« Lettres sur les hommes d’État de France/07 » : différence entre les versions

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M. de Broglie n’apprit pas plus de M. de Narbonne à se faire souple et facile, qu’il n’avait appris du maréchal de Broglie à commander des soldats. L’exemple de Napoléon dans les champs de Wagram n’avait pas fait de M. de Broglie un officier ; l’exemple de Napoléon dans les négociations de Dresde et de Prague ne fit pas de lui un diplomate. M. de Broglie garda ses idées natives, cette sorte de rudesse et de raideur, qui est la seule chose qu’il tienne de cette grande race militaire d’où il est descendu, cette pensée inflexible qui est la seule épée qu’il ait jamais tenue en ses mains, mais dont il se sert d’une manière impitoyable. Il revint en France en 1813, sans avoir rien appris du monde et des hommes mais les diverses missions qu’il avait remplies parmi tant de nations différentes, mais aussi sans avoir rien perdu de sa droiture et de sa probité, qui sont ce qu’il y a de plus inébranlable en lui, après ses opinions et ses systèmes.
 
M. de Broglie monta rapidement au rang qui lui était destiné. En 1814, il devint pair de France, l’un des plus jeunes membres de cette assemblée. Il n’avait pas encore atteint l’âge pour prendre part aux délibérations, et il fut, pendant cette année, auditeur à la chambre des pairs, comme il avait été, sous l’empire, auditeur au conseil d’état. La vie politique de M. le duc de Broglie ne commençcommença
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a donc qu’en 1815, à la mort du maréchal Ney. Dans cette mémorable nuit du 5 décembre, où le malheureux Ney fut condamné, M. de Broglie prit plusieurs fois la parole en sa faveur, et revendiqua le droit de voter, qu’on lui contestait. Seize pairs votèrent pour la déportation, ce furent les comtes de Lally-Tollendal, Curial, de Richebourg, de Malleville, Delaroche, Lanjuinais, Klein, Hervin, de Gouvion, Colaud, Chollet, Chasseloup, Berthollet, le duc de Montmorency et le duc de Broglie.
 
Dès-lors la place de M. duc de Broglie fut distinctement marquée dans la chambre des pairs ; et cette place, il ne la quitta pas durant toute la restauration. L’homme d’état qui avait voté contre la peine de mort en matière politique, vota contre l’ordonnance du 24 juillet, en demandant ''une amnistie plus complète'', avec cette fine causticité qui a fait la fortune politique de M. de Broglie dans l’opposition, et qui a causé sa ruine chaque fois qu’il s’est trouvé au pouvoir. Puis, il parla tour à tour, et d’année en année, en faveur de la liberté individuelle, contre la saisie préalable des écrits, contre la violation du secret des lettres, contre les lois de censure, contre la détention préventive, contre tout ce que la restauration se crut obligée de faire pour résister à une menaçante opposition, toutes choses qui se firent depuis, parce que la même nécessité amena les mêmes moyens de défense, toutes choses que M. de Broglie fut obligé d’approuver de son silence et souvent de sa signature, quand il se trouva dans le conseil.