« Chronique de la quinzaine - 14 janvier 1833 » : différence entre les versions

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La première quinzaine de 1833 n'auran’aura pas été pour nous féconde en grands évènemens. La politique s'ests’est donné du bon temps. Profitant de la gelée, elle a pris l'airl’air, elle a fait ses visites et porté ses cartes à pied. Et puis elle a dîné souvent en ville ; elle mangé le gâteau des rois en famille et paisiblement.
 
Si l'onl’on s'ests’est d'ailleursd’ailleurs encore sérieusement querellé de par le monde, ce n'an’a pas au moins été chez nous, mais bien loin, mais au-delà des mers.
 
En Amérique, par exemple, aux États-Unis, quoi qu'aitqu’ait pu dire le président Jackson, dans son message au congrès, il paraît constant que les provinces du sud se sont soulevées contre celles dit nord, et qu'ellesqu’elles ont secoué fortement, sinon brisé déjà le lien fédéral.
 
L'AfriqueL’Afrique et l'Asiel’Asie ne se sont pas montrées plus raisonnables. On avait bien dit que la Russie allait intervenir dans cette bataille acharnée que se livrent l'Egyptel’Égypte et la Turquie ; mais il n'enn’en a rien été. On n'an’a pas séparé les combattans. On a souffert que ce duel à mort se continuât.
 
Quant à l'Europel’Europe, c'estc’est elle qui donne maintenant le bon exemple. Son expérience lui a profité. A force d'êtred’être folle, elle est devenue sage. Ainsi tout récemment, bien que ce fut pour elle un grand crève-cœur, elle nous a laissés prendre sous ses yeux la citadelle d'Anversd’Anvers, et tant qu'aqu’a duré le siège, elle nous a regardés magnanimement l'armel’arme au bras, sans broncher. Il est vrai que nous, de notre côté, nous avons été admirables de modération. Nos bombes n'ontn’ont tué de Hollandais que le strict nécessaire. Nos battteries n'ontn’ont fait de brêche aux murs de la forteresse que tout juste ce qu'ilqu’il en fallait pour les jeter bas. Puis, cette pacifique conquête achevée, notre armée s'ests’est hâtée de revenir en France, afin d'yd’y être passée en revue, emmenant d'ailleursd’ailleurs la garnison hollandaise, non point prisonnière de guerre, comme cela se fût autrefois pratiqué, mais prisonnière de paix, ce qui est bien différent, surtout pour cette garnison privilégiée que l'onl’on garde à Saint-Omer.
 
Au-delà des Pyrénées, la réforme politique continue à se conduire avec une louable prudence. Les libéraux y avancent lentement, mais ils avancent ; chaque jour ils gagnent quelques nouveaux pouces de terrain : malgré bien des résistances, M. d'Offaliad’Offalia vient d’être nommé ministre de l'intérieurl’intérieur ; et ce qui est plus important encore, le roi, dont le silence devenait inquiétant, s'ests’est enfin prononcé lui-même. Il a protesté solennellement contre la violence qui avait profité de sa maladie, pour lui arracher le sacrifice des droits de sa fille. Ce dernier acte est décisif. Puisque voici Ferdinand VII qui s'embarques’embarque aussi à bord de la Liberté, c’est pour elle un lest suffisant. Quoi que fassent maintenant les vagues de l’absolutisme, elles n'abîmerontn’abîmeront pas ce glorieux navire qui va bien assurément aller conquérir pour l'Espagnel’Espagne un autre nouveau monde.
 
A Paris, le petit différend qui s'étaits’était élevé entre nos ministres de l'intérieurl’intérieur et du commerce, s'ests’est terminé par un échange d'hôteld’hôtel et de portefeuilles. Ces messieurs ont un beau matin traversé, chacun de leur côté, la rue de Grenelle-Germain, laissant seulement ce qu'ilsqu’ils ne pouvaient emporter. A ce, marché pourtant, tout habile que soit M. Thiers, M. d'Argoutd’Argout n'an’a pas été trop dupé, et il a fort joliment tiré du jeu ses préfectures.
 
La Chambre des Députés si morne et si affaissée depuis le commencement de la session, s'ests’est animée quelque peu à propos de madame la duchesse de Berry. Cela nous a valu des discours plus ou moins longs, plus ou moins spirituels, plus ou moins conséquens : voilà tout. D'ailleursD’ailleurs, la chambre n'an’a nullement paru se soucier qu'onqu’on lui fît parodier la Convention. La chambre n'estn’est ni bonne ni méchante ; elle est bourgeoise et citoyenne. Son état est de voter le budget, et non point de juger et de condamner les princesses. Sans que la question fût nettement décidée, sans autre forme de procès, il a donc à peu près été provisoirement convenu que la mère de Henri V, nous ayant apporté la guerre, demeurerait aussi prisonnière de paix. Permis ensuite à nos ministres, si bon leur semble, de lui dorer sa cage de Blaye autant que possible. Mais qu'ellequ’elle n'espèren’espère pas être traduite devant nos représentans. Qu'elleQu’elle ne compte même point qu'onqu’on la mènera en cour d'assisesd’assises. Une prison avec des fleurs et quelques dévoûmens choisis, une prison confortable, c'estc’est tout ce qu'onqu’on peut faire pour elle. La prison est maintenant le grand moyen politique. En 93, l'hommel’homme nécessaire, la clef de voûte de l'édificel’édifice social, c'étaitc’était le bourreau. Depuis 1830, c'estc’est le goêlier.
 
Un grave accident s'ests’est passé récemment dans la salle de l'Opéral’Opéra. Le vieux bal masqué y étant mort l'annéel’année dernière du choléra, sous son domino noir, M. Véron nous avait donné, pour le remplacer la nuit des rois, un bal nouveau, un bal joyeux et bigarré, un bal qui ne se promenait point ennuyeux et ennuyé, bâillant et endormi, mais qui sautait marotte en main, grelots sur la tête et courait follement comme un Vénitien avec son costume aux mille couleurs. Ce pauvre bal n'avaitn’avait fait de mal à personne. Il ne demandait qu'àqu’à se divertir, et narguant la mélancolie du siècle, il se promettait de la vie et du plaisir pour plus d'und’un carnaval. Malheureusement la police l'avaitl’avait déclaré suspect dès sa naissance. Or, tandis qu'ilqu’il gambadait et prenait ses ébats, on épiait sa conduite en tapinois, et bien qu'ilqu’il dansât au profit des pauvres, messieurs les sergens de ville, le trouvant immoral et indécent, se sont jetés sur lui brutalement et l'ontl’ont tué sans miséricorde, en déclarant qu'ilqu’il avait offensé leur pudeur.
 
La troupe anglaise, qui avait attiré peu de monde à la salle Favart, a trouvé meilleure chance rue Chantereine, et le succès qu'ellequ’elle y obtient ne peut manquer de se consolider de jour en jour, car elle ne l'aural’auraqu'àqu’à son mérite, et nullement au charlatanisme. Mademoiselle Smithson, Archer, Jones et Oxberry n'ontn’ont point, il est vrai, dans les journaux, de compères qui les proclament chaque matin sublimes, comme madame Boccabadati et autres artistes de la même force, au moyen desquels le théâtre Italien mystifie effrontément notre bon public ; mais le talent véritable, quand il sait attendre patiemment finit toujours par se faire apprécier et obtenir sa récompense. Que les acteurs anglais persévèrent donc avec courage ; qu'ilsqu’ils continuent à varier leur spectacle comme ils l'ontl’ont fait jusqu'icijusqu’ici ; qu'ilsqu’ils nous donnent surtout du Shakespeare. Il leur sera tenu compte de leur zèle. En ce qui nous concerne au moins, nous les encouragerons de tous nos efforts. La ''Revue des deux Mondes'' ne saurait trop recommander une entreprise aussi essentielle au progrès de l'artl’art et à l'étudel’étude de la plus riche des littératures étrangères.
 
Le tribunal consulaire a donné gain de cause à M. d'Argoutd’Argout contre ''le Roi s'amuses’amuse''. Mais M. Victor Hugo ne se tient pas pour battu. Il porte sa cause devant la cour royale, il la portera, s'ils’il le faut, en cour de cassation. Honneur à lui. Il prouve vaillamment ainsi qu'ilqu’il a confiance dans son droit, et qu'ilqu’il saura le maintenir jusqu'àjusqu’à épuisement de toute juridiction. S'ilS’il succombe définitivement, il aura donc bien mérité de la propriété littéraire. Il l'aural’aura défendue autant qu'ilqu’il était en lui. Ensuite ce sera au pouvoir législatif d'aviserd’aviser.
 
Mais il est un autre appel plus poétique dont M. Victor Hugo va nous constituer les juges. Une nouvelle pièce, ''Lucrèce Borgia'', qu'ilqu’il vient de faire recevoir à la Porte-Saint-Martin, se monte maintenant à ce théâtre avec un grand luxe, et doit y être représentée avant la fin (lu mois. Ce sera une représentation solennelle, et nous n'enn’en doutons pas une réponse décisive à ceux qui ont persisté jusqu’ici à nier le génie dramatique chez l'auteurl’auteur des ''Orientales''. – « N'yN’y avait-il point de drame dans ''Hernani ? N'yN’y avait-il point de drame dans ''Marion Delorme'' ? N'yN’y avait-il point de drame dans ''Notre-Dame de Paris'' ? (Je ne vous parle pas ''du Roi s'amuses’amuse'' puisqu'onpuisqu’on me l'al’a confisqué), mais n'yn’y a-t-il point, enfin, de drame dans ''Lucrèce Borgia'' ? dira donc M. Victor Hugo, au tribunal souverain du public, le soir de cette représentation.
 
Nous nous tromperions fort si l'arrêtl’arrêt définitif qui sera rendu sur cette plaidoirie, n'étaitn’était point tout au profit du poète lyrique.