« Revue musicale, avril 1843 » : différence entre les versions

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{{journal|[[Revue des Deux Mondes]], tome 2, 1843|[[catégorie:Textes anonymes|*]]|Revue musicale. – 2ème trim. 1843}}
 
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S’il y a un musicien au monde qui semble peu fait pour brusquer la Muse et soumettre son talent aux calculs administratifs d’une spéculation dramatique, c’est à coup sûr M. Halévy. Esprit correct et soigneux, naturellement peu doué, il ne saurait produire rien d’estimable qu’à force de patience et d’élaboration. La mélodie elle-même, lorsque par hasard vous, la rencontrez, est chez lui un résultat obtenu, plutôt que le jet libre et spontané d’une imagination qui s’exalte. En bonne conscience, et pour se conformer aux lois imprescriptibles de son organisation, M. Halévy aurait dû se contenter d’écrire un opéra tous les dix ans. Au lieu de cela, que voyons-nous ? A ''la Reine de Chypre'' succède immédiatement ''Charles VI'' ; les partitions de M. Halévy encombrent le répertoire, et quelles partitions ! bon Dieu ! Jamais moins de cinq actes ! Voilà certes un bien superbe défi jeté à la nature, mais dont on ne saurait envisager sans tristesse les conséquences ; car, s’il est beau de voir l’homme entrer en lutte avec la nature extérieure, dompter les torrens, combler les précipices, creuser des chemins à travers les montagnes, je ne sais pas de plus désolant spectacle que celui que présente une imagination aux prises avec elle-même et s’efforçant de remuer un sol ingrat et stérile, qui, pour prix de tant de peines et de sueurs, ne lui donnera à récolter que l’insuccès et la déception. Je le répète, personne moins que M. Halévy n’était appelé à faire de la musique de commande. Une pareille besogne exige une facilité de mise en œuvre et des qualités d’improvisation qu’il n’aura jamais. Il y avait pour l’auteur de ''la Juive'' une autre route bien tracée. En mettant son aptitude instrumentale, sa science des moindres détails de l’orchestre, au service du peu d’imagination que la nature lui a départi, et cela sans s’épargner ni le temps ni la peine, M. Halévy pouvait se maintenir dignement dans l’estime du public et produire de loin en loin, sinon des chefs-d’œuvre (qui fait des chefs-d’œuvre aujourd’hui ?), du moins de ces partitions honorables, et qui réussissent à l’aide d’un grand chanteur dont on exploite les prémices, ou mieux encore d’une procession ordonnée avec pompe. Après cela, que M. Halévy trouve plus avantageux d’entasser partitions sur partitions, qu’il soit plus selon les calculs de sa fortune de ne laisser son cerveau se reposer un seul jour, nous le concevons très volontiers ; seulement, il nous est permis de lui dire qu’il perd à ce jeu le peu qu’il avait. En effet, en pareille matière, le dernier des maîtres italiens lui en remontrerait. Ceux-là du moins ont le génie de l’improvisation ; ils savent comment on fabrique un opéra de pièces et de morceaux, et se tirent d’affaire à force de réminiscences et d’artifices. M. Halévy, au contraire, apporte jusque dans ces ébauches une pesanteur classique et une monotonie qui vous assomment ; c’est une lettre que nul esprit ne vivifie, un canevas de conservatoire où l’on sent que le musicien n’a point pris la peine de broder une pensée qui lui soit propre, en un mot le vide organisé.