« Correspondance entre Karl Marx et Pierre-Joseph Proudhon » : différence entre les versions

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ThomasV (discussion | contributions)
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Cherchons ensemble, si vous voulez, les lois de la société, le mode dont ces lois se réalisent, le progrès suivant lequel nous parvenons à les découvrir; mais, pour Dieu ! après avoir démoli tous les dogmatismes a priori, ne songeons point à notre tour, à endoctriner le peuple; ne tombons pas dans la contradiction de votre compatriote Martin Luther, qui, après avoir renversé la théologie catholique, se mit aussitôt, à grand renfort d'excommunications et d'anathèmes, à fonder une théologie protestante. Depuis trois siècles, l'Allemagne n'est occupée que de détruire le replâtrage de M. Luther ; ne taillons pas au genre humain une nouvelle besogne par de nouveaux gâchis. J'applaudis de tout mon cœur à votre pensée de produire au jour toutes les opinions ; faisons-nous une bonne et loyale polémique ; donnons au monde l'exemple d'une tolérance savante et prévoyante, mais, parce que nous sommes à la tête d'un mouvement, ne nous faisons pas les chefs d'une nouvelle intolérance, ne nous posons pas en apôtres d'une nouvelle religion ; cette religion fût-elle la religion de la logique, la religion de la raison. Accueillons, encourageons toutes les protestations ; flétrissons toutes les exclusions, tous les mysticismes ; ne regardons jamais une question comme épuisée, et quand nous aurons usé jusqu'à notre dernier argument, recommençons s'il faut, avec l'éloquence et l'ironie. À cette condition, j'entrerai avec plaisir dans votre association, sinon, non!
 
J'ai aussi à vous faire quelque observation sur ce mot de votre lettre: Au moment de l'action. Peut-être conservez-vous encore l'opinion qu'aucune réforme n'est actuellement possible sans un coup de main, sans ce qu'on appelait jadis une révolution, et qui n'est tout bonnement qu'une secousse. Cette opinion que je conçois, que j'excuse, que je discuterais volontiers, l'ayant moi-même longtemps partagée, je vous avoue que mes dernières études m'en ont fait complètement revenir. Je crois que nous n'avons pas besoin de cela polirpour réussir ; et qu'en conséquence, nous ne devons pas poser l'action révolutionnaire comme moyen de réforme sociale, parce que ce prétendu moyen serait tout simplement un appel à la force, à l'arbitraire, bref, une contradiction. Je me pose ainsi le problème : faire rentrer dans la société, par une combinaison économique, les richesses qui sont sorties de la société par une autre combinaison économique. En autres termes, tourner en économie politique, la théorie de la propriété, contre la propriété, de manière à engendrer ce que vous autres socialistes allemands appelez communauté, et que je me bornerai, pour le moment, à appeler liberté, égalité. Or, je crois savoir le moyen de résoudre, à court délai, ce problème je préfère donc faire brûler la propriété à petit feu, plutôt que de lui donner une nouvelle force, en faisant une Saint-Barthélemy des propriétaires.
 
Mon prochain ouvrage, qui en ce moment est à moitié de son impression, vous en dira davantage.