« Chronique de la quinzaine - 30 novembre 1833 » : différence entre les versions

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{{journal|[[Revue des Deux Mondes]], tome 4, 1833 |[[Auteur:François Buloz|F. BULOZ.]]|Chronique de la quinzaine.- 30 novembre 1833.}}
 
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Les intrigues ministérielles, assoupies depuis quelques jours, sont au moment de se réveiller avec plus de force. Il n’est plus question de la démission du maréchal Soult, il est vrai ; M. Humann a consenti à fermer les yeux sur les crédits nouveaux qu’il demande, et travaille de tout son cœur à faire, pour 1835, une seconde édition du budget ''normal'' de 1834, revu et augmenté de quelques articles. M. Thiers, de retour de sa tournée en Normandie, où il a fait, de son côté, avec une incroyable légèreté, des promesses qu’il lui sera impossible d’effectuer, et que son secrétaire-général, M. David, démentait à l’heure même, ne s’occupe que d’acteurs, d’actrices, de comédies et de tableaux. M. Guizot et M. de Broglie vivent paisiblement dans leur cercle d’intimes, et s’adonnent avec activité à une seule mais importante affaire, celle de marier leurs jeunes amis doctrinaires qui n’ont pas encore su trouver des dots assez considérables pour remplir l’un des statuts donnés à cette congrégation par sa fondatrice, Mme de Staël, qui prêchait si ardemment ''l’amour dans le mariage''. On peut en rire, mais ce sont là les graves occupations qui absorbaient deux de nos ministres il y a peu de jours. Comme nous ne faisons pas les nouvelles, il ne tient pas à nous de les rendre plus importantes.
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En attendant qu’on en finisse de la révolution de juillet, son berceau va être démoli et mis aux enchères. On lisait, il y a huit jours, sur les murs de Paris et dans les annonces des journaux « L’ADJUDICATION DEFINITIVE de l’hôtel de M. Jacques Laffitte, sis à Paris, rue Laffitte, n° 19, aura lieu sur une seule publication, en la chambre des Notaires de Paris, place et bâtiment du Châtelet, le mardi 14 janvier 1834, heure de midi, par le ministère de Me Aumont, en douze lots, qui pourront être réunis. » Quelques jours après, un procès devant le tribunal de première instance entre la banque de France et la liste civile, est venu révéler la cause de cette triste opération.
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La situation de M. Laffitte, autant que nous pouvons l’établir, n’est cependant pas aussi fâcheuse qu’on le pense ou qu’on le voudrait. Il devait treize millions à la banque. Sur cette dette, cinq millions six cent mille francs, échus en 1831 et 1832, sont payés ainsi que ''neuf cent quarante mille francs pour intérêts''. La vente de l’hôtel de M. Laffitte et des biens discutés couvrira les trois millions qu’il devra au 31 décembre, et pour faire face au dernier paiement de trois millions, il lui restera les six millions de valeurs mobilières dont la banque offrait de se charger, avant que la liste civile s’opposât à ses bonnes dispositions. Il y a donc lieu de croire que M. Laffitte ne tardera à être libéré envers la liste civile, et qu’il ne restera de tous les efforts qu’on a faits pour le perdre, que les décombres de son hôtel, exposés à tous les yeux comme une moralité parlante.
 
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Il paraît que les rois élus n’aiment pas à se rappeler l’origine de leur grandeur. Le roi de Suède, blessé au vif par un vaudeville joué sur le théâtre du Palais-Royal, et intitulé ''le Camarade de lit'', où il était question de ses campagnes républicaines, a demandé le rappel de notre ambassadeur, M. de Saint-Simon, l’un des plus braves officiers de notre armée, qui avait servi sous le prince de Ponte-Corvo. Aujourd’hui le roi de Suède supprime les journaux qui le choquent, et refuse d’exécuter les décrets d’organisation des états provinciaux de son royaume. Il fut un temps où le général Bernadotte, alors en Allemagne, tirait son sabre au moment de se mettre à table, et coupait sans pitié la nappe où se trouvaient des images de rois. Ce démagogue forcené est devenu un excellent roi, un véritable monarque de la Sainte-Alliance. On voit qu’il ne faut pas désespérer, et qu’un républicain est quelquefois bon à quelque chose.
 
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Un vieux soldat de la république, l’un de nos plus illustres généraux, nous est mort dans cette quinzaine. Le maréchal Jourdan, celui dont on disait : « C’est la probité même en chausses et en pourpoint, » a terminé sa glorieuse vie. A l’âge de seize ans, il combattait pour la liberté en Amérique, et depuis il fut de toutes les guerres. En 1792, il contribuait à la défense du pays, sous Dumouriez ; en 1793, il commandait à la journée de Honsdscoote ; en 1794, il battait les Autrichiens à Fleurus, il reprenait Landrecies, le Quesnoy, Valenciennes ; il enlevait Charleroi, Namur, Maestricht, plantait le drapeau tricolore en Allemagne, et nous dotait de nos belles provinces du Rhin. Au 18 brumaire, il fut exclu du corps législatif ; et au milieu des honneurs qu’on ne put refuser à sa vaillance et à son mérite, Napoléon n’osa l’affubler d’une distinction aristocratique. Jourdan et Serrurier sont les seuls maréchaux qui ne portèrent pas le titre de duc ; et la Restauration ne lui donna le cordon bleu que pour satisfaire au cérémonial, qui voulait que les quatre plus anciens maréchaux prissent place au sacre du roi de France, avec les insignes de ses ordres. Jourdan est mort pauvre ; il n’avait que ses appointemens, et ne laisse rien à sa famille. Une foule de généraux et de pairs se pressait à ses obsèques, où ont été prononcés plusieurs discours, dans lesquels on a parlé de son désintéressement et de son éloignement du pouvoir à un grand nombre de ses anciens compagnons dont on n’en dira pas autant le jour où on les portera en terre. M. Sébastiani a, dit-on, la promesse da bâton de maréchal, gagné avec tant de gloire et si dignement porté par Jourdan. M. Sébastiani aspire aussi à remplacer à la chancellerie de la Légion-d’Honneur le duc de Trévise, qui serait investi du gouvernement des Invalides, vacant par la mort du maréchal Jourdan. Il est inutile de demander quels sont les titres de M. Sébastiani à tant d’honneurs. Les promotions ne sont plus aujourd’hui que des affaires de cour, et M. Sébastiani est l’un des courtisans les plus assidus et les plus déliés du château.
 
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N’oublions pas que M. de Germiny, gendre de M. Humann, vient d’être nommé receveur-général du Finistère en remplacement de M. Dosne, beau-père de M. Thiers, promu à la recette de Nantes, et qu’un fils du maréchal Soult épouse Mlle Paulée, belle-fille du général Jacqueminot, l’une des plus riches héritières de France. A cette occasion, le général Jacqueminot serait nommé au commandement de la place de Paris en remplacement du général Dariule. A défaut de vertus publiques, les vertus de famille ne manquent pas dans notre gouvernement.
 
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On nous annonce que M. Thiers, qui, depuis deux années, c’est-à-dire depuis la fin du ministère de M. Laffitte, semblait avoir complètement oublié son ancien bienfaiteur, s’est présenté enfin chez lui cette semaine. Le jeune ministre n’a pu voir sans émotion cet hôtel couvert d’affiches de vente, où il avait si long-temps trouvé une généreuse et cordiale hospitalité, et il s’est beaucoup plaint, dit-on, d’avoir été taxé d’ingratitude envers son illustre et malheureux propriétaire. « Pour vous prouver combien j’ai gardé le souvenir de vos bienfaits, a-t-il dit enfin à M. Laffitte, je viens vous prier de signer mon contrat de mariage. » Et celui-ci, homme d’esprit avant tout, aurait gaîment pris la plume, et répondu en souriant « C’est le seul service que je puisse vous rendre en ce moment, mon cher Thiers, et je le fais avec plaisir. » Cette signature équivaut pour M. Thiers à un certificat de reconnaissance. Il en usera quelque jour dans l’occasion.
 
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Le ministre des travaux publics continue d’employer, avec beaucoup de sagacité, le crédit de 100,000,000 qui lui a été accordé par les chambres. Une dépense de 120,000 fr. environ vient d’être faite en embellissemens relatifs à la cour de cassation. Il y avait au Palais de Justice un long corridor conduisant à la galerie extérieure, où se trouvent les boutiques et la chambre des requêtes. Un architecte du ministère y a découvert une longue poutre et deux traverses dont l’existence remonte au règne de Saint-Louis. Ne fallait-il pas embellir le corridor, afin de le rendre digne de trésors si précieux ? Il a donc été transformé en galerie ornée de vitraux qui interceptent le peu de jour qui l’éclairait. Seize fausses portes ont été sculptées et dorées dans l’intention, probablement, de dissimuler les quatre portes véritables. Elles ont coûté chacune, assure-t-on, 800 fr. Comme ornement, une demi-douzaine de pommes en cuivre figurent à chaque porte. Que Dieu donne patience aux pauvres cliens, lorsqu’il leur faudra successivement essayer toutes les poignées, dont une seule est mobile ! Autrefois, on voyait tout d’abord, entrant dans le corridor, écrit en gros caractères modernes : Greffe, chambre des requêtes, etc., ce qui était peu convenable, eu égard à l’antiquité de la longue poutre et des deux traverses. Il fallait cependant indiquer les véritables portes au milieu de ces vingt portes jumelles. On a tout concilié en inscrivant l’indication en petits caractères gothiques. Tant pis pour les ignorans qui ne sauraient déchiffrer cette écriture. Tout ceci doit valoir 100,000 fr. Cette somme est sacrifiée à l’agrément du public, représenté par un vieux rentier qui, de temps immémorial, assiste seul aux audiences de la chambre des requêtes. Restaient 20,000 francs que l’on a voulu employer, ce qui était fort embarrassant. Voici comment il a été procédé. Les conseillers avaient des bureaux couverts en drap, l’étoffe a été remplacée par une toile cirée. Dans une salle, un grand poële chauffait médiocrement, on l’a transformé en deux petits poëles qui ne chauffent plus du tout. Le fond de cette même salle était tendu en draperies de laine, on y a substitué un papier peint. On avouera qu’après des améliorations aussi essentielles, il serait mal aux magistrats de cette chambre de se plaindre, lorsqu’ils sont privés d’une partie de leur traitement, pour des raisons d’économie.
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F. BULOZ.
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