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les saupoudrent, les arrangent, et servent le tout au public. Un roman de femme, un voyage d’officier ; un recueil d’anecdotes, tombent en même temps sous le couteau du cuisinier littéraire. De ces membres épars, on compose je ne sais quel aliment auquel on impose quelque nom britannique. Si ce travail ne frappait que les ouvrages médiocres, peu importerait assurément. Mais de très bons livres ont subi la même transformation ; les admirables pages d’Audubon, sa vie dans les bois, ses observations personnelles, ce roman vrai d’une existence dévouée à l’étude de la nature, enfin l’un des beaux produits de la littérature moderne, seront bientôt sacrifiés au même travers, à la même spéculation déplorable. Quiconque s’occupe de la littérature anglaise ou allemande rencontre à chaque pas des pseudonymies inouïes, des falsifications sans exemple. Douze romans de douze auteurs divers ont été attribués à l’auteur unique de Trevelyan ou de Marguerite Lindsay, pour favoriser la vente ; Pickwick, mêlé à un roman de lord Normanby, la lie du ruisseau confondue avec le plus fade des parfums, a produit une œuvre récente. Pauvretés plus ridicules que coupables, mais qui attestent un grand mépris de toute conscience et l’invasion de la mercantilité la plus déhontée.

La forêt littéraire porte chez nos voisins, comme je l’ai dit, une multitude de feuilles parasites et de fruits sans saveur, résultats inévitables de ces groupes ennemis dont la variété et le nombre ne reconnaissent aucun dogme central. Il y a une littérature spéciale pour les baptistes, une pour les méthodistes, une pour les swedenborgiens, une pour les catholiques romains ; une autre, extrêmement féconde, réservée aux prosélytes de l’église établie. Dans ce broiement des opinions réduites en fragmens, la poussière stérile abonde, et nous ne la recueillerons pas. James Howitt et Marie Howitt, tous deux quakers, méritent une honorable exception. Ce sont des ames poétiques, éprises du beau idéal, mais attachées par l’habitude positive de l’existence anglaise à l’amour de l’ordre, aux faits, aux dates, à l’exactitude, aux localités, à l’érudition précise. Un caractère acquis, se composant de sévérité douce et de devoir rigide, devient admirable, lorsqu’il a l’enthousiasme vrai pour ressort et la passion pour base naturelle. C’est chose délicieuse que cet or brillant de l’imagination semé sans effort sur un canevas austère. Aussi les livres de James Howitt, et les pages moins fortes et moins élégantes de Marie, s’emparent-ils du lecteur avec une puissance et un charme extrêmes. Au lieu de froideur dans le désordre, triste résumé de