« Réponse de M. Victor Cherbuliez au discours de M. François Coppée » : différence entre les versions

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M. CHERBULIEZ
 
 
{{sc|Monsieur}},
 
 
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chère à notre Compagnie, qui lui témoigna l’estime
particulière où elle le tenait lorsqu’elle fit violence à
son règlement pour lui ouvrir ses portes. Professeur de
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/39]]==
de Faculté à Lyon, il fut dispensé de la condition de
résidence à Paris, privilège qui n’avait été accordé jusqu’alors à aucun académicien laïque. On le traita ce
jour-là en évêque.
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marqué dans l’histoire de sa pensée et dont la doctrine
a déteint sur ses premiers vers. Je veux parler de
l’auteur ''d’Antigone'' et de la ''Vision'' ''d’Hébal'', du palingénésiste Ballanche, qu’on avait surnommé le.théosophe, de celui qu’on appelait volontiers le doux Ballanche ; mais on a jamais dit Ballanche le clair, Ballanche le
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/41]]==
le précis et le concis. Diderot, qui n’aimait guère les
théosophes, les définissait : « Des hommes d’une imagination ardente qui corrompent la théologie et obscurcissent la philosophie. » Le mot est dur. Je dirais
plutôt que les théosophes sécularisent le dogme et s’en
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doit adorer, joint les idolâtries aux mécréances :
 
<poem>
Du savoir orgueilleux j’ai trop subi le charme ;
De la seule Maison acceptant le secours,
J’ai demandé ma force aux sages de nos jours.
</poem>
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/42]]==
 
 
 
Conscience trop délicate, que de gens seraient heureux de n’avoir jamais commis d’autres péchés que
les vôtres !
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plainte des efforts qu’il leur imposait pour le suivre
dans ses hardies et périlleuses ascensions. On reprochait à sa muse la hauteur continue de son vol et de
pécher par un excès de spiritualité. Un critique lui repréreprésenta
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/44]]==
senta que les sons étaient trop absents de sa poésie,
qu’on y pouvait cheminer longtemps sans y rencontrer une femme, et qu’il avait trop peu de ce que Musset avait de trop. Un autre lui conseillait de nous
prendre pour ce que nous sommes et d’imiter les navigateurs qui donnent des colliers aux sauvages pour
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céleste pour nous attirer. Il leur a fait à tous la
meilleure des réponses : il a écrit cette ''Pernette'', dont
vous avez si bien parlé ; il a écrit ses chants patriotiques ; il a écrit le ''Livre'' ''d’un'' ''Père'', et il a montré que son talent était aussi souple qu’abondant, que les vrais
poètes, quand il leur convient, savent ajouter des
cordes à leur lyre.
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la vôtre en écrivant cette charmante rêverie dialoguée
du ''Passant'', qui commença votre réputation, et sans
oublier le ''Luthier'' ''de'' ''Crémone'' dont le succès fut si vif,
ce beau drame de ''Severo'' ''Torelli'', que tout Paris
applaudissait naguère, éclatante victoire qui vous en
promet d’autres. Cependant je ne vous parlerai ici ni
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demandait qui l’Académie Française a choisi pour
succéder à M. de Laprade, vous répondriez avec une
juste fierté : « C’est l’auteur des ''Intimités'', des ''Humbles'', des ''Promenades'' ''et'' ''Intérieurs'', des ''Récits'' ''et'' ''Élégies'' et des ''Poèmes'' ''modernes''. »
 
Votre prédécesseur était né dans les montagnes du
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enfance s’est écoulée dans l’enceinte des fortifications.
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/47]]==
 
Ce ne sont pas les rochers et les torrents qui vous ont
inspiré vos premiers vers, et vous n’avez jamais dit :
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aventures, de vous échapper dans la banlieue, où de
doux spectacles vous attendaient. Un gai cabaret entre
deux champs de blé, un vieux mur où pendait encore quelque
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/48]]==
quelque lambeau d’affiche, les éternels joueurs de bouchon en manche de chemise, les bals en plein vent, les
balançoires qui grincent, les pissenlits frissonnant dans
un coin, voilà ce que virent en s’ouvrant les yeux gris
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Où l’on tend une corde aux troncs des peupliers,
Pour y faire sécher la toile et la flanelle,
Ou d’un coin pour pêcher dans l’Ile de Grenelle.
</poem>
 
 
 
Vous avez raison, on ne se lasse pas de noter les tons
fins du ciel de Paris. Il en est de plus chauds et de plus
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salon meublé à l’ancienne mode :
 
<poem>
Une pendule avec Napoléon dessus,
Et des têtes de sphinx à tous les bras de chaise.
</poem>
 
 
 
Dans cette demeure, tout est patriarcal, on y a le culte
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<poem>
Ils mettent de côté la bûche de Noël,
Ils songent à l’avance aux lessives futures.....
</poem>
 
 
 
— Mais ne souriez pas ! ajoutez-vous. Chez eux, tout est vieux, sauf le cœur, et ils savourent les douces voluptés que procurent les douces habitudes.
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Puis, quand le pâtissier survient avec la tourte,
On s’attable au jardin, déjà moins échauffé,
Et la lune se lève au moment du café.
</poem>
 
 
 
Que nous les connaissons bien ! et que vous avez le don de voir et de faire voir !
 
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nourrissait d’aveugles préventions contre vous. « Lisez-le, lui disais-je un jour, en lui présentant les ''Humbles'', et vous changerez d’avis. » Il les ouvrit au hasard,
et ses yeux tombèrent sur une pièce intitulée : ''le'' ''Petit''
''Épicier''. Il fit la grimace et ne laissa pas de lire. Il allait
toujours, il alla jusqu’au bout, et ses yeux disaient :
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Mais vous n’avez pas chanté seulement les petits
bourgeois. Les poètes ont le droit de se chanter eux-mêmes,
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/52]]==
mêmes, de dire à l’univers tout ce qui se passe ou
pourrait se passer dans leur cœur. C’est une liberté
que vous avez souvent prise. On retrouve dans vos
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dévotes, et chaque jour, à la même heure, par la rue
où l’herbe encadre le pavé, vous alliez à Notre-Dame
 
<poem>
</poem>
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/53]]==
<poem>Faire un somme, bercé d’un murmure de femme.</poem>
<poem>
Faire un somme, bercé d’un murmure de femme.</poem>
 
 
 
Ce ne sont pas là vos rêves habituels. Vous ne vous
êtes marié qu’en vers et qu’en songe, mais c’est un
songe que vous avez souvent fait et qui vous a inspiré
six pièces intitulées : ''Jeunes'' ''Filles'', que je compte
parmi les plus achevées qui soient sorties de votre
plume. Un jour, à travers la grille d’un frais cottage,
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bras
 
<poem>Sa lourde jupe, avec un charmant embarras.</poem>
<poem>
Sa lourde jupe, avec un charmant embarras.</poem>
 
 
 
Vous vous représentez aussitôt un bonheur calme et
patricien,
 
<poem>Ou cette noble enfant vous serait fiancée.</poem>
<poem>
Ou cette noble enfant vous serait fiancée.</poem>
 
 
 
Quelquefois vous en demandez davantage, et votre
imagination s’échappe jusque dans les sphères inaccessibles. Une princesse royale, aux yeux clairs, en
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parc Scandinave, et vous lui criez de loin, de très loin :
 
<poem>
Je suis un czarévich, très blond et presque enfant,
Qui porte ce jour-là l’ordre de l’Éléphant
Pour faire à votre père ainsi ma politesse,
Et je viens demander la main de Votre Altesse.
</poem>
 
Vraiment, vous, ne Vous refusez rien ; c’est le privilège du poète. Vous étiez plus modeste le jour d’été
que, cheminant dans un train de banlieue, vous avez
entrevu à la station de Sèvres un groupe de trois sœurs
presque pareilles : mêmes robes, mêmes cheveux au
</poem>
==[[Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/54]]==
vent et mêmes chapeaux à fleurs. Les yeux brillants
<poem>
vent et mêmes chapeaux à fleurs. Les yeux brillants
de joie, elles agitaient leurs ombrelles pour faire signe
à leur père, brave homme aux gros favoris grisonnants, qui rapportait de Paris un tas de paquets. Il
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et vous avez dit :
 
<poem>Peut-être eût-il suffi de quitter le train là.</poem>
<poem>
Peut-être eût-il suffi de quitter le train là.</poem>
 
 
 
Mais, méprisant votre idylle bourgeoise, vous ne
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de plus grandes toiles et témoigné de la variété de vos
ressources, de la longueur de votre souffle. Qui ne
connaît votre ''Grève'' ''des'' ''Forgerons'' et votre ''Naufragé'' ?
Qui n’a entendu réciter dans quelque salon votre ''Bénédiction'', l’histoire de ce prêtre qui meurt en achevant
sa prière et du tambour qui éclate de rire ? Vous vous
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Saint-Louis que vous étiez dans votre enfance un assez
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piètre écolier, un externe paresseux, mais excusable,
étant débile et maladif. Vous ne saviez pas vos leçons,
vous promettiez à vos parents de les apprendre en traversant le Luxembourg ; mais le jardin était délicieux,
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fantaisie. En toute chose vous avez lé goût de la justesse, de la mesure ; vous vous tenez en garde contre
l’exagération, qui, malgré nos prétentions à la vérité
vraie, est notre grande maladie littéraire. ''Oratio'' ''maculosa'' ''et'' ''turgida'', disait Pétrone. Quoique vous ayez
raconté plus d’une fois de sombres histoires, vous
n’êtes pas de la race des emphatiques, ni de la famille
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preniez sur vos nuits, sur votre santé, pour sacrifier
au démon qui vous possédait. Vous avez brûlé, dit-on,
trois mille vers de jeunesse, et vous avez publié le ''
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''Reliquaire'' à vos frais. Deux ans plus tard paraissaient
les ''Intimités'' ; il ne s’en vendit que soixante-dix exemplaires. Mais enfin, comme par hasard, le ''Passant'' fut
joué ; le lendemain, tous les échos répétaient votre
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murmurer le vers qui termine un de vos plus charmants dizains :
 
<poem>Ma mère, sois bénie entre toutes les femmes !</poem>
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Ma mère, sois bénie entre toutes les femmes !</poem>
 
 
 
Toutefois, si heureux que soient les gens de lettres,
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dont je suis heureux de pouvoir vous remercier, en
vous souhaitant ici la bienvenue.
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