« Les Comédies de M. Augier » : différence entre les versions
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{{journal| Les comédies de M. Augier|[[Auteur:Gustave Planche|Gustave Planche]]|[[Revue des Deux Mondes]]T.9, 1851}}
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/66]]==
<center>''Le Joueur de flûte</center>
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/67]]== sorte de doctrine tout à la fois philosophique et poétique, dont le sens général, nettement formulé, nous servira de guide et de conseil dans le jugement que nous voulons prononcer. ''La Ciguë'' est un heureux début. Bien que
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/68]]== le germe Il est vrai que le spectateur prévoit la transformation qui va
Certes il y avait dans cette donnée de quoi défrayer deux actes : Clinias égayant sa dernière heure au spectacle de cet abaissement volontaire, et ramené à
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/69]]== railleries de ces deux rivaux aussi empressés de Je me plais à reconnaître tout ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/70]]== applaudissemens au mérite de En écrivant sa seconde comédie, M. Augier
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/71]]== donné à la marche entière de Toutefois, malgré la sévérité avec laquelle je suis obligé de juger ''Un Homme de bien'', je ne saurais partager le dépit du public. Je reconnais volontiers que cette seconde comédie est moins gaie, moins divertissante que ''la Ciguë'' ; il y a pourtant dans ''Un Homme de bien'' plusieurs passages traités avec un vrai talent. Pour se tromper ainsi, il faut être capable de mieux faire.
En abordant la réalité, M. Augier avait senti le terrain se dérober sous ses pieds ; averti par cette épreuve, il est rentré dans le domaine de la fantaisie. Dans quel lieu, dans quel temps se passe
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/72]]== actes une gaieté franche ; quoique les personnages relèvent de la seule fantaisie, ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/73]]== langage élevé ; mais Il y a dans la seconde partie de ''
Ainsi le juge le plus sévère trouve beaucoup à louer dans cet ouvrage. La conception générale de ''
Le sujet de ''Gabrielle'' est
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/74]]== dans le domaine de la poésie, une véritable valeur ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/75]]== placé en face Ces prémisses une fois posées, et je crois
Julien représente assez fidèlement le type du mari confiant ; il fait pour Gabrielle tout ce
Stéphane ne peut être accepté comme un amant sérieux. Avec la meilleure volonté du monde, il est bien difficile
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/76]]== qu’elle a parcouru, et recule avant de franchir le dernier pas qui doit la livrer aux bras de son amant : Adrienne, placée par
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/77]]== vois ce que Le mari
Au premier acte, nous voyons Stéphane accueilli froidement par Gabrielle en présence
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/78]]== mari dans la voie du bon sens et de la vérité. La partie de piquet entre Stéphane et Tamponnet Je concevrais très bien que Julien, répudiant les conseils de la colère, avant de jouer sa vie contre la vie de Stéphane, fit appel à son amitié et cherchât dans la reconnaissance
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/79]]==
Les applaudissemens que le public a donnés à cette scène réduisent-ils à néant les objections que je viens
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/80]]== doit en toute occasion préférer son mari à son amant, affirmer en même temps que Je regrette que M. Autgier, au lieu de voir dans le succès de ''Gabrielle'' un encouragement à poursuivre la peinture des
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/81]]== aussi, quoique Athénée ne le dise pas, éprises de Il y a certainement dans la destinée de cette courtisane quelque chose
Chalcidias, qui, dans le treizième livre des ''Deipnosophistes'',
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/82]]== le bénéfice Comparez la comédie de M. Augier au récit
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/83]]== Comment Laïs, qui Il y a cependant beaucoup de talent dans ''le Joueur de flûte'' comme dans les précédens ouvrages de M. Augier ; je peux même dire, sans flatter
La langue, envisagée dans ses conditions fondamentales, abstraction faite de toute question d’élégance et de goût, n’est pas toujours respectée par l’auteur de ''la Ciguë'' et du ''Joueur de flûte'' avec un soin assez : scrupuleux : tantôt, parlant de l’argent et du bonheur, il dit que, si
La langue, envisagée dans ses conditions fondamentales, abstraction faite de toute question d'élégance et de goût, n'est pas toujours respectée par l'auteur de ''la Ciguë'' et du ''Joueur de flûte'' avec un soin assez : scrupuleux : tantôt, parlant de l'argent et du bonheur, il dit que, si l'argent ne donne pas le bonheur, ''il l'aide''; or, tous les écoliers savent très bien qu'on aide une personne et qu'on aide à une chose. Ailleurs, il fait dire à une femme parlant de son amant : Tu vois que je le reçois ''d'une froideur extrême''. Où et quand s'est-on jamais servi d'une pareille locution? Dans ''le Joueur de flûte'', nous entendons Chalcidias dire qu'il a ''exercé'' le luxe et l'insolence : n'est-ce pas, aux yeux mêmes des humanistes les plus complaisans, un néologisme par trop excentrique? Dans une autre scène du même ouvrage, nous entendons parler ''d'un temple d'asile''. Jusqu'à présent, nous connaissions l'asile des temples, le caractère inviolable des lieux consacrés au culte de la divinité; le renversement inattendu de la locution usitée n'offre pas à l'esprit un sens facile à saisir. Je ne crois pas inutile de relever ces fautes purement grammaticales; car, si la connaissance complète et la pratique assidue des lois de la langue ne sont pas les seuls fondemens d'un style élégant et pur, il est certain du moins qu'il n'y a pas de style châtié, de style vraiment élégant, sans la connaissance et la pratique des lois de la langue. Quelque dédain qu'on éprouve pour la forme et l'arrangement des mots, il ne faut jamais oublier la réponse d'un père de l'église consulté sur l'opportunité des études grammaticales. On lui demandait si la foi permettait ces études profanes; il répondit avec sagacité : « La foi ne proscrit pas de pareilles études, car elles sont souverainement utiles, ne fût-ce que pour s'entendre sur les matières de la foi. » Eh bien! ce qui est vrai dans l'ordre théologique n'est pas moins vrai dans l'ordre littéraire. Si la langue, envisagée dans ses lois fondamentales, n'est pas le style tout entier, le style a pourtant pour condition première le respect des lois de la langue. M. Augier écrit en vers d'une façon abondante et spontanée; le rhythme et la rime lui obéissent sans se faire prier : il ne faut pas qu'il se laisse abuser par l'abondance et la spontanéité du langage au point de ne pas revoir, de ne pas modifier, de ne pas corriger les paroles inexactes, les images obscures, les locutions vicieuses que cinquante auditeurs tout au plus peuvent remarquer, parce qu'ils ont l'oreille exercée, mais qui cependant, à l'insu même de ceux qui ne sont pas capables d'en tenir compte, jettent dans la trame du dialogue une fâcheuse obscurité. S'il n'y a pas, de petites économies lorsqu'il s'agit de s'enrichir, il n'y a jamais non plus de scrupules puérils lorsqu'il s'agit d'écrire; la valeur et l'arrangement des mots jouent un rôle si important dans la révélation de la pensée, qu'on ne saurait les peser trop attentivement, les trier avec trop de soin, avant de les mettre en oeuvre.▼
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M. Augier ne paraît pas comprendre l’importance de l’unité dans le style ; il semble se complaire dans la perpétuelle opposition de l’élégance et de l ’ vulgarité. Séduit par la lecture assidue des ''Femmes savantes'' et d’''Amphitryon'', il oublie ou il néglige complètement ''le''
M. Augier ne paraît pas comprendre l'importance de l'unité dans le style; il semble se complaire dans la perpétuelle opposition de l'élégance et de l ' vulgarité. Séduit par la lecture assidue des ''Femmes savantes'' et d’''Amphitryon'', il oublie ou il néglige complètement ''le Misanthrope'' et ''l'École des Femmes''. Ce n'est pas, à Dieu ne plaise, que je prétende mettre ''Amphitryon'' et ''les Femmes savantes'' au-dessous du ''Misanthrope'' et de ''l'École des Femmes'', car ''les Femmes savantes'' sont, à mon avis, le plus parfait des ouvrages de Molière; mais pour un esprit attentif le style de ces divers ouvrages ne sera jamais un style unique. Il y a dans l’''Amphitryon'' et dans ''les Femmes savantes'' un souvenir, une saveur de Regnier qui ne se retrouve ni dans ''l'École des Femmes'' ni dans ''le Misanthrope''. M. Augier, qui connaît la langue de Molière et qui en mainte occasion a fait de ses lectures un usage si heureux, n'a pas encore senti la nécessité d'étudier les transformations du style de ce maître illustre. A quarante ans, Molière écrivait ''l'École des Femmes'', modèle d'élégance, d'ingénuité, de franchise. Quatre ans plus tard, il écrivait ''le Misanthrope'', où l'élégance, sans rien prendre d'affecté, se distingue par un caractère plus soutenu. L'année suivante, il écrivait ''Tartufe'', dont la langue pour les yeux clairvoyans est plus savante et plus précise que la langue du ''Misanthrope''. Enfin, à cinquante ans, il écrivait ''les Femmes savantes'', effort suprême de son génie, que sans doute il n'eût jamais surpassé, lors même que la mort l'eût épargné pendant dix ans. Le style des ''Femmes savantes'' me semble réunir toutes les conditions du dialogue comique. Je ne crois pas qu'il soit possible de porter plus loin la clarté, l'évidence, le mouvement, l'ironie familière, la raillerie incisive et mordante, l'expression vive et colorée de tous les détails de la vie ordinaire : une telle vérité n'a pas besoin d'être démontrée; mais un poète comique, un poète qui prend Molière pour conseil et pour guide, ne peut se dispenser de graver dans sa mémoire la différence qui sépare ''l'École des Femmes'' des ''Femmes savantes''. S'il ne tient pas compte de cette différence, s'il confond, je ne dirai pas dans une commune admiration, car l'admiration n'est que justice, mais dans une imitation commune et simultanée, ''l'Ecole des Femmes'' et ''les Femmes savantes'', il doit nécessairement rencontrer sur sa route un écueil que la prudence la plus avisée ne saurait éviter. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il tente, malgré toutes les ressources de son esprit, son style manquera toujours d'unité, - et c'est en effet ce qui arrive à M. Augier : il y a dans ses meilleures pages d'étranges dissonances. L'imagination, transportée dans les régions de la poésie la plus sereine par l'élégance et l'éclat des images, se réveille en sursaut dès qu'elle entend une comparaison tirée de la vie la plus vulgaire; elle s'étonne et s'inquiète, et le goût le plus indulgent est obligé de condamner ces dissonances, qu'on est convenu, non sans raison, d'appeler criardes.▼
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Il est évident que M. Augier ne possède qu’une notion incomplète des conditions du style comique. Il réduit ces conditions au contraste permanent de l’idéal et de la réalité, et ne s’aperçoit pas que ce contraste, renfermât-il, ce qui est loin d’être vrai, toutes les conditions de
Il est évident que M. Augier ne possède qu'une notion incomplète des conditions du style comique. Il réduit ces conditions au contraste permanent de l'idéal et de la réalité, et ne s'aperçoit pas que ce contraste, renfermât-il, ce qui est loin d'être vrai, toutes les conditions de la comédie, ne dispenserait pas le poète de l'unité de style. Que chaque personnage parle selon son rang, selon son rôle; qu'Agnès et Horace, Alain et Arnolphe expriment leur pensée chacun à sa manière, rien de mieux, j'y consens, et, pour le trouver mauvais, il faudrait fermer l'oreille aux conseils de la raison; mais greffer la langue d'Alain ou d'Arnolphe sur la langue d'Agnès ou d'Horace, mettre dans la bouche de Clitandre les paroles de Chrysale ou de Martine, c'est un caprice que le bon sens ne saurait avouer; lors même que les applaudissemens du parterre viendraient protester contre la sentence prononcée par le bon sens, je n'hésiterais pas à suivre l'exemple de Caton : j'épouserais la cause vaincue. Le procédé adopté par M. Augier, suivi avec persévérance depuis sept ans, n'est pas un hommage rendu à Molière, mais une violation constante des lois posées par l'auteur des ''Femmes savantes''. Vouloir en toute occasion mêler la langue d'Aristophane avec la langue de Ménandre, la langue de Plaute avec la langue de Térence, ce n'est pas se montrer fécond et varié, c'est afficher un dédain superbe pour les conditions fondamentales du style comique. Si le style de la comédie exige plus de souplesse et de familiarité que le style de l'épopée ou de la tragédie, la souplesse et la familiarité ne doivent pas être confondues avec les dissonances, et M. Augier gâte comme à plaisir ses meilleures inspirations par l'abus des dissonances. Des amis aveugles pourront lui dire qu'il y a dans la réalité triviale opposée à l'idéal poétique un élément de succès, et lui présenter comme des scrupules puérils les conseils que je lui donne; l'avenir prononcera. Je ne crois pas que l'unité de style entrave en aucune occasion l'allure de la comédie, car je ne confonds pas, je n'ai jamais confondu l'unité de style avec l'uniformité des personnages : ce que j'ai dit tout à l'heure ne laisse aucun doute à cet égard. Que chaque personnage demeure fidèle à son caractère, qu'il parle selon ses passions, ses intérêts; qu'il garde en même temps la langue de sa condition, de ses habitudes, qu'il n'essaie pas d'étonner l'auditoire en prononçant des paroles qui n'ont jamais dû passer par ses lèvres. C'est là un caprice qui peut amuser quelques esprits blasés, et qui tôt ou tard ne manquera pas d'être sévèrement blâmé; c'est un grain de poivre qui chatouille le palais dont la sensibilité s'est émoussée, - ce n'est pas un mets vraiment savoureux, une chair succulente et saine, et de telles aberrations, protégées d'abord par l'ignorance et l'aveuglement, seront bientôt jugées comme elles méritent de l'être. Le contraste permanent de l'idéal et de la réalité descendra au rang des lieux communs.▼
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Dans les cinq comédies que M. Augier a écrites depuis sept ans, il
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/87]]== de véritables comédies, car le poète comique doit attaquer les vices et les ridicules de son temps. Ce Quant aux deux comédies que M. Augier a tirées de la vie réelle, je les mets fort au-dessous de ''la Ciguë'' et de ''
Quel rang faut-il donc assigner à M. Augier ? Si la comédie, comme je le pense, doit se proposer la peinture de la vie réelle, est-il permis de classer parmi les poètes comiques
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/88]]== plus assidûment que la comédie même, |