« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Arc-boutant » : différence entre les versions

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angle droit, n'étaient contre-buttées que par des contre-forts peu saillants.
On se fiait sur le peu de longueur des croisillons composés de deux ou trois
travées de voûtes, on supposait que les buttées des contre-forts des
......
pignons et celles des murs des nefs suffisaient pour maintenir la
poussée des arcs-doubleaux entre ces buttées. À la cathédrale de Paris,
par exemple (71), il a toujours existé des
arcs-boutants de A en B pour maintenir
la poussée des voûtes de la nef et du
chœur; mais l'écartement des voûtes des
croisillons n'est maintenu que par les
deux contre-forts minces D et C, et il n'a
jamais existé d'arcs-boutants de D en A
et de C en A. On ne pouvait songer en
effet à bander des arcs-boutants qui eussent
pris les contre-forts AE en flanc; en
admettant que ces contre-forts fussent arrivés
jusqu'au prolongement de l'arc-doubleau
CD, ce qui n'existe pas à la cathédrale
de Paris. Cette difficulté non résolue causa
quelquefois la ruine des croisillons peu de
temps après leur construction. Aussi, dès le milieu du XIII^e siècle, on disposa
les contre-forts des angles formés par les transsepts de manière à pouvoir
butter les voûtes dans les deux sens (72). À la cathédrale d'Amiens,
par exemple, ces contre-forts, à la rencontre du transsept et du chœur,
présentent en plan la forme d'une croix, et il existe des arcs-boutants de
D en C comme de A en B. Quand les arcs-boutants sont à doubles volées,
la première volée est bandée de E en F comme de G en F.
 
[Illustration: Fig. 71.]
 
[Illustration: Fig. 72 et 73.]
 
Souvent il arrivait aussi que les arcs-boutants des nefs ou des chœurs,
poussant sur la tranche de contre-forts très-larges mais
très-minces, et qui
n'étaient en réalité que des murs (73), comme aux chœurs de
Notre-Dame
de Paris, de l'église de Saint-Denis, de la cathédrale du Mans, tendaient à
faire déverser ces murs; on établit également, vers le milieu du XIIIe siècle,
des éperons latéraux A sur les flancs des contre-forts, pour prévenir ce
déversement (voy. CONTRE-FORT).
 
On ne s'arrêta pas là; ces masses de constructions élevées pour maintenir
les arcs-boutants ne pouvaient satisfaire les constructeurs du XVe siècle, qui
voulaient que leurs édifices parussent plus légers encore qu'ils ne l'étaient
réellement. Dans quelques églises, et notamment dans le chœur de l'église
du Mont-Saint-Michel-en-Mer, ils remplacèrent les éperons A de flanc, par
des arcs bandés d'un contre-fort à l'autre, comme une succession d'étrésillons
destinés à rendre tous les contre-forts des arcs-boutants solidaires.
 
De tout ce qui précède on peut conclure que les architectes du moyen
âge, après avoir résolu le problème de la construction des voûtes sur
des piles minces et isolées, au moyen de l'arc-boutant, ont été frappés,
sitôt après l'application du principe, des difficultés d'exécution qu'il présentait.
Tous leurs efforts ont eu pour but d'établir l'équilibre entre la poussée
des voûtes et la résistance des arcs-boutants, à baser ce système sur des
règles fixes, ce qui n'était pas possible, puisque les conditions d'équilibre se
modifient en raison de la nature, du poids, de la résistance et de la dimension
des corps. Les hommes d'un génie supérieur, comme il arrive
toujours, ont su vaincre ces difficultés, plutôt par l'instinct que par le
calcul, par l'observation des faits particuliers que par l'application de règles
absolues. Les constructeurs vulgaires ont suivi tels ou tels exemples qu'ils
avaient sous les yeux, mais sans se rendre compte des cas exceptionnels
qu'ils avaient à traiter; souvent alors ils se sont trompés. Est-ce à dire
pour cela que l'arc-boutant, parce qu'il exige une grande sagacité de la
part du constructeur, est un moyen dont l'emploi doit être proscrit? Nous
ne le croyons pas. Car de ce que l'application d'un système présente des
difficultés et une certaine finesse d'observation, ce n'est pas une raison
pour le condamner, mais c'en est une pour l'étudier avec le plus grand
soin.