« L’Espagne au XIXe siècle » : différence entre les versions

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Elle y devait intervenir au même titre qu’en Belgique, car l’indépendance de ce nouveau royaume n’a pas plus d’importance, en ce qui touche nos intérêts au dehors, que la consolidation d’un bon système de gouvernement en Espagne ne doit en exercer sur notre régime intérieur.
 
Pour faire comprendre cette connexité, il faudrait pénétrer jusqu’au fond de l’abîme où s’agite la malheureuse Espagne, comme un malade qui se retourne sur un lit de tortures, poursuivi par des hallucinations fébriles
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briles qu’interrompent des défaillances soudaines. Ce n’est pas durant la crise seulement qu’il convient de l’observer, car la scène change d’heure en heure au point de ne présenter qu’une incompréhensible confusion. Les forces actives de ce pays, le peuple et l’armée, ses forces intellectuelles, la noblesse, le clergé, la propriété, l’industrie, semblent accepter sans plus d’enthousiasme que de résistance les hommes et les choses les plus disparates ; et à chaque changement nouveau, les mêmes phrases banales sur l’héroïsme espagnol se reproduisent avec une imperturbable régularité comme une perpétuelle ironie.
 
Au sein de ce peuple qui fit tant de grandes choses, et qu’on devine capable d’en réaliser encore tant d’autres, si une idée puissante le saisissait comme en 1808, pas un homme ne s’élève avec quelque autorité, pas une institution ne se présente avec quelque force et quelque prestige. Il y a là des généraux expérimentés, d’harmonieux discoureurs, des ministres de lumières et d’expédiens ; mais ni généraux ni hommes politiques ne peuvent rien, et leurs vainqueurs ne peuvent guère plus qu’eux-mêmes. Tout avorte, et la guerre civile qui se maintient sans s’étendre, et le jacobinisme qui, après s’être vautré dans le sang, se lave les mains pour paraître aux galas de la cour, et associe aux vieilles déclamations des clubs des hommages à la reine idolâtrée et à l’innocente Isabelle. Don Carlos ne franchit pas ses montagnes dans les circonstances les plus favorables que prétendant ait jamais rêvées, mais le mouvement ne semble pas plus appelé à en finir avec lui que la résistance. On dirait que l’Espagne, assez vivante pour ressentir toutes les douleurs à la fois, n’a plus assez de force pour se défendre contre aucune d’elles.
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L’Allemagne, durant une ardente réaction contre le régime français, a bien pu, dans ses méditations savantes et solitaires, fonder une école historique avec mission de ranimer l’antique Europe, en abaissant la prétendue stérilité de l’ordre administratif et constitutionnel sous la luxuriante végétation du régime des vieilles franchises et des institutions provinciales, contemporaines des nationalités primitives : mais tout cela n’a d’importance que pour les livres, car le mouvement européen marche au rebours de ce mouvement. On peut ainsi évoquer de grands souvenirs et avancer la science archéologique ; mais il faut se résigner à rester en dehors de la politique et des sympathies actuelles.
 
Ces réflexions nous sont venues à la lecture d’un ouvrage récent inspiré par la situation de la Péninsule <ref> ''De l’Espagne. Considérations sur son passé, son présent et son avenir'', par M. le baron d’Eckstein. 1 vol, in-8°. Chez Paulin. rue de Seine. </ref>, que l’esprit éminent du savant auteur, abusé par ses souvenirs de jeunesse et ses préoccupations d’études, nous paraît avoir fondamentalement méconnue. Il repose sur cette donnée, que des hommes très influens en Europe sont parfois disposés à admettre, qu’au-delà des couches superficielles et du badigeonnage moderne, il existe à la gêne, et comprimée, une antique Espagne d’avant la maison de Bourbon et les princes autrichiens, où vit encore l’esprit héroïque des vainqueurs de Boabdil, l’esprit provincial et fier des Bravo et des Padilla. On en infère que les maux de ce pays ont pour principe une funeste et impossible application des méthodes françaises, successivement par
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essayés par les constituans de Bayonne en 1808 et les constituans de Cadix en 181, puis reprises en sous-ordre sous le règne de Ferdinand, le régime constitutionnel et le gouvernement de la reine régente, par les ''afrancesados'' et les libéraux. Une telle opinion est à nos yeux le contre-pied de la vérité : avant d’entrer dans la longue appréciation des faits, éclairons n instant cette question qui les domine tous.
 
L’ancienne organisation fédérale de l’Espagne reçut le dernier coup par la guerre de l’indépendance. L’insurrection de 1808 fut le dernier soupir des vieux âges, comme l’émigration avait été chez nous le jet final de la flamme chevaleresque et nobiliaire. Les divers royaumes de la Péninsule, complètement abandonnés à eux-mêmes, retrouvèrent quelques étincelles de vie d’où sortirent les juntes insurrectionnelles provinciales ; mais le mouvement était si visiblement impuissant, que le premier et le plus universel besoin fut celui d’une autorité forte et centrale ; de là, la création de la junte suprême, qui, dominée à son tour par les idées contemporaines, après avoir essayé contre elles une vaine résistance, termina sa carrière par la convocation des cortès de Cadix.
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Quand une idée est devenue mot d’ordre, et lorsque le peuple répète sans comprendre, le triomphe en est infaillible et prochain. Tant que les provinces méridionales ne furent pas envahies, la junte centrale eut assez de crédit pour différer une convocation qui devait marquer le terme de sa vie politique. Mais au jour où la paix conclue avec l’Autriche, après la campagne de 1809, permit à Napoléon de rejeter sur la Péninsule ses légions victorieuses, on comprit que, pour résister à ce torrent nouveau, il fallait une nouvelle et immense force morale, et les cortès furent comme une dernière armée de réserve qu’en abdiquant ses pouvoirs, la junte lança contre l’ennemi.
 
« Espagnols, s’écriait-elle en ordonnant la convocation des cortès extraordinaires constituantes pour le 1er mars 1810 la Providence a voulu que, dans notre terrible crise, vous ne fissiez point un seul pas vers l’indépendance sans avancer aussi vers la liberté… Le premier soin du gouvernement central, à son installation, a été de vous annoncer que si l’expulsion de l’ennemi fut le premier objet de son attention, la prospérité intérieure et permanente de la nation était le principe important. La laisser plongée dans le déluge d’abus consacrés par le pouvoir arbitraire, ç’aurait été, aux yeux de notre gouvernement actuel, un crime aussi é
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normeénorme que de vous livrer entre les mains de Bonaparte. C’est pourquoi, quand les troubles de la guerre le permirent, il fit retentir à vos oreilles le nom de vos cortès, qui a toujours été pour vous le boulevard de la liberté civile et le trône de la majesté nationale : nom jusqu’à présent prononcé avec mystère par les savans, avec défiance par les hommes d’état, avec horreur par les despotes ; mais qui signifiera désormais, en Espagne, la base indestructible de la monarchie… Cette auguste assemblée va devenir un immense et inextinguible volcan, d’où couleront des torrens de patriotisme pour revivifier toutes les parties de ces vastes royaumes, enflammant tous les esprits de l’enthousiasme sublime qui fait le salut des nations et le désespoir des tyrans <ref> Manifeste à la nation espagnole, 28 octobre 1809. ''Annual Register''.</ref>. »
 
Ce ne sont pas ici des banalités de tribuns enflammés par l’ivresse révolutionnaire. Ce manifeste descend d’un corps où dominent l’esprit des classes privilégiées et les anciennes traditions politiques ; ce sont des archevêques et des grands, des généraux et des hommes de cour, libres de toute coërcition matérielle, dominés seulement par d’urgentes nécessités morales, qui poussent ce cri passionné auquel il sera bientôt répondu par la constitution de Cadix.
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de ce règne d’égoïsme et d’imprévoyance, qui fut toujours facile devant la force, inexorable devant la faiblesse ; comme si le prince dont la royauté sortit d’une révolution de palais pour s’abîmer dans une autre, n’avait eu rien dans les veines ni du doux sang de saint Louis, ni du noble sang de Louis XIV.
 
Les engagemens de Valence devaient être d’autant plus sacrés pour Ferdinand qu’ils avaient été plus libres ; mais ils ne pouvaient convenir au parti qui entendait effacer tout souvenir des six dernières années, et croyait que les idées se fusillent comme les hommes. Ces promesses semblaient respecter, en effet, le principe d’une réforme politique, en n’en repoussant que l’excès ; et c’était ce principe même que prétendait atteindre la faction pour laquelle il n’était aucun enseignement ni dans la crise européenne, ni dans celle de l’Amérique.
Les engagemens de Valence devaient être d’autant
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plus sacrés pour Ferdinand qu’ils avaient été plus libres ; mais ils ne pouvaient convenir au parti qui entendait effacer tout souvenir des six dernières années, et croyait que les idées se fusillent comme les hommes. Ces promesses semblaient respecter, en effet, le principe d’une réforme politique, en n’en repoussant que l’excès ; et c’était ce principe même que prétendait atteindre la faction pour laquelle il n’était aucun enseignement ni dans la crise européenne, ni dans celle de l’Amérique.
 
Fidèle au passé comme à un culte, et, à l’exemple des dévots de l’Inde, honorant son idole en raison même de ses difformités, elle ne comprenait l’Espagne qu’avec les trésors du Mexique pour faire vivre la cour, les aumônes des couvens pour faire vivre le peuple, l’inquisition pour maintenir les esprits novateurs, les innombrables rouages du vieux gouvernement pour ralentir son action en lui rendant tout impossible. Merveilleuse organisation à laquelle, au commencement du siècle, l’influence française avait failli faire échapper le royaume, et que la réaction de 1814 permettait de rétablir dans sa pureté originelle. Point d’administration, point de finances, point de crédit, point de commerce, point ou peu d’agriculture ; les galions, les ''mayorasgos'', la ''mesta'', l’inquisition et la contrebande, tel avait été le régime de l’Espagne, tel par conséquent il devait être.
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Cette sombre nuit du 7 mars, qui vit se relever une constitution dont tant de maux allaient suivre le rétablissement, après que tant de maux en avaient signalé la chute, rappelle aujourd’hui une autre nuit plus récente. Alors qu’on la croyait pour jamais ensevelie dans le long catalogue des expériences oubliées, elle a reparu de la même manière qu’en 1820, et la scène militaire de Saint-Ildephonse s’est aussi répétée au palais ''das Necessidades''. Le Portugal, ce pâle satellite de l’Espagne, a suivi, dans sa dernière révolution, l’astre dont l’influence le domine, et auquel il tend à se réunir plus étroitement encore. A ce spectacle, les gouvernemens et les peuples se sont rejetés en arrière, et ont cru retrouver un instant leurs émotions d’une autre époque. Mais l’instinct public a bien vite compris que ces rapprochemens apparens cachaient de profondes dissidences, et que des événemens prétendus analogues avaient une portée et un caractère très différens.
 
Au mois de mars 1820, après les sermens de son roi, qu’elle crut sincèsincères
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res et qui d’abord le furent peut-être, l’Espagne s’associa, dans une unanime allégresse, à l’espoir d’un meilleur sort. Les écrivains les moins favorables à la révolution ne peuvent s’empêcher de reconnaître que tel fut le sentiment des premiers jours ; ils n’attribuent le refroidissement de l’opinion et les irritations populaires qu’aux mesures subséquentes adoptées par les cortès. Mais, en août 1836, Madrid a vu les triomphateurs violer les domiciles, pour y chercher des victimes, avec autant d’ardeur qu’ils en mettaient, en 1820, à ouvrir les cachots, pour les vider ; Madrid a vu se partager avec une joie de cannibales les chairs palpitantes du seul homme qui sût y faire encore son devoir. Alors l’Espagne a tremblé sur elle-même, son enthousiasme a pris je ne sais quelle expression douloureuse et convulsive, et elle a tout laissé faire, parce qu’elle semble désormais incapable de rien empêcher.
 
Au dehors, grande a été la joie dans le parti qui, depuis trois ans, a les yeux fixés vers la Navarre, comme sur la sainte montagne d’où viendra le secours ; grande aussi a été la douleur parmi les hommes qui osaient prédire à la Péninsule de meilleurs jours, en la voyant échapper pour la première fois à la tyrannie des partis exclusifs et des passions inexorables. Quelque illusion qu’une portion considérable de la presse, en France et en Angleterre, se soit complu à entretenir sur ce point, il semblait difficile de douter que l’exhumation du code de Cadix ne profitât pas à la fois à don Carlos et aux adeptes des sociétés anarchiques, et ne servît en définitive les intérêts du premier, parce que, sans être une garantie pour l’avenir de l’Espagne, il serait, peut-être un refuge pour un jour de tempête.
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comme de leur seule source légitime. Et, de fait, on doit penser que si le nom de don Carlos n’avait pas été plus significatif que celui d’une infante au berceau, l’Espagne ne se fût guère émue de cette prétention nouvelle qui n’eût touché qu’un simple intérêt privé.
 
Si l’on devait attendre quelque sincérité des partis, ils confesseraient sans nul doute, que dans la querelle entre don Carlos et Isabelle II, pas plus que dans la lutte dynastique du Portugal, la question de légitimité, fort obscure en elle-même, ne se présenta jamais à eux avec l’hypocrite importance que l’un et l’autre affectèrent de lui donner. Ce problème était d’d’une solution trop délicate pour mettre les armes à la main. Tout en reconnaissant, en effet, d’un côté, que le droit des femmes avait été pendant des siècles le plus national en Espagne, comment nier, de l’autre, qu’un acte solennel n’eût, depuis plus de cent années, consacré un droit opposé, garanti par les plus hautes transactions diplomatiques ? Mais aussi, selon la doctrine pour laquelle les absolutistes avaient si long-temps combattu, qui pouvait contester à Ferdinand VII, assisté des muettes cortès de 1833, le droit que l’on avait reconnu à Philippe V, assisté de celles de 1713 ; comment lui dénier la faculté de promulguer souverainement une décision déjà rendue en principe sous le règne de Charles IV ? Questions ardues, qui auraient arrêté long-temps des publicistes, mais que les partis tranchèrent avec cet instinct prompt et sûr qui leur fait si bien deviner ce que valent les noms propres, et où vont les secrètes tendances des hommes et des choses.
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une solution trop délicate pour mettre les armes à la main. Tout en reconnaissant, en effet, d’un côté, que le droit des femmes avait été pendant des siècles le plus national en Espagne, comment nier, de l’autre, qu’un acte solennel n’eût, depuis plus de cent années, consacré un droit opposé, garanti par les plus hautes transactions diplomatiques ? Mais aussi, selon la doctrine pour laquelle les absolutistes avaient si long-temps combattu, qui pouvait contester à Ferdinand VII, assisté des muettes cortès de 1833, le droit que l’on avait reconnu à Philippe V, assisté de celles de 1713 ; comment lui dénier la faculté de promulguer souverainement une décision déjà rendue en principe sous le règne de Charles IV ? Questions ardues, qui auraient arrêté long-temps des publicistes, mais que les partis tranchèrent avec cet instinct prompt et sûr qui leur fait si bien deviner ce que valent les noms propres, et où vont les secrètes tendances des hommes et des choses.
 
Don Carlos, poussé par sa conscience, plus que par sa nature, à se dévouer pour ses convictions avec persévérance, sinon avec éclat, était depuis long-temps chef de parti, et ne pouvait se dérober à aucune des obligations qu’un pareil rôle impose. Quoique resté de sa personne étranger aux tentatives faites en son nom, durant le règne du roi son frère, il n’était pas moins l’espoir suprême de l’opinion nombreuse dont le symbole pouvait se formuler ainsi : conserver intégralement le passé, ne toucher à aucun abus de peur d’ébranler l’édifice, et ne donner en quoi que ce soit gain de cause à l’esprit novateur.
 
Ce parti ne s’arrêta point à la discussion théorique des droits plus ou moins fondés du prétendant ; en octobre 1833, à la mort de Ferdinand VII, il se groupa spontanément autour de son chef ; et dans ce jour décisif qui pouvait lui assurer la couronne, don Carlos manqua à ses partisans beaucoup plus que ceux-ci ne lui manquèrent. Cette opinion, à laquelle adhérait la majorité des populations rurales, disposait alors de trois cent mille volontaires royalistes, dont la moitié avait des armes ; la plus grande partie du corps diplomatique lui prêtait sa force morale. Sur quels élémens s’appuya d’abord la reine-gouvernante pour lui résister ; qu’opposa-t-elle
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t-elle à la coalition de tant d’intérêts, de tant de passions, de tant de hautes influences ?
 
Marie-Christine avait compris, en mettant le pied dans la Péninsule, qu’il était aussi impossible de ranimer le vieux génie castillan que de restaurer la splendide monarchie d’Espagne et des Indes ; elle jugea que ce pays, contraint de remplacer par l’ordre et la production ses richesses d’Amérique et, sa puissance continentale, inclinait forcément vers le système français ; cette tendance, dans l’Europe moderne, domine à la fois et les antécédens historiques et les vieilles antipathies nationales. Elle s’entoura donc des hommes de l’école française auxquels l’avènement de don Carlos eût préparé une inévitable disgrace. Elle les appela au ministère, en remplit les principales administrations ; et, chose remarquable, ce fût entre les mains d’un magistrat de Joseph que les grands corps de l’état vinrent promettre foi et hommage à la royauté d’Isabelle <ref> Don Francisco-Fernando del Pino, ministre de grace et justice. </ref> !
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Ce fut, sans doute, une étonnante création que cette armée de Navarre, qui, formée de quelques centaines d’hommes à la fin de 1833, comptait à la mort de Zumalacarregui, en juin 1835, trente-six bataillons d’infanterie, douze escadrons de cavalerie, un parc d’artillerie de siège et de campagne <ref> ''Essai sur les provinces basques et la guerre dont elles sont le théâtre''. Bordeaux, 1836. – ''Mémoires sur Zumalacarregui et les premières campagnes de Navarre, par C.F. Heningsen ; 2 vol. In 8°. Fourier à Paris. <br/>
Nous recommandons vivement ces deux ouvrages aux personnes qui veulent étudier avec quelque soin les affaires de la Péninsule. L’ouvrage du capitaine Henningsen est jeune d’esprit et court de vues politiques ; mais les impressions en sont vraies, l’histoire y est sincère, et le drame s’y déroule, dans sa grandeur confuse, sans prétention et sans recherche. Je doute que l’auteur soit capable d’écrire le moindre article de journal ; mais à coup sûr la plupart des journalistes se tourmenteraient en vain pour atteindre à cette naïveté pittoresque.<br/>
''L’Essai sur les provinces basques'' est une œuvre de haute portée. Cet ouvrage, avec les fragmens publiés à diverses reprises dans la ''Revue de la Gironde'', offre, sans contredit, ce qui s’est écrit de plus substantiel sur la question espagnole, que la presse périodique de Madrid est plus propre à embrouiller qu’à éclaircir.</ref> ; insurrection de paysans qui désarma quarante mille hommes,
''L’Essai sur les provinces basques'' est une œuvre de haute porté
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e. Cet ouvrage, avec les fragmens publiés à diverses reprises dans la ''Revue de la Gironde'', offre, sans contredit, ce qui s’est écrit de plus substantiel sur la question espagnole, que la presse périodique de Madrid est plus propre à embrouiller qu’à éclaircir.</ref> ; insurrection de paysans qui désarma quarante mille hommes, guerre à coups de bâton (''a palos'') qui fit successivement échouer la réputation de Saarsfield et de Quesada, de Valdez et de Rodil, de Mina et de Cordova. Mais y a-t-il dans tout cela quelque chose qui constate la vitalité de la cause au nom de laquelle s’opérèrent ces prodiges ? Nous ne le croyons pas, et l’attitude réservée de don Carlos semble attester qu’il partage sur ce point nos convictions.
 
Ne nous bornons pas à dire, pour les défendre, que les quatre provinces basques combattent pour leurs fueros menacés par le régime administratif et l’unité constitutionnelle ; assertion qui, toute fondée qu’elle soit dans un certain sens, pourrait être contestée dans un autre, car il est certain qu’on ne trouverait guère d’allusion aux ''fueros'' des provinces dans les proclamations navarraises, et que, dès son début, cette insurrection respirait un esprit de fidélité monarchique dans un sens tout vendéen. Mais tel était le drapeau sans que tel fût le mobile ; et si les Basques résistèrent comme royalistes, ce fut évidemment dans leurs institutions spéciales qu’ils puisèrent des forces pour rendre leur résistance efficace. Sa puissance fut tout entière dans les habitudes martiales et libres de ces populations de guérillas, dans leur organisation élective qui se trouva toute prête pour diriger le mouvement, dans l’absence de toute force armée pour s’opposer à la première tentative des volontaires royalistes <ref> Au commencement d’octobre 1833, lorsque les bataillons de volontaires proclamèrent l’infant don Carlos à Vittoria et à Bilbao, il n’y avait pas, d’après les documens publiés par le gouvernement espagnol, un soldat dans ces places. De l’Ebre aux Pyrénées, on comptait deux régimens seulement, l’un à Saint-Sébastien, l’autre à Pampelune. Il y en avait quatre ou cinq dans les places de guerre de la Catalogne, et un seulement dans la Vieille-Castille. </ref> ; elle résulta surtout de l’exemption des charges publiques et du recrutement militaire qui avaient laissé sur le sol de ces provinces et leur jeunesse et leurs capitaux. L’insurrection n’a pas eu à renverser dans le nord le gouvernement espagnol : celui-ci n’était guère représenté dans ces provinces que par les agens du service des postes ; elle a trouvé sous la main des juntes, des députations, des administrations civiles et financières formées depuis des siècles, et qui sont
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Cette marche de quatre cents lieues n’a été signalée par aucun soulèvement populaire ; aucune junte locale ne s’est organisée sous la protection de ce chef, qui semble avoir moins eu pour but de tenter un appel à des sympathies comprimées, que de faire des fonds pour le quartier-général, en quoi ce fourrageur en grand a merveilleusement réussi. On en est arrivé en Espagne à ce point de lassitude qu’amis et ennemis ont mieux aimé lui livrer leur or que de prendre les armes soit pour le repousser, soit pour le défendre. La marche de Gomez a eu le résultat de constater en même temps et l’impuissance de la révolution et la faiblesse du parti carliste ; ou, pour parler plus vrai, ce fut une soudaine révélation que ce pays sembla donner au monde de toutes ses misères à la fois.
 
Il s’est trouvé qu’au XIXe siècle, au sein d’un grand royaume européen, un chef militaire, avec une poignée d’hommes, a traversé dix provinces, pénétré dans toutes les capitales, rançonné les habitans, vidé les caisses publiques, comme ne le fit jamais chef de grandes compagnies durant les longs désordres qui précédèrent l’enfantement du monde moderne. Et, cette fois, le moyen-âge est dépassé, Froissart pâlit devant le ''Moniteur''. Il demeure prouvé que l’Espagne est privée à la fois et de cette force régulière payée par les nations modernes pour les protéger dans le paisible cours de leur vie civile, et de ces vieux remparts où montait une brave bourgeoisie quand le beffroi sonnait, et que des brigands cuirassés se montraient au loin dans la plaine. L’expédition de Gomez n’est pas, d’ailleurs, un résultat spécial des circonstances actuelles ; il ne serait pas difficile de signaler d’autres indices de cette étrange situation, par suite de laquelle un des plus nobles peuples du monde se trouve dénué de toutes les conditions de sécurité qu’offrait l’organisation militaire du moyen-âge, en même temps qu’il reste en dehors de toutes celles que préprésente
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sente la hiérarchie pacifique de l’époque actuelle. Qu’on se rappelle l’expédition de George Bessières et d’Ulmann, lorsque dans les premiers jours de 1823, au moment même où l’armée de la foi était détruite et perdait ses derniers refuges, ils partirent du fond de l’Aragon avec moins de trois mille hommes pour s’emparer comme Gomez de Guadalaxara, et arriver aux portes mêmes de Madrid qu’ils faillirent surprendre et soulever : sorte d’entreprise qu’ailleurs on nommerait insensée, et qui, en Espagne, semble à peine jugée téméraire.
 
En donnant à ces indices graves la haute attention qu’ils méritent, en réfléchissant à l’audacieux génie de ce peuple, au sein duquel l’ordre social perd de plus en plus la force de se défendre, il n’est peut-être pas chimérique d’exprimer quelques conjectures sinistres. Si la ''Barbarie'' passait d’un côté à l’autre de la Méditerranée, si ce peuple se vengeait un jour sur l’Europe qui l’abandonne, si nos enfans devaient intervenir contre des brigands et des pirates, parce que leurs pères auraient refusé d’intervenir contre des partis, pense-t-on que notre politique eût beaucoup d’excuses à leurs yeux ?
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Relevée par cette extrémité, sans être devenue plus populaire, la vieille opposition libérale comprit que toutes ses chances étaient là. Ne pouvant se dissimuler que ses doctrines étaient en baisse, le parti de 1820 voulut au moins faire prendre ses hommes, auxquels s’attachaient quelques nobles prestiges : Le ministère aima mieux transiger pour un nom propre que pour un principe, et prit Mina. Mais en l’envoyant dans le nord, on fut loin de lui prodiguer, les moyens de vaincre ; car par suite de soupçons que sa conduite a démentis, on le redoutait à légal des ennemis qu’on l’envoyait combattre. L’autorité militaire fut scindée, et l’armée divisée en deux corps opérant sous des généraux différens ; la vice-royauté de Navarre fut distraite du commandement militaire ; enfin, pour compléter ce système de précautions, qui pouvait paraître prudent, mais qui en réalité était funeste, Llauder, l’antagoniste personnel de Mina, fut appelé au ministère de la guerre.
 
Que le mauvais succès du vieux ''guerillero'' ait tenu à ces circonstances ou à la nature même de cette lutte, c’est ce que pour nous, Français, il est peu intéressant et très difficile de décider. Toujours est-il qu’après des désastres multipliés, dont l’effet fut de porter au plus haut degré l’irritation populaire, sans qu’il en sortit une énergique résistance ; les choses en arrivèrent bientôt au point que les généraux de cette armée, réduite de quarante-trois mille hommes à moins de dix mille combattans, consultés officiellement par le général Valdez, successeur de Mina, sur les moyens de sortir d’une position aussi critique, reconnurent à
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à la presque unanimité que le concours de la France était indispensable pour terminer la guerre de Navarre.
 
Le général Llauder, pendant le cours de son ministère, ne s’était pas dissimulé ce résultat, auquel l’apathie de l’opinion publique et l’épuisement de ses ressources ne donnaient à l’Espagne aucun moyen d’échapper. Mais comme il reste toujours quelque chose du poète, dans l’homme d’état, M. Martinez de la Rosa avait repoussé avec une vive indignation cette idée, fort douloureuse sans doute au cœur d’un patriote, mais que le premier ministre d’un grand pays n’avait pas le droit de rejeter péremptoirement, si c’était désormais son seul moyen de salut. Malheureusement la ferme volonté de l’Espagne de terminer par ses propres efforts, et sans recourir à ses alliés, une lutte engagée contre un petit nombre de factieux, avait été pour M. Martinet de la Rosa un de ces lieux communs de tribune, que tous les orateurs tiennent en réserve. Celui-ci le servait d’autant mieux qu’il réduisait au silence l’opposition, dont la tactique était de prêter au gouvernement une arrière-pensée toute différente. L’intervention, en effet, était alors présentée, par la presse périodique de Madrid et de Paris, comme le vœu secret du cabinet du 11 octobre, pour contenir le mouvement révolutionnaire dans la Péninsule ; et la plus complète impopularité s’attachait à une idée autour de laquelle on multipliait à plaisir des obstacles, qu’on n’est guère en droit de contester après avoir tant contribué à les faire naître. Le premier ministre espagnol se donnait donc beau champ, et s’assurait à bon marché les applaudissemens du journalisme, en protestant chaque jour contre la pensée d’appeler jamais les baïonnettes étrangères au secours de la plus glorieuse des régénérations.
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Si, au moment où l’on consulta l’Angleterre, en lui laissant deviner une intention déjà fort arrêtée, on avait résolu cette entreprise d’une manière aussi loyale, mais aussi ferme en même temps que le siège d’Anvers, qui doute que le succès n’en eût été aussi sûr que rapide ? Quelques bataillons débarquant à Portugalette, sous le pavillon de l’alliance anglo-française, durant ce premier siége de Bilbao, si fatal à l’armée carliste ; une division filant sur l’Ebre, pour en occuper les principales places, et rendre les garnisons espagnoles disponibles ; une force navale britannique secondant ces opérations pour en bien fixer le caractère : voilà pour la partie stratégique. Quant à la partie morale, elle paraissait plus propre à ramener l’Europe continentale qu’à la froisser. Faire comprendre à l’infant don Carlos, qui ne pouvait manquer d’y être alors fort disposé, qu’il lui était donné de se retirer avec honneur et en conscience devant une force étrangère ; prendre des mesures pour assurer convenablement sa position personnelle, et peut-être les intérêts éventuels de sa famille ; déterminer l’évacuation temporaire des provinces insurgées, en leur assurant, pendant le cours d’une occupation qui eût été plus longue qu’onéreuse, le bénéfice d’un régime exceptionnel ; continuer enfin, dans la Péninsule, cette politique de modération et de prévoyance dont la France s’honorait à juste titre : telles nous apparaissaient alors ses obligations, telles elles n’ont jamais cessé de nous apparaître depuis <ref> L’auteur a peut-être le droit de faire remarquer qu’ayant eu occasion, dans le cours de l’année dernière, de traiter incidemment cette question dans ce même recueil, il la résolut dans les mêmes termes, en laissant prévoir des chances qui se sont trop tristement réalisées. Il est loin d’attacher de l’importance à ses idées ; mais il met quelque prix à établir qu’elles ont toujours été fixées sur un sujet qui a été pour la presse périodique le sujet des plus étranges et des plus déplorables variations. (''Des parties et des écoles politiques en France'', troisième article, ''Revue des Deux Mondes'', n° du 1er novembre 1835.)</ref>.
 
L’intervention exercée avec opportunité détournait des chances dont il est impossible qu’on n’ait pas compris les dangers. Elle offrait au gouvernement français, pour son action intérieure, des avantages si réels, que des motifs de la plus haute gravité ont pu seuls prévenir une mesure, complément naturel de sa politique. Or, ces obstacles ne se rencontrant pas en Espagne, il faut de toute nécessité les chercher en Europe.
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au gouvernement français, pour son action intérieure, des avantages si réels, que des motifs de la plus haute gravité ont pu seuls prévenir une mesure, complément naturel de sa politique. Or, ces obstacles ne se rencontrant pas en Espagne, il faut de toute nécessité les chercher en Europe.
 
Ici la tâche du publiciste qui se respecte devient plus difficile ; il n’entend pas, comme d’autres, tout ce qui se dit dans les conseils des rois ; il ne
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lit pas, dans les portefeuilles des courriers, les correspondances les plus intimes, et se refuse à raisonner sur autre chose que sur les faits et les documens acquis à la publicité. Néanmoins il est un point de vue d’où l’on domine, à bien dire, les transactions les plus secrètes, et duquel il est licite, sinon de les juger en elles-mêmes, du moins d’apprécier leurs résultats avec quelque assurance. Ce point de vue est celui de la nature des choses.
 
L’école gouvernementale en fait trop souvent abstraction, disposée qu’elle est à se considérer comme le centre d’où partent et où viennent aboutir les événemens. Peut-être la diplomatie ne voit-elle pas assez que, de notre temps, elle ne remplit guère dans la vie des peuples que l’office du notaire qui met en forme exécutoire des conventions arrêtées sans lui. Les arrangemens de cabinet, qui, au XVIIIe siècle, décidaient souverainement du sort des nations, sont désormais subordonnés à des intérêts avec lesquels il serait trop redoutable de se compromettre, là même où le contrôle de l’opinion ne s’exerce pas d’une manière légale. C’est pour cela que la perspicacité du publiciste peut, jusqu’à un certain point, suppléer aux notions précises de l’homme d’état.
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Sur ce point, j’accorde sincèrement au gouvernement de mon pays la confiance dont je le crois digne ; mais j’ai peine à comprendre, je l’avoue, quelle compensation la nation pourrait jamais attendre d’un abandon sur lequel elle devra tôt ou tard revenir ; et en reconnaissant que le sang de ses enfans n’appartient qu’à elle-même, je ne saurais détacher ma pensée de ces scènes de désolation qui accusent aux yeux du monde ou son indifférence ou sa faiblesse.
 
A la question d’intervention se lie celle de la coopération, comme l’accessoire au principal. On sait comment elle se produisit. Ayant été saisies, dans le courant de mai 1835, de la demande du gouvernement espagnol, l’Angleterre
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l’Angleterre et la France répondirent que le moment ne paraissait pas venu de donner aux articles additionnels du 18 août une aussi complète extension, mais que de promptes mesures seraient prises pour répondre aux vues du gouvernement de la reine-régente. En vertu de cette déclaration, un ordre du conseil de sa majesté britannique, du 10 juin, permit les enrôlemens à l’étranger. La France, de son côté, dénationalisa sa belle légion d’Alger pour la faire passer sous les drapeaux espagnols. Comment ces secours furent-ils aussi complètement inefficaces contre une armée démoralisée par la mort de son chef et l’échec de Bilbao ? Comment la coopération, au lieu de finir la guerre civile, la rendit-elle plus cruelle et plus persévérante ? La force, anglo-française était-elle insuffisante, et de nouveaux corps auxiliaires auraient-ils mené à fin la pacification des provinces basques ?
 
Pas davantage. Ce qui a perdu la coopération, c’est son inefficacité politique, et pas du tout son insuffisance militaire. Si les secours envoyés à l’armée de la reine pouvaient lui assurer quelques succès sur le champ de bataille, ils relevaient le moral de l’insurrection, bien loin de l’abattre. Ce concours, quelque développement qu’on essayât de lui donner, contribuerait à prolonger la lutte sans présenter aucun moyen de la terminer. Ce qu’il fallait en Navarre, c’était une force médiatrice, qui pût traiter avec le gouvernement espagnol et se porter garante des conditions de la paix ; ce qu’il importait surtout d’y présenter, c’était un drapeau qui n’eût pas été cent fois vaincu, et devant lequel des gens de cœur pussent sans honte abaisser leur épée.
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Au lieu de cette occupation tutélaire que la Navarre aurait bénis sans doute, que lui a-t-on montrer ? Des Français déshérités de leurs couleurs nationales, et n’ayant conservé qu’une bravoure inutile ; des aventuriers ramassés dans les docks et les tavernes de Londres, étalant aux yeux de ce peuple le scandale d’une intempérance que la victoire n’a pas même une seule fois honorée ? Ces ''condottieri'' sans patrie étaient aussi sans mission pour faire espérer aux provinces l’évacuation militaire et le respect de leurs droits, aux vaincus l’amnistie, aux hommes les plus compromis un exil sans flétrissure et sans misère. Comment n’a-t-on pas vu qu’il ne servait à rien d’envoyer des soldats là où il fallait des négociateurs armés, et qu’il s’agissait moins de vaincre la Navarre que de la rassurer’ ?
 
gîtgit toute la faiblesse d’un système qui n’est ni dans nos mœurs, ni dans nos traditions nationales. La France fut toujours assez grande, et l’Europe la sait assez modérée, pour avoir le droit d’agir à la face du monde, et pour couvrir tous ses enfans de l’ombre de son drapeau, lorsqu’ils combattent pour elle. La coopération, telle que l’a conçue le ministèministère
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re du 11 octobre, telle même que l’administration du 22 février voulait l’étendre, ne pouvait avoir pour effet que d’atténuer l’irréparable faute commise en juin 1835, et d’en retarder les inévitables conséquences. A ce titre, elle avait sans doute encore une véritable importance politique ; et l’on comprend qu’un cabinet, plutôt que de renoncer à cette dernière ressource, se soit dissous en face d’une telle responsabilité.
 
Cependant l’état des choses s’était compliqué à ce point, que la continuation du concours semblait nous compromettre désormais autant que l’avaient fait les refus antérieurs, et qu’il y eut peut-être sagesse à livrer au hasard des événemens qu’on s’était rendu gratuitement incapable de maîtriser. Au fond, le ministère du 22 février et celui du 6 septembre restent en dehors de la véritable question espagnole ; c’était avant qu’il fallait la résoudre ; depuis on n’a guère eu qu’à choisir entre des fautes et des impossibilités.