« Académie française - Réception de M. Sainte-Beuve » : différence entre les versions

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{{journal|Académie française - Réception de M. Sainte-Beuve|[[Auteur:Charles Labitte|Charles Labitte]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.9 1845}}
 
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Il y a précisément vingt ans qu’avait lieu à l’Académie française la réception de M. Casimir Delavigne. C’était au lendemain de cette agréable comédie de ''l’École des Vieillards'' dont les soixante premières représentations avaient donné un chiffre de recettes supérieur à celui des recettes de ''Figaro''. Le nom populaire du jeune écrivain brillait alors de son plus serein éclat ; l’opinion émue puisait dans son émotion même un plus reconnaissant souvenir pour les patriotiques ''Messéniennes'', les sourires excités par les spirituelles saillies des ''Comédiens'' étaient encore sur bien des lèvres, et tous les esprits dévots au culte de la poésie chaste admiraient les chœurs du ''Paria''. Jusque-là, M. Delavigne n’avait pas quitté sa voie propre ; fidèle à ses instincts, il ne s’était pas très inquiété du besoin d’innovations littéraires qui commençait à se produire avec vivacité autour de lui. Et, en effet, comme poète lyrique, on l’avait vu adopter une manière dès le lendemain de Waterloo, c’est-à-dire avant les ''Méditations'' de M. de Lamartine, avant les premières ''Odes'' de M. Victor Hugo ; comme poète dramatique, il avait tout de suite, dans la tragédie, essayé de continuer ''Andromaque'' par la pureté du style, ''Zaïre'' par le mouvement et l’intention philosophique ; dans la comédie, il avait ressaisi et fondu avec esprit et grace l’aimable genre de la ''Métromanie'' et du ''Méchant'' En un mot, c’était de nature un classique ingénieux, élégant, distingué, d’une imagination facile, qui tour à tour savait attraper avec un égal bonheur l’éloquence harmonieuse à la suite de Racine, le facile enjouement à côté de Gresset. Il semble que son entrée à l’Académie française, dans l’asile même et comme dans la citadelle (alors jugée imprenable) des traditions, aurait dû affermir à sa place M. Delavigne et l’éloigner moins que jamais de la route sûre où jusque-là il avait marché au milieu des applaudissemens. Ce fut l’opposé. D’autres eussent songé à dépouiller toute hérésie, même légère, sur le seuil orthodoxe de l’Institut : l’auteur des ''Vêpres Siciliennes'', au contraire, prit possession du classique fauteuil en levant, pour la première fois en pareil lieu, la bannière de l’innovation. A dire vrai, il s’agissait d’une innovation bien modeste : l’honnête écrivain voulait viser désormais à un rôle intermédiaire, au rôle de conquérant pacifique, et il laissait deviner ses projets.
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::Son nom jamais n’attristera mes vers.
 
Il y a des sujets sur lesquels il faut glisser ; en voulant flatter le patriotisme, on le blesse. Quant à la nouvelle sortie que M. Victor Hugo fait contre la philosophie, nous ne pouvons y voir qu’un caprice peu digne de sa haute gravité ; la philosophie et la poésie sont soeurssœurs, l’une enseigne ce, que l’autre chante. Est-ce une revanche que l’auteur des ''Orientales'' voudrait prendre sur l’auteur de ''la République'' ? Platon au moins ne chassait que les poètes, il absolvait la poésie ; nous aimons à croire que M. Hugo fait tout le contraire, et qu’il tolère les philosophes tout en bannissant la philosophie ; car comment imaginer qu’un si sérieux esprit en veuille aux choses à cause des hommes ?
 
En somme, la séance académique de jeudi est l’une des plus brillantes à laquelle nous ayons jamais assisté. Rien n’a manqué à l’éclat de cette fête vraiment littéraire, où M. Villemain est venu reprendre ses fonctions de secrétaire perpétuel. Aux vifs et universels applaudissemens qui l’ont accueilli dès son entrée, l’illustre écrivain a pu juger de la joie sincère qu’on avait de le voir rendu aux lettres, comme déjà il l’était à l’amitié.