« La Chambre des députés » : différence entre les versions

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Voilà pourquoi il est injuste de médire des longues discussions qui ont lieu dans la chambre des députés et, par exemple, des discussions de l’adresse. D’aucuns prétendent que c’est du temps précieux perdu en bavardages. Ce sont gens à courte vue qui ne voient que le petit côté des faits ; ils ne voient, dans ces solennels débats, qu’une lutte à grand renfort de phrases entre des ambitions satisfaites et des ambitions impatientes. Portons nos regards au-delà, et nous verrons qu’en définitive ce qui se passe au début de chaque session est un règlement de comptes entre les dépositaires du pouvoir et les représentans du pays. Qu’importe que ce règlement de comptes se fasse autour de sept portefeuilles rouges que les uns veulent garder et les autres conquérir ? Le résultat n’est pas moins considérable : la situation d’un grand peuple est mise à jour, de telle sorte qu’une nation puissante n’est plus un mineur à qui l’on cache l’état de ses affaires, que ses relations extérieures comme ses finances ne sont plus soustraites à ses yeux et cessent d’être des mystères dont les générations suivantes ont seules la clé. N’est-ce rien qu’un tel résultat ? sans compter qu’en cette occurrence les gouvernemens sont dans la nécessité rigoureuse de ne rien tenter qui ne se puisse avouer hautement, ce qui n’est pas peut-être d’une si médiocre importance. Cependant il est impossible de se dissimuler que cette immense publicité sur le marbre de la tribune a des inconvéniens, surtout en matière d’alliances et de traités ; mais ces inconvéniens sont effacés par de tels avantages, qu’on doit aujourd’hui convenir, sous peine d’être aveugle ou de mauvaise foi, que le régime de la discussion est le premier des gouvernemens. Or, les débats de l’adresse sont les grands jours de ce régime ; ce sont les champs de mai des gouvernemens constitutionnels.
 
Encore une considération qui n’est pas à dédaigner dans cette France qui a toujours aimé l’art et le style, c’est qu’au milieu des luttes incessantes de ! a parole notre tribune grandit. Chose admirable ! chez nous, les hommes supérieurs ne manquent jamais pour s’approprier aux situations nouvelles et emporter le prix du genre en toute circonstance. L’ancien régime produisait les diplomates qui causaient le plus agréablement dans les salons de l’Europe : c’étaient les héros de la conversation. Le régime actuel produit les hommes d’état qui parlent le plus éloquemment dans les assemblées politiques : ce sont les héros de la tribune. Quels orateurs le parlement britannique peut-il aujourd’hui opposer aux nôtres ? quel membre de la chambre des communes, avec toutes les traditions de Pitt, de Fox et de Canning, possède mieux que M. Guizot la gravité de la parole, la grandeur et l’originalité de l’expression, et, s’il faut tout dire, l’éloquence du sophisme ? Quel est le whig ou le tory qui, dans ses harangues, est plus lumineux, plus abondant, plus universel que M. Thiers ? Qui porte plus loin que l’ancien président du 1er
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1er mars l’art de persuader sans efforts et de convaincre à son système en ayant l’air de l’exposer sans intention ?
 
A merveille ! va-t-on dire ; le gouvernement représentatif touche donc à la perfection ! Nous sommes, sans nous en douter, en plein âge d’or constitutionnel ! Mon Dieu, non. Si l’institution est excellente, il est fâcheux d’ajouter que les hommes ne valent pas l’institution : comme dirait M. Hugo le pair de France en son langage de poète, le ver est dans le fruit. En d’autres termes, si la chambre des députés, à notre avis, ne fait qu’user largement de ses prérogatives dans l’intérêt général, le député abuse trop souvent des siennes dans son intérêt privé. Au moment où nous admirons le jeu magnifique de l’institution, nous nous heurtons au despotisme étroit de l’individu.
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D’autres fois, M. Tanski n’est pas injuste, mais il est avare. Ainsi il se, contente de consacrer deux lignes à M. de Rémusat. Il y avait tout un portrait à faire. Écrivain qui sait unir la grace à la force, orateur qui, à plusieurs reprises, a fait entendre les accens d’une conscience passionnée ; spirituel et sensé, bienveillant et ferme, éloquent et honnête, M. de Rémusat ne réunit-il pas des qualités qui font de lui comme un Benjamin Constant incapable de faiblesse ? Encore une bonne page que l’auteur du ''Voyage'' a laissé échapper.
 
 
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Pendant que le Slave trébuchait dans quelques-uns de ces jugemens littéraires et politiques, plusieurs erreurs de faits se glissaient dans ''le Voyage autour de la Chambre des Députés''. M. Tanski donne M. Vivien et M. Léon de Maleville comme d’anciens lieutenans de Casimir Périer. Or, chacun sait que M. Vivien, même préfet de police, était loin d’être en communion parfaite avec son ministre. Quant à M. de Maleville, que l’auteur, du reste, appelle un esprit lucide et un caractère droit, et qu’il pourrait, avec la même raison, appeler un orateur incisif et de bon goût, il n’est entré à la chambre qu’en 1834, deux ans après la mort de M. Périer.