« Bretons de Lettres » : différence entre les versions

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Charles Leconte de Liste quitta l'île Bour-
bon, le 11 mars 1837, pour venir étudier le
droit en France. Il laissait ses parents déso-
lés de son départ. « J'ai beau chercher à me
faire une raison de son absence, écrivait son
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ami, n'être jamais obligé de te séparer de tes
enfants à d'aussi immenses distances ; cela
nuit au bonheur de la vie. » Avant de s'ins-
taller à Rennes pour y suivre les cours de la
Faculté de droit, Charles devait passer quel-
que temps chez son oncle, M. Louis Leconte,
avoué à Dinan. C'était le plus proche parent
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fils pendant le temps de ses études, en lui
donnant tout pouvoir pour l'administration du
budget et la direction de la vie du jeune étu-
diant.
 
La correspondance échangée entre les pa-
rents de Bourbon et le cousin de Bretagne,
les notes que j'ai prises dans les archives de
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Rennes, — notes et correspondance éclairées
ou complétées par quelques lettres de Charles
Leconte de Lisle et par des souvenirs de fa-
mille, — m'ont permis de suivre, à Rennes,
pendant près de six années, les traces du
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première rectification s'impose.
 
« Trois ans, il demeura à Rennes, sous pré-
texte d'y faire son droit... On le rappela à
 
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« Paris, novembre 1807,
 
« Monsieur, vous venez de publier un inté-
ressant article sur Leconte de Lisle. Puisque
vous me faites l'honneur de citer mon témoi-
gnage et que vous croyez pouvoir relever
dans mes souvenirs quelques légères inexac-
titudes, je crois vous être agréable en mettant
sous vos yeux le document dont je me suis
servi. Je le tire des notes autographes que
Leconte de Lisle avait bien voulu écrire pour
me renseigner: « Mon père d'origine nor-
« mande et Bretonne. Deux branches, aînée
« et cadette. Le nom est ainsi orthographié
« dans les anciens papiers de famille : Le
« Conte de Lisle, branche aînée ; Le Conte
« de Préval, cadette. Les Préval n'ont gardé
« que le nom patronymique, J'ai réuni, le pre-.
« mier ''le'' et ''Conte'', pour éviter le semblant d'un
« titre.....
 
« Venu en France à 3 ans, retourné à Bour-
« bon à 10 ans avec ma famille, deuxième
 
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« voyage, seul, à 20 ans, séjourné au Cap
« de Bonne-Espérance et à Sainte-Hélène.
« Retourné à Bourbon à 23. Puis troisième
« voyage, retour définitif en France..... »
 
En dépit des renseignements puisés par
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près de trois années dans la vie du Maître.
 
Tout d'abord, quelques mots sur les ori-
gines de famille et le nom de Leconte de Lisle
ne seront pas inutiles, pour rectifier tant
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son petit-fils Thomas, son arrière petit-fils
Charles. Un des fils de celui-ci fut Thomas,
« aïeul paternel de Leconte de Lisle au cin-
quième degré. »
 
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se conserver longtemps dans la famille, » et
que pourtant M. Louis Leconte, le maire de
Dinan, ne parvint pas à se faire concéder léga-
lement et auquel dès lors il renonça.
 
Ce Michel Leconte de Préval, qui était apo-
thicaire, habitait Pontorson, petite ville aux
frontières de la Bretagne. Parmi d'autres en-
fants, il eut un fils Jacques Leconte, sieur
de Préval, qui fut l'arrière grand-père de
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:Va loin de cet autel porter tes faux serments.
 
Le patriote poète n'en fut pas moins empri-
sonné, et, rendu à la liberté au 9 thermidor,
 
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ce fut en vers encore qu'il manifesta sa joie.
Les ''Souvenirs'' de M. Néel de Lavigne consta-
tent le succès de ces vers et la célébrité locale
de leur auteur.
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Son fils fut Charles-Guillaume Jacques, né
en 1787. Il n'avait pas terminé ses études de
médecine quand, en 1813, il fut nommé chi-
rurgien sous-aide au corps de Bavière. À la
chute de l'Empire, il quitta son poste, et, en
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des XVII{{e}} et XVIII{{e}} siècles, pour se distinguer
entre frères et cousins et n'impliquaient pas
même une prétention à la noblesse ; ils mar-
quaient, et encore pas toujours, la possession
d'une terre,
 
La terre de l'isle est située sur les anciennes
paroisses de Saint Samson de l'Isle et de Cen-
dres, qui font partie aujourd'hui de la pa-
roisse de Pleine-Fougères, au diocèse de Ren-
nes. Elle relevait autrefois de l'évêché de Dol
et des moines de Marmoutiers. Une vieille
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Couësnon, de vastes marais couverts d'eau
pendant l'hiver, la cathédrale de Dol d'un
côté, le mont Saint-Michel de l'autre, les hau-
teurs d'Avranches à l'Est », au nord et à l'ouest
la mer et Saint-Malo, voilà les horizons à vol
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à Dinan, Bretons tout à fait.
 
C'est par un mariage avec la fille de Fran-
çois Estienne, acquéreur de cette terre et qui
en prit le nom, que Michel Leconte de Préval
devint propriétaire de la petite terre de l'Isle.
Le premier qui en porta le nom fut son petit-
fils Charles-Marie, grand-père de notre poète.
Bien que ''légalement'' ce nom ne lui appartint
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</center>
 
''dit'' de Lisle. Aussi quand le chirurgien démis-
sionnaire partit pour Bourbon, emportait-il
son nom presque ''légitimement'' constitué et dé-
sormais en fit-il sa signature incontestée,
avec la seule variante de l'apostrophe mise
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pour y exercer la médecine et y faire de la
culture. Il s'y était marié avec Mlle Elisée de
Riscourt de Lanux ; en 1818, Charles-Marie-
René, qui fut le poète était né.
 
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connaître, je te prie, l'intérieur de ton mé-
nage. Combien as-tu d'enfants ? Leur âge,
leur nom ? Que nous nous connaissions avant
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d'une nature tin peu sèche, d'une correction
bourgeoise un peu étroite, de principes un
peu durs. Il était peu fait, lui, l'homme d'af-
faires et le citadin d'une petite ville bretonne,
pour comprendre et pour diriger un jeune
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exquise faiblesse pour l'enfant exilé.
 
Elle marque, dès le début, les préoccupa-
tions les plus vives, les inquiétudes les plus
minutieuses. Les moindres détails de la vie
de l'étudiant seront l'objet de soucis constants
et de recommandations pressantes. Si les pa-
rents du poète ne l'ont jamais ''compris'', au
dire d'un biographe qui reçut les confidences
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l'Isle, est qu'il habite le quartier le plus aéré
et conséquemment le plus sain. Je suis loin
de vouloir et de pouvoir lui fournir un loge-
ment autre que modeste et propre, mais
encore que je ne veuille pas faire une dépense
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nécessaires et commodes — on se plaît mieux
chez soi, quand on est bien logé — et bien
située pour l'air et la vue — c'est l'expé-
rience qui me l'a appris...
 
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chargée de son linge (celle chez qui il logerait,
par exemple), cela serait fort utile pour lui,
car nul, que je sache, ne porfa plus loin l'in-
souciance en pareille matière. »
 
L'excellent père lient à ce que son fils
« soigne son costume : il se respectera da-
vantage, quand il sera bien mis. »
 
« Je n'ai pas le désir, écrit-il, qu'il soit un
fashionable, mais cependant je serais déso-
bligé que sa mise ne fût pas soignée. Veuille,
mon ami, y de nner la main, sans permettre
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</center>
 
dans ses goûts, mais que je désapprouve au-
tant que la négligence. Qu'il soit de nc tou-
jours mis avec goût et propreté. L'homme bien
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d'être bien mis à Rennes, à cette époque, voici
ce qu'en écrivait, à la date du 12 février 1838,
le chroniqueur des Modes du Journal. ''L'Auxi-
liaire Breton : « Redingote pardessus en drap
peloté. La jupe ne dépasse pas le dessous des
genoux, elle n'est pas fendue et l'ampleur par
derrière est formée par deux gros plis grevés.
La taille est très longue et d'une largeur pro-
digieuse. Les boutons d'un très grand dia-
mètre ; les parements, le col et les poches
garnis de velours... Le paletot est très bien
porté ; les habits à la française sont une fan-
taisie négligée. Les pantalons ajustés à la
botte passent de mode ; on revient aux pan-
talons droits ; en négligé, on porte encore
quelques pantalons à plis. Les chapeaux n'ont
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larges devant et derrière que sur les côtés. »
 
On n'en demandait pas tant au jeune étu-
diant et sa pension ne lui permettait pas de
telles fantaisies. Son père semble pourtant
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qui le force à sortir des habitudes de trop
de laisser aller qui lui sont naturelles. Si je
me sers du mot ''rang'', je veux dire tout sim-
plement une bonne société, peu soucieux
qu'il était ici de voir le monde. Nous crai-
gnons qu'il vive trop retiré, ce qui est tou-
jours peu avantageux pour un jeune homme,
lorsqu'il est destiné, si rien ne s'y oppose, à
entrer dans la magistrature. »
 
Mais ce n'était pas tout d'habiter un loge-
ment sain, de vivre d'une vie confortable, de
fréquenter la bonne société, et d'avoir la te-
nue d'un homme du monde, Charles Leconte
de Lisle devait encore, au gré de ses parents,
se teinter d'art, non pas sans de utedoute pour l'art
en lui-même, mais pour ce qu'il peut ajouter
d'agrément au bonheur d'une vie bourgeoise.
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Dinan est prié par lettre d'y tenir la main.
 
« Malheureusement, Charles n'est pas en-
core musicien; fais en sorte qu'il le devienne ;
tu en conçois tout l'agrément, toi qui as le
bonheur de l'être. Indique-lui un bon maître,
car presque toujours, en ces sortes de ma-
tières, l'élève dépend du maître. »
 
Ligne 446 :
pluies », et l'hiver le préoccupe.
 
Charles ne de itdoit pas regarder « à une brasse
de bois de plus ou de moins. » Non pas qu'on
le croie « une demoiselle, mais on travaille
mieux, quand on n'a pas froid et l'on ne dé-
 
<center>
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« J'aime encore mieux, écrit M, Leconte de
l'Isle, sa santé que sa science. Nous travaille-
rons pour lui, sa mère et moi ; nous avons
essentiellement besoin qu'il se porte bien pour
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Et comme s'il se rendait compte que ce sont
beaucoup et de bien minutieuses recomman-
dations, et qu'elles pourraient sembler exagé-
rées, le bon père s'en excuse de ucement au-
près de son cousin :
 
Ligne 502 :
Hélas ! que ne pouvait-il déléguer, avec
son autorité, un peu de sa tendresse : mais
Charles Leconte de Lisle ne devait pas trou-
ver près de son oncle de Dinan l'indulgence
de ses parents, et la vie à Rennes allait être
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la vérité sur son fils. Si elle est pénible, il
tâchera d'y remédier. Qui n'a pas commis des
fautes dans la vie ? Encore vaut-il mieux con-
naître les erreurs de son fils que de le croire
dans la bonne voie, quand il est égaré. »
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plaisirs et de ses leçons particulières, non
qu'il soit aucunement capable d'en mésuser,
mais il est si étourdi qu'il laisserait son secré-
taire ouvert et il pourrait être dupe. Lors-
qu'il sera habitué a soigner lui-même ses
affaires, il est digne de toute confiance ; lui
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En même temps qu'ils prouvent la sensi-
bilité profonde et la vraie tendresse de M.
Leconte de l'Isle, ces extraits de sa corres-
pondance, ainsi que ceux qui suivront, ont un
autre intérêt et plus grand pour nous, c'est
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Charles Leconte de Lisle avait écrit à ses
parents, du cap de Bonne-Espérance, une let-
tre qui leur était parvenue au commencement
du mois de juillet 1837. Ils n'avaient pas reçu
d'autres nouvelles de lui : peut-être, le bateau
n'avait-il pas fait escale à Sainte-Hélène, com-
me l'avait annoncé le capitaine ? Du moins,
les navires anglais qui avaient touché à l'Île
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n'avait entendu parler du voyageur.
 
M. Leconte de l'Isle écrivit alors à son cou-
sin ; il ne voulait pas croire a un accident,
 
Ligne 569 :
 
mais il prenait prétexte de son inquiétude
pour prier l'oncle de Charles de bien lui re-
commander de de nner régulièrement de ses
nouvelles. « Une négligence de sa part à nous
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Cette lettre, datée du 3 juillet 1837, est
pleine d'émotion. La mort de deux compa-
triotes, Tanguy et Théophile de Querhoënt, à
huit mois de distance, l'arrivée à Bourbon
d'un Malouin, le capitaine Moucet, comman-
dant le ''Robert Surcouf'' ; tous ces événements,
joints au départ de son fils et au manque de
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vieux souvenirs du pays natal.
 
C'est que M. Leconte de lisle ne se consi-
dérait que comme un exilé sur la terre de
Bourbon. Il avait placé, de manière à l'avoir
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lui avait envoyée Louis Leconte. « Je suis fort
aise, lui écrivait-il, de la revoir tous les jours,
encore qu'elle soit bien gravée dans mon sou-
venir. » Et il en prenait occasion pour renou-
veler sa demande de toutes les vues de Dinan
du même auteur. « Les 4.000 lieues qui nous
séparent ne m'enlèveront jamais mon affec-
tion pour la terre natale. »
 
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</center>
 
pays. C'est avec le capitaine Moucet qu'il rê-
vait d'y revenir. Quand on lui annonce la
mort de Mlle Robinot, de Dinan, il s'en désole ;
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Moucet qui regagnait Saint-Malo, M. Leconte
de l'Isle disait toute son impatience d'avoir
des nouvelles. Cette lettre, datée du 12 sep-
tembre 1837, était à peine partie que les nou-
velles tant attendues arrivaient par ''l'Ange
Gardien''. Avec quelle joie les parents de
Bourbon connurent l'arrivée de leur fils dans
la famille de son oncle et le bon accueil qui
lui avait été fait. L'avoué de Dinan annon-
çait à son cousin qu'il allait, avant peu, être
nommé maire. Le reste de la lettre était moins
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</center>
 
à la « coquetterie, un peu de vanité et d'a-
mour-propre. »
 
Dès le 27 novembre, M. Leconte de l'Isle ré-
pondait à son cousin pour remercier « les pro-
tecteurs, les amis de son enfant. » Et ce n'était
pas seulement pour la cordialité de leur ac-
cueil, c'était même, c'était surtout pour la
tutelle morale qui s'exerçait déjà par des
observations, quoique peut-être prématurées,
sur le caractère de Charles. Il a besoin pour-
tant qu'on le rassure sur cette vanité et
cet amour-propre qu'on lui signale. « Soit
faiblesse de père, soit changement chez Charles,
je ne m'en étais pas aperçu. Il aime la toi-
lette, me dis-tu : j'avais craint le contraire,
tant ce triste pays où je suis exilé avait jeté
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excès ne valent rien ; je serais aussi peiné
qu'il s'occupât trop de sa mise que je serais
contrarié qu'il se négligeât. » On devine pour-
tant que, s'il fallait choisir entre les deux
excès, l'excellent homme pencherait plutôt
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ferme en quelque sorte, à mon avis, l'entrée
des réunions trop faciles où l'on contracte
de mauvaises habitudes, » Un point sur le-
quel les deux cousins sont d'accord, c'est la
 
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</center>
 
nécessité de mettre de l'ordre dans les dé-
penses du jeune homme et l'obligation pour
lui d'en fournir le compte à son tuteur. Sans
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infraction à cet article de son règlement de
vie : le désordre, l'insouciance du lendemain,
l'absence des idées d'économie « sont si gran-
des à Bourbon, dans ce malheureux pays »
où, même pour un homme d'ordre, le mal
Ligne 689 :
 
Soit par suite des préoccupations de sa no-
mination d'abord, puis des charges de sa fonc-
tion, soit mauvaise humeur de sa tutelle, je
ne sais ; toujours est-il que M. Louis Leconte,
après cette lettre, ne de nna plus de ses nou-
velles, c'est-à-dire des nouvelles de Charles.
 
Ligne 705 :
 
Qu'est-il de nc arrivé? L'étudiant aurait-il
commis quelque faute ? Mais, outre que Char-
 
 
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te peser trop, conclut-il. Je conçois combien
il faut de complaisance pour cela. Sa mère et
moi, nous vous en remercions bien sincère-
ment. »
 
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rien reçu de lui !
 
« Il a eu tort, écrit avec un peu d'amer-
tume ce pauvre père attristé ; aurait-il oublié
notre amour pour lui ? Si loin, c'eût été ce-
pendant bien doux pour nous de recevoir de
ses nouvelles. » Et à la pensée de cet enfant
qu'il n'a pas embrassé depuis si longtemps,
l'attendrissement le gagne. Il faut que l'étu-
diant soit présent a Bourbon un peu plus que
par le souvenir, et on demande au cousin que
Charles fasse faire sa miniature par le meil-
leur artiste de Rennes ; on paiera la somme
nécessaire. « Ce sera toujours pour eux un
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exagération blâmable » ont fortement blessé
son oncle ; bref, il est républicain et M. le
Maire n'entend pas que son neveu le compro-
mette. M. Louis Leconte se plaint encore d'unee
« piétendue myopie » qui ne lui paraît qu'af-
fectation et pose, et de dépenses exagérées
de toilette, et d'achats excessifs de livres. Il
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</center>
 
y a lieu de signaler enfin certains déporte-
ments de ce jeune homme, qui n'est pas du
tout la ''demoiselle'' qu'on lui avait annoncée.
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été si ''pure'', le mot est souligné dans une lettre
du 5 mai 1838 ; son caractère « si égal, si poli
avec tout le monde », qu'ils en sont littérale-
ment « tombés des nues ». Les compagnons
de voyage de Charles avaient tous « chanté
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dans la société. Je n'en reviens pas, écrit M.
Leconte de l'Isle. Je m'y perds. Quant à sa
timidité, ou plutôt son caractère froid et ré-
servé, cela lui est naturel, il est peu commu-
nicatif, peu causeur. La nature l'a fait ainsi ;
le temps, les femmes, la société le changeront
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</center>
 
l'Isle, ses idées en politique exagérées au-
delà de toute expression et tu es assez bon
enfant pour me demander comment j'ai pu
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jeunes gens. Cette exaltation de pensée tient,
comme chez les jeunes gens de son âge, à sa
jeune organisation ; ses idées religieuses pren-
nent chez lui une teinte plus forte, parce
qu'il sait mieux soutenir son paradoxe. »
 
Certainement, le père ne prêtend pas dé-
fendre les exagérations de son fils ; cela serait
«impardonnable à son âge, mais il veut plai-
der la cause de son enfant, » lui conserver
l'affection de son oncle dont il a tant besoin ;
et, d'ailleurs, avec les années, tout cela s'atté-
nuera. « Le temps et les bons conseils vien-
dront facilement à bout de son républicanis-
me. »
 
Il est clair qu'en défendant le jeune Charles,
M. Leconte de l'Isle veut éviter surtout de frois-
ser son sévère cousin et qu'il n'ajoute foi qu'à
moitié à toutes les accusations dont on charge
son fils. Il avait meilleure opinion de lui et
cette bonne opinion se trouvait encore confir-
 
 
Ligne 867 :
que M. Leconte de l'Isle dut se tenir à quatre
pour ne pas rabrouer son farouche cousin, il
serait à désirer quelle fût vraiment un enfan-
tillage, mais le grand-père, le père et un
oncle de Charles étant « atteints de cette
infirmité, » quoi d'étonnant à ce que Charles
en souffrit également ? Aussi son père lui avait-
il bien recommandé de ne jamais travailler le
soir, sans être éclairé par « deux grosses chan-
delles. » Ses économies de bouts de chandelle
« seraient contre lui. » Quant aux dépenses
exagérées, ne faut-il pas que sa chambre soit
bien située, bien aérée, les meubles simples,
mais en quantité suffisante ; sa mise de itdoit être
« constamment soignée. » Quant aux livres,
que M. le Maire soit juge de ce qui est utile ?
Ligne 902 :
bien ! »
 
Parti de Bourbon, le 11 mars 1837, débar-
qué a Nantes dans les derniers jours de juin,
Charles Leconte de Lisle avait gagné Dinan,
où sa famille l'attendait. De Nantes, il avait
annoncé son arrivée « en cinq mots », et de
Dinan, il adressait à sa s?ursœur, avec un complé-
ment de nouvelles, un recueil illustré : ''Paris-
Londres''.
 
Au commencement d'octobre, son oncle et
sa tante le conduisaient à Rennes pour y sur-
veiller son installation. On lui avait trouvé une
chambre, dans la partie basse de la ville, au
bord de la rivière, non encore canalisée, au
n° 4 de la rue des Carmes. En dépit des re-
commandations réitérées de son père qui dé-
sirait « une exposition bien aérée, » impor-
tante surtout « dans une ville humide comme
Rennes », ce qui avait déterminé le choix,
Ligne 949 :
 
Cet « oubli » contrariait vivement M. Le-
conte de l'Isle. « Il n'eût pas manqué d'y ren-
contrer » (chez M. Robinot) « des hommes de
robe, dont la société ne pouvait manquer de
Ligne 958 :
Hélas ! c'était trop tôt parler de robe et de
magistrature ; il fallait d'abord, avant de faire
sont droit, obtenir le diplôme de bachelier ès-
lettres, et les choses n'allèrent pas toutes
seules de ce côté. Cette formalité n'est pas
Ligne 969 :
sans ennuyer M. Leconte de l'Isle, qui n'en
comprend pas la nécessité. « Je compte sur
ton aide, écrit-il à son cousin, et sur tes con-
naissances de Rennes pour lui faciliter son
ridicule examen de baccalauréat. Je viens de
Ligne 981 :
admis à prendre la première inscription de
Droit, il fallait encore, « autre sottise de ce
gouvernement, » pour être admis au baccalau-
réat, fournir un certificat d'études. M. Leconte
de l'Isle avait omis de munir son fils, au dé-
part, de l'attestation nécessaire. Il fallut écrire
à Bourbon et l'année fut prise par ces diffi-
Ligne 996 :
ans. »
 
D'autre part, je liens de M. Auguste Lacaus-
sade, compatriote du Maître et son collègue à
 
Ligne 1 005 :
 
la Bibliothèque du Sénat, que « Leconte de
Lisle et lui étaient élèves de la pension Brieu-
gne, place aux Cochons, à Nantes<ref>L'archiviste de la ville de Nantes, M. René Blanchard a
bien voulu m'adresser les renseignements suivants dont je le
Ligne 1 023 :
l'assertion de Leconte de Lisle, quant à son
âge, et lire qu'il arriva à Nantes, vers six ans,
— ce qui paraît plus naturel, d'ailleurs, puis-
qu'il y venait en pension, — et qu'il en repar-
tit vers treize.
 
Ligne 1 030 :
collège de Dinan ? Une lettre de lui écrite à
Rennes, à la date du 12 janvier 1838, et dont
un extrait m'a été adressé par M. Rellier-
Dumaine, le montre occupé à faire « démonter
entièrement pour remporter, » un grand bu-
reau qui taisait partie de son mobilier de
Rennes, cherchant le moyen d'expédier ses
Ligne 1 042 :
</center>
 
tout » avant son départ, selon la recomman-
dation de son oncle.
 
Ligne 1 063 :
 
C'est à cette époque qu'il faudrait rapporter
les témoignages tournis en faveur de son sé-
jour au collège de Dinan, par M. Bellier Du-
maine, dans une lettre que j'ai publiée dans
Ligne 1 096 :
avaient dirigé ses études, avant qu'il les eût
continuées avec lui. » Enfin on voulut bien
passer sur ce manque « des formalités vou-
lues et borner les difficultés à la demande
qu'on lui faisait faire, » et lui permettre de
passer l'examen, les premiers jours de no-
vembre.
 
Ligne 1 105 :
d'une manière spéciale ? On s'en tira « d'une
manière générale » en inscrivant, au lieu du
nom de ces maîtres, sans de utedoute ceux de la
pension Brieugne, la mention : « Élève du ''Col-
lège de Nantes'' et de son père ».
 
Tout conspirait d'ailleurs, contre ce pauvre
baccalauréat et « quelques difficultés » sem-
 
<center>
Ligne 1 117 :
 
blent être venues du candidat lui-même.
Charles se montrait peu soucieux de s'y pré-
parer, à moins que, se trouvant suffisamment
préparé d'avance, il ne crût inutile de peiner
sur des bouquins classiques, Déjà se manifes-
taienittaient en lui les premières rébellions et l'ar-
tiste s'éveillait dans l'étudiant.
 
Ligne 1 131 :
Deux artistes de Paris, amis de son ami
Cliquot, l'avaient invité « à faire avec eux une
petite tournée » ; ce dernier l'engagea à par-
tir avec lui, contrarié qu'il eût été de revenir
seul. Charles consentit à l'accompagner « cer-
tain de pouvoir revenir de suite » mais le
manque d'argent les retint en route et notre
Ligne 1 196 :
 
Il le fut, en effet, le 14 novembre 1838, et
voici le certificat qui lui fut délivré en atten-
dant le diplôme,
 
COLLÈGE ROYAL DE RENNES
 
Je soussligné, proviseur du Collège Royal de Ren-
nes, remplissant les fonctions de de yen près la
Commission du baccalauréat, certifie que l'elève
Ligne 1 216 :
de Lisle. Je les ai copiées sur le registre du
baccalauréat de la Faculté des Lettres. Elles
ne manquent pas, sur certains points, de quel-
que piquant.
 
Ligne 1 244 :
Voilà ! Maintenant, mélangez ces ''assez bien'',
ces ''médiocre'', ces ''passable'', ces ''suffisant'', ces
''faible'', et ces ''très faible'', vous avez le traduc-
teur d'Homère et d'Eschyle, d'Euripide et
d'Horace, le curieux de toutes les histoires
Ligne 1 259 :
le jeune bachelier ne se plaignit pas. Si les
notes étaient « sévères, » il ajoutait en riant
qu'elles étaient « justes ». Deux lettres témoi-
gnent de sa joie d'en avoir fini. (15 novembre
et décembre 1838). Fort peu prépaie à son
baccalauréat, il n'était pas sans crainte. « Heu-
 
 
Ligne 1 278 :
faire. » L'aveu est gentil, pour un garçon de
vingt ans, dans sa naïveté qui charme, et il
conclut : « La ville de Rennes me plaît beau-
coup, rien ne me manque : là bibliothèque,
le théâtre, une chambre tranquille, commode
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Ce jour même, 14 novembre 1838, Charles
Leconte de Lisle prenait sa première inscrip-
tion de droit. J'en ai trouvé le certificat dans
les archives.
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est datée, par erreur sans de utedoute, du 13 novem-
vembre. Quant à l'extrait de naissance qui
manquait encore à cette date, il ne figure pas
au de ssier de Leconte de Lisle. Fut-il pré-
senté, je ne le crois pas, car celui de tous les
autres étudiants est soigneusement épinglé
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faut attribuer ces variantes d'orthographe du
nom sur les registres des deux Facultés et ce
sont ces variantes sans de utedoute qui avaient été
cause des dernières difficultés pour le certi-
ficat d'études.
 
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à la Faculté des Lettres de Rennes.
 
« Encore que Rennes ne soit pas précisé-
ment une ville enchanteresse, a dit M, Henri
Houssaye dans son discours de réception à
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vivait. »
 
La ''Civitas Rubra'', l'ancienne ville aux mu-
railles de briques rouges, Rennes n'est pas
« une ville enchanteresse ! » M. Henri Hous-
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la capitale de la Bretagne un de ces traits
malicieux que nous recevons et recueillons,
nous autres Rennais, avec une souriante tran-
quillité. La mauvaise réputation de Rennes
auprès des écrivains et des artistes ne date
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Ce sont les Angevins qui ont commencé.
Baldric, évêque de Dol, appelait Rennes « un
nid de scorpions et un repaire de bêtes dou-
blement féroces<ref>''Préface de la vie de Robert d'Arbrisset'', citée par
S. Ropartz dans ses ''Poèmes de Marbode'' traduits en vers
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aimables, une satire contre notre ville, qui
s'aggrave de cela qu'il fut évêque de Rennes
(on aimerait à croire que ce poème fut anté-
rieur à son épiscopat) et de ceci qu'elle est
écrite en vers catapultins<ref>M. Léon Ernault, dans son livre ''Marbode, sa vie et ses
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qui pourrait servir d'inscription sur sa catapulte dirigée contre
Rennes ou d'épigraphe à ce méchant poème.</ref>. M. Henry Houssaye,
qui est un vrai lettré, ne les lira pas sans plai-
sir. Voici ce morceau, curieux de facture, où la
consonne d'appui et la de uble assonnance et
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C'est une boutade, a dit un Rennais,
Alphonse Marteville (1), qui en a essayé une
traduction, et cet ami et contemporain de Le-
conte de Lisle ajoute, en parlant de la ville
qu'habitait le jeune étudiant en droit : « Qui
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a senti la nécessité. En reproduisant le poème
de Marbode dans l'édition de 1708, il écrivait :
''Ne Redonenses indigenas, tot nominibus et virtuti-
bus nunc illustres, l??dere voluisse, videremur.''
Nous ne voudrions pas, nous aussi, blesser
nos compatriotes, non moins vertueux et non
moins illustres maintenant qu'au dix-huitième
siècle... et avant ! car ce ''nunc'' de Beaugendre
n'est pas sans impertinence pour les contem-
porains de Marbode. Nous ne sommes pas au
bout cependant du chapelet des méchancetés
débitées contre Rennes et les poètes vraiment
ont abusé contre nous de leur droit à l'irrita-
bilité.
 
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:Semblent des mâts noyés dans l'océan des bois.
 
Un Rennais, M. Raoul de la Grasserie, sa-
vant de ublé d'un poète, n'a pas été clément
pour sa ville natale :
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de son œuvre imprimée<ref>''Ait grand air'', poésies. </ref> ou inédite, le pané-
gyriste de Rennes, non pas de ses habitants,
mais de sa nature et surtout, — il n'a que cela
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Son Thabor avec ses marronniers et ses
enfants, son Jardin des Plantes avec ses vieux
chênes et ses oiseaux, lui ont inspiré ses meil-
leurs vers.
 
Ah ! ce Thabor, Hippotyte Lucas aussi l'a
chanté dans ses ''Heures d'amour'', mais en amou-
reux, pour les yeux de sa bien-aimée, car
c'est elle qu'il suivait partout à travers Rennes
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il cherche partout la bien aimée, et partout
il ne trouve qu'Elle; le reste est indifférent.
Les rues ou elle passe ne sont que ''vieilles'', l'é-
glise où elle entre n'est que ''vénérée'', le porche
qu'elle franchit n'est que sombre.
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peu d'anachronisme dans cette admiration, la
régularisation de la place du Palais étant
toute moderne, mais le Palais, sans de utedoute,
méritait à lui seul cette stupeur élogieuse,
d'autant que le jeune voyageur était natif et
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dit un de ses biographes, l'abbé Quérard, il
eût peut-être été l'un des plus grands poètes
de son siècle, » Mais, par modestie, sans de utedoute,
comme saint Mathurin qui aurait pu être le
Bon Dieu et ne voulut pas, le Vénérable Mont-
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Il est vrai que le souvenir du Canal est as-
socié par Boulay-Paty aux souvenirs chers « de
sa mère et de sa s?ursœur...
 
:Elle, ma s?ursœur et moi, nous descendions les Lices.
 
Et, la rime y aidant un peu, — chez Boulay-
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de nos jours pour la seconde fois.
 
:Le beau qui meurt, poète, à tes pleurs de itdoit s'attendre.
 
Et les pleurs de Boulay-Paty n'ont pas man-
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80 BRETONS DE LETTRES
 
taient sans de utedoute des étrangers de passage que
Manet a photographiés dans nos rues. Voyons
maintenant ce qu'il pense des Rennaises ; un
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Quant aux leçons d'histoire, il en aime l'étude,
ajoutait M. Leconte de L'isle ; une Faculté des
Lettres étant établie à Rennes, je ne de utedoute pas
qu'il ne se rende à ces conférences avec plai-
sir. M. Salvandy a bien mérité de la patrie.
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que je suis, écrivait-il à la date du 10 juin
1839, silencieux que tu es toi-même, dans la
crainte sans de utedoute de trop m'affliger, je courbe
la tête, priant Dieu qu'il s'amende, plus en
état, à des distances pareilles, de pleurer,
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payé ça, mon cher confrère ? vous vous êtes
 
Et j'entends encore Leconte de Liste, me rapportant sa ré-
ponse, qui prenait des proportions épiques :??ues :
 
- Confrère ! Confrère !… Le misérable ! riche comme il est
et poète comme il n'est pas !</ref> et dont la postérité ne connaîtra
jamais sans de utedoute l'inventaire, — les comé-
diens, seuls, ont de ces honneurs-là ! — je ne
sais si on a retrouvé la flûte dont retentirent
les échos de sa chambre d'étudiant à Rennes,
et certaine pipe et certaines lunettes. Et ce-
pendant flûte, pipe et lunettes, car c'était une
pipe et des lunettes alors, ont joué un rôle
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Un de ses premiers ennuis lui est venu de
ces lunettes et de cette pipe : il dut ses pre-
mières joies musicales, — ses dernières sans
doute, car il goûtait peu la musique vers la fin