« Poètes et romanciers modernes de la Grande-Bretagne - M. Thackeray » : différence entre les versions
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{{journal|Poètes et romanciers modernes de la Grande-Bretagne – W. M. Thackeray et ses romans|[[Auteur:Paul-Émile Daurand-Forgues|E.-D. Forgues]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.7, 1854}}
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Après Dickens, qui jouit d'une popularité plus étendue et d'un public plus sympathique, après Bulwer, dont le talent accuse des tendances plus sérieuses et une érudition plus variée, il faut, - quand on dresse la liste des romanciers anglais contemporains, - arriver à Thackeray. La plèbe des lecteurs nommerait peut-être avant lui ou M. James ou M. Harrison Ainsworth: quelques coteries politiques désigneraient M. Disraeli; quelques hommes d'un goût spécial, l’auteur pseudonyme de ''Jane Eyre'' et de ''Shirley''. Ce seraient là autant d'erreurs. Aux yeux de l’observateur attentif et désintéressé, celui qui « arrive troisième, » comme on dirait sur le ''turf'', c'est M. Thackeray.▼
▲Après Dickens, qui jouit
Le spirituel romancier n'a pas gagné sans luttes et sans revers cette place honorable. Ses débuts ont été orageux et contestés longtemps. Lui-même, dans une préface curieuse, nous raconte que celui de ses romans pour lequel il se sent une préférence marquée (''the History of Samuel Titmarsh and the great Hoggarty Diamond'') fut refusé par un ''magazine'' avant de paraître dans le ''Fraser's''. Le même outrage était réservé à une œuvre encore plus digne d'attention, ''Vanity Fair'', dont, en ce recueil même, il a été donné une très complète analyse <ref> Voyez la ''Revue'' du 15 février et du 1er mars 1849. </ref>. Rechercher la cause de ces échecs persistans et nombreux serait peut-être une étude intéressante et de l’écrivain lui-même et de son œuvre. On remonterait ainsi à des causes fort complexes, les unes individuelles, les autres purement littéraires. On aurait à la fois à suivre l’homme dans quelques incidens de sa vie et l’écrivain dans quelques-unes de ses premières tentatives. Arrêté par maint et maint scrupule, nous essaierons, sans prétendre le mener entièrement à bien, ce travail aventureux et délicat.▼
▲Le spirituel romancier
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nombreux serait peut-être une étude intéressante et de l’écrivain lui-même et de son œuvre. On remonterait ainsi à des causes fort complexes, les unes individuelles, les autres purement littéraires. On aurait à la fois à suivre l’homme dans quelques incidens de sa vie et l’écrivain dans quelques-unes de ses premières tentatives. Arrêté par maint et maint scrupule, nous essaierons, sans prétendre le mener entièrement à bien, ce travail aventureux et délicat.
<center>I</center>
Parmi les incidens qui se rattachent à la vie de l’homme plus encore
Au début du jeune homme dans la vie, à ses antécédens comme publiciste, venaient
Puis Thackeray,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1009]]== devait encore, par les ''gaietés'' El puisque ce mot se rencontre sous notre plume, nous aimerions à parler ici des caricatures de Thackeray, qui ont été très certainement pour quelque chose dans ses succès
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1010]]== « étrangers de distinction, » des « célébrités contemporaines, » poètes ou poétesses, touristes, dandies, etc. Les salons sont magnifiquement décorés, le souper sort du meilleur atelier ; mais que va devenir cet ensemble splendide, si on le soumet à un examen détaillé, si une oreille attentive ramasse, de ça, de là, les notes discordantes de ces dialogues éparpillés, si un regard scrutateur passe la revue de ces costumes dont chacun est l’expression naïve La double aptitude du dessinateur et du conteur satirique désignait Thackeray, lors de la fondation du ''Punch'', comme un des rédacteurs indispensables de ce journal. Aucun cadre ne pouvait
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1011]]== romancier. Le ''Punch'' publia, par chapitres, ''le Livre des Snobs'', et ''le Livre des Snobs'', qui établit la réputation du ''Punch'', mit le sceau à celle de Thackeray. Les ''snobs'', Arrêtons-nous à ce ''Livre des Snobs'' ; nous y découvrirons à la fois le point de départ du romancier et une des plus piquantes expressions de son talent. Une attaque directe, très vive, très philosophique, très amusante, contre ce vice du caractère anglais,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1012]]== froid sourire, :
« Et,
« Comment se soustraire au ''snobbisme'',
Ce passage, que nous n’avons point extrait pour son mérite intrinsèque,
Ce passage, que nous n'avons point extrait pour son mérite intrinsèque, - ni pour la nouveauté des argumens qu'il apporte contre l’hérédité des distinctions sociales, - ce passage a le mérite de préciser les vues de l’écrivain. Encore cependant y faut-il ajouter un commentaire. La sotte vénération de l’homme bien né ou titré par l’homme sans nom ou sans titre n'est qu'une variété du ''snobbisme'', mais c'est la plus importante, c'est la tige de l’arbre, c'est l’espèce mère. Si on n'avait pas ployé l’intelligence nationale à ce premier culte, elle ne se fût jamais asservie à tant d'autres... De cette première dérogeance au noble dogme de l’égalité humaine sont dérivées toutes les plates adulations que la langue nouvelle flétrit du nom de ''toadyisms'' <ref> Par allusion au vieux mot de ''toad-eater'', mangeur de crapauds, synonyme d'adulateur. Nous disons à peu près dans le même sens : ''Avaler des couleuvres''.</ref>. Le même homme dont le cœur bondit de joie si on le rencontre dans Pall-Mall donnant le bras à un duc est celui qu'on voyait à l’université capter, flatter le président de son collège, se tenir respectueusement debout en sa présence, écouter avec un plaisir toujours nouveau ses anapestes et ses trochées, - et pourtant ce président au nom vulgaire n'est qu'un de ces ''charity-boys'' instruits de par l’aumône, et qui s'élèvent moitié par un travail opiniâtre, moitié par une intrigue acharnée. Ce même ''snob'', s'il est dans l’armée, briguera l’honneur d'appartenir à un de ces corps d'élite qui rarement vont courir au loin les ennuis et les périls d'une campagne d'outre-mer. Il voudra figurer dans un de ces ''régimens dandies'' (le mot est de Thackeray) qui sont cités pour l’élégance de leur équipement, la richesse de leur argenterie, le choix de leurs vins, l’assortiment de leurs meutes, la variété de leurs équipages de chasse. Bien pourvu d'argent et de protections, poussé de grade en grade par ses parens de la chambre haute, il laissera derrière lui, sans remords, vingt officiers plus expérimentés et plus méritans qu'il ne le sera jamais. Tout s'enchaîne dans le ''snob''. Il y a chez lui l’humilité à l’égard de ce qui le domine, combinée avec le dédain à l’égard de ce qu'il prime; jamais en revanche le sentiment exact ni de sa valeur réelle ni de celle des autres.▼
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Observez un moment le ''snob'' ecclésiastique. Thackeray nous donne son nom, relevé sur les listes du célèbre Eisenberg, le ''chiropodist ''ou pédicure.
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1014]]== yeux sur la ''Court-Circular'', vous y verrez son nom en première ligne, et vous y lirez avec étonnement (un étonnement mêlé Quittons pourtant ces hautes régions, où la vérité a je ne sais quelles apparences de dénigrement envieux, pour des travers plus rapprochés de notre humble sphère. Il y a des ''snobs'' partout. Dans les clubs par exemple, ils fourmillent, ils foisonnent, et Thackeray connaît la vie de club. Il va nous montrer le ''sno''b politiquant, celui qui raconte les conseils lumineux dont il a gratifié sir Robert Peel sur la question des céréales, ou bien encore celui qui possède tous les secrets des cours étrangères, sait par cœur le discours du président des États-Unis !
Deux esquisses fort agréables se détachent de cette série de portraits et méritent qu’on leur réserve une place à part. Il s’agit du ''snob'' à la campagne et du ''snob'' millionnaire. N’allez pas croire en effet que Londres ait le monopole des ''snobs'' ; si vous tombiez dans
Deux esquisses fort agréables se détachent de cette série de portraits et méritent qu'on leur réserve une place à part. Il s'agit du ''snob'' à la campagne et du ''snob'' millionnaire. N'allez pas croire en effet que Londres ait le monopole des ''snobs''; si vous tombiez dans cette grave erreur, Titmarsh vous en tirerait par le fidèle récit de son séjour dans la ''villa'' du major Ponto. Cette ''villa'', tout enjolivée d'architecture à caprices, tout entourée de gazons et de fleurs, apparaît d'abord au visiteur comme un Eden en miniature. Tout y respire la paix, le bien-être, la simplicité, l’abondance. L’accueil du major est hospitalier et cordial. La plus belle chambre du logis, - la chambre jaune,- réservée à l’hôte attendu, est toute parfumée de bouquets; les draps, du plus fin tissu, exhalent une douce odeur de lavande; le domestique est grave, empressé, poli : tout ceci, on en conviendra, est du meilleur augure. A grand' peine, et en y regardant de très près, pourrait-on s’effrayer de voir que ce domestique si zélé extrait de la malle du voyageur et place avec étalage sur son lit le costume ''habillé'' dont celui-ci s'est à tout hasard muni, le frac noir à la dernière mode et le gilet de salin à fleurs. Ces préparatifs semblent annoncer un dîner de cérémonie, et au débotté ces dîners-là n'ont rien d'agréable. Enfin passons. Après une demi-heure laissée à la toilette de l’arrivant, une grosse cloche sonne le repas. Quel repas, bon Dieu, s'il ressemble à ce carillon monstre! Mais point; on dîne en famille, et c'est pour mistress Ponto, ses deux filles à peine nubiles, et leur gouvernante, miss Wirt, que Titmarsh s'est mis sous les armes. La présentation est solennelle. Mistress Ponto, grande personne en grand appareil, la tête chargée de jais sonores, souhaite la bienvenue à Titmarsh du même ton qu'elle le complimenterait sur la mort de son père; puis, toujours aussi tristement, elle se réclame d'une parenté qui doit exister entre eux en vertu de leurs relations communes avec une famille appartenant à la pairie, et dont Titmarsh, pour sa part, n'a jamais entendu parler. Le ''Peerage'' maudit <ref> ''Peerage'', - livre ou ''annuaire'' de la pairie anglaise.</ref> est là comme témoin du fait. O ''snobbisme'', tu n'as pas été longtemps à te révéler! Bientôt les symptômes se multiplient et s'aggravent. Le dîner, servi en grand apparat, se compose de porc à toutes les sauces connues. Le vin de Marsala est servi pour vin de Xérès. Le domestique qui a revêtu une livrée déteinte, où resplendissent d'énormes boutons armoriés, porte de tous côtés avec lui une odeur d'écurie qui atteste la multiplicité de ses fonctions. Les jeunes demoiselles, après le dîner, se mettent au piano, et pendant toute la sonate le malheureux est préoccupé des énormités que lui présentent, vues de dos, les deux jeunes virtuoses, pourvues de crinolines ultra-vraisemblables. Ensuite arrive l’institutrice, et avec l’institutrice, sous prétexte de variations, des exploits de ''doigté'' à faire frémir un honnête homme... C'était bien la peine de fuir Londres et ses ''snobs'', n'est-il pas vrai?▼
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Les jours suivans, la situation se complique encore. Il faut entendre les doléances de mistress Ponto sur le manque absolu de voisinage. « Le duc est absent, les Ringwood
«
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«
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« Sur ce mot, et tandis que
Ces derniers mots sont une allusion maligne à la prétention
Nous n’entrerons pas dans le détail de l’espèce de ''vendetta'' qui
Nous n'entrerons pas dans le détail de l’espèce de ''vendetta'' qui existe entre les Ponto et les Carabas; mais il est bon de savoir que le représentant de cette orgueilleuse famille (la dernière, bien entendu) avait circonvenu le major, à son arrivée dans le comté, pour le rallier à une candidature compromise. L’élection faite, Ponto, qui s'était laissé séduire, comptait sur la reconnaissance du nouveau membre des communes, et mistress Ponto se croyait déjà présentée aux bals d'Almack, par la femme du chef des Carabas, l’altière lady Saint-Michael; mais il fallut reconnaître le néant des leurres électoraux, subir les strictes politesses du grand seigneur redevenu lui-même, et les dédains encore moins ménagés dont les grandes dames accablent, à ce qu'il semble, les campagnardes assez osées pour vouloir se produire, grâce à elles, dans les cercles exclusifs de la capitale. ''Inde iroe''. - A ceci viennent s'ajouter les griefs naturels de deux voisins de campagne qui, brouillés une fois, mettent un soin tout particulier à se prodiguer les procédés fâcheux. Ponto, qui n'est plus invité à venir chasser chez Carabas, s'en dédommage en braconnant quelque peu le long de ses haies; c'est du moins ce que lui reproche en termes assez peu révérencieux un des gardes-chasses du marquis certain jour que Titmarsh et son amphitryon se sont avancés jusqu'à l’extrême frontière des deux domaines, et la scène est réellement plaisante, mais on ne peut tout citer. Nous donnerions sans cela tout entière la visite au château de Carabas, description excellente d'une de ces grandes résidences ruineuses que la loi des substitutions impose à certains nobles, avec la fortune desquels ces demeures princières contrastent de la façon la plus étrange. En dépeignant ces grandes salles froides, où les maîtres absens et même présens n'entrent jamais; - ces étangs dont s'empare, faute de soins, une végétation marécageuse; - ces galeries somptueuses où moisissent sans spectateurs des tableaux amenés à grands frais du continent; - ces bocages épais qui n'existeraient pas, et depuis longtemps, si la loi ne les maintenait, malgré le propriétaire obéré, sur le terrain qu'elle garde à ses héritiers, - Thackeray s'est presque trouvé poète, et ceci ne lui arrive pas assez souvent pour qu'il ne faille pas le remarquer.▼
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Un beau matin surviennent à grand bruit chez Ponto le fils de la maison, cornette au 120e de hussards, et un de ses camarades de corps, le jeune lord Gules, petit-fils et héritier de lord Saltires. Ce futur pair
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1018]]== motif qui a fait accepter à cet intéressant ''nobleman'' l’invitation émanée «
« Il poussait en même temps une sorte de sanglot, tout en me passant par-dessus la table la note en question. Et sa vieille figure, ses vieux brodequins et sa vieille jaquette de chasse, râpés et déchus, et ses longues jambes maigres, avaient l’aspect le plus désastreux, le plus ruiné, le plus failli qui se puisse
« Ce jour-là, mistress Ponto et sa famille passèrent une délicieuse soirée. On mit le fils de la maison sur la sellette, et on lui fit raconter de point en point son dîner chez lord Fitzstultz (le colonel du régiment), combien il y avait de valets de pied, et la toilette des ''ladies'' Schneider, et ce
«
Le type du Turcaret anglais ne pouvait manquer dans la galerie des ''snobs'', mais il y est encadré
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1019]]== par être instruit de la singulière pitié « Un jour, rentrant du club, M. Gray rapporta à sa femme l’étourdissante nouvelle
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« Le lendemain, fort ponctuellement exact (rien
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« - Qu'il est bien à lui d'avoir amené ses ''deux'' laquais! dit la petite mistress Gray, qui, elle aussi, lorgnait le carrosse. Le plus gros des deux valets de pied, descendu de son perchoir, heurta à la porte, de manière à jeter bas la maison tout entière. Toutes les têtes étaient dehors; le soleil resplendissait; le joueur d'orgue lui-même, ébloui, comptait des pauses; le laquais, la voiture et Goldmore avec sa face rouge tranchant sur son gilet blanc jetaient des rayons lumineux. L’hercule en culotte de pluche était revenu baisser le marche-pied, et ouvrir la portière. Raymond Gray, en revanche, ouvrit lui-même sa porte,... et en manches de chemise! Courant à la voilure : - Eh! venez donc, Goldmore, disait-il, vous n'êtes que bien juste à l’heure, savez-vous, mon brave! Ouvrez donc, vous,... laissez descendre votre maître... Dépêchez-vous donc, ''Chose''!▼
▲«
«''Chose'', - c'est-à-dire le valet, - obéit machinalement, mais sa figure était bouleversée, et l’espèce d'horripilation qui s'y peignait n'avait de comparable que l'étonnement, la stupéfaction dont se décorait la physionomie empourprée de son maître.▼
▲« ''Chose'',
« - A quelle heure la voiture, s'il vous plaît, monsieur? dit Chose, dont nous aurions voulu reproduire la prononciation elliptique, une des grâces de l’état servile.▼
▲«
« - A la sortie du spectacle, c'est tout ce qu'il faut, s'écrie Gray;... nous sommes à deux pas des Wells, et nous irons bien à pied. J'ai des places gardées pour tous. Soyez à onze heures devant Sadler's Wells.▼
▲«
« - C'est cela même,... onze heures, bégaie Goldmore, qui se précipite tête baissée, en homme qui ne se rend plus bien compte de rien, dans la maison où il est attendu. On dirait un criminel marchant au supplice, - et supplice est bien le mot, car Gray, le scélérat, va se transformer en ''Jack Ketch'' <ref> Désignation familière du bourreau chez nos voisins. </ref>. La voiture s'éloigne cependant à grand bruit, suivie de tous les regards disponibles dans Bittlestone-Street.▼
▲«
« - Entrez là-dedans, et tirez-vous d'affaire avec Titmarsh, continue Gray, ouvrant la porte du petit salon... Je vous appellerai dès que les côtelettes seront à point... Fanny est en bas, qui prépare le ''pudding''.▼
▲«
« - Bonté divine! me dit Goldmore sur le ton discret de la confidence... Quelle idée a-t-il eue de nous prier?... En vérité, je n'avais pas idée de cette... de cette profonde misère...▼
▲«
« - A table, à table!... hurle Gray du fond de sa salle à manger, d'où s'exhale, avec beaucoup de fumée, une forte odeur de grillade. - En y entrant, nous trouvons mistress Gray sous les armes pour nous recevoir, et donnant parfaitement l’idée, par son maintien et sa toilette, d'une princesse à qui un étrange hasard aurait mis dans les mains un plat de pommes de terre; elle les plaçait à ce moment sur la table. Son mari cependant faisait griller des côtelettes de mouton devant la cheminée même de la pièce où nous allions dîner.▼
▲«
« - Fanny s'est chargée du pudding, moi du premier service... - En voici une belle... Tâtez-moi ça, Goldmore!... - Et sans plus de façon, il jetait sur l’assiette du financier une côtelette encore frissonnante. Quelles paroles et quels points d'exclamation ne faudrait-il pas pour rendre la surprise de ce nabab fourvoyé?...▼
▲«
« La nappe était un peu mûre et reprisée en maint endroit; la moutarde figurait dans une tasse à thé; la fourchette de Goldmore était en argent, les nôtres en fer.▼
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quels points d’exclamation ne faudrait-il pas pour rendre la surprise de ce nabab fourvoyé ?…
▲« La nappe était un peu mûre et reprisée en maint endroit ; la moutarde figurait dans une tasse à thé ; la fourchette de Goldmore était en argent, les nôtres en fer.
« - Je ne suis pas né, dit très sérieusement notre malheureux amphitryon, avec une cuiller d'argent dans la bouche <ref> Expression proverbiale anglaise dont le sens est à peu pris celui que nous attachons aux mots : ''naître coiffé''.</ref>. Aussi n'ai-je qu'une fourchette d'argent. C'est Fanny qui d'ordinaire en a le monopole.▼
▲«
« - Raymond!...s'écria mistress Cray d'un air suppliant.▼
« - Elle a, vous le savez, continua l’implacable railleur, elle a connu de meilleurs jours... J'espère bien du reste lui gagner tôt ou tard de l’argenterie, ou quelque chose d'approchant... On dit merveilles des ''plaqués'' électriques... Mais où diable est ce garçon qui doit nous rapporter de la bière?... Ah çà! maintenant, reprit-il en se redressant tout à coup, c'est le moment de représenter un maître de maison. - Il remit alors son habit, et du plus grand sérieux s'assit à table, où il apportait quatre côtelettes nouvelles grillées de sa main.▼
▲«
« - Ce n'est pas tous les jours, monsieur Goldmore, que nous avons de la viande, et j'estime un vrai festin le dîner que je vous offre. Vous ne savez guère, vous autres gros messieurs de Leadenhall, vous qui nagez dans l’opulence, à quelles extrémités sont réduits les pauvres avocats sans ouvrage.▼
▲«
« - Bon Dieu ! bon Dieu ! murmura M. Goldmore, tout de bon décontenancé par ces confessions à brûle-pourpoint.▼
▲«
«- Et notre petite bière qui n'arrive pas... Allons, Fanny, décidez-vous... Il faut descendre à la taverne, ma bonne amie... Voilà les six ''pence''... - Et quel fut notre étonnement de voir notre hôtesse se lever effectivement, comme pour obéir à cette injonction sauvage.▼
▲«
« - Madame!... permettez!... j'irai plutôt moi-même, s'écria Goldmore consterné.▼
« - Ne bougez, cher monsieur... A aucun prix je ne souffrirai... C'est une habitude prise... D'ailleurs on ne ''vous'' servirait pas comme on ''la'' sert... Laissez, laissez-la partir, poursuivit Raymond avec son imperturbable sang-froid. - Mistress Gray, fait comme dit, quitta la pièce où nous étions, et quelques instans après revint avec un plateau sur lequel figurait un pot d'étain rempli de bière. La petite Polly (je me souviens de son baptême et de la burette d'argent que j'eus l’honneur de lui offrir en qualité de parrain), la petite Polly suivait sa mère, apportant deux pipes chargées de tabac... La petite masque, avec ses joues pleines et rosées, avait un air sournois le plus amusant du monde. »▼
▲«
On devine que la plaisanterie, commencée ainsi, se poursuit durant tout le repas. Gray se complaît à étaler devant le richard, de plus en plus gêné, les prétendues misères de son entrée en ménage. Il raconte comment il nettoyait lui-même ses couteaux, et traînait à la promenade la charrette des enfans, comment sa femme a dû apprendre à retourner les omelettes dans la poule, et combien elle en a laissé tomber dans les cendres, au grand regret de toute la famille, - et aussi quels objets de toilette elle confectionnait pour elle-même. Puis, à l’arrivée d'une bouteille de vin qui doit clore le repas, il invente je ne sais quel conte saugrenu pour expliquer comment il se fait qu'il se trouve posséder cet unique ''spécime''n d'une cave encore à former, - tant et si bien, que Crésus-Goldmore est abîmé dans les plus tristes réflexions, lorsque tout à coup son hôte le réveille par une apostrophe inattendue :▼
On devine que la plaisanterie, commencée ainsi, se poursuit durant tout le repas. Gray se complaît à étaler devant le richard, de plus en plus gêné, les prétendues misères de son entrée en ménage. Il raconte comment il nettoyait lui-même ses couteaux, et traînait à
«- Eh bien! là, convenez que vous avez bien dîné! - Goldmore tressaillit à ces mots, frappé d'une idée qu'il n'avait pas encore eue : c'est qu'en effet il venait de dîner à merveille. Les trois côtelettes qu'il avait absorbées étaient du meilleur mouton qui se puisse manger, les pommes de terre méritaient, dans leur genre, une mention honorable, et quant au pudding, il était tout simplement trop bon; le ''porter'', fraîchement tiré, généreux, écumant, avait bien son mérite, et le vin de Porto n'eut pas déshonoré les flacons d'un évêque. »▼
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▲
▲«
Goldmore, dominé par la puissance du vrai, se voit contraint d'avouer qu'il a bien dîné, étonnamment bien dîné, chez le pauvre avocat sans dossiers. Il boit à la santé de ses hôtes, va joyeusement à pied voir jouer Shakspeare sur un théâtre de troisième ou de quatrième ordre, et, ce qui termine bien l’historiette, c'est que néanmoins, saisi de pitié pour le pauvre couple chez lequel il a fait cet excellent repas, il procure au jeune ''barrister'' une clientèle des plus lucratives.▼
▲Goldmore, dominé par la puissance du vrai, se voit contraint
On s'étonnera peut-être, - et Thackeray tout des premiers, - que nous ayons autant insisté sur ce petit ''Livre des Snobs'', qui tient en apparence si peu de place dans l’œuvre déjà considérable du spirituel romancier. La raison en est bien simple : c'est qu'à nos yeux, par un hasard qui n'est pas sans exemple, cette série d'articles du ''Punch'', venus sans doute, comme on dit vulgairement, ''au bout de la plume'', - écrits de çà, de là, sans préoccupation antérieure, sans effort actuel, à bâtons rompus, selon le caprice de l’heure et pour ainsi dire de la minute, - constitue le vrai chef-d'œuvre de Thackeray, sa plus vive satire, et le tableau le plus durable qui jamais ait été fait de la société contemporaine en Angleterre. Du même coup, l’auteur a fait acte de moraliste en attaquant avec une rare puissance le vice dominant de l’esprit public anglais, ce qui fausse et dénature le plus d'une part l’opinion publique sur les individus, de l’autre l’opinion que les individus se forment d'eux-mêmes, - savoir la déférence irréfléchie pour des supériorités artificielles. A vrai dire, c'est ainsi qu'on pourrait définir le ''snobbism''e, en prenant ce mot dans son acception la plus générale, et cette maladie morale, qui en engendre tant d'autres, il serait malheureux pour la portée du livre de Thackeray qu'elle fût exclusivement anglaise. Nous sommes loin de le dire, et surtout de le penser : le peuple américain, en général si exempt de préjugés, n'a pas encore tellement dépouillé ce qu'on pourrait appeler le «vieil homme» anglo-saxon, que le ''snobbisme'' n'ait conservé chez lui des racines toutes prêtes à germer, assure-t-on. Et quant au peuple français, malgré ce qu'on a dit, en bien ou en mal, de ses instincts égalitaires, plus d'un symptôme inutile et peut-être dangereux à signaler prouve qu'il est loin d'en être exempt.▼
▲On
Entre ''le Livre des Snobs'' et les «grands romans» auxquels il a servi de prélude ou de pionnier, se placent des esquisses de mœurs ou des morceaux de satire littéraire que Thackeray a pour la plupart publiés dans le ''Fraser's"Magazine''. Parmi ces esquisses, nous distinguons un tableau des mœurs de la bourgeoisie inférieure (''Our Wives''), croquis léger que recommande une rare exactitude de dessin, et un petit portrait de femme très délicatement touché. Puis, une de ses meilleures plaisanteries critiques, - Thackeray s'en est permis plus d'une, comme on doit bien le penser, - a été une incursion sur nos terres, une ''razzia'', ou, pour parler écossais, un ''raid'' dirigé contre nos romans-feuilletons. C'est évidemment M. Alexandre Dumas dont il avait surtout en vue de mettre en relief les procédés excentriques, et il les a appliqués, non sans un grand succès de rire, à une prétendue continuation d’''Ivanhoe''. Comme on se le rappelle sans doute, Walter Scott a laissé son héros marié à la belle, blonde et froide Rowena. Rebecca, l’intéressante juive dont il a sauvé la vie, reste donc à l’état de menace sur cet horizon conjugal. Qu'un beau jour Ivanhoe s'ennuie dans son ménage, et que Rebecca reparaisse, il n'en faudra pas davantage pour qu'un nouveau ''drame'', comme on dit, jaillisse de la situation. C'est ce drame dont Thackeray dispose ironiquement les péripéties multipliées, qu'il complique, aplanit, noue et dénoue, embrouille et débrouille, selon les formules du nouveau ''codex'' littéraire, et avec la ferme volonté de mettre à néant ces roueries de la composition à tant la toise qui ont, de dix à douze années durant, ébloui un public crédule. Depuis le jour où le barbier et le curé de ''Don Quixote'' jetèrent par la fenêtre tant d’''Amadis'', tant d’Esplandians'' et tant de ''Palmerins'', - même en comptant celui où Boileau écrivit son dialogue des ''Héros de roman'', - je ne pense pas qu'on ait souvent chargé avec plus d'enthousiasme les Montemayor et les La Calprenède d'une époque donnée.▼
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1023]]==
pourrait définir le ''snobbisme'', en prenant ce mot dans son acception la plus générale, et cette maladie morale, qui en engendre tant d’autres, il serait malheureux pour la portée du livre de Thackeray qu’elle fût exclusivement anglaise. Nous sommes loin de le dire, et surtout de le penser : le peuple américain, en général si exempt de préjugés, n’a pas encore tellement dépouillé ce qu’on pourrait appeler le « vieil homme » anglo-saxon, que le ''snobbisme'' n’ait conservé chez lui des racines toutes prêtes à germer, assure-t-on. Et quant au peuple français, malgré ce qu’on a dit, en bien ou en mal, de ses instincts égalitaires, plus d’un symptôme inutile et peut-être dangereux à signaler prouve qu’il est loin d’en être exempt.
▲Entre ''le Livre des Snobs'' et les « grands romans » auxquels il a servi de prélude ou de pionnier, se placent des esquisses de mœurs ou des morceaux de satire littéraire que Thackeray a pour la plupart publiés dans le ''
Ici s'arrête, sans qu'il soit possible de fixer une date à une métamorphose graduellement opérée, la première phase de la vie littéraire que nous esquissons, celle des audaces légères, des combats de ferrailleurs, des agressions moqueuses, des personnalités satiriques, campagnes à la Cosaque, entreprises la visière baissée et à l’abri du pseudonyme. Nous entrons maintenant, laissant Titmarsh derrière nous et n'ayant plus affaire qu'à Thackeray, dans une période nouvelle où l’écrivain se dessine et prime le caricaturiste. La responsabilité, plus complète, est acceptée avec toutes ses conséquences; les œuvres sont signées du vrai nom qu'elles doivent porter : elles deviennent et plus étendues et plus cohérentes; elles portent la trace d'efforts plus soutenus, d'études plus mûries. De là, pour ce travail, une division toute naturelle.▼
Ici s’arrête, sans qu’il soit possible de fixer une date à une métamorphose graduellement opérée, la première phase de la vie littéraire
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1024]]==
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Des premiers romans ''sérieux'' de Thackeray (sérieux par leurs dimensions et leur importance ''relative'', nullement par le style, qui reste passablement sardonique et goguenard), le plus important, ''Vanity Fair, a été très amplement analysé dans ce recueil, et cependant nous ne pouvons nous empêcher de revenir sur le type de Becky, l’une des plus remarquables conceptions de Thackeray.
Becky,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1025]]== faux semblans, et dans l’honnêteté, même de bon aloi, celle qui a l’intérêt seul pour mobile. L’hypocrisie pour elle a peu de mystères, et lui sert Le second de ces romans, ''Pendennis'', peut être regardé comme un résumé des esquisses ou nouvelles éparpillées par Titmarsh dans les recueils périodiques.
Du reste, les observateurs les plus sagaces de la nature féminine reconnaîtront que le type de la comédienne de second ordre
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1026]]== celle où, désabusée sur ce point, elle renonce sans le moindre regret à ce poétique amour. Il faut la voir écoutant avec une gravité parfaite les détails que son père lui donne, en fureur, sur la ''tromperie'' dont il croit avoir été victime, mais dont en réalité son imagination a fait tous les frais. Emily ( «
Elle tient ce discours sentimental devant un pauvre diable de musicien épris
«
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1027]]== et Suzon «
«
«
«
Bows le musicien reste en effet. Le beefsteak est excellent. Milly
«
«
«
«
« -Vous croyez ?
«
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1028]]==
« Se levant alors, miss Fotheringay alla ouvrir un tiroir où elle prit un tas de journaux du comté, dans lesquels Pendennis avait chanté, en vers brûlans, ses débuts dans le rôle
« Cependant, à dix ''milles'' de là, le tendre Arthur, soupirant après le moment où il la verrait, berçait en son cœur l’image adorée de la belle Milly. »
Dans ce passage, on nous permettra de remarquer un des traits principaux du talent de Thackeray, une de ses tendances systématiques,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1029]]== romans, Si nous nous étions astreints à une nomenclature rigoureusement chronologique des ouvrages de Thackeray, il aurait fallu, nous le croyons, mentionner le ''Diamant des Hoggarty'' avant ''Vanity Fair'' et ''Pendennis''. Ce petit récit, pour lequel l’auteur professe une prédilection marquée, est en effet, de tous ceux
Quelque délicate que soit toujours une hypothèse en pareille matière, nous croyons pouvoir en risquer une à propos du ''Diamant des Hoggarty'' :
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1030]]== l’action comme un des principaux personnages. De tout cela résulte une ressemblance générale dont il est impossible de Nous sommes, de proche en proche, arrivés à l’année 1851, et à une époque où Thackeray, devenu tout de bon une célébrité, put mettre à l’épreuve le renom que ses écrits lui avaient fait.
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1031]]== l’acier fatiguait les dents de l’ignoble reptile. En réalité, on pourrait la mieux comparer (si la comparaison Fidèle à sa tolérance, je le répète, un peu méprisante, l’aristocratie vint donc, le sourire aux lèvres,
Notez bien que le sujet traité par Thackeray était, à ce point de vue précisément, on ne peut pas plus ardu. Les rapports du monde aristocratique et de la gent lettrée furent au XVIIIe siècle tout ce
==[[Page:Revue qu’il y a de plus chatouilleux. Le grand seigneur protégeait l’homme de lettres, mais il lui jetait Thackeray a mis beaucoup
Nous avons été assez franc dans nos appréciations pour avoir le droit de protester contre le froid accueil
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1033]]== et l’invention, les recherches inédites et l’imagination La série de faits qui a produit cette expatriation est justement le sujet du livre. Par suite
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1034]]== entier à son maître, surtout à sa belle maîtresse ; mais, phénomène étrange, plus il lui donne ainsi la mesure de son affection, plus l’espèce de passion respectueuse Cependant Henry
Ici reparaît dans toute sa beauté le romanesque dévouement que, dès sa jeunesse la plus tendre, Henry Esmond a voué à la première protectrice dont il ait eu à reconnaître la bienveillante influence. En réclamant ses droits, il déshériterait les enfans de cette noble et chère bienfaitrice : il se taira donc. Il gardera humblement et la tache
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1035]]== de bâtardise et la position secondaire Ingrate et coquette, telle est Béatrix ;
Ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1036]]== jusqu’à ''Philippe'' et ''Geneviève'', a tant de fois réussi à mettre en scène tant de scabreux malentendus, ou à débrouiller Nous en avons dit assez de la fable que Thackeray a mise en œuvre dans son dernier ouvrage pour éveiller,
Il serait prématuré de hasarder un jugement sur un autre roman que Thackeray publie en ce moment même par chapitres ou livraisons séparées, et qui a pour titre : ''les Newcomes''. Mieux vaut, ce nous semble, essayer, en nous résumant, de caractériser un talent qui a fort amplement donné sa mesure. Nous retrouvons chez Thackeray la grande veine satirique des maîtres du genre, la ''gouaillerie'' britannique, si incisive dans son calme étudié, l’observation minutieuse qui, sans avoir l’air de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1037]]== chercher le côté purement comique des caractères et des faits, il se prive par là de bien des ressources, et cette préoccupation (dont nous avons constaté que ses derniers ouvrages sont relativement exempts) donne à ses récits, pour qui les rapproche de ceux de Dickens, une certaine monotonie Si nous les envisageons tous deux comme promoteurs
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1038]]== Ceux-là même Par la même raison, Dickens est plus cosmopolite, et Thackeray plus circonscrit dans le rayonnement de son esprit. Tous deux sont Anglais,
E.-D. FORGUES.
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