du pays, et la face des choses est changée moins par la force réelle des oppositions extrêmes que par l’impuissance du gouvernement. Mouvement factice de la vie politique, prépondérance des élémens militaires, dissolution de toutes les forces dirigeantes de la société, — de ces traits divers, quel est celui qui manque à la révolution espagnole de 1854, à cette révolution nouée par la main des généraux, consommée par l’insurrection, préparée surtout par le suicide du parti modéré? Ce suicide est à la fois le triste dénoûment d'une période digne d'une meilleure fin et le prologue des événemens actuels. Qu'on remarque cependant, comme un dernier témoignage de la vitalité et de la puissance des idées conservatrices, qu'il a fallu trois ans et quatre ministères pour mener à bout ce suicide, dont la moralité est une révolution.▼
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favorable. On croyait le drame fini, il n’était qu’interrompu. En réalité, l’insurrection reste toujours jusqu’ici le grand instrument des évolutions politiques de l’Espagne. C’est le grand ministre au département de l’imprévu. Et, comme pour rendre plus palpable cette assimilation de la vie publique espagnole à une guerre, quels sont les chefs que choisissent les partis ? Ce sont des soldats, — Narvaez, Espartero, O’Donnell, — personnifications successives de toutes les situations, de toutes les tendances, des opinions anciennes ou des opinions qui cherchent à se former.
▲Il y a un autre trait qui
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Le parti modéré, dans ses nuances diverses, a gouverné pendant dix ans l’Espagne ; il ne l’a pas gouvernée seulement, il l’a constituée, organisée et transformée. Les conditions
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1122]]== la paix des consciences par la négociation du concordat, promulguant les codes du droit civil et du droit criminel, renouvelant enfin les conditions économiques du pays par les hardies et intelligentes réformes de M. Mon et de M. Bravo Murillo, qui ont donné à l’Espagne un système plus simple de contributions, une législation commerciale moins restrictive, une comptabilité publique claire et rationnelle. Il ne faut point oublier ce Puissant par les lumières et par les intérêts
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On a recherche, avec une ardeur
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1124]]== de recueillir son héritage ; C’était le commencement de cette étrange dissolution, à laquelle il ne manquait que des alimens et des incidens. Quelle est en effet la première conséquence de cette crise ? Immédiatement le chef du nouveau cabinet, M. Bravo Murillo, se trouve en présence Cette pensée de réforme constitutionnelle, qui a joué un si grand rôle dans les dernières crises de l’Espagne, ne procédait pas
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1125]]== du trône Pour que cette réforme pût avoir son vrai et sérieux caractère, elle aurait dû être l’œuvre du parti conservateur uni et compacte, et le travail des animosités personnelles, en se poursuivant, rendait chaque jour les scissions plus implacables. Il aurait fallu tout au moins que M. Bravo Murillo pût compter sur les chefs de l’armée, et il
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1126]]== pour y aller étudier l’organisation militaire de l’Autriche, ne servait pas peu à augmenter la confusion. Le président du conseil espagnol avait voulu gagner du temps par des élections ; la force des circonstances le ramenait à une série ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1127]]== n’était plus un gouvernement, Le cabinet du général Lersundi était-il plus heureux ? Formé des élémens les plus différens, il se remettait avec une entière bonne foi à cette œuvre ingrate et chaque jour plus difficile de la conciliation. Il prodiguait la tolérance, cherchait à détourner les esprits des émotions politiques, laissait tout le monde convaincu de la droiture de ses vues, et ne réussissait à vivre lui-même que
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1128]]== de chemins de fer lui en donnaient un autre : la moralité ! Il y a eu véritablement un instant où on eût dit que l’Espagne se composait de malfaiteurs passant successivement au pouvoir et de Catons Ce
Jeune, entreprenant, très décidé à relever sa fortune par quelque tentative propre à mettre fin à la situation critique de l’Espagne, le nouveau président du conseil trouvait dans son passé plus
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1129]]== faisait poser la principale responsabilité ; Dans ces conditions, on peut le dire, la conciliation était moins une politique
Ce fut un tort du sénat indubitablement. Il jouait la paix et le sort de l’Espagne pour une question vulgaire, pour ce qu’on nommait une
Ce fut un tort du sénat indubitablement. Il jouait la paix et le sort de l’Espagne pour une question vulgaire, pour ce qu'on nommait une affaire d'étiquette parlementaire. Il s'agissait de savoir s'il fallait discuter une proposition partielle sur les chemins de fer, produite dans le sénat, lorsque le gouvernement avait présenté une loi générale au congrès. C'était puéril; mais cela ne faisait que mieux ressortir le caractère de cette signification hautaine d'indignité infligée à la personne morale du ministère encore plus qu'à sa politique. Ce n'était plus une discussion, c'était un duel. «Si nous avons la victoire, disait le général Ros de Olano, c'est le ministère qui est tué; si nous succombons, c'est le sénat qui est mort ! » Le général Ros de Olano se trompait : sénat et gouvernement, gouvernement et sénat étaient morts du même coup. Ce jour-là, le 8 décembre 1853, une révolution fut fomentée au sein du sénat espagnol. Ce fut sans doute aussi le tort du gouvernement de répondre à une impatience d'opposition par une impatience de pouvoir, à un vote hostile par une suspension indéfinie des certes. Strictement, il ne dépassait peut-être pas son droit. Politiquement et moralement, c'était un conflit à outrance accepté par tous, après une trêve inutilement offerte et injurieusement repoussée.▼
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Au fond, l’alternative même que semblait
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Quel était le but dernier du comte de San-Luis ? Il avait sans doute, lui aussi, son acte
Maintenant, à ce point extrême,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1132]]== même des plus terribles, même de celles qui réduisent en poussière les institutions. Cette <center>II</center>
Le mouvement du 28 juin 1854, indépendamment de ses causes politiques, a cela de curieux en effet
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1133]]== Murillo, et alors commençait cette opposition, chaque jour plus implacable, qui venait se dénouer au Camp des Gardes, où, à côté La première pensée du général
Première étincelle de guerre civile ! signal nouveau de révolution jeté à un pays lassé de révolutions !
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1134]]== secrètes, et les soldats des deux côtés se battirent avec une intrépidité égale. Dès ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1135]]== tenant ses corps rapprochés et serrés pour ainsi dire dans les liens Le seul côté favorable du combat de Vicalvaro,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1136]]== Le comte de San-Luis prit à peine le temps de prévenir le général Cordova ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1137]]== membres de l’opposition conservatrice, MM. Rios Rosas et Luis Mayans, à côté de trois progressistes modérés, MM. Cornez de la Serna, Cantero et Miguel de Roda. Que pouvait-il ce ministère, sur lequel on a rejeté au dernier moment toute la responsabilité ? Formé dans une heure de détresse pour couvrir le trône et la société, composé
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1138]]== deux jours et dont les instans étaient marqués, devenait plus impuissant encore pour préserver Passer en deux jouis du ministère du comte de San-Luis à une véritable dictature déférée au duc de la Victoire dans la dissolution de tous les pouvoirs réguliers, quel rapide chemin ! Et sur ce chemin, quelles foudroyantes étapes ! Les événemens une fois accomplis, il est aisé sans doute
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1139]]== Espartero au contraire avait vécu retiré jusque-là, étranger aux luttes récentes des partis et à leurs manifestations violentes, paisible dans l’effervescence universelle. On le croyait du moins. Seulement, — et La junte de Madrid avait un caractère particulier parmi toutes les juntes sorties de terre au même instant sur tous les points de l’Espagne, selon l’usage invariable. Elle exprimait assez exactement le sens complexe de cette révolution, qui avait été
Le général don Evaristo San-Miguel est un de ces hommes qui ont dans leur vie une heure où ils servent leur pays, où ils le sauvent
Le général don Evaristo San-Miguel est un de ces hommes qui ont dans leur vie une heure où ils servent leur pays, où ils le sauvent peut-être, sans être faits pour le premier rôle. Esprit chimérique et cœur loyal, imbu de toutes les illusions de 1812, ancien ministre constitutionnel de 1823, autour d'une ''Histoire de Philippe II'', San-Miguel nourrissait les opinions progressistes les plus prononcées, et en même temps il aimait la reine, il se faisait son chevalier et était prêt à la défendre. Ses cheveux blancs autant que ses antécédens libéraux servaient à sa popularité. Pendant quelques jours, il fut tout à Madrid, président de la junte, ministre universel, capitaine-général, chef du peuple et de l’armée, plénipotentiaire de la royauté et de l’insurrection. Il passait la nuit au palais, la journée à la junte et aux barricades, prodiguant sa vieillesse et ses bonnes paroles. Il était tout, disons-nous, — bien entendu à la condition de ne pouvoir empêcher dans les premiers instans les plus violens excès. C'est ainsi qu'une espèce de commission révolutionnaire présidée par le ''torero'' Pucheta faisait fusiller sans autres façons l’ancien chef de la police Chico et deux de ses domestiques. En vérité, Pucheta et le général San-Miguel étaient les deux puissances de Madrid, — l’un se faisant l’exécuteur des passions révolutionnaires, l’autre exerçant son influence modératrice, faisant reculer le drapeau rouge dès qu'il se montrait, imposant silence aux cris républicains proférés par quelques fanatiques. Tout l’effort de San-Miguel et des modérés tendait à maintenir un certain ordre dans le désordre, à défendre la reine, à réserver le plus possible les questions de gouvernement et à gagner le moment où un pouvoir renaîtrait de cette gigantesque anarchie. Il restait à savoir quel serait ce pouvoir, quel allait être le cours et quelles seraient les limites de cette dévolution. Or c'est ici que se noue le drame de la situation de la Péninsule et des événemens qui ont suivi.▼
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La force des circonstances plaçait évidemment le nœud de cette situation entre les mains du général Espartero, qui se trouvait à la fois président de la junte de Saragosse et chef désigné du pouvoir impatiemment attendu à Madrid. Ainsi reparaissait sur la scène un personnage qui
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1141]]== du bien et du mal par circonstance ou par inertie plutôt que par choix. Ce Le premier mouvement
Une mission dont le duc de la Victoire chargeait un de ses aides de camp, le général Allende Salazar, auprès de la reine,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1142]]== audience où l’envoyé Le duc de la Victoire avait évidemment fait un faux calcul. Il trouvait une résistance à laquelle il ne
==[[Page:Revue s’il n’avait point reçu ces lettres, il répliqua que si le duc de la Victoire avait cru devoir Ceci est l’indice des conditions réelles dans lesquelles Espartero prenait le gouvernement. Maître absolu de ses résolutions, il
Il ne faut, point l’oublier, dans ce ministère, deux partis faisaient alliance. Espartero et
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1144]]== des humeurs, des vues et des tendances différentes. Le parti modéré du cabinet eût voulu circonscrire le mouvement. Une fatalité singulière livrait la mère
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1145]]== Comme toutes ces imputations vagues, propagées par les animosités clandestines, se détruisaient Le premier mouvement du ministère, à son entrée au pouvoir, dès le 3 août, avait été de faire partie la reine-mère ; mais les révolutionnaires, encore en armes, gardaient toutes les avenues du palais. Le général San-Miguel dans une reconnaissance eut à se débattre au milieu
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1146]]== sanctionnerait certainement aucune violence contre sa mère. Le premier moment passé, Espartero était moins frappé de ces inconvéniens. Il hésitait, et il était fortifié dans ses hésitations par un entourage qui ne voyait après tout dans une crise nouvelle ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1147]]== de l’Union, tout comme il Telle est cependant la logique des situations, que cette union nouvelle du ministère était nécessairement plus apparente que réelle, plus momentanée que durable.
Le duc de la Victoire opposait à ces solutions une force invincible
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1148]]== Allende Salazar, dans un manifeste adresse à ses électeurs de la Biscaye ? Ministre de la reine Isabelle, il recommandait à ses commettans de rester indifférens, quelque dynastie, quelque forme de gouvernement que se donnât l’Espagne. Cette tactique irritait profondément les modérés de la révolution, notamment les généraux, Ce
Ainsi s’offrait la situation de l’Espagne aux approches de la réunion
Ainsi s'offrait la situation de l’Espagne aux approches de la réunion des cortès, après trois mois de révolution. L’incertitude et l’anarchie envahissaient le pays à l’abri d'une dictature impuissante ou complice. Au centre de ce désordre immense se tenait Espartero, grave comme un sphinx, affectant de se faire l’exécuteur de quelque volonté populaire inconnue, hésitant à prendre un parti et laissant tout soupçonner. La royauté restait livrée sans défense à la diffamation des journaux ou des plus violens pamphlets, tels que ''le Peuple et le Trône'', — ''Espartero et la Révolution''. Aussi attendait-on avec une singulière anxiété la fin de cet interrègne et le moment de l’ouverture des cortès. Le 8 novembre, le congrès constituant se réunissait à Madrid. C'était la première fois depuis la révolution que la reine allait reparaître véritablement dans la vie publique de la Péninsule, en présence de cette nouvelle représentation nationale. Quand elle entra, il se fit un silence qui était certes de nature à inspirer quelque émotion. Isabelle prononça un discours simple, mesuré, où l’auteur, — c'était M. Pacheco, — avait cherché à concilier la dignité de la souveraine et les exigences de la situation. Aussitôt retentirent les cris de ''vive la reine''! spontanément répétés par le peuple. Ce jour-là, Isabelle II fut un moment ce qu'elle n'avait point été depuis trois mois, ce qu'elle n'a point toujours été réellement depuis cette heure du 8 novembre, — la reine véritable de l’Espagne.▼
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<center>III</center>
La réunion des cortès marque une phase nouvelle dans la révolution espagnole, non pas
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1150]]== groupe démocratique remuant et turbulent, qui se rapprochait des progressistes ''purs'', et Cependant on parvint à
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1151]]== chez le ministre Il y a un fait qui est pour l’Espagne une source de malheurs et pour ceux qui la jugent une source
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1152]]== de progrès au sein Le projet le plus caractéristique, à coup sûr, qui ait surgi comme un des élémens de la crise actuelle,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1153]]== exercée par le duc de la Victoire, Remarquez bien le côté faible de toutes ces combinaisons, — république, empire ibérique ou régence : ce sont des projets conçus dans un emportement
Poursuivons : si la l’évolution ne peut rien essentiellement contre la monarchie, a-t elle pour objet de faire prévaloir dans la vie sociale quelque principe nouveau
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Pensez-vous
Voilà donc encore un point où la révolution manque de raison d’être au-delà des Pyrénées. Invoquera-t-elle enfin un principe de réforme religieuse, la liberté de conscience ? Que dans les pays où, par la force des choses, par une suite de circonstances historiques,
Voilà donc encore un point où la révolution manque de raison d'être au-delà des Pyrénées. Invoquera-t-elle enfin un principe de réforme religieuse, la liberté de conscience? Que dans les pays où, par la force des choses, par une suite de circonstances historiques, des cultes différens se sont institués, la liberté devienne la garantie de l’indépendance mutuelle des consciences et de la paix publique, rien n'est plus simple; mais s'il est une nation ancrée dans sa foi entière et absolue dans ses croyances, c'est assurément l’Espagne. Le catholicisme est resté la règle des âmes; il est dans la nature de ce peuple, dans ses idées, dans son organisation morale et intellectuelle. L’Espagnol ne passe point à un culte dissident; il est catholique ou il n'est rien, et dans ce dernier cas la liberté des cultes lui est très inutile. Au sein même des classes cultivées, où la fidélité aux pratiques de la religion a pu recevoir quelque atteinte, la croyance reste dans l’esprit, vous n'apercevrez point la trace la plus imperceptible d'un mouvement religieux ou philosophique indépendant du catholicisme. Rien n'est plus instructif que les discussions récentes du congrès de Madrid sur cette question. Ce ne sont pas des conservateurs seulement qui ont défendu l’unité religieuse de la Péninsule, ce sont aussi les progressistes les plus décidés. Les membres de la commission de constitution ne laissaient point d'être dans l’embarras, et le sens de leurs discours peut se résumer en ceci : — « La liberté de conscience! oui sans doute, c'est un principe admirable; il n'y a qu'un malheur : si nous la proclamions, ce serait le signal d'une explosion universelle où disparaîtrait infailliblement la révolution.» — Après quoi on a pris un terme moyen qui consiste à inscrire dans la constitution ce qu'on pourrait appeler une liberté par réticence, la tolérance du culte intérieur. Qu'on y songe bien, le catholicisme au-delà des Pyrénées fait partie, pour ainsi dire, du sentiment national, et aux yeux du peuple espagnol toute atteinte portée à l’unité religieuse est une arme mise entre des mains étrangères. On l’a vu il y a peu de temps. Quelques protestans anglais s'étaient réunis à Séville pour célébrer leurs offices sous la garantie de l’article constitutionnel récemment voté. Le gouverneur civil a dû interdire ces réunions dans un intérêt d'ordre public; le ministre d'Angleterre à Madrid a réclamé auprès du gouvernement, il a cru pouvoir porter ses griefs dans la presse; il n'a réussi qu'à éveiller les susceptibilités et les méfiances contre lui, et en définitive lord Howden a été conduit à prendre son congé. Que la liberté absolue des cultes soit la loi de l’Espagne, — des incidens semblables peuvent se renouveler sans cesse, irriter le sentiment national autant que le sentiment religieux, et jeter la Péninsule dans des crises permanentes de nature à la mettre en guerre avec elle-même et avec les autres pays.▼
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On peut déduire de ces faits le caractère réel de la révolution au-delà des Pyrénées : elle ne touche point aux conditions intimes et profondes de la société espagnole ; dans ses dogmes principaux, elle
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1156]]== que si la révolution cherche à se développer dans le sens de son principe, elle heurte aussitôt un instinct universel ; si elle De tous les partis révolutionnaires qui se sont produits en Europe, le parti révolutionnaire espagnol est certainement celui qui a le mieux résolu le problème de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1157]]== grandes dates progressistes. On y a mis la plus singulière puérilité, au point de rétablir des employés aux places La première faute commise par le parti triomphant en juillet, celle qui a engendré toutes les autres,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1158]]== réalisé en effet. Jamais il Ministère et cortès, quel élément
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1159]]== O’Donnell. Le duc de la Victoire ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1160]]==
Quelle a été et quelle est encore la pensée du général
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1161]]==
Jamais, à coup sûr, la monarchie
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1162]]== la reine finit par Maintenant sans doute, une réaction se produira en Espagne ; elle naîtra dès incohérences et des excès
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1163]]== périodiquement. Le reste du parti est dispersé soit en Espagne, soit hors de l’Espagne ; les divisions des dernières années vivent peut-être encore entre les hommes ; les ressentimens ne se sont point éteints. Il y a un travail nouveau de rapprochement à réaliser sous cette salutaire influence CH. DE MAZADE.
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