« Chronique de la quinzaine - 30 novembre 1833 » : différence entre les versions

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M. d’Argout veillait seul au milieu de ce ministère engourdi, et le résultat des élections départementales lui paraissait si satisfaisant, qu’il ne parlait que d’en finir avec le tiers-parti, le carlisme et la république, en un mot, d’écraser d’un seul coup toutes les oppositions. A voir et à entendre. M. d’Argout, on eût dit qu’il allait se revêtir du heaume et de l’armure du fameux baron des Adrets, l’un de ses ancêtres, et faucher comme lui tous les hérétiques. L’élan belliqueux de M. d’Argout n’a pas tardé à se communiquer aux autres membres du conseil, et c’est aux acclamations unanimes de nos hardis ministres que le plan de campagne de la session prochaine a été arrêté dans une de leurs dernières séances, qui ressemblait moins à un conseil d’état qu’à un conseil de guerre.
 
Dans cette séance M. Barthe, encore ému de l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire du crieur Delente, fit d’abord remarquer l’affectation qu’a mise le procureur-général Dupin à prendre la parole dans une question sur laquelle on pouvait laisser s’escrimer un substitut, et fit valoir, en dépit du mauvais succès, l’opportunité du pourvoi de M. Persil contre l’arrêt de la Cour royale, pourvoi qui avait déjà été arrêté dans une conférence à
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à laquelle assistaient MM. Barthe, d’Argout, Persil et Gisquet. M. Persil peut donc se consoler ; il a eu contre lui les deux premières cours du royaume, mais il emporte l’approbation de M. Barthe : ''victa Catoni''. Le Caton de la chancellerie termina son discours en démontrant la nécessité de combattre ouvertement M. Dupin, avant qu’il fit lui-même les premières hostilités. M. Thiers, l’homme aux expédiens, approuva fort cet avis. Il rappela quelle avait été la conduite de Casimir Périer qui, dès les premiers jours de son ministère, avait nettement tranché les positions, et mis une chambre indécise dans l’alternative absolue de repousser M. Laffitte de la présidence ou de le voir porter sa démission au roi. Pour suivre autant que possible les erremens de Périer, M. Thiers proposa de porter M. Persil à la vice-présidence de la chambre, à la place de M. Bérenger. M. Persil, l’homme des partis extrêmes, condamné tout récemment dans ses actes et dans ses principes par deux arrêts, remplaçant M. Bérenger, esprit conciliant, mais attaché, par-dessus tout, à la liberté de la presse et du jury, M. Persil accolé à M. Dupin, qui vient de réfuter ses doctrines dans deux circonstances importantes, c’était là faire un coup de maître, un acte décisif, qui engagerait irrévocablement, dès les premiers jours de la session, une chambre déjà garottée par tant d’antécédens. Cette motion, ornée et appuyée de toute la faconde qui distingue M. Thiers, fut fort applaudie, et adoptée sans restriction. L’appui donné par le ministère, à la candidature de M. Salvandy était déjà un fait assez significatif ; mais, par cette nouvelle mesure, on se montre à découvert, et personne ne pourra ignorer les voies dans lesquelles on est décidé à marcher désormais. C’est la liberté de la presse et le jury qu’on se dispose à attaquer dans M. Dupin et dans M. Bérenger, deux hommes paisibles et prudens, qui cherchaient à éviter le combat, et qui espéraient vainement se soustraire, par leur modération, aux périls de la guerre ; mais la rage du pouvoir est devenue si forte qu’elle se prend à tout, et ne veut plus souffrir d’adversaires, de quelque nuance et de quelque couleur qu’ils soient.