« L’Autriche et les poètes viennois depuis la révolution de 1848 » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
mAucun résumé des modifications |
m match et typographie |
||
Ligne 1 :
{{journal|
▲{{journal|L'Autriche et les poètes viennois depuis la révolution de 1848|[[Auteur:Saint-René Taillandier|Saint-René Taillandier]]|[[Revue des Deux Mondes]] T. 8 1850}}
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/391]]==
:I.
Les révolutions de 1848, en échange de tant de désastres dont elles sont cause, ont eu du moins ce précieux résultat de réveiller bien des forces endormies et de remettre dans le droit chemin nombre
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/392]]== dont Depuis cette crise formidable, la monarchie autrichienne commence à se régénérer. Certes ce sera un titre glorieux pour ce pays
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/393]]== décision et de vigueur chez ce peuple qui redoutait hier le moindre bruit des choses du dehors, et semblait chaque jour se retirer du sein de la famille germanique. Ce changement si complet dans les allures
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/394]]== Voilà sa mission, et comme il On doit espérer que le gouvernement autrichien, réveillé déjà par tant de secousses fatales, entrera avec suite dans cette politique féconde. Ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/395]]== est prête à vivre et à mourir pour la monarchie autrichienne ! » Ces dispositions se prolongèrent long-temps ; il fallut, pour les modifier, que la guerre de Hongrie changeât complètement de caractère, il fallut que la démagogie européenne, vaincue à Paris, à Berlin et à Vienne, fît alliance avec La politique de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/396]]== générales. Les événemens de 1848 Tel est, dans les termes mêmes
Au milieu de ces désordres inouis, les essais, les tâtonnemens, les
Au milieu de ces désordres inouis, les essais, les tâtonnemens, les illusions de l'autorité, sont un des plus singuliers spectacles qu'ait donnés l'Europe; parmi tant d'expériences qui ne doivent pas être perdues, la conduite du pouvoir à Vienne, du 13 mars à la fin d'octobre, est certainement une des plus étranges et des plus instructives. Les documens commencent à abonder sur ce point. Révolutionnaires, libéraux, hauts fonctionnaires de l'état, tous ont contribué, par leurs souvenirs personnels, à mettre en lumière l'incertitude profonde des conseils supérieurs. L'auteur de ''la Genèse de la Révolution'' a éclairé plus que personne cette terrible époque. Après avoir loyalement signalé les vices de l'ancien régime, il soumet à une critique intelligente et ferme tous les actes du pouvoir pendant cette période de dissolution et de ruine. Ce n'est pas une oeuvre de rancune, aucune passion haineuse n'enflamme l'auteur; il ne formule point d'accusation contre les hommes; il note seulement avec une tristesse sentie les fautes désastreuses qui furent alors commises, il signale chaque défaite de l'autorité, il dévoile les causes de cet abaissement continu, et cette calme exposition des faits répand sur le tableau une désolante lumière. Il est désormais hors de doute que le ministère Pillersdorf, continuant par son optimisme la quiétude d'autrefois, entretenait l'anarchie en voulant faire le bien, et que, sans l'inertie du pouvoir, la patente constitutionnelle du 15 mars, cette victoire inespérée et plus que suffisante, à coup sûr, pour les besoins démocratiques du pays, n'eût pas fait place à la dictature d'une démagogie aveugle. Ce qu'on faisait ici par ostentation théâtrale, on le faisait à Vienne avec la complaisante paresse du caractère autrichien; on avait l'air de jouer avec la révolution. Ici, on montait sur des tréteaux, on organisait des mascarades, bulletins et discours ministériels pindarisaient à l'envi pour cacher l'incapacité des gouvernans; là-bas, de la meilleure foi du monde, on s'abstenait, et quand la position était si belle, quand le gouvernement constitutionnel pouvait si facilement établir ses bases, on faisait bénévolement mille avances à la révolution démagogique. La fuite de l'empereur Ferdinand au 17 mai, la nomination de l'archiduc Jean à une sorte de gouvernement intérimaire, le pouvoir divisé entre le ministère et l'archiduc, l'imperturbable confiance de M. de Pillersdorf, les privilèges inouis accordés aux clubs, qu'est-ce que tout cela, sinon des invitations à l'anarchie? L'anarchie y répondit, et l'issue fut sanglante; depuis le ministère Pillersdorf jusqu'aux journées d'octobre, la société autrichienne roule sur une pente qui devait aboutir aux abîmes ou aux répressions sans pitié.▼
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/397]]==
▲
Malgré le désir
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/398]]== à Vienne, Ce livre de ''la Genèse de la Révolution'' est un symptôme important, il représente le réveil de la conscience générale en Autriche ; il renferme les confessions, les regrets, et finalement
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/399]]== Pillersdorf, a donné un exemple doublement salutaire ; il a maintenu sa complète indépendance, tout en se résignant avec sincérité aux transformations de ::Iliacos intra muros peccatur et extra
Il est manifeste enfin
Il serait curieux, en vérité, que
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/400]]== comte Je ne sais si
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/401]]== la société se transforme, tous les esprits se redressent ; pour conserver sa place, le voilà obligé, lui aussi, de devenir autre chose ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/402]]== dans cette partition, un trio étincelant de bouffonnerie et de verve. Seulement, cette bouffonnerie et cette verve sont-elles bien à leur place ? Si Voyez
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/403]]== Son éducation royale se fait au milieu des fortes populations de la montagne, en présence Si ce temps-ci pouvait
« Bien que ta bannière fût
« Nous suivions ses traces jusque dans les sombres ravins du passé, toi à travers les sanglantes batailles de
« Tu la voyais
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/404]]== et par des portes tendues de deuil ; moi, « Tout à coup la voilà qui parait radieuse au milieu de nous ; la voilà pure, magnifique, aussi puissante que
« Oh !
«
« Le singe stupide toucha à
« Alors, pénétrée de dégoût, la Liberté
Toi du moins, au fond de ta nuit sombre, tu as emporté son image grande, pure, complète. Nous, hélas ! à côté de
Voilà certes de nobles paroles, voilà une douleur sincèrement sentie ; M.
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/405]]== Béranger chantait le roi Quelques poètes
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/406]]== qu’une seule chose à la révolution, une inspiration plus décidée et de plus mâles allures. Ces doux et paresseux rêveurs, ces artistes trop insoucians qui redoutaient comme une souillure le moindre contact avec les choses réelles, on les a vus tout à coup se jeter dans la mêlée et faire entendre, au milieu du sifflement des balles, des accens inattendus. Écoutez Grillparzer et Zedlitz : ce sont deux vieillards, deux têtes blanchies par ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/407]]== de là ce ferme accent de vérité, mérite original assurément au milieu de M. de Zedlitz a recueilli ses vers dans deux petits volumes
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/408]]== les bandits ; la divine statue de la liberté, Le volume consacré à la Hongrie est
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/409]]==
« Pourtant, ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/410]]== plus tard, de sabrer les fils de ses vieux soldats, et le général Rukawina, qui, âgé de quatre-vingts ans, défendit si héroïquement Temeswar, pendant trois mois et demi, et mourut de joie subitement quand il sut que le général Haynau venait de délivrer la ville. Voyez encore, dans la pièce intitulée ''au Milieu des Tombeaux'', toute une nécropole peuplée de figures martiales : le baron de Geramb, si célèbre par sa brillante audace ; le baron Boehm, frappé dans tout Si les guerres
Un poète distingué, M. Frédéric Halm, a été surtout frappé de ce caractère que présente la révolution viennoise, et il l’a exprimé en de beaux vers. M. Halm, comme M. de Zedlitz, vivait fort en dehors des
Un poète distingué, M. Frédéric Halm, a été surtout frappé de ce caractère que présente la révolution viennoise, et il l'a exprimé en de beaux vers. M. Halm, comme M. de Zedlitz, vivait fort en dehors des événemens politiques et des questions sociales, avant que la révolution vînt briser le cercle où s'enfermait sa pensée. Fils d'un homme d'état éminent, M. Munch de Billinghausen (on sait que Halm est un pseudonyme) avait conquis une place brillante parmi les poètes de son pays; il reproduisait surtout, et c'était pour beaucoup d'esprits une des principales causes de son succès, il reproduisait avec une fidélité singulière les défauts et les races de la société viennoise. Imagination sérieuse et élevée, au lieu de développer les dons qu'il avait reçus, au lieu de fortifier son talent et d'agrandir son art, il s'était abandonné sans résistance à cette mollesse, à cette effémination intellectuelle qui était la marque de l'ancienne Autriche. Ses drames, remplis d'abord de qualités touchantes, tels que ''Griseldis, le Fils du désert'', attestaient dans une progression continue cette victoire d'une société énervante sur l'ame indécise du jeune artiste. La révolution l'a relevé comme tant d'autres, et ce qui lui est apparu tout d'abord au milieu du désordre général, c'est la prédominance de ce défaut qu'il avait partagé lui-même, c'est ce laisser-aller, cette sensiblerie du caractère viennois qui offre tant de prise aux excitations menteuses. « Le diable, s'écrie le poète, n'est pas aussi inventif qu'il veut le paraître; il n'a pas, comme on le croit, mille tours dans sa gibecière; une seule ruse lui suffit avec la pauvre humanité. Cette ruse unique, la voici : elle consiste à séparer en nous la lumière et la chaleur. Tantôt il aiguise notre esprit, et cet esprit si bien aiguisé, cet esprit froid, rusé, subtil, que le coeur n'échauffe jamais, est d'autant plus ardent au mal; tantôt au contraire il éteint la lumière de l'intelligence et donne libre carrière aux puissances désordonnées de notre coeur; de là les incohérentes songeries et les utopies insensées. Méchanceté adroite! bonté stupide! lumière froide et flammes ténébreuses! voilà la ruine du monde. » Qu'en dites-vous? n'est-ce pas là le tableau le plus vrai des révolutions de 1848? n'est-ce pas là, en Allemagne, le nord et le midi, le pédantisme hégélien et la niaiserie viennoise? Et partout enfin, en Italie et en France comme chez les peuples germaniques, qui ne reconnaîtra dans cette formule l'action désastreuse des meneurs et la béate confiance des masses, pauvres troupeaux hurlant dans les ténèbres? Il faut du moins que les dupes se ravisent, il faut que les esprits endormis se réveillent, et l'on aime à entendre ces accens virils chez ceux qui se laissaient aller jadis à l'assoupissement général. Le recueil des poésies de M. Frédéric Halm contient des pièces gracieuses, des récits pleins d'élégance et d'art pourquoi n'y trouve-t-on pas plus souvent la forte inspiration qui ose dénoncer le mal et le flétrir? Toutes les fois que M. Halm se mesure avec la révolution, il est original; des pensées plus hautes, de plus ardentes images viennent animer son style; on sent qu'il est rempli alors d'émotions sérieuses, qu'il est aux prises, non pas avec les puériles fantaisies de son cerveau, mais avec les terribles apparitions de son temps. Or, s'il y a un devoir pressant à l'heure qu'il est, c'est de marcher vaillamment au milieu des systèmes, au milieu des mensonges de ce siècle troublé, et, comme le héros de Virgile au fond des enfers, d'écarter de l'épée tous les fantômes.▼
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/411]]==
▲
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/412]]==
fantaisies de son cerveau, mais avec les terribles apparitions de son temps. Or, s’il y a un devoir pressant à l’heure qu’il est, c’est de marcher vaillamment au milieu des systèmes, au milieu des mensonges de ce siècle troublé, et, comme le héros de Virgile au fond des enfers, d’écarter de l’épée tous les fantômes.
Cette résolution que nous révèlent dans les lettres
M. le prince de Sçhwarzenberg est un caractère élevé, une intelligence droite. Il appartenait avant 1848 à ce parti qui ne prévoyait pas les catastrophes prochaines, mais qui, se redressant avec fierté sous le coup de la révolution, a osé regarder le péril en face. Il était attaché à M. de Metternich et avait représenté sa politique à la cour de Russie. Quand la révolution de mars 1848 eut dévoilé les vices de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/413]]== M. de Schwarzenberg comprit immédiatement la gravité de sa tâche. Esprit élégant et mondain, tout entier jusque-là aux devoirs spéciaux de ses fonctions et aux plaisirs ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/414]]== marcher Les collaborateurs de M. de Schwarzenberg sont animés de son esprit. M. le comte Stadion,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/415]]== d’y avoir consacré une attention si loyale et de si courageux efforts. Pour une tâche aussi considérable, ce
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/416]]== dans ces circonstances un sujet Comprendre, reconnaître à propos les nécessités, c’est la suprême loi des affaires humaines : en ce temps-ci surtout, après tant de révolutions qui ont bouleversé l’Europe, au milieu des complications et
Comprendre, reconnaître à propos les nécessités, c'est la suprême loi des affaires humaines : en ce temps-ci surtout, après tant de révolutions qui ont bouleversé l'Europe, au milieu des complications et des raffinemens inouis de l'état social, la science est le premier devoir et la première sauvegarde des empires. La politique actuelle de l'Autriche est l'exemple le plus frappant peut-être de ce que peut le gouvernement d'un grand pays, quand il sait comprendre la situation nouvelle de l'Europe et y conformer ses actes. Il y a vingt ans l'Autriche devait favoriser le développement de l'esprit et de l'influence germaniques dans l'empire; elle devait s'efforcer d'unir les races slave et magyare à la race allemande et de les faire disparaître au sein d'une patrie commune. Aujourd'hui, le problème est bien différent. Ces races qu'on aurait pu empêcher de renaître, elles existent, et par cela seul elles ont des droits comme tout ce qui vit. M. de Schwarzenberg, M. le comte Stadion et M. Alexandre Bach, dans leur constitution du 4 mars, avaient cru d'abord que la centralisation la plus jalouse était indispensable au salut de l'Autriche; ils ont compris bien vite, nous l'espérons du moins, que l'état présent des peuples exigeait une étude plus compliquée, et les institutions communales et provinciales ont fait une part généreuse et habile à la spontanéité de chaque pays. Les solutions données sont-elles en tout point les meilleures? Une polémique passionnée agite en ce moment même la presse allemande de l'Autriche et la presse des peuples slaves. Ces constitutions accordées aux provinces par le ministère Schwarzenberg, constitutions très larges et très libérales assurément, tendent vers un but caché; elles doivent servir, telle est la secrète pensée du pouvoir, à diviser profondément la famille slave, à mettre obstacle aux affinités naturelles, à empêcher enfin les différentes races de former des groupes trop puissans. La Croatie, par exemple, demande par la voix de ses ardens publicistes que la Waywodine, la Styrie, la Carniole, la Carinthie, soient réunies à elle par une seule et même loi; les Slovaques de la Hongrie veulent être réunis à la Bohême par une circonscription nouvelle, et les Valaques à la Transylvanie. Le ministère a grand soin, au contraire, de donner une constitution spéciale à chaque province. La nécessité n'ordonnera-t-elle pas bientôt une transformation plus complète de la vieille Autriche? Ne vaudrait-il pas mieux, pour empêcher les Slaves de se donner à la Russie, se résigner à leur faire une plus grande place dans l'empire? On peut être sûr que les conseillers du jeune empereur, en attendant les lumières de l'avenir, ne perdent pas de vue ce problème, j'allais dire cette menace. Ils seraient prêts, qu'on n'en doute pas, et prêts en temps opportun, aux douloureux sacrifices que leur imposerait le salut de la monarchie. Soit qu'il suffise de donner à chaque province une existence particulière sous la tutelle commune, soit qu'il faille se résigner à une fédération, dont les Slaves deviendraient quelque jour les chefs, cette carrière nouvelle peut encore être glorieuse; elle est digne assurément de l'esprit jeune et intrépide qui s'est éveillé en Autriche, elle est digne d'exercer l'ardeur de ses hommes d'état et les sérieuses dispositions de la conscience publique.▼
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/417]]==
▲
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/418]]==
s’est éveillé en Autriche, elle est digne d’exercer l’ardeur de ses hommes d’état et les sérieuses dispositions de la conscience publique.
Dans cette transformation
SAINT-RENE TAILLANDIER.
|