« Poètes et romanciers modernes de la France/Desaugiers » : différence entre les versions
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{{journal|Poètes et romanciers modernes de la France – Desaugiers|[[Auteur:Charles Augustin Sainte-Beuve|Sainte-Beuve]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.11 1845}}
Voici un portrait
A une noble dame qui lui demandait de réciter des vers à table, le poète Parini répondit par un refus :
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::La Musa, e mente arguta e cor gentile.
« La Muse, pour se confier, veut une oreille apaisée, un esprit fin et un
::Laudibus arguitur vini vinosus Homerus.
liomère, en effet, ne perd aucune occasion de remplir les coupes dans les festins
Mais, après Homère, et sans parler
« Allons, ô mon hôte, bois !
On a là, dans ce fragment de Panyasis, comme un premier type classique de
Les Gaulois, on le sait, ont toujours aimé le vin, et les Français la chanson. Chanson galante, chanson satyrique, chanson de table, ils en ont eu de toutes les sortes et dans tous les âges. On assure, non sans vraisemblance, que cela commence fort à passer, et
Desaugiers, dans son ''Hymne à la Gaieté'', a dit :
::Il
::
Je
::Des hautes voluptés nous que la soif altère,
::Fils de la Muse, au vin rendons un culte austère,
:: ''Buvons-le chastement, comme le sang
« Comme
« Et moi aussi, riche du nectar versé, présent des Muses,
Marc-Antoine Desaugiers naquit le 17 novembre 1772, à Fréjus en Provence.
Desaugiers sortait
Le jeune Desaugiers marqua dès
Nous aurons plus tard occasion de revenir sur cette indulgence du clergé et des personnes religieuses pour la malice innocente de Desaugiers, tandis
Au moment où la patrie pouvait sembler le moins regrettable, Désaugiers accompagna à Saint-Domingue sa soeur, qui venait
Cette lettre si folâtre (contraste funèbre !) est datée du ''lundi 21 janvier 1793''. Riez, chantez à souhait, portez avec vous la joie, et soyez partout où vous entrez
Les désastres de Saint-Domingue vinrent avertir les heureux colons que la foudre
::Naturam expellas furca, tamen usque recurret.
Tant il est vrai que toute nature douée
A peine remis de tant de maux, Desaugiers fut emmené de Saint-Domingue aux États-Unis par un capitaine américain qui
::Oui, nom
::
se disait plus tard Cadet Buteux dans la chanson. De très honnêtes gens se
Pendant les deux ou trois premières années qui suivirent son retour, nous le perdons un peu de vue : il ne resta pas tout ce temps à Paris. Attaché, comme chef
Depuis mars 1799, où il donnait au théâtre des Jeunes-Artistes ''le Testament de Carlin'', on le trouverait sans interruption mêlé à une foule de petites pièces de tout genre, opéras comiques, vaudevilles, tantôt comme auteur unique, tantôt et le plus ordinairement comme collaborateur pour une moitié ou pour un tiers. Son esprit à ressources excellait à ces jeux de circonstance, à ce travail en commun de quelques matinées. Chansonnier, musicien, metteur en scène, plein de gais motifs et de saillies, il était là dans son élément. On raconte
Il y aurait une jolie histoire à esquisser, celle de la gaieté en France. La gaieté est avant tout quelque chose qui échappe et qui circule ; mais elle eut aussi ses rendez-vous réguliers, ses coteries et foyers de réunion, ses institutions pour ainsi dire, aux divers âges. Laujon, au tome IV de ses ''Oeuvres'', a tracé un petit aperçu des dîners chantans, à commencer par ''
::En joyeuse société,
::Quelques amis du Vaudeville
::Considérant que la gaieté
::Sommeille un peu dans cette ville ;
::Sous les auspices de Panard,
::Vadé, Piron, Collé, Favart,
::Ont regretté du bon vieux âge
::Le badinage
::Qui
::Et, pour en rétablir
::Sont convenus de ce qui suit :
Et, après la rédaction rimée des divers articles du règlement, la commission signait en bonnes formes :
::Au nom de
::Paraphé, ''ne varietur''.
::Paris, ce deux vendémiaire,
::''Radet, Piis, Deschamps, Ségur''.
De là les ''Dîners du Vaudeville'', qui fournirent une carrière assez brillante, et ne prirent fin
La gaieté sous
::Aime, ris, chante et bois,
::Tu ne vivras
Cette morale des joyeux chansonniers est, après tout, celle même que chante bien mélodieusement, si
::Cueillons, cueillons la rose au matin de la vie !
Que si, sous sa forme purement folâtre et dans la voix bruyante de
Ce ne sont pas celles qui ont pour titre et pour sujet un de ces noms tirés au sort, comme
::Le jour
::Chantant
::Et souvent le faisant sans bruit
::La
le ''Panpan bachique'' (1809) :
::Lorsque le champagne
::Fait en
::Pan,
ce sont ces autres refrains irrésistibles et qui éveillent de toutes parts
::Quand on est mort,
admirable chant tout bouillant
La sensibilité, que celui-ci a introduite avec tant
::A soixante ans on ne doit pas remettre
::
::…
::Celui qui plie à soixante ans bagage,
::
Il y a là-dessous une tristesse que voilent
Le propre du chansonnier,
::Depuis que
::Et du luxe et de la grandeur ;
::
::Adieu bonheur ! (''bis''.)
::Je bâille comme un grand
::Adieu bonheur !
::Ma fortune est faite.
Ce refrain, ''Ma fortune est faite'', revient chaque fois plus tristement. La sensibilité, chez Desaugiers, se glisse quelquefois dans
::Tout va bien (''bis''),
::Grace au ciel, je
::Je
De toutes les chansons de Desaugiers,
::Chien et chat,
::Chien et chat,
::Voilà le monde
::A la ronde ;
::Chaque état,
::Chaque état
::
Et il énumère toutes les zizanies
::
::Que réfléchit
::Turcs si doux et si polis
::Et vous, soldats de ''Miaulis'' ?
::Chien et chat, etc., etc.
Eh bien ! non, on prenait dès-lors les choses plus au sérieux ; on ne disait plus, on ne voulait plus entendre dire, même en chanson, ''chien et chat'', de toutes ces luttes et de tous ces hommes ; on disait : ''tyrans et esclaves, bourreaux et victimes'' ; on prenait parti pour et contre. Bref,
Les éditions de Desaugiers répondent exactement à cette vue de la critique : un premier volume parut en 1808, un second en 1812, un troisième en 1816. On y trouve tout entier le chantre original et populaire de cette époque dont nous avons défini
Il faut bien aborder la comparaison de Desaugiers et de Béranger,
Celui-ci était chansonnier comme La Fontaine était ''fablier'' ; il y avait dans le talent qui le poussait à la chanson, ou, pour mieux dire, dans la sève qui poussait des chansons en lui, quelque chose
Béranger a de la sensibilité, de la malice, de
::Que feriez-vous, monsieur, du nez
Son hilarité était pure : ''sal merum''. Je
Le propre du talent de Desaugiers,
Béranger à ses débuts, et dans sa période du ''Roi
::Bon Desaugiers, mon camarade,
::Mets dans tes poches deux flacons ;
::Puis rassemble, en versant rasade,
::Nos auteurs piquans et féconds.
::Ramène-les dans
::Où renaît le joyeux refrain.
::Eh ! va ton train
::Gai boute-en-train !
::Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
::Et rends enfin au Vaudeville
::Ses grelots et son tambourin.
On a dit que, bien peu après, les opinions politiques avaient séparé ces deux hommes, rivaux un seul moment ;
Desaugiers devait voir la restauration avec faveur ;
::Peuple français, la politique
::
::Rappelle ta légèreté,
::Ton antique
::Joyeuseté !
Cette gracieuse chanson était comme le ''chant du cygne'' de la gaieté en France. La politique gagnait de plus en plus, et,
Desaugiers, ce
Il y avait jusque dans sa manière de serrer la main quelque chose de moelleux et de naturellement caressant, qui exprimait
Je continue de le peindre, tel
Directeur du Vaudeville, il était peu fait, on le conçoit, pour les détails et pour les tracas de
Il y avait dans tout son être un liant unique ; on sentait bien au vrai que la joie était là-dedans. Il semblait dire à tous en entrant : « Nous
Une fois au piano, on aurait dit que la chanson lui sortait par tous les pores, par les doigts, par les cheveux légèrement en désordre, par ses yeux brillans comme par ses lèvres riantes. Ce
Il ne faudrait pas croire pourtant
On a là tout ce que
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