« La Belgique/02 » : différence entre les versions

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==__MATCH__:[[Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/555]]==
 
Jamais la politique européenne n’entreprit une tâche difficile avec moins de confiance et plus de succès qu’en 1830. Entre les grands pouvoirs appelés à fixer le sort du monde, rien de commun ni dans l’origine, ni dans les doctrines, ni dans les personnes : aucun principe de droit public universellement admis ; les uns partant de la souveraineté du peuple et de la volonté nationale ; les autres de la suprême autorité des rois et des traités qui la consacrent, dogmatiquement. A cette diplomatie dont les membres se trouvent face à face en état de suspicion et presque d’hostilité, à ce congrès que le bruit des révolutions menace de dissoudre d’heure en heure, la Providence jette la question la plus inflammable par elle-même, la plus ardue par ses détails, la plus propre à échapper aux négociateurs, par la mobilité de l’une des parties aussi bien que par l’obstination de l’autre.
 
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Heureusement que l’autre nuance de l’union vint fournir à la révolution belge des agens tels qu’il en faut quand on est faible et qu’on a besoin des forts ; hommes d’expérience et de ressourcé, plus habiles que passionnés, plus éclairés que convaincus ; sorte de gens qui ne fondent ni l’avenir des nations ni celui des dynasties, mais qui sont toujours utiles, souvent indispensables aux unes et aux autres ; ces hommes que le barreau et la rédaction des journaux politiques avaient préparés pour la tribune, étaient pour la plupart, par la modération de leur caractère et la nature de leur esprit, accessibles à toutes les idées d’ordre légal, de droit historique et conventionnel ; enfin, l’obscurité dont les évènemens les avaient fait sortir pour élever leur subite fortune les attachait par les plus forts de tous les liens à la cause pour laquelle ils s’étaient compromis autant que personne. Ils étaient à ce double titre les seuls intermédiaires entre l’Europe et la révolution, les seuls qui pussent avoir action sur l’une et sur l’autre. C’est à ces hommes que la Belgique doit son existence politique ; leur nom restera toujours inscrit aux fondemens de l’édifice. Si en Belgique comme en France le parti révolutionnaire provoqua le mouvement, il échappa vite dans les deux pays aux mains de ses premiers moteurs. Chez nous le pouvoir est passé à la bourgeoisie industrielle, en Belgique aux propriétaires qu’on ne saurait mieux désigner que sous le nom de parti catholique et municipal. Une phase intermédiaire a séparé ces deux termes : le parti des hommes politiques a servi de transition ; lui seul a imprimé sa forme à la révolution, et lui a procuré le baptême européen.
 
Je n’ai pas le projet de retracer les négociations compliquées qui précédèrent le traité du 15 novembre 1831, lequel fixa le sort de la Belgique relativement à l’Europe, et la convention du 21 mai 1833, qui détermina sa position actuelle par rapport à la Hollande. Ce serait s’imposer la tâche de refaire le beau livre de M. Nothomb, et un excellent travail sur les protocoles de Londres par un jeune publiciste français<ref>''La (1)Belgique et la révolution de juillet'', par L. de. Bécourt. Paris, 1835.</ref>. Il suffit de rappeler qu’elles se divisent en trois périodes principales : les bases de séparation du 27 janvier 1831, les dix-huit articles du 26 juin ; enfin, les vingt-quatre articles du 14 octobre, convertis en traité définitif le 15 novembre de la même année. A chacune de ces périodes, les négociations reçoivent la couleur que leur impriment les circonstances et l’influence dominante, et l’on voit la conférence de Londres affermissant sa marche, apercevant plus distinctement son but, passer de simples propositions officieuses à la menace de mesures coërcitives, que deux des puissances signataires se chargent enfin d’appliquer. Nous esquisserons rapidement ce que d’autres ont si bien développé.
 
''Les bases de séparation'' consacraient en faveur de la Belgique le principe de l’indépendance ; mais les conditions en étaient fixées d’une manière désastreuse pour elle. Toutes les questions territoriales étaient résolues contre le nouvel état ; on repoussait, sans même les discuter, ses prétentions sur le Luxembourg ; le ''statu quo'' territorial de 1790 était consacré en faveur de la Hollande : elle seule devait bénéficier du droit de ''postliminii'' à l’égard de la rive gauche de l’Escaut et de la Flandre zélandaise, de Maëstricht et des enclaves du Limbourg. Le fardeau de la dette, sans distinction d’origine, devait être supporté par la Belgique dans la proportion de seize trente-unièmes, terme représentatif de la part contributive acquittée par la totalité des provinces méridionales de l’ancien royaume des Pays-Bas, et qu’on maintenait contre le nouvel état si considérablement amoindri. En compensation de cette charge, la Belgique devait être admise sur le même pied que la Hollande au commerce des colonies ; la liberté de l’Escaut et l’usage des eaux intermédiaires entre ce fleuve et le Rhin lui étaient garantis selon les principes du traité de Vienne. Ainsi, les hautes puissances promettaient aux Belges ce qu’elles n’obtenaient pas pour elles-mêmes depuis 1815, et la Belgique recevait à Batavia, sous le bon plaisir de la Hollande, la compensation d’un avantage plus que précaire qu’elle devait acquitter en deniers comptans.
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On comprit à Bruxelles qu’un pas immense serait fait si l’on parvenait à séparer la question luxembourgeoise, en offrant de la vider moyennant des indemnités pécuniaires. On renonça à faire valoir des prétentions insoutenables en droit sur la Flandre des États, territoire appartenant à la Hollande depuis le traité de Munster, et dont cette puissance s’était remise en possession dès 1813, à la chute de l’empire français. Ce pays ne s’était pas même associé à la révolution de septembre ; et la convenance de l’attribuer à la Belgique comme garantie indispensable de sa sûreté, de la liberté de sa navigation sur l’Escaut, et de l’écoulement des eaux des Flandres, ne suffisait pas pour autoriser une spoliation évidente. On se résigna donc à remplacer par des stipulations diplomatiques les garanties territoriales auxquelles la victoire seule eût pu donner droit de prétendre.
 
Enfin, en argumentant de la lettre des ''bases de séparation''<ref>« Art. Ier. Les limites de la Hollande comprennent toutes les terres, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies en l’année 1790.

« Art. (2. La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas, sauf le grand-duché de Luxembourg. » (Annexe au protocole du 27 janvier 1831.) </ref>, on fit habilement revivre, au profit de la Belgique déclarée ''cessionnaire de tout ce qui n’appartenait pas en 1790 à la république des Provinces-Unies'', les vieux droits exercés par l’empereur, le roi de Prusse, l’évêque de Liége et autres princes, sur grand nombre de villes et villages du Limbourg, de la Gueldre et du Brabant septentrional. C’était ainsi que la Belgique se serait trouvée rigoureusement conduite à revendiquer, par exemple, la part de souveraineté exercée, en 1790, dans le marquisat et la ville de Berg-op-Zoom par l’électeur Palatin.
 
Jamais rusé procureur, enterré dans les liasses d’un long procès, n’avait trouvé un meilleur thème de chicanes. La guerre était portée sur le terrain ennemi ; et, le principe admis, des compensations réglées par arbitrage assuraient à la Belgique la presque totalité du Limbourg. Enfin, relativement à la dette, les puissances avaient fini par comprendre que cet état ne pouvait payer d’un prix exorbitant des avantages commerciaux impossibles à maintenir contre la malveillance du gouvernement néerlandais, et qui, d’ailleurs, étaient moins essentiels qu’on ne le supposait généralement à son existence et à sa prospérité commerciales. Il importait donc de faire substituer au principe du partage de la dette intégrale, celui de la division d’après son origine.
 
La Belgique, profitant des avantages que lui donnaient en ce moment une position moins agitée, et l’élection du prince Léopold, obtint alors des conditions que d’autres circonstances devaient bientôt modifier. La plupart des principes posés par ses négociateurs à Londres, MM. Devaux et Nothomb, furent consacrés ; on réserva la question du Luxembourg pour une transaction ultérieure, et le ''statu quo'' dans cette province fut maintenu au profit de la Belgique<ref>Voyez (3)les ''dix-huit articles'', art. 2.</ref>. On reconnut formellement les droits du nouveau royaume à la part de souveraineté exercée par l’évêque de Liège dans Maëstricht. C’était lui assurer implicitement la possession de cette place au moyen de l’échange des enclaves respectives. On garantit aux Belges la liberté de la navigation sur l’Escaut et les eaux intermédiaires ainsi que l’usage des canaux de Gand à Terneuse et du Zuid-Willems-Waart, construits pendant l’existence du royaume des Pays-Bas ; enfin, il fut établi que le partage de la dette aurait lieu de manière à faire retomber sur chacun des deux pays la totalité de celle qui lui appartenait avant la réunion.
 
La signature des dix-huit articles intervertit soudain tous les rôles. La Hollande, qui avait accepté les bases de séparation, rejeta cet acte ; la Belgique, qui avait repoussé les protocoles de janvier, adhéra à ceux de juin ; et la conférence se trouva placée entre deux projets également formulés par elle et contraires dans plusieurs de leurs dispositions, projets dont chaque partie avait également droit d’arguer contre son adversaire. C’était pour les représentans des cinq puissances une de ces situations fausses auxquelles il n’est pas donné d’échapper lorsqu’on subit l’influence des circonstances sans être en mesure de les dominer.
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La première condition prescrite à ce pays après sa révolution, c’était d’inspirer confiance à l’Europe. L’acte important qui suivit, après dix-huit mois de négociations infructueuses avec la Hollande, la ratification donnée par le gouvernement belge au traité du 15 novembre, établit combien cette confiance lui serait profitable.
 
Le roi Guillaume n’avait pas plus fléchi devant les instances de ses hauts alliés que devant le canon d’Anvers. Cependant l’espoir de voir éclater la guerre européenne s’éloignait chaque jour ; il fallait donc se résigner aux faits sans paraître céder sur les principes ; il fallait, pour toutes les éventualités, se réserver ces droits que la Hollande avait appris de l’Espagne à conserver sans espoir. Sous l’impression de ce double besoin fut signée à Londres, entre le ministre néerlandais et les plénipotentiaires de France et d’Angleterre, la convention du 21 mai 1833<ref>Une (4)convention militaire, confirmative des dispositions de celle du 21 mai 1833, en ce qui concerne la libre navigation de la Mense et les communications avec la forteresse de Maëstricht, fut signée, le 18 novembre de la même année, à Zonhoven, entre des commissaires belges et néerlandais. C’est le premier acte directement intervenu entre les deux peuples.</ref>.
 
Les dispositions principales de cet acte consacrent, avec la cessation indéfinie des hostilités, le maintien du ''statu quo'' territorial jusqu’au traité définitif. Une telle disposition donne à la Belgique une situation provisoire beaucoup meilleure que celle qu’elle est destinée à conserver, puisqu’elle occupe tout le Luxembourg, et qu’elle exerce en ce moment dans le Limbourg, à Venloo et à Ruremonde, tous les droits de la souveraineté, tandis que la Hollande ne tient sur le territoire belge que les forts de Liefkenshoeck et de Lillo. Si pour arriver à un tel résultat, la Belgique a joué de bonheur, il est difficile de trouver que la Hollande ait payé d’habileté.
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Napoléon, ce despote européen qui jetait à tous les vents des germes de liberté, proclama le premier, dans la convention de 1804, le droit égal de tous les états riverains à la navigation rhénane, il déclara en même temps la franchise du port de Cologne.
 
Depuis la paix et les arrangemens de 1815, les relations commerciales entre Anvers et cette ville, malgré la lenteur des communications existantes, se sont élevées dans une progression chaque jour plus rapide. Rotterdam et Amsterdam, au contraire, qui expédiaient l’un et l’autre à Cologne en 1823 environ 10,400 tonneaux de marchandises, n’en envoyaient plus en 1827 que 7,500 et 8,400. Les choses en étaient à ce point lors de la dissolution du royaume des Pays-Bas, qu’Anvers, qui n’avait expédié, en 1823, que 1,968 tonneaux, avait élevé successivement son tonnage, en 1830, jusqu’au 1er septembre seulement, à plus de 12,000 tonneaux<ref>Tableaux (5)de l’entrepôt de Cologne.- J.-A. Bocker, Ausstellung, etc.</ref>.
 
On comprend dès-lors la haute importance que devait mettre la Belgique à conserver et à étendre, par la création d’un chemin de fer, des relations contre lesquelles la concurrence hollandaise sera manifestement impuissante. Entravé dans le libre usage de la Meuse inférieure et du canal de Maëstricht, repoussé du Rhin par les droits que la convention de Mayence maintient à la Hollande, ce pays se trouvait obligé d’ouvrir au commerce de transit, dont il est appelé à devenir, l’entrepôt, une voie directe et rapide.
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Le pays de Liége manque de débouchés suffisans pour les produits de ses innombrables usines. Dans la Prusse rhénane, les districts d’Eschweiler et de Düren, si riches en minerais et en houillères, les exploitations de lignite de Kerpen et de Frechen sont également dépourvus de communications faciles avec le Rhin et avec la Meuse. Cette direction était donc indiquée par la nature des choses ; et quelles que puissent être les préoccupations du gouvernement prussien, son administration est trop habite et trop paternelle pour refuser son concours à un projet d’un avantage manifeste pour ces provinces, et dont la pensée y a été avidement accueillie.
 
Rendre aux villes commerçantes du royaume plus que la révolution ne leur a ôté ; unir Anvers à Cologne par un trajet de douze heures<ref>Si (6)les ;plans enleverconçus ainsine àrencontrent lapas Hollanded’obstacles leimprévus, principalet avantageque les chemins de safer, situationsi naturelleincontestablement utiles pour le transport des voyageurs, enpuissent rectifiants’appliquer parau l’arttransport cedes matières premières, ainsi que lale configurationcroit dule nouvelgouvernement belge, le étattrajet offresera de défectueuxseize ;heures enfinau recommanderplus lapour Belgiqueles àgros l’Europewaggons parchargés des plus lourdes marchandises. Pour faire apprécier les l’uneconséquences de cescette entreprisesrapidité d’avenirde àcirculation, laquellenous toutcroyons devoir ajouter ici un peupletableau indicatif des prix du fret et du nombre des jours consacrés à la navigation du s’associeRhin, tellesde furentRotterdam à Cologne. Ou remarquera que ce tableau ne comprend pas les considérationspéages développéeset pardroits ledivers ministèrequi, pourconformément triompherà desla intérêtsconvention locauxde Mayence du 31 mars 1831, hostilessont fixés à unenviron tracé22 quifr. les64 laissaitc. en dehorsremonte deset grandes14 lignesfr. 36 c. en descente, par tonneau de circulation1000 kilog.
 
Par tonneau de 1000 kilog. :
Les députés du Hainaut protestèrent avec énergie au nom de leur province menacée de perdre un marché important. Les uns contestèrent l’utilité du projet (7), en élevant des doutes sur l’adhésion de la Prusse, et en établissant, objection plus plausible, que le premier effet du prolongement du chemin de fer belge sur le territoire allemand, s’il avait lieu, serait l’établissement par la Hollande d’une route rivale le long du Rhin et de la Meuse pour communiquer de Rotterdam à Cologne. D’autres, pour ne pas perdre de vieilles habitudes, menacèrent du courroux populaire (8), déclarant que si le gouvernement fermait l’oreille aux justes plaintes du Hainaut, cette province se lèverait bientôt tout entière pour lui faire entendre le langage de la force. Mais le Hainaut, plus patriote que son représentant ; resta calme, et obtint par amendement des concessions importantes. On dut insérer dans la loi l’engagement de réduire le péage sur les canaux de cette province au taux fixé pour le chemin de fer (9).
 
Par bateau à vapeur à la remonte :
La Belgique recueillera en peu d’années les fruits d’une loi destinée à faire entrer ce pays dans des voies où aucune nation ne s’est encore aussi sérieusement engagée. L’imagination humaine n’ose embrasser la conséquence de ces grands changemens. Il semble qu’on assiste, en ce siècle, à l’un de ces grands cataclysmes où toute une création s’abîme, et que nos enfans soient appelés à voir s’élever un monde nouveau dans d’autres conditions d’existence.
 
en 14 jours par allèges remorquées de 20 à 35 fr
Les terrassemens du chemin de fer, auxquels la configuration du sol belge prête de si grandes facilités, sont à peu près terminés jusqu’à Liège ; la route est déjà en pleine activité de Bruxelles à Anvers. Le voyageur assis à la longue file des waggons remorqués par la machine incandescente, voit apparaître comme dans un magique miroir ces vertes et longues pelouses où la Senne, la Dyle et la Nèthe s’enlacent en innombrables canaux. Après Laëken, dont la jolie coupole brille au-dessus des peupliers et des aunes comme celle d’un temple grec dans un bocage, il voit courir devant lui les jolis jardins de Wilvorde ; puis après quelques minutes, à la haute tour de Saint-Rombaut, ornée de ses quatre cadrans d’or, il reconnaît l’épiscopale Malines. En une heure il est à Anvers, parcourant l’immense cathédrale, et ces bassins, souvenir grandiose des gloires et des erreurs de l’empire.
 
en 8 Jours par le waaren-darapschiffe de 26 à 38 fr
On croit généralement en Europe que le commerce et l’industrie de la Belgique, exclus des colonies hollandaises, ont dû payer de leur prospérité l’indépendance que ce pays s’est acquise. Cette opinion fut aussi la nôtre, jusqu’à ce que des faits nombreux nous eussent montré qu’elle était peu justifiée par l’expérience. Ce résultat de recherches faites sans prévention semble d’autant plus étrange qu’il parait impossible de le concilier avec la perte d’un immense débouché qu’aucun marché nouveau n’a remplacé pour l’industrie belge. Il s’explique cependant par des raisons dignes d’être prises en considération sérieuse.
 
en 5 jours par le passagier-dampschiffe de 33 à 46 fr
Il résulte des états publiés par le ''Journal du Commerce'' d’Anvers (10) et l’on peut citer cette feuille avec pleine confiance lorsqu’il s’agit d’un fait favorable à la révolution de 1830, que le mouvement de ce port a été, en 1834 et en 1835, au moins égal à celui de 1828, la plus belle année du royaume des Pays-Bas, et que les arrivages excèdent ceux de 1827 et des années antérieures. Si du nombre des navires on passe à la masse des marchandises importées, on trouvera des résultats à peu près analogues. « A l’exception du café, on peut dire qu’il n’y a pas de diminution sur un seul article, malgré les circonstances politiques, malgré l’interruption partielle de la navigation, et malgré la suppression du transit vers l’Allemagne, tandis qu’il y a augmentation sur les trois articles les plus importans, le coton, le tabac, le sucre, lesquels servent de matière première aux filatures, aux fabriques de tabac et aux raffineries. Quant au café, la consommation ne peut en avoir diminué ; le pays ne perd donc en définitive que le bénéfice qu’aurait procuré le transit. »
 
Par bateau à vapeur à la descente :
Ces faits sont corroborés par la situation du port d’Ostende, où le chiffre de 70,000 tonneaux, qui n’avait jamais été atteint durant l’union de la Belgique et de la Hollande, est constamment dépassé depuis trois ans. Ostende a même compensé, et au-delà, par une augmentation de 20,000 tonneaux, les pertes éprouvées par Anvers pendant les deux premières années de la révolution. Que ne laisse pas espérer une telle situation, quand le transit sur l’Allemagne sera en pleine activité, et que le régime d’entrepôt aura été établi par la législature sur des bases plus larges ?
 
en 11 jours de 9 à 21 fr
L’état de l’industrie en Belgique ne dément pas la prospérité du commerce maritime. Si de nombreuses pétitions sont adressées aux deux chambres, si des journaux accueillent toutes les plaintes et les exagèrent, c’est que beaucoup d’intérêts privés et de spéculations financières sont liés à la fortune du roi Guillaume et exercent une haute influence dans la presse ; c’est que, d’ailleurs, la lutte entre la liberté commerciale et la protection tarifaire s’engage aussi très énergiquement chez nos voisins. Elle y donne lieu à une polémique d’autant plus vive, à des manœuvres d’autant plus actives, que la législature n’est pas encore liée à un système, et qu’il s’agit de le fonder.
 
en 7 jours de 12 à 34 fr
L’industrie des toiles, la plus importante pour les Flandres, et qui, s’exerçant au foyer domestique, a ses racines dans les vieilles mœurs de ce pays, compte au nombre de ses meilleures années les deux qui viennent de s’écouler. L’importation annuelle de ses produits en France peut être aujourd’hui évaluée à une somme, de 20,000,000 fr., sans compter ce que l’interlope fait pénétrer en fraudant le droit (11). C’est aussi la contrebande qui fait de la fabrication du tabac l’une des plus importantes industries de la Belgique. Nulle part on n’a plus redouté qu’en ce pays l’enquête qui pourrait laisser prévoir une modification au monopole exercé en France sur cette matière. Invité à nous expliquer les motifs d’un aussi vif intérêt : « C’est, nous répondit un représentant, que tant que le régime actuel existera chez vous, nos fabriques de tabac ne sauraient suffire à vous en fournir. »
 
en 4 jours de 15 à 45 fr
Liège, cette ville étrange où la féodalité manufacturière des temps modernes s’associe à la féodalité militaire du moyen-âge, où les gothiques clochers se mêlent aux cols élancés des hauts-fourneaux, où l’industrie s’est logée en souveraine au palais même du prince-évêque (12), exporte de nombreuses machines à vapeur, fournit en abondance des armes à tous les gouvernemens qui se défendent, à tous les prétendans qui les attaquent, et prépare jour et nuit ces rails qui vont paver de fer la Belgique. Les sucres raffinés suffisent à peine aux demandes du marché intérieur, et quelques tentatives d’exportation s’opèrent avec succès (13).
 
Et par bateau à voile :
Les mines, cette industrie source de toutes les autres, ont éprouvé une crise grave, mais momentanée, par suite du développement exagéré donné avant 1830 à la production métallurgique. Aujourd’hui ces embarras paraissent avoir complètement cessé ; chaque jour de nombreuses autorisations pour l’érection de hauts-fourneaux sont sollicitées et obtenues. La production est plus considérable que jamais, et tout s’écoule à ce point que les adjudications de l’état pour les chemins de fer ne sont quelquefois pas remplies.
 
En 13 à 15 jours, excepté en hiver, où la durée du voyage est indéterminée :
La situation prospère des houillères est moins contestable encore (14) ; et l’on peut se reposer sur les besoins croissans de l’industrie en France et le mouvement d’idées qui s’y développe, du soin de créer à ce produit de plus larges débouchés vers nos frontières. Une première et prudente satisfaction a été donnée à cette pensée d’avenir par un ministre éclairé ; mais tout n’est pas fait encore, et la Belgique peut s’en fier à ce qui n’a jamais reculé en France, même devant de grandes calamités, à l’irrésistible entraînement de l’opinion.
 
à la remonte de 19 à 32 fr
Nous portons dans ces recherches un dégagement trop complet de vues systématiques, pour prétendre appliquer à l’industrie cotonnière tout ce qui vient d’être dit de la situation généralement satisfaisante, des manufactures et du commerce de ce pays.
 
à la descente de 8,40 à 17 fr</ref> ; enlever ainsi à la Hollande le principal avantage de sa situation naturelle, en rectifiant par l’art ce que la configuration du nouvel état offre de défectueux ; enfin recommander la Belgique à l’Europe par l’une de ces entreprises d’avenir à laquelle tout un peuple s’associe, telles furent les considérations développées par le ministère pour triompher des intérêts locaux, hostiles à un tracé qui les laissait en dehors des grandes lignes de circulation.
Cette industrie, qui, depuis quinze ans, ne produisait guère que des espèces communes pour alimenter le marché de Java, abandonnant sans résistance le marché intérieur à l’Angleterre, a vu soudain toutes ses habitudes contrariées, toutes ses routines rendues impossibles. Il a fallu sortir enfin de son apathie pour lutter contre la production étrangère, en essayant de faire aussi bien qu’elle. Ce coup devait être sensible : il porta spécialement sur la ville de Gand ; et un très grand nombre de fabricans trouva d’abord plus commode d’attendre la restauration promise chaque matin, que de se soumettre aux conditions de l’indépendance nationale. Mais ces espérances, devenant de jour en jour plus incertaines, durent bientôt céder aux impulsions de l’intérêt personnel et au gros bon sens du comptoir. Si quelques fabriques furent fermées, d’autres ne tardèrent pas à s’ouvrir, et le Brabant bénéficia de la mauvaise humeur de la Flandre. On s’attacha à pourvoir le marché belge, si long-temps négligé ; et placés dans des conditions de travail plus favorables que la plupart des producteurs étrangers, à raison du taux de l’intérêt de l’argent et du bas prix de la main-d’œuvre, les fabricans nationaux rendirent chaque jour la concurrence plus rare et plus difficile.
 
Les députés du Hainaut protestèrent avec énergie au nom de leur province menacée de perdre un marché important. Les uns contestèrent l’utilité du projet<ref>Session de 1834. M. de Puydt.</ref>, en élevant des doutes sur l’adhésion de la Prusse, et en établissant, objection plus plausible, que le premier effet du prolongement du chemin de fer belge sur le territoire allemand, s’il avait lieu, serait l’établissement par la Hollande d’une route rivale le long du Rhin et de la Meuse pour communiquer de Rotterdam à Cologne. D’autres, pour ne pas perdre de vieilles habitudes, menacèrent du courroux populaire<ref>M, Gendebien.</ref>, déclarant que si le gouvernement fermait l’oreille aux justes plaintes du Hainaut, cette province se lèverait bientôt tout entière pour lui faire entendre le langage de la force. Mais le Hainaut, plus patriote que son représentant ; resta calme, et obtint par amendement des concessions importantes. On dut insérer dans la loi l’engagement de réduire le péage sur les canaux de cette province au taux fixé pour le chemin de fer<ref>En ce moment où l’opinion publique se préoccupe vivement, en France, des questions nombreuses qui se rapportent aux chemins de fer, on y lirait avec fruit les recherches publiées à Bruxelles par MM. les ingénieurs Simons et de Ridder, sur la route dont ils ont fixé le tracé, et les travaux économiques dus à M. de Pouhon. Cet écrivain s’est attaché à concilier le système de concessions à compagnie et celui d’exécution aux frais de l’état, adopté, après une longue discussion, par les chambres belges, en proposant un mode intermédiaire qui pourrait s’appliquer utilement chez nous.</ref>.
Il résulte des états produits par l’administration des douanes que l’importation en Belgique du coton en laine, restant à l’intérieur et destiné à y recevoir la main-d’œuvre, est aujourd’hui supérieure à ce qu’elle était sous le royaume des Pays-Bas. Les mêmes documens, corroborés par les états officiels du gouvernement britannique, constatent que l’année dernière l’importation anglaise, en tissus de coton, n’est montée qu’à une valeur de 128,475 liv. sterl., tandis qu’elle était, en 1829, d’une somme de 584,184 liv. sterl. pour les provinces méridionales du royaume. Les tableaux des douanes françaises présentent des résultats non moins remarquables. La concurrence étrangère recule donc devant les produits indigènes, à mesure que l’industrie s’attache à reconquérir un terrain qu’elle avait abandonné sans combat.
 
La Belgique recueillera en peu d’années les fruits d’une loi destinée à faire entrer ce pays dans des voies où aucune nation ne s’est encore aussi sérieusement engagée. L’imagination humaine n’ose embrasser la conséquence de ces grands changemens. Il semble qu’on assiste, en ce siècle, à l’un de ces grands cataclysmes où toute une création s’abîme, et que nos enfans soient appelés à voir s’élever un monde nouveau dans d’autres conditions d’existence.
Ajoutons que, d’après les personnes le plus en mesure de connaître la situation commerciale de la Belgique, et surtout celle de la place d’Anvers, les rapports des fabricans belges avec les colonies de la mer du Sud se rétablissent graduellement sur l’ancien pied, et que presque toutes les maisons néerlandaises opèrent avec cette ville sous pavillon neutre. La Hollande a trop le sens de ses intérêts pour sacrifier à des rancunes politiques des spéculations lucratives. C’est du siége d’une ville hollandaise, de celui de Berg-op-Zoom, je crois, qu’on raconte que les assiégés fabriquaient et vendaient aux assiégeans les boulets destinés à démolir leurs murailles.
 
Les terrassemens du chemin de fer, auxquels la configuration du sol belge prête de si grandes facilités, sont à peu près terminés jusqu’à Liège ; la route est déjà en pleine activité de Bruxelles à Anvers. Le voyageur assis à la longue file des waggons remorqués par la machine incandescente, voit apparaître comme dans un magique miroir ces vertes et longues pelouses où la Senne, la Dyle et la Nèthe s’enlacent en innombrables canaux. Après Laëken, dont la jolie coupole brille au-dessus des peupliers et des aunes comme celle d’un temple grec dans un bocage, il voit courir devant lui les jolis jardins de Wilvorde ; puis après quelques minutes, à la haute tour de Saint-Rombaut, ornée de ses quatre cadrans d’or, il reconnaît l’épiscopale Malines. En une heure il est à Anvers, parcourant l’immense cathédrale, et ces bassins, souvenir grandiose des gloires et des erreurs de l’empire.
La situation de l’industrie en Belgique parait enfin assez rassurante aux bons esprits de ce pays (et le gouvernement vient, sous plusieurs rapports, de s’associer à cette opinion par la présentation d’un tarif modifié), pour faire repousser, comme inutile et désastreux, le système de haute protection tarifaire, que les fabricans belges réclament en ce moment avec une énergie au moins égale à celle déployée par nos manufacturiers, en demandant le maintien de ce qu’ils considèrent comme un droit acquis.
 
On croit généralement en Europe que le commerce et l’industrie de la Belgique, exclus des colonies hollandaises, ont dû payer de leur prospérité l’indépendance que ce pays s’est acquise. Cette opinion fut aussi la nôtre, jusqu’à ce que des faits nombreux nous eussent montré qu’elle était peu justifiée par l’expérience. Ce résultat de recherches faites sans prévention semble d’autant plus étrange qu’il parait impossible de le concilier avec la perte d’un immense débouché qu’aucun marché nouveau n’a remplacé pour l’industrie belge. Il s’explique cependant par des raisons dignes d’être prises en considération sérieuse.
Or, quelque mal fondées que soient trop souvent les exigences de ces derniers, quelque insoutenables que seraient des prétentions qui voudraient se poser comme éternelles, alors qu’elles ne peuvent, par leur nature, être que transitoires, il est certain que nos industriels sont dans une bien meilleure situation pour réclamer le maintien de la législation protectrice, que les fabricans belges pour en demander l’établissement. La prohibition est la loi de l’industrie, en France, depuis Colbert ; la liberté commerciale est aussi vieille que les Pays-Bas espagnols et autrichiens.
 
Il résulte des états publiés par le ''Journal du Commerce'' d’Anvers<ref>Ces états sont reproduits dans un excellent ''Mémoire sur l’industrie cotonnière en Belgique'', par M. E. Perrot, rédacteur de ''l’Union'', et l’un des économistes les plus éclairés de ce pays. Nous lui faisons quelques emprunts, assurés de ne pouvoir puiser à une meilleure source, et de ne trouver jamais pour guide un esprit plus judicieux.</ref> et l’on peut citer cette feuille avec pleine confiance lorsqu’il s’agit d’un fait favorable à la révolution de 1830, que le mouvement de ce port a été, en 1834 et en 1835, au moins égal à celui de 1828, la plus belle année du royaume des Pays-Bas, et que les arrivages excèdent ceux de 1827 et des années antérieures. Si du nombre des navires on passe à la masse des marchandises importées, on trouvera des résultats à peu près analogues. « A l’exception du café, on peut dire qu’il n’y a pas de diminution sur un seul article, malgré les circonstances politiques, malgré l’interruption partielle de la navigation, et malgré la suppression du transit vers l’Allemagne, tandis qu’il y a augmentation sur les trois articles les plus importans, le coton, le tabac, le sucre, lesquels servent de matière première aux filatures, aux fabriques de tabac et aux raffineries. Quant au café, la consommation ne peut en avoir diminué ; le pays ne perd donc en définitive que le bénéfice qu’aurait procuré le transit. »
« Hors la toile de Brabant, dit Louis Guichardin dans sa ''Description des Pays-Bas'', ni le prince ni les villes ne peuvent lever aucune gabelle sur quelque marchandise qui arrive au port ou qui en sorte. » Un régime analogue sagement tempéré par des réglemens qui placent le gouvernement de Marie-Thérèse au-dessus des plus éclairés de son temps, dota la Belgique d’une prospérité inexplicable dans son abaissement politique, et sous le coup du blocus maritime imposé à ses ports par la Hollande (15).
 
Ces faits sont corroborés par la situation du port d’Ostende, où le chiffre de 70,000 tonneaux, qui n’avait jamais été atteint durant l’union de la Belgique et de la Hollande, est constamment dépassé depuis trois ans. Ostende a même compensé, et au-delà, par une augmentation de 20,000 tonneaux, les pertes éprouvées par Anvers pendant les deux premières années de la révolution. Que ne laisse pas espérer une telle situation, quand le transit sur l’Allemagne sera en pleine activité, et que le régime d’entrepôt aura été établi par la législature sur des bases plus larges ?
Où, d’ailleurs, la liberté commerciale est-elle mieux placée qu’en Belgique ? Quel pays a plus d’intérêt à en faire proclamer le principe ? Où Mons placera-t-il ses houilles, qui sont à la Belgique ce que les vins de Bordeaux sont à la France, source immense de richesses s’ils s’écoulent au dehors, source d’inquiétude et de perturbation si l’étranger les repousse ? Sacrifiera-t-elle sa vieille industrie linière, si profondément nationale, et qui donne aujourd’hui une importation de plus de 20,000,000, aux exigences des filatures de coton, dont la vente, en France, n’atteindra jamais la moitié de cette somme ? Otera-t-elle, par un exhaussement de tarif, à l’intéressante population du Luxembourg, l’espérance de voir la France se montrer moins rigoureuse pour l’admission d’un bétail qui fit autrefois sa richesse, et cause aujourd’hui sa profonde misère ?
 
L’état de l’industrie en Belgique ne dément pas la prospérité du commerce maritime. Si de nombreuses pétitions sont adressées aux deux chambres, si des journaux accueillent toutes les plaintes et les exagèrent, c’est que beaucoup d’intérêts privés et de spéculations financières sont liés à la fortune du roi Guillaume et exercent une haute influence dans la presse ; c’est que, d’ailleurs, la lutte entre la liberté commerciale et la protection tarifaire s’engage aussi très énergiquement chez nos voisins. Elle y donne lieu à une polémique d’autant plus vive, à des manœuvres d’autant plus actives, que la législature n’est pas encore liée à un système, et qu’il s’agit de le fonder.
Une telle méconnaissance de ses propres intérêts est impossible, quelque importance politique qu’on puisse mettre à se concilier l’opinion industrielle, quelque prépondérans que soient les intérêts producteurs et fonciers au sein de la législature belge.
 
L’industrie des toiles, la plus importante pour les Flandres, et qui, s’exerçant au foyer domestique, a ses racines dans les vieilles mœurs de ce pays, compte au nombre de ses meilleures années les deux qui viennent de s’écouler. L’importation annuelle de ses produits en France peut être aujourd’hui évaluée à une somme, de 20,000,000 fr., sans compter ce que l’interlope fait pénétrer en fraudant le droit <ref>Les chiffres suivans, empruntés aux états officiels, pourront faire juger des progrès de l’industrie linière, si menaçante pour l’industrie similaire en France, l’une des plus intéressantes des départemens de l’ouest.
C’est sous un autre point de vue qu’il faut envisager les propositions restrictives de la liberté commerciale, plusieurs fois formulées à la chambre des représentans et dans le sénat. Leur but est moins d’agir sur la Belgique que sur la France ; elles sont à la fois une ouverture et une menace. La France tient, en effet, dans ses mains l’avenir commercial de ce pays comme son avenir politique. Si elle ne rendait pas graduellement plus facile l’admission des fers et des houilles du Hainaut, si elle persistait à opposer une éternelle barrière aux produits si multiples de l’industrie de Gand et de Liège, aux draps de Verviers, qui demande courageusement à la liberté commerciale de guérir les plaies temporaires que le système colonial lui a faites, comment se dissimuler qu’il ne resterait à la Belgique qu’une alternative également déplorable pour elle et pour nous, la chute de son industrie, ou son adhésion au système prussien ?
 
Importations en France.
Qu’on n’argue pas, pour contester cette éventualité, de ce qui vient d’être dit sur la situation actuelle de la fabrique belge, qui ne souffre ni de l’excès de ses produits, ni de l’exiguïté de ses débouchés. L’industrie de ce pays est loin d’être arrivée au complet développement qu’elle ne peut manquer d’atteindre. D’ailleurs, la révolution a créé pour un temps à l’intérieur du royaume bien plus de ressources qu’elle n’en a enlevé ; il a fallu équiper et armer cent mille hommes ; d’immenses travaux publics ont été entrepris ; les hauts-fourneaux et les houillères suffisent à peine pour y répondre ; enfin, le marché national est venu offrir à l’une des principales industries un débouché nouveau. Mais la plupart de ces ressources sont temporaires ; elles disparaîtront bientôt avec cette irritation fébrile et cette activité artificielle qu’entretiennent pour un jour les révolutions. Lorsque le calme se sera fait, la Belgique s’effraiera à juste titre de sa prospérité croissante comme de l’indice même de ses embarras futurs. Alors elle tournera les yeux vers nous, elle parlera à l’intérêt des consommateurs, à la prévoyance des hommes politiques ; aux uns, elle offrira les matières premières à bas prix ; aux autres, un concours indispensable à l’action extérieure de la France. Alors, entre le leurre de la neutralité de la Belgique et son accession à l’alliance allemande, il faudra que notre législature prononce. On peut croire que le progrès des idées économiques, garanti par la modération dont elles viennent de faire preuve (16), aura rendu la transition moins difficile. On ne discute déjà plus le principe de l’abaissement graduel des tarifs, et les plus intrépides défenseurs du système de la production nationale confessent que ce bienfait ne saurait être acheté par des charges, plus onéreuses que ses résultats ne sont profitables. Pour les révolutions nécessaires, le seul art de l’homme d’état est de les préparer, en adoucissant les pentes et en empêchant que tout ne se fasse en un jour. Voici huit ans que l’Angleterre a commencé l’œuvre de la réforme, et la France doit faire pour son régime commercial ce que fait la Grande- Bretagne, pour ses institutions politiques.
 
1831. 12,732,946 fr.
La Belgique n’hésiterait jamais, même à des conditions moins favorables, entre notre marché et celui de l’Allemagne, car plusieurs de ses produits les plus importans, rencontreraient dans les qualités similaires, fournies à plus bas prix par la Saxe, une concurrence dangereuse. Mais si, d’un côté, toute espérance était fermée, que de l’autre les avances devinssent d’autant plus vives que la Prusse apercevrait mieux la double portée d’une accession dont le résultat serait de conduire sa ligne de douanes jusque sous les remparts de Lille et de Valenciennes, devrait-on s’étonner que le gouvernement belge finit par oublier des services dont tant de passions s’attachent déjà à éloigner le souvenir ? Jusqu’à ce jour le cabinet de Berlin n’a rien fait pour seconder ce mouvement signalé par trop d’indices (17) ; mais le moment de quitter le deuil de la maison de Nassau est venu, et déjà le ministre prussien à Bruxelles paraît prendre plus au sérieux une position qu’il avait d’abord très cavalièrement dessinée. On ne hasarde rien en prédisant qu’avant peu d’années, l’influence prussienne essaiera de dominer la nôtre à Bruxelles. Cette tentative échouera sans doute ; mais qui peut garantir l’avenir ?
 
1832. 18,679,077
Nous venons d’étudier les conditions d’existence imposées au nouvel état par la diplomatie, et les tentatives à l’aide desquelles il s’efforce d’en neutraliser les inconvéniens et les dangers. Il reste à apprécier la nature et le caractère de ses institutions politiques et administratives.
 
1833. 20,137,372</ref>. C’est aussi la contrebande qui fait de la fabrication du tabac l’une des plus importantes industries de la Belgique. Nulle part on n’a plus redouté qu’en ce pays l’enquête qui pourrait laisser prévoir une modification au monopole exercé en France sur cette matière. Invité à nous expliquer les motifs d’un aussi vif intérêt : « C’est, nous répondit un représentant, que tant que le régime actuel existera chez vous, nos fabriques de tabac ne sauraient suffire à vous en fournir. »
 
Liège, cette ville étrange où la féodalité manufacturière des temps modernes s’associe à la féodalité militaire du moyen-âge, où les gothiques clochers se mêlent aux cols élancés des hauts-fourneaux, où l’industrie s’est logée en souveraine au palais même du prince-évêque<ref>On connaît en France, par les spirituels articles de M. Nisard, dans ''la Revue de Paris'', l’établissement de Seraing, le plus majestueux, si ce n’est le plus considérable de l’Europe.
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</ref>, exporte de nombreuses machines à vapeur, fournit en abondance des armes à tous les gouvernemens qui se défendent, à tous les prétendans qui les attaquent, et prépare jour et nuit ces rails qui vont paver de fer la Belgique. Les sucres raffinés suffisent à peine aux demandes du marché intérieur, et quelques tentatives d’exportation s’opèrent avec succès<ref>La prospérité de cette industrie ressort du chiffre énorme de l’importation du sucre brut, qui présente, de 1833 à 1835, une moyenne supérieure à celle de 1827 à 1829.</ref>.
 
Les mines, cette industrie source de toutes les autres, ont éprouvé une crise grave, mais momentanée, par suite du développement exagéré donné avant 1830 à la production métallurgique. Aujourd’hui ces embarras paraissent avoir complètement cessé ; chaque jour de nombreuses autorisations pour l’érection de hauts-fourneaux sont sollicitées et obtenues. La production est plus considérable que jamais, et tout s’écoule à ce point que les adjudications de l’état pour les chemins de fer ne sont quelquefois pas remplies.
(1) ''La Belgique et la révolution de juillet'', par L. de. Bécourt. Paris, 1835.
 
La situation prospère des houillères est moins contestable encore<ref>« On compte dans le seul district houiller de Charleroi, dit l’organe placé au centre de cette grande industrie, 82 charbonnages, dont 61 en pleine activité. En 1833, ils fournissaient au commerce une quantité de 493,500 tonneaux de marchandises. Ils donnent aujourd’hui un produit annuel de 778,817 tonneaux, d’une valeur de 6,441,016 fr.
(2) « Art. Ier. Les limites de la Hollande comprennent toutes les terres, places, villes et lieux qui appartenaient à la ci-devant république des Provinces-Unies en l’année 1790.
 
« Malgré cette augmentation dans l’extraction, la production du charbon gras, dans les environs de Charleroi, commence à n’être plus en rapport avec la consommation. » (Mémorial de la Sambre, 8 juillet 1835.)
« Art. 2. La Belgique sera formée de tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas, sauf le grand-duché de Luxembourg. » (Annexe au protocole du 27 janvier 1831.)
 
Une activité également croissante se manifeste dans le district de Mons. L’importation des houilles belges en France a plus que doublé depuis treize ans. Les derniers états officiels dont les résultats soient en ce moment sous nos yeux, l’établissent comme suit :
(3) Voyez les ''dix-huit articles'', art. 2.
 
1821. 251,801,525 kilog.
(4) Une convention militaire, confirmative des dispositions de celle du 21 mai 1833, en ce qui concerne la libre navigation de la Mense et les communications avec la forteresse de Maëstricht, fut signée, le 18 novembre de la même année, à Zonhoven, entre des commissaires belges et néerlandais. C’est le premier acte directement intervenu entre les deux peuples.
 
1829. 435,940,,481
(5) Tableaux de l’entrepôt de Cologne.- J.-A. Bocker, Ausstellung, etc.
 
1833. 580,073,693
(6) Si les plans conçus ne rencontrent pas d’obstacles imprévus, et que les chemins de fer, si incontestablement utiles pour le transport des voyageurs, puissent s’appliquer au transport des matières premières, ainsi que le croit le gouvernement belge, le trajet sera de seize heures au plus pour les gros waggons chargés des plus lourdes marchandises. Pour faire apprécier les conséquences de cette rapidité de circulation, nous croyons devoir ajouter ici un tableau indicatif des prix du fret et du nombre des jours consacrés à la navigation du Rhin, de Rotterdam à Cologne. Ou remarquera que ce tableau ne comprend pas les péages et droits divers qui, conformément à la convention de Mayence du 31 mars 1831, sont fixés à environ 22 fr. 64 c. en remonte et 14 fr. 36 c. en descente, par tonneau de 1ooo kilog.
 
Aucun document ne nous met en mesure d’apprécier encore l’effet des ordonnances du mois d’octobre dernier, dont la conversion en loi a été votée par la chambre élective sur le rapport de sa commission des douanes. La situation créée, aux houilles de Belgique, comparativement aux houilles anglaises, quoique le système des zônes froisse, sous certains rapports, les intérêts de ce pays, ne permet pas de douter que l’importation en France n’ait augmenté dans une notable proportion.</ref> ; et l’on peut se reposer sur les besoins croissans de l’industrie en France et le mouvement d’idées qui s’y développe, du soin de créer à ce produit de plus larges débouchés vers nos frontières. Une première et prudente satisfaction a été donnée à cette pensée d’avenir par un ministre éclairé ; mais tout n’est pas fait encore, et la Belgique peut s’en fier à ce qui n’a jamais reculé en France, même devant de grandes calamités, à l’irrésistible entraînement de l’opinion.
Par tonneau de 1000 kilog. :
 
Nous portons dans ces recherches un dégagement trop complet de vues systématiques, pour prétendre appliquer à l’industrie cotonnière tout ce qui vient d’être dit de la situation généralement satisfaisante, des manufactures et du commerce de ce pays.
Par bateau à vapeur à la remonte :
 
Cette industrie, qui, depuis quinze ans, ne produisait guère que des espèces communes pour alimenter le marché de Java, abandonnant sans résistance le marché intérieur à l’Angleterre, a vu soudain toutes ses habitudes contrariées, toutes ses routines rendues impossibles. Il a fallu sortir enfin de son apathie pour lutter contre la production étrangère, en essayant de faire aussi bien qu’elle. Ce coup devait être sensible : il porta spécialement sur la ville de Gand ; et un très grand nombre de fabricans trouva d’abord plus commode d’attendre la restauration promise chaque matin, que de se soumettre aux conditions de l’indépendance nationale. Mais ces espérances, devenant de jour en jour plus incertaines, durent bientôt céder aux impulsions de l’intérêt personnel et au gros bon sens du comptoir. Si quelques fabriques furent fermées, d’autres ne tardèrent pas à s’ouvrir, et le Brabant bénéficia de la mauvaise humeur de la Flandre. On s’attacha à pourvoir le marché belge, si long-temps négligé ; et placés dans des conditions de travail plus favorables que la plupart des producteurs étrangers, à raison du taux de l’intérêt de l’argent et du bas prix de la main-d’œuvre, les fabricans nationaux rendirent chaque jour la concurrence plus rare et plus difficile.
en 14 jours par allèges remorquées de 20 à 35 fr
 
Il résulte des états produits par l’administration des douanes que l’importation en Belgique du coton en laine, restant à l’intérieur et destiné à y recevoir la main-d’œuvre, est aujourd’hui supérieure à ce qu’elle était sous le royaume des Pays-Bas. Les mêmes documens, corroborés par les états officiels du gouvernement britannique, constatent que l’année dernière l’importation anglaise, en tissus de coton, n’est montée qu’à une valeur de 128,475 liv. sterl., tandis qu’elle était, en 1829, d’une somme de 584,184 liv. sterl. pour les provinces méridionales du royaume. Les tableaux des douanes françaises présentent des résultats non moins remarquables. La concurrence étrangère recule donc devant les produits indigènes, à mesure que l’industrie s’attache à reconquérir un terrain qu’elle avait abandonné sans combat.
en 8 Jours par le waaren-darapschiffe de 26 à 38 fr
 
Ajoutons que, d’après les personnes le plus en mesure de connaître la situation commerciale de la Belgique, et surtout celle de la place d’Anvers, les rapports des fabricans belges avec les colonies de la mer du Sud se rétablissent graduellement sur l’ancien pied, et que presque toutes les maisons néerlandaises opèrent avec cette ville sous pavillon neutre. La Hollande a trop le sens de ses intérêts pour sacrifier à des rancunes politiques des spéculations lucratives. C’est du siége d’une ville hollandaise, de celui de Berg-op-Zoom, je crois, qu’on raconte que les assiégés fabriquaient et vendaient aux assiégeans les boulets destinés à démolir leurs murailles.
en 5 jours par le passagier-dampschiffe de 33 à 46 fr
 
La situation de l’industrie en Belgique parait enfin assez rassurante aux bons esprits de ce pays (et le gouvernement vient, sous plusieurs rapports, de s’associer à cette opinion par la présentation d’un tarif modifié), pour faire repousser, comme inutile et désastreux, le système de haute protection tarifaire, que les fabricans belges réclament en ce moment avec une énergie au moins égale à celle déployée par nos manufacturiers, en demandant le maintien de ce qu’ils considèrent comme un droit acquis.
Par bateau à vapeur à la descente :
 
Or, quelque mal fondées que soient trop souvent les exigences de ces derniers, quelque insoutenables que seraient des prétentions qui voudraient se poser comme éternelles, alors qu’elles ne peuvent, par leur nature, être que transitoires, il est certain que nos industriels sont dans une bien meilleure situation pour réclamer le maintien de la législation protectrice, que les fabricans belges pour en demander l’établissement. La prohibition est la loi de l’industrie, en France, depuis Colbert ; la liberté commerciale est aussi vieille que les Pays-Bas espagnols et autrichiens.
en 11 jours de 9 à 21 fr
 
« Hors la toile de Brabant, dit Louis Guichardin dans sa ''Description des Pays-Bas'', ni le prince ni les villes ne peuvent lever aucune gabelle sur quelque marchandise qui arrive au port ou qui en sorte. » Un régime analogue sagement tempéré par des réglemens qui placent le gouvernement de Marie-Thérèse au-dessus des plus éclairés de son temps, dota la Belgique d’une prospérité inexplicable dans son abaissement politique, et sous le coup du blocus maritime imposé à ses ports par la Hollande<ref>M. E. Perret a publié, d’après les documens dépouillés par lui aux archives du royaume, les renseignemens les plus curieux et les plus circonstanciés sur l’administration autrichienne dans les Bays-Bas.</ref>.
en 7 jours de 12 à 34 fr
 
Où, d’ailleurs, la liberté commerciale est-elle mieux placée qu’en Belgique ? Quel pays a plus d’intérêt à en faire proclamer le principe ? Où Mons placera-t-il ses houilles, qui sont à la Belgique ce que les vins de Bordeaux sont à la France, source immense de richesses s’ils s’écoulent au dehors, source d’inquiétude et de perturbation si l’étranger les repousse ? Sacrifiera-t-elle sa vieille industrie linière, si profondément nationale, et qui donne aujourd’hui une importation de plus de 20,000,000, aux exigences des filatures de coton, dont la vente, en France, n’atteindra jamais la moitié de cette somme ? Otera-t-elle, par un exhaussement de tarif, à l’intéressante population du Luxembourg, l’espérance de voir la France se montrer moins rigoureuse pour l’admission d’un bétail qui fit autrefois sa richesse, et cause aujourd’hui sa profonde misère ?
en 4 jours de 15 à 45 fr
 
Une telle méconnaissance de ses propres intérêts est impossible, quelque importance politique qu’on puisse mettre à se concilier l’opinion industrielle, quelque prépondérans que soient les intérêts producteurs et fonciers au sein de la législature belge.
Et par bateau à voile :
 
C’est sous un autre point de vue qu’il faut envisager les propositions restrictives de la liberté commerciale, plusieurs fois formulées à la chambre des représentans et dans le sénat. Leur but est moins d’agir sur la Belgique que sur la France ; elles sont à la fois une ouverture et une menace. La France tient, en effet, dans ses mains l’avenir commercial de ce pays comme son avenir politique. Si elle ne rendait pas graduellement plus facile l’admission des fers et des houilles du Hainaut, si elle persistait à opposer une éternelle barrière aux produits si multiples de l’industrie de Gand et de Liège, aux draps de Verviers, qui demande courageusement à la liberté commerciale de guérir les plaies temporaires que le système colonial lui a faites, comment se dissimuler qu’il ne resterait à la Belgique qu’une alternative également déplorable pour elle et pour nous, la chute de son industrie, ou son adhésion au système prussien ?
En 13 à 15 jours, excepté en hiver, où la durée du voyage est indéterminée :
 
Qu’on n’argue pas, pour contester cette éventualité, de ce qui vient d’être dit sur la situation actuelle de la fabrique belge, qui ne souffre ni de l’excès de ses produits, ni de l’exiguïté de ses débouchés. L’industrie de ce pays est loin d’être arrivée au complet développement qu’elle ne peut manquer d’atteindre. D’ailleurs, la révolution a créé pour un temps à l’intérieur du royaume bien plus de ressources qu’elle n’en a enlevé ; il a fallu équiper et armer cent mille hommes ; d’immenses travaux publics ont été entrepris ; les hauts-fourneaux et les houillères suffisent à peine pour y répondre ; enfin, le marché national est venu offrir à l’une des principales industries un débouché nouveau. Mais la plupart de ces ressources sont temporaires ; elles disparaîtront bientôt avec cette irritation fébrile et cette activité artificielle qu’entretiennent pour un jour les révolutions. Lorsque le calme se sera fait, la Belgique s’effraiera à juste titre de sa prospérité croissante comme de l’indice même de ses embarras futurs. Alors elle tournera les yeux vers nous, elle parlera à l’intérêt des consommateurs, à la prévoyance des hommes politiques ; aux uns, elle offrira les matières premières à bas prix ; aux autres, un concours indispensable à l’action extérieure de la France. Alors, entre le leurre de la neutralité de la Belgique et son accession à l’alliance allemande, il faudra que notre législature prononce. On peut croire que le progrès des idées économiques, garanti par la modération dont elles viennent de faire preuve<ref>Discussion de la loi des douanes. Avril 1836.</ref>, aura rendu la transition moins difficile. On ne discute déjà plus le principe de l’abaissement graduel des tarifs, et les plus intrépides défenseurs du système de la production nationale confessent que ce bienfait ne saurait être acheté par des charges, plus onéreuses que ses résultats ne sont profitables. Pour les révolutions nécessaires, le seul art de l’homme d’état est de les préparer, en adoucissant les pentes et en empêchant que tout ne se fasse en un jour. Voici huit ans que l’Angleterre a commencé l’œuvre de la réforme, et la France doit faire pour son régime commercial ce que fait la Grande- Bretagne, pour ses institutions politiques.
à la remonte de 19 à 32 fr
 
La Belgique n’hésiterait jamais, même à des conditions moins favorables, entre notre marché et celui de l’Allemagne, car plusieurs de ses produits les plus importans, rencontreraient dans les qualités similaires, fournies à plus bas prix par la Saxe, une concurrence dangereuse. Mais si, d’un côté, toute espérance était fermée, que de l’autre les avances devinssent d’autant plus vives que la Prusse apercevrait mieux la double portée d’une accession dont le résultat serait de conduire sa ligne de douanes jusque sous les remparts de Lille et de Valenciennes, devrait-on s’étonner que le gouvernement belge finit par oublier des services dont tant de passions s’attachent déjà à éloigner le souvenir ? Jusqu’à ce jour le cabinet de Berlin n’a rien fait pour seconder ce mouvement signalé par trop d’indices<ref>Plus de cinquante pétitions collectives des fabricans belges, demandant l’accession au système prussien, ont été présentées aux chambres pendant le cours de cette session même, et renvoyées aux ministres compétens.</ref> ; mais le moment de quitter le deuil de la maison de Nassau est venu, et déjà le ministre prussien à Bruxelles paraît prendre plus au sérieux une position qu’il avait d’abord très cavalièrement dessinée. On ne hasarde rien en prédisant qu’avant peu d’années, l’influence prussienne essaiera de dominer la nôtre à Bruxelles. Cette tentative échouera sans doute ; mais qui peut garantir l’avenir ?
à la descente de 8,40 à 17 fr
 
Nous venons d’étudier les conditions d’existence imposées au nouvel état par la diplomatie, et les tentatives à l’aide desquelles il s’efforce d’en neutraliser les inconvéniens et les dangers. Il reste à apprécier la nature et le caractère de ses institutions politiques et administratives.
(7) Session de 1834. M. de Puydt.
 
(8) M, Gendebien.
 
(9) En ce moment où l’opinion publique se préoccupe vivement, en France, des questions nombreuses qui se rapportent aux chemins de fer, on y lirait avec fruit les recherches publiées à Bruxelles par MM. les ingénieurs Simons et de Ridder, sur la route dont ils ont fixé le tracé, et les travaux économiques dus à M. de Pouhon. Cet écrivain s’est attaché à concilier le système de concessions à compagnie et celui d’exécution aux frais de l’état, adopté, après une longue discussion, par les chambres belges, en proposant un mode intermédiaire qui pourrait s’appliquer utilement chez nous.
 
(10) Ces états sont reproduits dans un excellent ''Mémoire sur l’industrie cotonnière en Belgique'', par M. E. Perrot, rédacteur de ''l’Union'', et l’un des économistes les plus éclairés de ce pays. Nous lui faisons quelques emprunts, assurés de ne pouvoir puiser à une meilleure source, et de ne trouver jamais pour guide un esprit plus judicieux.
 
(11) Les chiffres suivans, empruntés aux états officiels, pourront faire juger des progrès de l’industrie linière, si menaçante pour l’industrie similaire en France, l’une des plus intéressantes des départemens de l’ouest.
 
Importations en France.
 
1831. 12,732,946 fr.
 
1832. 18,679,077
 
1833. 20,137,372
 
(12) On connaît en France, par les spirituels articles de M. Nisard, dans ''la Revue de Paris'', l’établissement de Seraing, le plus majestueux, si ce n’est le plus considérable de l’Europe.
 
(13) La prospérité de cette industrie ressort du chiffre énorme de l’importation du sucre brut, qui présente, de 1833 à 1835, une moyenne supérieure à celle de 1827 à 1829.
 
(14) « On compte dans le seul district houiller de Charleroi, dit l’organe placé au centre de cette grande industrie, 82 charbonnages, dont 61 en pleine activité. En 1833, ils fournissaient au commerce une quantité de 493,500 tonneaux de marchandises. Ils donnent aujourd’hui un produit annuel de 778,817 tonneaux, d’une valeur de 6,441,016 fr.
 
« Malgré cette augmentation dans l’extraction, la production du charbon gras, dans les environs de Charleroi, commence à n’être plus en rapport avec la consommation. » (Mémorial de la Sambre, 8 juillet 1835.)
 
Une activité également croissante se manifeste dans le district de Mons. L’importation des houilles belges en France a plus que doublé depuis treize ans. Les derniers états officiels dont les résultats soient en ce moment sous nos yeux, l’établissent comme suit :
 
1821. 251,801,525 kilog.
 
1829. 435,940,,481
 
1833. 580,073,693
 
Aucun document ne nous met en mesure d’apprécier encore l’effet des ordonnances du mois d’octobre dernier, dont la conversion en loi a été votée par la chambre élective sur le rapport de sa commission des douanes. La situation créée, aux houilles de Belgique, comparativement aux houilles anglaises, quoique le système des zônes froisse, sous certains rapports, les intérêts de ce pays, ne permet pas de douter que l’importation en France n’ait augmenté dans une notable proportion.
 
(15) M. E. Perret a publié, d’après les documens dépouillés par lui aux archives du royaume, les renseignemens les plus curieux et les plus circonstanciés sur l’administration autrichienne dans les Bays-Bas.
 
(16) Discussion de la loi des douanes. Avril 1836.
 
(17) Plus de cinquante pétitions collectives des fabricans belges, demandant l’accession au système prussien, ont été présentées aux chambres pendant le cours de cette session même, et renvoyées aux ministres compétens.